Beach Figures (Figures de plage), 1944.

Huile sur toile, 68.5 x 50.8 cm. Avec l’aimable autorisation de la galerie Joan T. Washburn, New York et de la The Pollock-Krasner Foundation, Inc.

 

Je fais continuellement de nouvelles expériences et j’évolue de façon hésitante, ce qui crée une certaine confusion dans mon esprit. (402)

– 18 ans

 

 

Le genie de son geste : impliquer l’art et les autres dans son autodestruction

 

 

En 1955, Picasso expose à Paris, Hamburg et Munich. Exposition de la Cène de Dalí. Une semaine avant sa mort, Einstein signe un manifeste pour le désarmement nucléaire. En 1956, naufrage du paquebot Andrea Doria au large de Nantucket. Exposition De Kooning à la galerie Sidney Janis.

 

En 1955, l’exposition personnelle de Pollock, organisée à la galerie Sidney Janis, ne comprenait aucune œuvre récente. Il s’agissait en réalité d’une petite rétrospective, intitulée « 15 Years of Jackson Pollock ». Search , qui est peut-être la dernière toile majeure qu’il peignit, y était exposé. La manifestation réunissait seize peintures à l’huile. Tandis que la période improductive de Pollock se prolongeait en 1955, il savait que sa mère n’était pas en bonne santé. Après avoir subi quelques attaques au cours de l’année précédente, elle alla s’installer chez Sanford. Mais après les funérailles de Jackson, en 1956, elle retourna vivre en Iowa. Elle mourut environ deux ans plus tard. Selon Charles, lors de ses obsèques, ses trois frères et lui apprirent « qu’elle avait pris une décision, la décision consciente de ne pas continuer de vivre. Après la mort de Jack, elle cessa simplement d’avoir envie de vivre ». (361)

Détachement

Avec le temps, Pollock devenait toujours plus asocial, et Lee et lui ne se voyaient plus proposer beaucoup d’invitations. Mais il continua à fréquenter ‘The Red House’ (Bridgehampton, Long Island), où il savait qu’il pouvait rencontrer d’autres artistes s’adonnant à l’alcool. (86) Cependant, sa cheville cassée l’empêcha de s’y rendre. Les récits biographiques expliquent en long et en large la manière dont cette fracture se produisit alors qu’il était ivre et se bagarrait avec De Kooning, mais il semblerait que ce soit plutôt un accident, et non pas une blessure provoquée par le célèbre ami de Pollock. (153)

En 1955, après s’être brisé la cheville et avoir achevé Search, Pollock demeura improductif sur le plan artistique. Cet état dura jusqu’en 1956. (Pour son film, Harris prit quinze mauvais kilos pour jouer les scènes finales, où l’on voit Pollock dans les derniers mois de sa vie, le corps gonflé.)

Une illustration du New Yorker, réalisée par David Langdon en 1959, montre une rangée de peintures abstraites accrochées au mur d’une galerie. Après une succession de grands formats, les œuvres se font soudain beaucoup plus petites. Regardant la première des petites toiles, un spectateur déclara que « ce devait être à peu près à ce moment » que le peintre « se fit une hernie discale ». (451) D’ordinaire, Krasner travaillait trois heures dans la matinée, tandis que Jackson dormait. En septembre, elle eut une exposition de collages à la galerie Stable. Mais son succès dans le monde de l’art contrastait fortement avec sa vie conjugale avec Jackson.

Piet Mondrian

Seules quelques peintures ont pu être datées de la période entre 1935 et 1943. Cependant, parmi celles-ci, très peu ont une valeur significative, la plus remarquable étant Stenographic Figure. En 1943, le très respecté minimaliste, Piet Mondrian, demanda à son amie Peggy Guggenheim, d’inclure cette œuvre de Pollock dans sa galerie AOTC. De ce fait, la toile figura dans son « Spring Salon for Young Artists ». Mondrian déclara plus tard : « Je pense que c’est l’œuvre la plus intéressante que j’aie vue en Amérique à ce jour. » Il aurait également dit à Guggenheim : « J’ai l’impression que cela pourrait être la peinture la plus excitante qu’il m’ait été donné de voir depuis très très longtemps ici, ou en Europe. »

Le personnage inspiré de Krasner dans le roman d’Updike se rappelle comment Zack suscita le fameux hochement de tête de Mondrian : « Bien qu’il y ait certainement eu quelque manœuvre politique derrière tout cela, il se trouvait qu’un autre artiste de l’exposition avait aidé Mondrian à s’échapper de Paris, et c’était la principale raison de la présence de Mondrian ; il n’allait pas bien et mourut l’année suivante – mais il était vraiment impressionné, moins par l’œuvre de Zack que par la tenacité avec laquelle il s’y accrochait. » (212) Mondrian faisait partie du distingué jury qui sélectionna des œuvres pour le salon, avec Marcel Duchamp, Peggy Guggenheim, Howard Putzel, James Thrall Soby et James Johnson Sweeney. Ce fut Putzel qui soumit et appuya la nomination de Pollock. En 1948, ce fut au tour de Sweeney de soutenir, avec succès, la candidature de Pollock pour une bourse du ‘Eben Dernarest Trust Fund’.

A l’époque, Guggenheim n’aimait manifestement pas les œuvres de Pollock et son attitude ne se modifia pas vraiment pendant les trois années suivantes. Mais Duchamp, Matta, Sweeney et Putzel l’encouragèrent à organiser une exposition personnelle pour Pollock dans sa galerie, et elle le fit en 1943, puis en 1945 et en 1946. Putzel écrivit à Pollock, pour lui prédire que son art serait « la nouvelle sensation de la saison ». Il ajouta ensuite la précision suivante : « vous allez durer », contrairement aux sensations passées. Putzel défendit l’œuvre de Pollock tout au long de sa propre et courte existence.