Introduction

INTRODUCTION

On peut regrouper les points d’acupuncture de diverses façons, en fonction de leurs actions énergétiques communes. Par exemple, on peut dire que tous les points d’Accumulation (Xi) ont une action sur le Qi des méridiens et peuvent donc traiter les pathologies aiguës et douloureuses. De même, tous les points Shu du dos peuvent traiter les pathologies chroniques, alors que les points Source (Yuan) tonifient directement les organes Yin. C’est pourquoi on peut attribuer une certaine fonction à un point en faisant référence à la fonction de la catégorie de points à laquelle il appartient. Par exemple, il est possible de dire que P-6 Kongzui traite la toux aiguë parce que c’est un point d’Accumulation et que cette catégorie de points traite la toux aiguë.

L’inconvénient de toute classification des points est que l’on rencontre toujours de nombreuses exceptions, car tous les points classés dans une certaine catégorie n’ont pas forcément les mêmes fonctions. Ceci vient de ce que la plupart des théories, en médecine chinoise, et plus précisément encore les théories sur les fonctions des points, associent la méthode inductive et la méthode déductive. Par exemple, si d’expérience on sait qu’un point comme F-2 Xingjian disperse le Feu du Foie, on peut, à la suite d’autres constatations, formuler une théorie qui dit que tous les points Feu dispersent la Chaleur. Ainsi, on peut dire que F-2 disperse le Feu du Foie, non pas parce qu’il est un point Feu, mais qu’il est un point Feu parce que, comme l’a prouvé l’expérience tout au long des siècles, il disperse le Feu du Foie. L’expérience pratique qui a permis de découvrir que F-2 disperse le Feu du Foie a donc précédé la généralisation selon laquelle les points Feu dispersent le Feu.

Il en résulte que tous les points possèdent un certain nombre de fonctions énergétiques, découvertes au cours de siècles d’expérience clinique, qui peuvent ou non rentrer dans la « catégorie » dans laquelle on les a placés.

Après l’action énergétique des diverses catégories de points que nous avons présentée dans le chapitre 50, il nous faut évoquer l’action énergétique propre à chaque point. Par « action » d’un point, j’entends la définition des effets de ce point en termes d’actions générales (par exemple, « faire circuler le Qi », « chasser le Vent », « nourrir le Sang », etc.). Quant aux « indications » d’un point, ce sont les symptômes pour lesquels il est efficace (par exemple, la toux, les nausées, la fatigue, etc.).

Le cadre P7S2.1 résume ces deux aspects.

Il n’y a pas de contradiction entre les « actions » et les « indications » d’un point car les actions ne sont rien d’autre que le récapitulatif et la généralisation des effets de ce point. Ces actions découlent nécessairement de l’analyse des indications du point. Par exemple, si un point est indiqué pour la toux et l’essoufflement, on peut en déduire que l’action de ce point est de « rétablir la descente du Qi du Poumon ».

Bien que la description systématique des actions des points soit apparue relativement récemment dans l’histoire de la médecine chinoise, on trouve les éléments de ces actions dans les textes médicaux chinois depuis les tout débuts. Par exemple, lorsque le « Classique des difficultés » dit que tous les points Jaillissement (Ying) servent à traiter les « sensations de chaleur du corps », il ne fait qu’énoncer « l’action » générale des points Jaillissement : « éliminer la Chaleur ».

Lorsqu’on envisage les actions des points, il ne faut toutefois pas être trop rigide ou trop réducteur dans leur interprétation. Autrement dit, les actions de ces points sont des récapitulatifs et des généralisations utiles sur les effets d’un point et ne doivent pas devenir une façon de réduire les effets d’un point à une catégorisation étroite. Par exemple, une des actions les plus importante et les plus fréquemment citée de E-40 Fenglong est de « dissoudre les Glaires » ; bien que cette action soit importante, il ne faut pas en oublier pour autant la grande variété d’autres actions que possède ce point.

Il y a une autre raison importante qui fait qu’il ne faut pas réduire la nature d’un point à ses « actions ». Il y a cinq façons principales de considérer un point :

Indications

On peut utiliser n’importe quel point tout simplement en fonction de ses indications classiques. En général, on ne choisit jamais un point en fonction de ses seules indications, tout d’abord parce que pour des indications courantes, il peut y avoir des dizaines de points qui ont cette indication précise et ensuite parce que choisir un point en fonction de ses seules indications peut conduire à agir sur le mauvais méridien. Par exemple, si on traite une personne qui souffre d’une toux chronique due à des Glaires dans le Poumon, le choix de P-5 Chize semble évident car il est situé sur le méridien du Poumon, il dissout les Glaires, la toux est une de ses indications et il rétablit la descente du Qi du Poumon. Si l’on s’en était tenu aux indications des points, sans prendre en compte le méridien et les tableaux pathologiques impliqués, on aurait pu choisir à tort MC-1 Tianchi, simplement parce que la toux figure parmi ses indications.

Bien que, personnellement, je ne sélectionne jamais un point en fonction de ses seules indications, il est important de bien les garder à l’esprit lorsqu’on choisit un point. Par exemple, lorsqu’on détermine une association de points, on peut avoir à choisir entre deux ou trois points qui ont une action similaire ; dans ce cas-là, avoir en tête les indications de ces points peut nous aider à sélectionner le point le plus approprié en fonction à la fois de ses actions et de ses indications. Par exemple, imaginons qu’un patient présente un discours mal articulé à la suite d’une attaque de Vent et souffre également de dépression. On décide de traiter le méridien du Cœur car il va à la langue et agit sur l’état mental de la personne. Pratiquement tous les points du méridien du Cœur ont ces deux effets. Néanmoins, si on regarde les indications des points du méridien du Cœur, on voit que C-5 Tongli est le meilleur choix car on trouve, parmi ses indications « langue raide, perte de la voix et incapacité à articuler ».

Il y a une autre raison qui fait que la connaissance des indications des points est importante. Supposons que l’on veuille utiliser un point du méridien du Poumon chez une personne qui souffre de toux chronique. On va alors choisir un point dont l’action est de « rétablir la descente du Qi du Poumon » et dont les indications comprennent la toux. Pratiquement tous les points du méridien du Poumon sont indiqués pour la toux (par exemple, P-5 Chize, P-7 Lieque, etc.). Mais ces deux points ont aussi un grand pouvoir pour rétablir la descente du Qi du Poumon. Si toutefois la personne présente d’autres symptômes (comme c’est souvent le cas) et que nous trouvons ces symptômes dans la liste des indications d’un point précis du méridien du Poumon, c’est une bonne raison pour sélectionner ce point (si toutefois il rétablit bien la descente du Qi du Poumon et que la toux figure aussi parmi ses indications). Par exemple, si la personne souffre aussi de céphalées, P-7 Lieque sera le point à privilégier car il agit sur la tête et traite les céphalées, fonctions que P-5 Chize ne possède pas.

Action énergétique d’un point dans le système des méridiens

Enfin, on peut choisir un point dans un contexte d’association de points qui prend en compte la montée-descente et l’entrée-sortie du Qi dans le système des méridiens, de façon à harmoniser le haut et le bas, l’avant et l’arrière, le Yin et le Yang. C’est pour cela qu’il ne faut pas réduire l’effet d’un point à sa seule « action ». Par exemple, il serait faux de réduire l’effet de E-40 Fenglong à sa seule capacité à « dissoudre les Glaires ». Il faut aussi intégrer E-40 Fenglong dans le contexte d’une association de points qui prend en compte la dynamique du système des méridiens. Dans le cas de Glaires dans la poitrine, on peut piquer E-40 d’un côté et P-7 du côté opposé pour harmoniser la gauche et la droite, le haut et le bas, le Yin et le Yang ; le résultat obtenu sera plus productif. Lorsque les points sont équilibrés ainsi, l’association de points elle-même fait circuler le Qi de façon puissante sans qu’il y ait besoin de manipuler très vigoureusement les aiguilles.

Une très forte manipulation des aiguilles (pour drainer les facteurs pathogènes) rentre dans le cadre du traitement d’un point pris isolément ; lorsqu’on prend en compte tout le système de méridiens, on peut déterminer des associations équilibrées en fonction des paramètres cités plus haut. Pour reprendre d’exemple ci-dessus des Glaires dans la poitrine, si on réduit l’effet de E-40 à sa seule capacité à « dissoudre les Glaires », il faut le piquer et le disperser très vigoureusement pour arriver à éliminer le facteur pathogène (c’est-à-dire les Glaires). Si, par contre, on choisit une association de points qui équilibre la gauche et la droite, le haut et le bas, le Yin et le Yang, on exploite le dynamisme du système des méridiens pour éliminer le facteur pathogène. On peut donner, comme exemple de ce genre d’association, P-7 Lieque à gauche E-40 Fenglong à droite, GI-4 Hegu à droite, Rn-7 Fuliu à gauche, RM-12 Zhongwan et RM-9 Shuifen (Fig. P7S2.2).

Je ne présenterai pas tous les points mais je me limiterai à ceux qui sont le plus fréquemment utilisés. Mes sources d’information sont nombreuses, certaines très anciennes, d’autres plus modernes. Les principales sont les suivantes :

« L’axe spirituel » (Ling Shu, environ 100 AEC)1

« Questions simples » (Su Wen, environ 100 AEC)2

« Classique des difficultés » (Nan Jing, environ 100 AEC)3

« Compendium d’acupuncture » (Zhen Jiu Da Cheng, 1601)4

« Clinical Application of Frequently Used Acupuncture Points » (Chang Yong Shu Xue Lin Chuang Fa, 1985)5

« Selection of Acupuncture Point Combinations from the Discussion on Cold-induced Diseases » (Shang Han Lun Zhen Jiu Pei Xue Xuan Zhu, 1984)6

« Clinical Records of Tai Yi Shen Acupuncture” (Tai Yi Shen Zhen Jiu Ling Zheng Lu, 1984)7

« Great Treatise of Chinese Acupuncture » (Zhong Guo Zhen Jiu Da Quan, 1988)8

Liu Han Yin 1988 Practical Treatise of Acupuncture (Shi Yong Zhen Jiu Da Quan, 1988)9

Jiao Shun Fa 1987 An Inquiry into Chinese Acupuncture (Zhong Guo Zhen Jiu Qiu Zhen)10

Zhang Cheng Xing 1984 A Compilation of Explanations of the Meaning of the Acupuncture Points Names (Jing Xue Shi Yi Hui Jie)11

Yu Zhong Quan 1988 A Practical Study of the Differentiation of Acupuncture Points (Jing Xue Bian Zheng Yun Yong Xue)12

Liu Guan Jun 1990 Acupuncture Theory and Clinical Patterns (Zhen Jiu Ming Li Yu Lin Zheng)13

Yue Han Zhen 1990 Explication des points d’acupuncture (Jing Xue Jie)14

Des notes prises au Premier cours international de perfectionnement en acupuncture, dispensé par le Collège de médecine traditionnelle chinoise de Nanjing, 1981

Des notes prises lors de séminaires animés par le Dr J.H.F. Shen, 1978, 1979, et 1981

Des communications personnelles du Dr Su Xin Ming, du Collège de médecine traditionnelle chinoise de Nanjing

Des communications personnelles du Dr Chen Jing Hua, de l’Hôpital de l’amitié de Beijing

Des communications personnelles du Dr J.H.F. Shen

Deadman P – Al Khafaji M 1998 « Manuel d’acupuncture15».

1. 1981 L’axe spirituel (Ling Shu Jing image), People’s Health Publishing House, première publication environ 100 AEC.

2. 1979 Classique de médecine interne de l’Empereur Jaune - Questions simples (Huang Di Nei Su Wen image) People’s Health Publishing House, Première publication environ 100 AEC.

3. Collège de médecine traditionnelle chinoise de Nanjing 1979 Une nouvelle explication revue et corrigée du Classique des difficultés (Nan Jing Jiao Shi image). People’s Health Publishing House, Beijing, première publication aux environs de 100.

4. Yang Ji Zhou 1980 Grand compendium d’acupuncture (Zhen Jiu Da Cheng image), People’s Health Publishing House, Beijing. Première publication en 1601.

5. Li Shi Zhen 1985 Clinical Application of Frequently Used Acupuncture Points (Chang Yong Shu Xue Lin Chuang Fa Hui image), People’s Health Publishing House, Beijing.

6. Shan Yu Dang 1984 Selection of Acupuncture Point Combinations from the Discussion on Cold-induced Diseases (Shang Han Lun Zhen Jiu Pei Xue Xuan Zhu image) People’s Health Publishing House, Beijing.

7. Ji Jie Yin 1984 Clinical Records of Tai Yi Shen Acupuncture (Tai Yi Shen Zhen Jiu Ling Zheng Lu image) Shanxi Province Scientific Publishing House, Shanxi.

8. Wang Xue Tai 1988 Great Treatise of Chinese Acupuncture (Zhong Guo Zhen Jiu Da Quan image) Henan Science Publishing House, Henan.

9. Liu Han Yin 1988 Practical Treatise of Acupuncture (Shi Yong Zhen Jiu Da Quan image) Beijing Publishing House, Beijing.

10. Jiao Shun Fa 1987 An Inquiry into Chinese Acupuncture (Zhong Guo Zhen Jiu Qiu Zhen image), Shanxi Province Scientific Publishing House, Shanxi.

11. Zhang Cheng Xing 1984 A Compilation of Explanations of the Meaning of the Acupuncture Points Names (Jing Xue Shi Yi Hui Jie image), Shanghai Science Publishing House, Shanghai.

12. Yu Zhong Quan 1988 A Practical Study of the Differentiation of Acupuncture Points (Jing Xue Bian Zheng Yun Yong Xue image), Sichuan Science Publishing House, Chengdu.

13. Liu Guan Jun 1990 Acupuncture Theory and Clinical Patterns (Zhen Jiu Ming Li Yu Lin Zheng image), People’s Health Publishing House, Beijing.

14. Yue Han Zhen 1990 Explication des points d’acupuncture (Jing Xue Jie image), People’s Health Publishing House, Beijing, première publication en 1654.

15. Deadman P, Al-Khafaji M 2003 Manuel d’acupuncture, SATAS, Bruxelles.

Mon expérience clinique personnelle s’est ajoutée à ces différentes sources pour ce qui est de la fonction de certains points. Lorsque tel est le cas, il en est fait clairement état dans le texte.

Lorsqu’on envisage les actions énergétiques de chaque point, cela implique généralement que ces diverses actions demandent des techniques de manipulation d’aiguille différentes. Tous les points qui chassent les facteurs pathogènes doivent être piqués avec une technique de dispersion, tandis que les points qui tonifient le Qi du corps doivent être piqués avec une technique de tonification. Par exemple, lorsqu’on dit qu’un point précis « chasse le Vent externe », cela implique que pour obtenir cet effet, il faut utiliser une technique de dispersion. De la même façon, si un certain point « nourrit le Sang », cela implique qu’il faut le tonifier. Par souci de clarté, on trouvera ci-dessous la liste des principales actions énergétiques ainsi que la technique de manipulation qui leur correspond.

Dans certains cas, on peut choisir indifféremment entre la tonification et la dispersion, en fonction de la nature du tableau pathologique, autrement dit en fonction de la nature Vide ou Plénitude de ce tableau. Par exemple, lorsqu’il faut :

Certaines pathologies ne peuvent être traitées de la façon généralement recommandée et, dans certains cas, il faut s’abstenir d’employer des techniques de dispersion. Par exemple :

Dans ces cas précis, il faut remplacer la méthode de dispersion par la méthode d’harmonisation.16

Enfin, en donnant les actions de chaque point, j’ai essayé de trouver un juste milieu entre une description aussi détaillée que possible et une présentation limitée aux actions essentielles de ce point. En limitant l’information, on passe à côté d’une fonction importante du point, mais en détaillant trop, on noie le lecteur, qui ne peut plus alors avoir une idée claire sur la nature et les fonctions essentielles de ce point. Par exemple, le point RM-13 Shangwan, outre le fait qu’il soumet le Qi Rebelle de l’Estomac (ce qui est sa fonction première), peut aussi tonifier le Qi de l’Estomac. Je n’ai pas mentionné cette dernière fonction parce qu’elle n’est pas fréquemment utilisée et que le point RM-12 Zhongwan est bien plus efficace pour tonifier le Qi de l’Estomac. Il ne serait donc pas justifié d’utiliser RM-13 plutôt que RM-12 pour tonifier le Qi de l’Estomac. J’ai donc essayé de me concentrer sur la nature et les fonctions essentielles de chaque point.

Pour chaque point, je fournis les informations suivantes :

Étant donné la nature de cet ouvrage, je ne précise pas la localisation des points ni les instructions pour les piquer, qui relèvent plus d’un manuel d’acupuncture que d’un livre sur la théorie de la médecine chinoise. Pour plus d’informations sur la localisation des points et la façon de les piquer, le lecteur pourra se reporter au « Manuel d’acupuncture » de Deadman P et Al Khafaji.

16. Il existe de nombreuses techniques différentes de dispersion. Les deux principales consistent à tourner ou à enfoncer-soulever. Pour ce qui est de « tourner », il s’agit de faire tourner l’aiguille rapidement dans un sens et dans l’autre, avec une grande amplitude de mouvement ; pour ce qui est de la technique « enfoncer-soulever », l’aiguille est soulevée rapidement et vigoureusement puis enfoncée lentement et doucement. Dans les deux cas, ces mouvements peuvent être répétés plusieurs fois au cours de la séance. la technique d’harmonisation consiste à obtenir la sensation de Qi (deqi), à imprimer à l’aiguille quelques rotations vigoureuses puis à la laisser en place sans autre manipulation. En règle générale, une manipulation de l’aiguille douce sert à tonifier alors qu’une manipulation vigoureuse sert à disperser.