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Athènes, cité interdite aux femmes1


En Grèce, on le sait, tout commence par des légendes. Ainsi celle de Pandora, la première femme façonnée par les dieux pour punir les hommes. De quoi justifier les attitudes les plus misogynes ! Au-delà du mythe, la vérité sur l’existence des femmes grecques.

 

Entre les Amazones, femmes si peu femmes qu’elles se comportent comme des hommes et font la guerre, et des héroïnes de réputation douteuse comme la belle Phryné, la courtisane la plus riche et la plus célèbre d’Athènes, au IVe siècle av. J.-C., y-a-t-il en Grèce place pour les femmes ?

Les hommes occupent si bien le terrain par le texte et par l’image, ils ont si bien réussi à exclure leurs compagnes de la plupart des champs de la vie politique, sociale ou intellectuelle, qu’on peine à apercevoir, çà et là, ces ombres furtives que sont en apparence les femmes grecques. Et pourtant, comme le remarquait Aristote en fustigeant les cités qui n’adoptent pas de lois les concernant, elles constituent, en Grèce comme ailleurs, la moitié de l’humanité ! Cette autre moitié des Grecs mérite bien qu’on s’y arrête.

En réalité, parler des femmes grecques – en l’occurrence des femmes de citoyens car les autres sont d’abord esclaves ou métèques – revient, le plus souvent, à parler des femmes d’Athènes à l’époque classique. Car, en dehors de quelques anecdotes édifiantes sur les femmes spartiates, de textes juridiques sur celles de Crète et de renseignements épars sur d’autres cités, seules les Athéniennes font l’objet d’une documentation abondante illustrant de nombreux aspects de leur existence et de leur place dans la société.

La femme idéale : une recluse…

Dans tous les cas, cette documentation est biaisée puisque ce que nous entendons, c’est le discours des hommes sur les femmes ! Et, pire encore lorsqu’il s’agit de Sparte : le discours des hommes athéniens sur les femmes spartiates ! On conviendra que ces sources risquent de déformer la réalité et de nous renseigner plus sur l’image que les hommes se font des femmes que sur la vie de celles-ci, leurs aspirations ou leur perception du monde. Il est néanmoins possible de tenter une approche qui tienne compte des multiples postes d’observation d’où nous pouvons contempler la femme grecque dans la cité des hommes : statut social, statut juridique, statut politique, statut mythique enfin.

Un long et violent débat a opposé les historiens sur la place des femmes dans la société grecque. Pour les uns, elles jouissaient à Athènes d’une liberté de ton et d’allure qui tranchait avec leur absence de droits politiques. Et de citer à l’appui de leur thèse les grandes courtisanes des Ve et IVe siècleS av. J.-C., Aspasie ou Diotime, Théodotè ou Néèra, mais aussi ces femmes au travail, comme la mère du poète Euripide ou celle de l’orateur Eschine, sans parler de quelques héroïnes d’Aristophane marchandes de rubans ou de couronnes.

À l’opposé, d’autres insistaient sur le caractère de recluse quasi orientale de la femme grecque, invoquant des textes tout aussi nombreux. Ainsi, l’obligation pour la femme de ne pas se montrer à des étrangers, de ne sortir qu’accompagnée d’une servante, de vivre dans la partie close de la maison, le gynécée, etc.

En réalité, les arguments des uns et des autres, loin d’être contradictoires, ne faisaient que refléter une réalité complexe. De fait, il est peu douteux que la femme grecque idéale – pour les hommes, quel que soit leur propre statut social – était une recluse. Tout le discours masculin le prouve : la femme honnête, c’est celle que l’on ne voit pas, que l’on ne nomme pas, qui sort le moins possible de chez elle, juste pour remplir ses obligations religieuses et familiales. Ce n’est pas un hasard si, dans les plaidoyers, on évite d’identifier les femmes honnêtes. Dans l’œuvre entière de l’orateur Démosthène, au IVe siècle av. J.-C., face à plus de cinq cents hommes, vingt-sept femmes seulement sont désignées par leur nom ; or, sur ce total, quatorze sont des prostituées !

Mais, entre l’idéal et la réalité, le fossé s’élargit d’autant plus que l’on appartient à un milieu défavorisé. En effet, l’épouse du riche Athénien peut se tenir chez elle, tandis qu’esclaves et servantes cultivent la terre, font le marché, assurent le contact avec l’extérieur. Il n’en va pas de même pour les femmes de paysans qui aident aux travaux des champs, pour les femmes d’artisans qui tiennent l’étal pendant que leur mari confectionne outils ou meubles, pour ces veuves obligées de gagner leur vie comme marchandes des quatre saisons ou comme nourrices. Nul doute que ces femmes « honnêtes » préféreraient (ou que leurs maris, frères ou fils préféreraient) une vie plus conforme à l’idéal. Mais les nécessités pratiques obligent souvent ces citoyennes à des tâches jugées dégradantes.

Une mineure sous la tutelle d’un maître

Restent Aspasie, la compagne de Périclès, au Ve siècle av. J.-C., et quelques autres. Or, justement, Aspasie est une étrangère, originaire de Milet, la concubine d’un Athénien et non sa femme légitime. Les anecdotes qui la concernent se déroulent dans un cadre privé : c’est chez elle qu’elle reçoit Socrate et d’autres hommes influents de l’époque. Et l’on présente presque comme une anomalie l’amour voyant que lui porte Périclès. De même, rapporte Xénophon dans les Mémorables (IVe siècle av. J.-C.), une Théodotè, avec laquelle s’entretient Socrate et qui mène grand train, avoue sans honte qu’elle vit des cadeaux de ses amis. Ces hétaïres ne peuvent en rien avoir valeur de modèle pour l’ensemble des femmes de la cité, celles dont on attend une descendance légitime.

Sparte semble avoir moins de réticence à exhiber ses femmes. Les auteurs anciens mentionnent l’obligation pour elles de faire du sport, de défier les garçons à la lance ou au javelot, de se montrer nues en public comme les mâles. D’ailleurs, les autres Grecs étaient choqués par ces « montreuses de cuisse » qui portaient des tuniques fendues haut des deux côtés. Mais cette éducation physique ne visait à rien d’autre qu’à améliorer la fécondité et à faciliter l’accouchement. Y voir un signe de libération serait une grave erreur.

Cette conclusion plutôt pessimiste se trouve largement étayée par ce que nous pouvons connaître du statut juridique des femmes. Certes, il existe des différences sensibles selon les époques et les lieux : la situation de la femme grecque est peut-être plus défavorable dans l’Athènes démocratique des Ve-IVe siècle av. J.-C. qu’elle ne l’a été à l’époque archaïque (VIIIe-VIe siècle av. J.-C.) et qu’elle ne le sera à l’époque hellénistique (IIIe-Ier siècle av. J.-C.) et surtout impériale, ou qu’elle ne se trouve à Sparte et en Crète.

Quoi qu’il en soit, la femme, dans la Grèce ancienne, reste sa vie durant une mineure sous la tutelle d’un maître (kyrios), successivement son père, son mari, ses enfants mâles. Comme l’a montré encore récemment une magnifique étude sur le mariage grec, celui-ci se joue à trois : le père de la mariée, le père du marié et le marié2. La femme n’a évidemment pas son mot à dire dans le choix d’un époux. Si elle devient veuve, son remariage sera décidé de la même manière – si son mari ne l’a pas cédée par testament à l’un de ses amis. Si d’aventure elle se trouve seule descendante de son père et donc en position d’hériter des biens de celui-ci (on la désigne alors à Athènes sous le nom de fille épiclère), la loi l’oblige à épouser le plus proche parent paternel, oncle ou cousin, selon un ordre rigoureux de priorité. Est-elle déjà mariée ? Son union sera rompue au profit de celui que la loi impose. Quant à l’homme qui doit épouser l’épiclère, s’il est déjà marié, il divorcera et cherchera un nouvel époux pour sa femme. Cette absence de personnalité juridique éclate dans toutes les circonstances. Une femme est-elle victime de quelque forfait ? Son tuteur ira demander réparation en justice et elle-même évitera autant que possible de paraître durant le procès.

Sans doute ne faut-il pas pousser à l’extrême les conséquences de ce statut. En effet, les femmes peuvent conclure des transactions, comme on le voit dans le cas des marchandes : la tutelle de leur mari ne peut s’exercer à chaque instant – toutefois leur situation n’est pas différente de celle des esclaves que leurs maîtres établissent comme artisans. Au IVe siècle av. J.-C. à Athènes, on trouve même, selon Démosthène (Contre Spoudias), l’épouse d’un certain Polyeuctos qui prête de l’argent apparemment de son propre chef.

Une citoyenne sans droits

De plus, les femmes restent propriétaires de leur dot : le mari en a la gestion, mais il doit la rendre en cas de divorce. En Crète, elles ont même droit à une part de l’héritage paternel, moitié moindre que celle de leurs frères il est vrai, et qui exclut maisons de ville et bétail. Ni leur mari, ni leurs fils ne peuvent vendre ces biens propres, qu’elles légueront à leur guise.

À Sparte, au IVe siècle av. J.-C., directement ou indirectement, elles contrôlent une partie des biens fonciers : Aristote, dans la Politique, y voit l’une des causes de la concentration foncière. Qu’on ne s’y trompe pas : les femmes ne sont alors que des prête-noms, des instruments entre les mains des hommes de leur famille qui, en les mariant habilement, ont réussi à placer entre leurs mains des fortunes colossales.

Dans la sphère politique, les femmes ne jouissent d’aucun droit non plus. L’idée même de femmes débattant des affaires communes relève du comique burlesque : en montrant les Athéniennes réunies en assemblée, Aristophane, dans ses pièces (Lysistrata, Les Thesmophories, L’Assemblée des femmes), à la toute fin du Ve siècle av. J.-C., ne fait pas seulement rire par les propos dérisoires et parodiques qu’il leur prête, mais déjà par le simple fait qu’elles tiennent assemblée comme des hommes.

Dans la plupart des cités, la légitimité des enfants et, en conséquence, leur capacité à devenir citoyens, repose sur le fait que leur père est citoyen marié légitimement à une femme libre. La mère enfante, mais c’est le père qui crée le citoyen. Encore dit-on qu’à Sparte la légitimité de la naissance n’est pas utile et qu’un homme peut demander à un autre de faire des enfants à sa femme s’il estime en avoir une descendance mieux constituée3.

Bien sûr, il ne s’agit nullement de liberté sexuelle. Outre qu’on ignore quelle était la fréquence d’un tel cas de figure, il faut noter que c’est le mari qui décide des relations sexuelles de sa femme. Et l’objectif n’est pas de lui procurer du plaisir mais seulement d’assurer une belle progéniture. Plutarque établit même une comparaison avec les juments et les chiennes dont les propriétaires choisissent avec soin le mâle chargé de les saillir !

À Athènes, il n’est pas impossible que, à l’époque archaïque, la citoyenneté de la mère ait suffi. Ainsi, dans Ion, Euripide montre le héros éponyme découvrir peu à peu qui sont ses parents. Il retrouve son père ou plutôt celui qu’il croit être son père, Xouthos, un étranger qui règne sur Athènes grâce à son mariage avec Créüse, fille du roi Érechthée, et, bien qu’il sache désormais que le trône d’Athènes lui reviendra, il s’effraie : « Si je ne trouve pas celle qui m’enfanta, la vie m’est impossible ; et s’il m’était permis de faire un vœu, puisse-t-elle être athénienne cette femme, afin que je tienne de ma mère le droit de librement parler4» On sent bien que l’ascendance d’une Athénienne constitue un pis-aller, mais qui vaut mieux toutefois que d’être complètement étranger à la cité.

« Le peuple des femmes d’Athènes »

Tout change lorsqu’en 451 av. J.-C. Périclès fait adopter une loi prévoyant que désormais nul ne pourra être citoyen athénien s’il n’est le fils légitime d’un citoyen et d’une citoyenne. Qu’on ne se méprenne pas sur ce dernier mot : celle qui est ainsi qualifiée ne possède aucun droit politique ; politis ne désigne que la fille légitime d’un citoyen, et par là même une femme susceptible de donner le jour à des citoyens.

Cette loi restrictive a une conséquence immédiate d’une immense portée symbolique et pratique : alors qu’ailleurs les femmes mettent au monde des enfants, à Athènes elles enfantent des citoyens. Les hommes ont fait en sorte que les Athéniennes transmettent un statut dont elles-mêmes ne jouissent pas ! C’était leur donner une puissance potentielle redoutable en même temps que limiter de façon radicale le nombre de femmes épousables.

En tout cas, la loi de 451 av. J.-C. ne se traduisit par aucun changement du statut politique des femmes. Elles restèrent exclues et Aristophane put faire rire aux éclats les hommes assemblés au théâtre en montrant « le peuple des femmes d’Athènes » débattre de sujets dérisoires censés représenter leur quotidien. En témoignent les imprécations lancées en début de séance par la présidente :

« Toute servante qui, prise pour rabatteuse par sa patronne, vend la mèche à son maître ; qui, chargée d’une mission, fait un rapport mensonger ; tout galant qui fait d’une femme la dupe de ses mensonges et ne lui donne jamais ce qu’il lui promet des cadeaux ; toute amante qui en accepte, trahissant son ami de cœur ; tout tenancier ou tenancière de taverne qui filoute le client sur le contenu légal du litron ou de la pinte – périssent de malemort tous ces gens-là, eux et leur maisonnée5 ! » Boire, faire l’amour, tromper leur mari, voilà les préoccupations des femmes, selon Aristophane !

On a cependant pu imaginer que les femmes avaient joué un rôle politique dans la Grèce ancienne, ou trouver des survivances d’un antique matriarcat dans quelques anecdotes d’interprétation difficile. Ainsi, au VIe siècle av. J.-C., à Locres, en Italie du Sud, les femmes, privées depuis longtemps de leur mari, se seraient unies à leurs esclaves pour en avoir des enfants. Dans un contexte différent, celui de la tyrannie, les femmes de Cumes (Italie), à la fin du VIe siècle av. J.-C., et d’Héraclée du Pont, au milieu du IVe siècle av. J.-C., auraient de même transmis la citoyenneté à des enfants nés d’unions serviles ou barbares après l’exil ou la mort des hommes.

Mais ces situations exceptionnelles ne témoignent guère en faveur d’un matriarcat primitif. Il faut y voir des comportements de temps de crise, où l’on agit à l’inverse de la normale. Pour les Grecs, c’est chez les Barbares seulement que des femmes peuvent exercer le pouvoir, comme les reines de légende Sémiramis à Babylone, ou la très réelle Artémise d’Halicarnasse, reine de Carie en Asie Mineure, conseillère écoutée de Xerxès, roi des Perses, en 481-480 av. J.-C.

Pour en revenir à Athènes, il n’en reste pas moins que le rôle officiel et capital que la loi accorde aux femmes contredit le statut juridique, politique et même social auquel elles sont confinées. En d’autres termes, comment les hommes grecs ont-ils pu surmonter la contradiction et justifier une telle situation, à leurs yeux et – pourquoi ne pas l’imaginer – à ceux des femmes ? Pour expliquer l’exclusion des femmes, il fallait le recours au mythe, ou, plus exactement, à l’histoire des origines où les dieux et les hommes se mêlent.

Pandora : d’où sort l’engeance maudite des femmes

Le mythe fondateur de « la race des femmes » – ainsi séparée du genre humain –, tel qu’il est raconté par Hésiode fin du VIIIe siècle av. J.-C., veut qu’elles n’aient été créées par les dieux que pour punir les hommes, coupables d’avoir reçu de Prométhée le feu volé aux dieux. Zeus, « en place du feu, créa un mal destiné aux humains ». Suit la description du modelage de Pandora et de sa parure par Athéna. « Et quand, en place d’un bien, Zeus eut créé ce mal si beau, il l’amena là où étaient les dieux et les hommes. C’est de celle-là qu’est sortie l’engeance maudite des femmes, terrible fléau installé au milieu des mortels6. »

Sur un tel terreau, extrêmement populaire puisque le récit d’Hésiode se retrouve partout, pouvaient fleurir les histoires les plus défavorables à l’égard des femmes. Histoires parfois contradictoires, mais qui visent toutes le même objectif : légitimer l’infériorité de leur statut. Ainsi, certains rappelèrent que, lorsque Athènes dut désigner un dieu tutélaire et choisir entre Poséidon et Athéna, les femmes votèrent en masse pour la seconde et l’emportèrent d’une voix. Humiliés de se voir imposer une femme comme patronne, les Athéniens ôtèrent le droit de vote aux femmes !

Le récit de la naissance des Athéniens est lui-même révélateur de l’image de la femme dans la cité grecque. Les Athéniens se prétendaient autochtones, nés du sol même de l’Attique, à la différence de la plupart des autres Grecs, immigrés7. Or on possède plusieurs versions de cette légende des origines dont l’une, plus particulièrement, peut retenir notre attention. Héphaïstos fut, un jour, pris d’un désir ardent pour Athéna. Peu soucieuse de répondre à ses avances, la déesse s’enfuit mais ne put empêcher que le sperme du dieu ne se répande sur sa jambe. Elle se nettoya avec un brin de laine qu’elle jeta négligemment sur le sol. Du sperme du dieu enfoui dans le sol naquit le premier Athénien, le petit Érichthonios, mi-homme, mi-serpent.

Notons-le : le seul sperme du dieu suffit à la conception, la Terre qui l’a accueilli n’a qu’un rôle de couveuse. Lorsque le temps de gestation fut achevé, Athéna s’occupa néanmoins de l’enfant : de nombreuses illustrations la montrent le tirant du sol. Mais elle n’est pas sa mère, tout au plus son éducatrice. Est-ce un hasard si Athènes s’est donné comme protectrice une déesse vierge, elle-même sortie tout armée du crâne de son père, Zeus, qui avait avalé sa mère, Métis ? Descendants d’un homme sans mère, protégés par une déesse privée de mère et qui ne fut elle-même jamais mère, les Athéniens avaient quelques bonnes raisons de minimiser le rôle des femmes.

Ainsi Périclès qui, dans la célèbre oraison funèbre qu’il prononça en 431 av. J.-C. à la mémoire des morts de la première année de la guerre du Péloponnèse, loue la cité et les pères qui ont engendré de tels héros, mais n’a pas un mot de consolation ou de remerciement pour les mères.

Ainsi Démosthène qui, dans l’oraison funèbre pour les morts de la bataille de Chéronée perdue contre Philippe de Macédoine en 338 av. J.-C., proclame bien haut que tous les héros tués au combat avaient chacun un père et une seule mère, la patrie – dont le nom ne signifie rien d’autre que la terre des pères !

Et que dire de la manière dont sont désignés les citoyens : depuis les réformes de Clisthène au VIe siècle av. J.-C., tout citoyen se nomme en donnant son nom, le nom de son père et celui de son dème (circonscription administrative de base). De mère, il n’est jamais question. Comment mieux dire que la femme d’Athènes est une exclue ? Mais une exclue indispensable dont on ne peut se passer ni pour avoir des fils, ni pour avoir des citoyens. Il fallait donc trouver un moyen de justifier son rôle en marge, sa place dans l’ombre des hommes, voire dans l’obscurité du gynécée. Quand la dérision n’y suffit pas, le mythe y pourvoit.

Pour en savoir plus

Georges Duby et Michèle Perrot (dir.), Histoire des femmes, t. I, Le Monde antique, Paris, Plon, 1991.

Pierre Brulé, La Fille d’Athènes, Paris, Les Belles Lettres, 1987.

Nicole Loraux, Les Enfants d’Athéna, Paris, La Découverte, 1981 ; rééd. Le Seuil, coll. « Points-Essais », 1990.

Claude Mossé, La Femme dans la Grèce antique, Bruxelles, Complexe, 1991 (réédition).

Anne-Marie Vérilhac et Claude Vial, Le Mariage grec, Paris, De Boccard, 1999.

Lesley A. Dean-Jones, Women’s Bodies in Classical Greek Science, Oxford, Clarendon Press, 1994.

Pierre Brulé, « Les Grecs étaient-ils misogynes ? », L’Histoire, no 231.

Paul Faure, « Les Amazones ont-elles vraiment existé ? » L’Histoire, no 139.

 

Post-scriptum. Sur un sujet qui ne cesse de susciter nombre de publications, on peut renvoyer à quelques ouvrages plus récents :

Pierre Brulé, Les Femmes grecques à l’époque classique, Paris, Hachette, 2001.

Sophie Lalanne, Une éducation grecque. Rites de passage et construction des genres dans le roman grec ancien, Paris, La Découverte, 2006, consacre des chapitres importants aux rites féminins mais aussi aux images qu’en ont les hommes.

Nicole Loraux (dir.), La Grèce au féminin, Paris, Les Belles Lettres, 2003, qui brosse des portraits de femmes emblématiques, dont l’un au moins appartient à une période plus récente que l’âge classique, trop souvent privilégié, celui d’Archippè de Kymè, en Asie Mineure, avec un riche dossier de textes.

Riet van Bremen, The Limits of Participation. Women and Civic Life in the Greek East in the Hellenistic and Roman Periods, Amsterdam, Gieben, 1996, donne une étude assez complète de la place des femmes dans la vie civique aux époques post-classiques, situation bien différente de l’exclusion dont elles sont victimes à l’âge classique.


1. L’Histoire, no 245, juillet-août 2000, p. 8-13, dans un dossier « Les femmes : 5 000 ans pour l’égalité ».

2. Cf. A.-M. Vérilhac et Cl. Vial, Le Mariage grec, Paris, De Boccard, 1999.

3. Anecdote qui pourrait paraître suspecte si elle était rapportée par le seul Plutarque, Vie de Lycurgue, XV, 14-15, mais qui se trouve déjà chez Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, I, 7-8, bon connaisseur de Sparte et plutôt favorable à cette cité.

4. En réalité, Ion est le fils d’Apollon et de Créüse qui abandonna son fils à la naissance avant de se marier avec Xouthos.

5. Aristophane, Les Thesmophories, v. 335-350.

6. Hésiode, La Théogonie, v. 569-592. Il existe un récit identique mais plus détaillé dans Hésiode, Les Travaux et les Jours, v. 42-106.

7. Cf. N. Loraux, Né de la terre. Mythe et politique à Athènes, Paris, Le Seuil, 1996.