Chapitre 70 Principes D’association de Points
Après avoir identifié les tableaux pathologiques et choisi le plan de traitement, l’étape suivante, pour un acupuncteur, est de choisir les points qu’il va utiliser. Deux choses sont à prendre en compte :
Autrement dit, pour obtenir un traitement efficace en acupuncture, il ne suffit pas de choisir les points selon leurs caractéristiques individuelles et leur action énergétique. Il faut aussi être capable de les associer harmonieusement en fonction de leur action dans le système des méridiens.
L’acupuncture agit à travers un système de méridiens et pas uniquement grâce à des points isolés, de sorte qu’il faut envisager chaque point non seulement pour son action propre, mais aussi pour la place qu’il tient dans le système des méridiens. Maîtriser l’action individuelle de chaque point n’est pas suffisant pour obtenir un traitement efficace en acupuncture car chaque point doit être considéré non pas de façon isolée mais dans le cadre de la dynamique du système de méridiens, de façon à obtenir une association de points harmonieuse.
Par exemple, on pourrait traiter le vide de Qi de la Rate associé à une stagnation du Qi du Foie en tonifiant V-20 Pishu et V-21 Weishu, et en dispersant V-18 Ganshu et V-19 Danshu. Bien que techniquement correct du point de vue de l’action énergétique individuelle de ces points, ce choix est déséquilibré car tous les points sont situés sur le dos.
Prenons un autre exemple. On pourrait traiter le vide de Yin du Foie et du Rein en tonifiant Rn-3 Taixi, F-3 Taichong, Rte-6 Sanyinjiao et Rn-6 Zhaohai. Là encore, le choix des points est correct pour de ce qui de leur fonction individuelle, mais il n’est pas équilibré car tous ces points sont situés sur la partie distale de la jambe.
Voyons donc les principes qui régissent l’association de points selon la dynamique des méridiens.
L’équilibre d’une association de points est essentiel au succès du traitement en acupuncture. En effet, le résultat thérapeutique dépend autant de l’équilibre de l’association des points que de la technique employée lorsqu’on les pique. Cette dernière est bien évidemment très importante pour le succès du traitement, mais le poids d’une association de points harmonieuse est souvent négligé. Ces deux composantes sont importantes car elles reflètent deux points de vue différents. En un sens, l’accent mis sur la technique utilisée pour piquer les points repose sur une vision de l’acupuncture focalisée sur les points, alors que l’accent mis sur l’association des points repose sur une vision de l’acupuncture focalisée sur les méridiens. Ces deux points de vue sont importants et doivent tous deux être pris en compte.
L’accent mis sur la technique utilisée pour piquer les points repose sur une vision de l’acupuncture focalisée sur les points, alors que l’accent mis sur l’association des points repose sur une vision de l’acupuncture focalisée sur les méridiens.
Bien que la technique utilisée pour piquer les points soit effectivement importante, il ne faut pas non plus lui accorder une importance excessive. En fait, lorsque l’association de points est harmonieuse, elle met en action la circulation du Qi dans le système des méridiens, de sorte que le Qi circule efficacement, ce qui diminue la nécessité d’une manipulation d’aiguille vigoureuse.
Par exemple, on dit qu’E-40 Fenglong dissout les Glaires et que dans un tableau de Glaires grave, il faut piquer et disperser ce point ; on dit aussi que plus la Plénitude est importante, plus il faut disperser ce point. Éliminer les Glaires par l’acupuncture implique toutefois beaucoup plus qu’une simple dispersion de E-40. Cela implique, en particulier, de réguler le Mécanisme du Qi en harmonisant la descente et la montée ainsi que l’entrée et la sortie du Qi. Ce n’est qu’en régulant le Qi que l’acupuncture peut dissoudre les Glaires.
En associant E-40 à d’autres points selon les principes d’association de points expliqués plus loin, la circulation du Qi est stimulée par la « communication » entre les points plus que par la simple stimulation d’un point unique. L’association de points régule aussi la montéedescente et l’entrée-sortie du Qi. Par exemple, pour dissoudre les Glaires, on peut associer E-40 à P-7 Lieque, RM-12 Zhongwan, RM-9 Shuifen, V-22 Sanjiaoshu et Rn-7 Fuliu. Outre le fait que les autres points contribuent aussi à l’élimination des Glaires, une telle association équilibre les points Yin et les points Yang, de même que les points des bras et ceux des jambes.
Avant de procéder à l’étude de l’équilibrage des points, il faut rappeler brièvement la façon dont le Qi circule dans le système des méridiens.1
La tête est la partie la plus haute du corps, non seulement pour ce qui est de l’anatomie, mais aussi au niveau énergétique, en fonction de la circulation du Qi dans les 12 méridiens. C’est, en fait, le lieu où le potentiel d’énergie est à son maximum pour ce qui est de la circulation du Qi dans les méridiens. Le Qi circule dans les méridiens parce qu’il y a une différence de potentiel entre la poitrine et la tête.
« L’énergie potentielle » est l’énergie qui est emmagasinée. Un objet peut stocker l’énergie en raison de sa position. Par exemple, le bélier hydraulique d’une sonnettei emmagasine l’énergie lorsqu’il est en position haute. De la même façon, un arc tendu peut emmagasiner de l’énergie de par sa position. Le potentiel d’énergie est la réserve d’énergie de position que possède un objet.
L’énergie de gravitation potentielle est l’énergie que renferme un objet lorsqu’il est en position verticale (c’est-à-dire posé debout sur le sol). L’énergie est stockée en raison de la force d’attraction que la terre exerce sur l’objet. L’énergie de gravitation potentielle du bélier hydraulique de la sonnette est un exemple d’énergie de gravitation potentielle (Fig. 70.1).
Le Qi qui est au sommet de la tête possède une « énergie de gravitation » en raison de sa position, au sommet du corps. Dans la circulation du Qi dans le système des méridiens, le sommet de la tête a le potentiel maximum et la poitrine le potentiel minimum. Le Qi circule précisément en raison de cette différence de potentiel entre la tête et poitrine.
Par exemple, si on considère les quatre premiers méridiens, on voit que le Qi part de la zone de la poitrine, dans le méridien du Poumon. C’est la zone de potentiel minimum de l’énergie. Pour comprendre ceci, on peut visualiser une certaine quantité d’eau au pied d’une colline, là où son potentiel de production d’énergie est minimum, voire nul. Si on achemine doucement l’eau au sommet de la colline, petit à petit, comme on le sait, son potentiel de production d’énergie va augmenter. Lorsque l’eau atteint le sommet de la colline, son potentiel de production d’énergie (énergie hydroélectrique) va être à son maximum. Le pied de la colline correspond à la poitrine, l’endroit situé à mi-chemin entre le pied et le sommet correspond aux mains (ou aux pieds) et le sommet de la colline correspond à la tête (Fig. 70.2).
Ainsi, à partir du méridien du Poumon, le Qi commence à monter vers la tête. À l’extrémité des doigts, il change de polarité (c’est-à-dire qu’il s’écoule du méridien Yin du Poumon vers le méridien Yang du Gros Intestin) mais il continue toujours à monter vers la tête et son énergie potentielle continue à croître. Lorsque le Qi atteint la tête, son énergie est à son maximum puis commence à décroître lorsqu’il se dirige vers les pieds. Aux pieds, le Qi change de polarité (c’est-à-dire qu’il s’écoule du méridien Yang de l’Estomac vers le méridien Yin de la Rate), et son énergie potentielle continue à décroître tandis qu’il se dirige vers la zone de la poitrine. Lorsqu’il atteint la poitrine, cette énergie est à son minimum (l’eau est revenue au pied de la colline). Le Qi du méridien de la Rate se connecte intérieurement avec le méridien du Cœur et un nouveau cycle de quatre méridiens commence, exactement selon les mêmes principes. La figure 70.3 illustre le cycle du Qi dans les quatre premiers méridiens. La figure 70.4 montre la circulation du Qi dans les 12 méridiens.
Notez que pour visualiser la circulation du Qi en fonction des changements de l’énergie de gravitation potentielle, il vaut mieux visualiser le corps avec des moignons à la place des bras et des jambes, car bien que les trois méridiens Yin du bras descendent le long du bras et que les trois méridiens Yang du bras montent le long du bras, en fait, ils montent tous à la tête. Il en va de même pour les méridiens Yang et Yin de la jambe, c’est-à-dire que, bien que les trois méridiens Yin descendent et que les trois méridiens Yang montent, en fait, ces deux groupes de méridiens descendent à la poitrine. Autrement dit, pour bien visualiser le concept d’énergie de gravitation potentielle en fonction de la circulation du Qi du corps, il vaut mieux négliger les bras et les jambes et visualiser la circulation du Qi comme allant de la poitrine (en passant par les bras) à la tête, puis retournant à la poitrine (en passant par les jambes) (Fig. 70.5)
Si l’on regarde la figure 70.4, on voit que, dans chaque groupe de quatre méridiens, deux sont Yin (un dans le bras et l’autre dans la jambe) et deux sont Yang (un dans le bras et l’autre dans la jambe). Ces méridiens forment des couples de méridiens liés de même polarité (tous les deux Yang ou tous les deux Yin), de même niveau d’énergie (voir plus bas), mais de localisation opposée (l’un dans le bras, l’autre dans la jambe), comme on peut le voir ci-dessous :
Bras | Jambe | |
---|---|---|
Tai Yang | Intestin Grêle | Vessie |
Shao Yang | Triple Réchauffeur | Vésicule Biliaire |
Yang Ming | Gros Intestin | Estomac |
Tai Yin | Poumon | Rate |
Shao Yin | Cœur | Rein |
Jue Yin | Maître du Cœur | Foie |
En fait, les noms ci-dessus évoquent la quantité d’énergie Yang ou Yin dans le cycle quotidien, comme on peut le voir ci-après :
Si l’on regarde la figure 70.4, on voit que, tôt le matin, le Yin est à son maximum (Tai Yin) et le Yang à son niveau moyen (Yang Ming) ; au milieu de la journée, le Yang est à son maximum (Tai Yang) et le Yin à son minimum (Shao Yin), et en soirée ou la nuit, le Yang est à son minimum (Shao Yang) et le Yin à son niveau moyen (Jue Yin) (Fig. 70.6).
Les points « locaux » sont des points qui sont très proches de la zone dans laquelle les manifestations cliniques apparaissent. Par exemple, en cas de troubles auriculaires avec douleur et écoulement, les points situés autour de l’oreille sont des points locaux. Les points « distaux » sont des points qui agissent sur une certaine zone tout en étant situés loin de la zone dans laquelle les manifestations cliniques apparaissent. Dans l’exemple des troubles auriculaires évoqué plus haut, les point distaux sont des points situés sur le bras, par exemple. De façon générale, les points locaux et les points distaux sont situés sur le même méridien, les premiers au niveau de la zone touchée et les autres à l’extrémité du méridien. Dans l’exemple ci-dessus, si c’est le méridien du Triple Réchauffeur qui est impliqué, TR-21 Ermen va être un point local et TR-5 Waiguan un point distal. Toutefois, les points distaux ne sont pas nécessairement uniquement ceux qui sont sur le méridien impliqué. Dans l’exemple ci-dessus de troubles auriculaires relevant du méridien du Triple Réchauffeur, GI-4 Hegu peut aussi faire office de point distal. De plus, bien que ce soit TR-5 Waiguan qui soit mentionné comme point distal, tout point du méridien du Triple Réchauffeur situé en dessous du coude peut aussi être considéré comme un point distal.
En théorie, tout point situé à distance de la zone où se trouve la pathologie peut être défini comme un point « distal ». Par exemple, pour un trouble des gencives situé sur le méridien de l’Estomac, E-4 Dicang, E-5 Daying et E-6 Jiache sont des points locaux et E-44 Neiting (situé sur le pied) est un point distal. Toutefois, à quelques rares exceptions près, cette relation ne marche que dans une seule direction, c’est-à-dire qu’alors que E-44 est un point distal pour les troubles des gencives, les points situés autour des gencives (E-4, E-5, E-6) ne sont pas des points distaux pour les problèmes de pieds.
C’est pourquoi, à quelques rares exceptions près, les points distaux sont des points situés sur les bras et les jambes, et plus précisément des points situés en dessous du coude ou du genou. Comme je l’ai dit au chapitre 50, les points situés en dessous du coude ou du genou sont des points particulièrement dynamiques qui agissent sur les parties distales du corps. De toute évidence, dans le cas de troubles articulaires du coude ou du genou, les points distaux et les points locaux coïncident. Par exemple, pour un problème de poignet situé sur le méridien de l’Intestin Grêle, IG-5 (point distal, normalement) joue aussi le rôle d’un point local.
On peut donc dire que, à quelques rares exceptions près, les points distaux sont les points des membres qui sont situés en dessous du coude ou du genou, tandis que les points locaux sont les points situés sur le tronc et la tête. L’association de points locaux et de points distaux est une technique d’équilibrage des points très largement utilisée.
Dans les pathologies aiguës, les points distaux ont pour effet de lever les obstructions du méridien et de chasser les facteurs pathogènes, et ils sont donc généralement piqués en dispersion. Les points locaux ont pour fonction de soutenir la fonction d’élimination des points distaux et de la concentrer sur la zone choisie. On pique généralement ces points en harmonisation. Par exemple, pour traiter une élongation lombaire aiguë avec douleur bilatérale des lombes, on peut choisir V-40 Weizhong comme point distal (piqué en dispersion) et V-26 Guanyuanshu comme point local (piqué en harmonisation). Parfois, on pique les points distaux avant de piquer les points locaux. L’exemple de E-38 Tiaokou pour l’élongation aiguë de l’épaule a déjà été donné dans le chapitre 56.
Dans les cas chroniques, les points distaux et les points locaux se renforcent mutuellement. Le tableau 70.1 répertorie les principaux points distaux et locaux en fonction des zones du corps. Ce tableau répertorie des points de différents méridiens, mais savoir quel point choisir est régi par d’autres facteurs, essentiellement une identification correcte du méridien impliqué.
Tableau 70.1 Points distaux et points locaux en fonction des zones
Zone/Organe | Points locaux | Points distaux |
---|---|---|
Face | Yintng | GI-4 Hegu, E-44 Neiting |
Tempes | Taiyang, VB-8 Shuaigu | TR-3 Zhongzhu, TR-5 Waiguan, VB-43 Xiaxi |
Occiput | VB-20 Fengchi, V-10 Tianzhu | IG-3 Houxi, V-65 Shugu |
Vertex | DM-20 Baihui | F-3 Taichong |
Œil | V-1 Jingming, E-1 Chengqi, Yuyao | GI-4 Hegu, F-2 Taichong, C-5 Tongli, IG-6 Yanglao, TR-3 hongzhu |
Nez | Yintang, Yinxiang, Bitong | P-7 Lieque, IG-4 Wangu |
Dents | E-4 Dicang, E-6 Jiache, E-37 Shangjuxu | GI-4 Hegu (haut), E-44 Neiting (bas) |
Oreilles | TR-17 Yifeng, IG-19 Tinggong, VB-2 Tinghui, TR-21 Ermen | TR-2 Yemen, TR-3 Zhongzhu, TR-5 Waiguan, VB-43 Xiaxi |
Langue | RM-23 Lianquan | MC-8 Laogong, C-5 Tongli, Rn-6 Zhaohai |
Gorge | RM-22 Tiantu | GI-4 Hegu, P-11 Shaoshang, Rn-6 Zhaohai |
Poumon | P-1 Zhongfu, V-13 Feishu, RM-17 Shanzhong, RM-22 Tiantu |
P-7 Lieque, P-5 Chize |
Cœur | V-15 Xinshu, V-14 Jueyinshu, RM-14 Juque, RM-15 Jiuwei | MC-6 Neiguan, C-7 Shenmen, MC-5 Jianshi, MC-4 Ximen |
Estomac | V-21 Weishu, RM-12 Zhongwan | MC-6 Neiguan, E-36 Zusanli, Rte-4 Gongsun |
Foie | V-18 Ganshu, F-14 Qimen | F-3 Taichong, VB-34 Yanglingquan |
Vésicule Biliaire | VB-19 Danshu, VB-24 Riyue | VB-34 Yanglingquan, Dannangxue |
Intestins | V-25 Dachangshu, E-25 Tianshu | E-36 Zusanli, Rte-6 Sanyinjiao, E-37 Shangjuxu, E-39 Xiajuxu |
Vessie | RM-3 Zhongji, V-28 Pangguangshu, RM-2 Qugu, V-32 Ciliao | Rte-6 Sanyinjiao, V-63 Jinmen |
Urètre | RM-2 Qugu, V-34 Xialiao | F-5 Ligou, V-63 Jinmen |
Anus | DM-1 Chengqiang, V-54 Zhibian, VB-30 Huantiao | V-57 Chengshan, V-58 Feiyang |
Comme je viens de le dire, les points qui figurent dans ce tableau sont des points de différents méridiens et leur choix doit être guidé par une identification correcte des tableaux pathologiques et du méridien impliqué. Par exemple, les deux points distaux qui sont indiqués pour la gorge sont P-11 Shaoshang et Rn-6 Zhaohai. On va choisir P-11 pour un mal de gorge avec invasion de Vent-Chaleur et Rn-6 pour une gorge sèche en raison d’un vide de Yin. De même, les points distaux qui figurent dans le tableau pour les pathologies du Cœur sont MC-4 Ximen, MC-5 Jianshi, MC-6 Neiguan et C-7 Shenmen. On va choisir MC-4 en cas de battements irréguliers du cœur, MC-5 si des Glaires obstruent le Cœur, MC-6 en cas de vide de Qi du Cœur et C-7 en cas de vide de Sang du Cœur.
Comme nous l’avons dit plus haut, les points distaux ne sont pas seulement les points du méridien impliqué. Par exemple, pour un problème d’œil en relation avec le méridien de la Vessie, les points distaux vont se situer à l’autre extrémité du méridien de la Vessie, sur le pied. Mais GI-4 Hegu peut aussi être un point distal efficace parce que c’est un point qui s’utilise comme point distal pour tous les problèmes de la face.
En particulier, quand on choisit des points distaux, il faut bien avoir à l’esprit la relation étroite qu’entretiennent les méridiens de même polarité, par exemple, les méridiens Tai Yang (Intestin Grêle et Vessie), Shao Yang (Triple Réchauffeur et Vésicule Biliaire), Yang Ming (Gros Intestin et Estomac), Tai Yin (Poumon et Rate), Shao Yin (Cœur et Rein) et Jue Yin (Maître du Cœur et Foie). Ces couples de méridiens unissent les méridiens correspondants de même polarité et de même « potentiel » énergétique du bras et de la jambe, comme nous l’avons vu au début de ce chapitre.
Cette association par couple signifie que les points distaux des méridiens couplés peuvent agir sur les mêmes zones. Par exemple, pour un problème d’oreille lié au méridien du Triple Réchauffeur, les points distaux à privilégier sont les points de ce méridien qui sont en dessous du coude, plus particulièrement TR-5 Waiguan et TR-2 Yemen. Toutefois, en raison de la relation étroite qui lie les méridiens du Triple Réchauffeur et de la Vésicule Biliaire dans le cadre des méridiens Shao Yang, on peut aussi choisir des points du méridien de la Vésicule Biliaire situés en dessous du genou comme points distaux pour traiter les problèmes d’oreille (par exemple, VB-43 Xiaxi).
Ainsi, les points distaux des méridiens couplés sont presque interchangeables (par exemple, TR-2 Yemen et VB-43 Xiaxi pour les problèmes d’oreilles, GI-4 Hegu et E-44 Neiting pour les problèmes de gencives, etc.). Toutefois, il est intéressant de noter que ces connexions et ces interchangeabilités sont plus fortes pour les méridiens Yang que pour les méridiens Yin. La raison en est que les méridiens Yang se relient directement et superficiellement sur la face ou sur la tête, alors que les méridiens Yin ne se relient dans la poitrine ou l’abdomen qu’à un niveau profond (Fig. 70.5). Ainsi, on peut presque considérer les méridiens Yang couplés (par exemple, méridiens Tai Yang de l’Intestin Grêle et de la Vessie) comme un méridien unique qui se forme directement et superficiellement sur la face. Il en va de même pour les couples Triple Réchauffeur-Vésicule Biliaire et Gros Intestin-Vessie.
Ainsi, pour ce qui est des méridiens Yang, nous avons une possibilité de choix de points distaux sur la main ou sur le pied car ces points sont presque interchangeables. Lorsqu’un tel choix est possible, il faut garder à l’esprit que les points distaux de la jambe ont une action plus forte que ceux du bras. Par exemple, lorsqu’une Chaleur de l’Estomac affecte les gencives, E-44 Neiting a un effet plus puissant que GI-4 Hegu.2
Pour ce qui est des méridiens Yin, la situation est quelque peu différente. Les méridiens Yin commencent ou finissent tous dans les cavités thoracique ou abdominale et s’ils se relient effectivement les uns aux autres, ce n’est qu’au niveau interne. Ainsi, dans le cas des méridiens Yin, nous n’avons pas un libre choix de points distaux comme pour les méridiens Yang. Par exemple, MC-6 Neiguan et F-3 Taichong ont certaines propriétés communes dans la mesure où tous deux font circuler le Qi du Foie, mais en dehors de cela, leurs actions sont bien différentes et la question de savoir lequel choisir en tant que point distal ne se pose pas vraiment.
Enfin, pour ce qui est de la zone sur laquelle agissent les points distaux, il y a un principe général important qui dit « plus c’est loin, mieux c’est », signifiant par là que plus un point distal est éloigné d’une certaine zone, plus il aura de l’influence sur celleci. Si nous prenons l’exemple d’un méridien long comme celui de l’Estomac, E-45 Lidui et E-44 Neiting vont agir sur l’autre extrémité du méridien (c’est-à-dire les yeux et le front), alors qu’un point distal comme E-41 Jiexi, juste un peu plus haut, va agir sur une zone plus basse de l’autre extrémité (c’est-à-dire la gorge). La figure 70.7 illustre ce principe.
Le cadre 70.1 résume les caractéristiques des points distaux et des points locaux.
Cadre 70.1 Points Distaux et Points Locaux
Dans les troubles de méridien, l’utilisation de seuls points locaux peut parfois être suffisante, mais il est bien plus courant de combiner points locaux et points distaux pour un meilleur équilibrage. Les points distaux jouent en fait un rôle important pour lever les obstructions des méridiens (obstructions qui peuvent être dues au Froid, à l’Humidité ou au Vent externes, à une stagnation de Qi ou de Sang, ou à des Glaires).
Lorsqu’on choisit un point distal, il faut garder à l’esprit le fait que les points distaux des pieds sont plus puissants que ceux des mains. Si l’on veut modérer l’effet du traitement parce que la personne est relativement âgée ou affaiblie, on peut alors sélectionner un point distal de la main. Par exemple, GI-4 Hegu et E-44 Neiting agissent tous deux sur la face et les dents et ils peuvent servir à éliminer la Chaleur du méridien de l’Estomac qui affecte le visage. Ils sont pratiquement interchangeables. On peut aussi citer TR-5 Waiguan et VB-43 Xiaxi qui agissent tous deux sur la zone temporale et qui peuvent servir comme points distaux dans le traitement des migraines temporales.
Les principaux points distaux efficaces dans les troubles de méridiens et les méridiens concernés sont les suivants :
Il faut souligner qu’il s’agit là de la liste des points distaux les plus efficaces selon mon expérience. Comme nous l’avons dit précédemment, tout point situé en dessous du coude ou du genou peut s’utiliser comme point distal. De plus, l’expérience d’autres praticiens peut être différente de la mienne et d’autres points distaux peuvent donc être tout aussi efficaces.
Le choix des points distaux doit aussi se faire en fonction de la zone à traiter. Les principaux points distaux en fonction des diverses zones sont les suivants :
Les principaux points locaux en fonction des diverses zones sont les suivants :
Cou : VB-39 Xuanzhong, IG-3 Houxi, TR-5 Waiguan, TR-8 Sanyangluo, V-60 Kunlun ; point secondaires : E-40 Fenglong et Rn-4 Dazhong
Épaule : TR-5 Waiguan, GI-4 Hegu, P-7 Lieque, TR-1 Guanchong, GI-1 Shangyang, E-38 Tiaokou, V-58 Feiyang
Coude : GI-4 Hegu, TR-5 Waiguan, GI-1 Shangyang
Poignet : E-36 Zusanli, Rte-5 Shangqiu, VB-40 Qiuxu
Doigts : pas de points distaux (voir plus haut)
Lombes : V-40 Weizhong, V-60 Kunlun, V-59 Fuyang, V-62 Shenmai, DM-26 Renzhong
Sacrum : V-40 Weizhong, V-58 Feiyang
Hanche : VB-41 Zulinqi, V-62 Shenmai
Genou : Rte-5 Shangqiu, IG-5 Yanggu
Cou : V-10 Tianzhu, VB-20 Fengchi
Épaule : GI-15 Jianyu, TR-14 Jianliao, Jianneiling (point HM)
Coude : GI-11 Quchi, TR-10 Tianjing, IG-8 Xiaohai
Poignet : TR-4 Yangchi, GI-5 Yangxi, IG-5 Yanggu, IG-4 Wangu, MC-7 Daling
Doigts : TR-3 Zhongzhu, GI-3 Sanjian, Baxie (points HM)
Lombes : V-23 Shenshu, V-26 Guanyuanshu, V-25 Dachangshu, V-24 Qihaishu, Shiqizhuixia (point HM), DM-3 Yaoyanguan
Sacrum : V-32 Ciliao, Shiqizhuixia (point HM), V-27 Xiaochangshu, V-28 Pangguangshu
Hanche : VB-30 Huantiao, VB-29 Juliao
Genou : Xiyan (point HM), E-36 Zusanli, Rte-9 Yinlingquan, F-7 Xiguan, F-8 Ququan, Rn-10 Yingu, VB-34 Yanglingquan, V-40 Weizhong, Rte-10 Xuehai
Cheville : Rte-5 Shangqiu, VB-40 Qiuxu, E-41 Jiexi, V-60 Kunlun
Dans les pathologies aiguës, on commence par utiliser le point distal, seul et en dispersion, pour éliminer l’obstruction engendrée par le facteur pathogène et pour libérer le méridien afin de rendre possible l’utilisation de points locaux. Quelques exemples vont permettre de clarifier cette technique.
En cas d’élongation lombaire aiguë située sur la ligne médiane, juste au-dessus du sacrum, on peut commencer par disperser DM-26 Renzhong alors que le patient se penche doucement d’avant en arrière. Cette procédure aide à éliminer l’obstruction du méridien (le Vaisseau Gouverneur, dans ce cas précis). Après la manipulation de l’aiguille sur le point distal, on demande au patient de s’allonger et on pique des points locaux en fonction de leur sensibilité. On peut aussi poser des ventouses sur ces points après l’insertion de l’aiguille. Entre parenthèses, l’utilisation de DM-26 Renzhong en tant que point distal est un exemple de point distal situé sur la tête plutôt que sur les membres, en dessous du coude ou du genou.
En cas d’élongation aiguë de l’épaule située sur le méridien du Gros Intestin, on pique E-38 Tiaokou en dispersion tandis que le patient fait doucement bouger et tourner le bras, éventuellement avec l’aide d’une tierce personne lorsque cela est possible. Après la manipulation opérée sur le point distal, on pique des points locaux en fonction de leur sensibilité et du méridien impliqué. Si c’est le méridien de l’Intestin Grêle qui est touché, c’est V-58 Feiyang qui va être choisi comme point distal.
En cas d’élongation aiguë du cou avec rigidité prononcée, on peut piquer VB-39 Xuanzhong en dispersion tandis que le patient tourne doucement la tête d’un côté et de l’autre. Une fois les aiguilles retirées de VB-39, on pique les points locaux du cou.
La correspondance bras-jambe des méridiens couplés de même polarité et de même potentiel énergétique (par exemple, les méridiens de l’Intestin Grêle et de la Vessie, du Gros Intestin et de l’Estomac, du Poumon et de la Rate, etc.) sert au traitement des élongations aiguës des articulations. Cette procédure repose sur le principe de correspondance entre l’épaule et la hanche, et sur la relation qu’entretiennent les méridiens du bras et de la jambe de même polarité (par exemple, Poumon-Rate, Cœur-Rein, Maître du Cœur-Foie, Gros Intestin-Estomac, Triple Réchauffeur-Vésicule Biliaire et Intestin Grêle-Vessie).
En cas d’élongation aiguë d’une articulation, il faut commencer tout d’abord par identifier le tableau pathologique impliqué, puis sélectionner le point distal sur le méridien couplé de même polarité et de même potentiel énergétique situé sur l’autre membre, souvent du côté opposé. Quelques exemples vont illustrer de point.
En cas d’élongation aiguë du poignet, on va utiliser un point distal du pied en choisissant le méridien de jambe qui est en relation avec le méridien impliqué au niveau du poignet. Par exemple, en supposant que la principale sensibilité soit celle du point TR-4 Yangchi, on peut choisir le méridien de jambe lié au méridien du Triple Réchauffeur dans une relation haut-bas, c’est-à-dire le méridien de la Vésicule Biliaire. Sur le méridien de la Vésicule Biliaire, on va choisir le point qui, de par sa localisation, correspond au point du poignet, c’est-à-dire un point sur l’articulation de la cheville, par exemple, VB-40 Qiuxu.
Supposons que le point le plus sensible soit P-7 Lieque, on va choisir Rte-5 Shangqiu (en raison de la correspondance entre le poignet et la cheville). Si l’élongation s’était située sur le coude avec une sensibilité maximum sur GI-11 Quchi, on aurait choisi E-36 Zusanli parmi les points du méridien de jambe (en raison de la correspondance entre le coude et le genou). Si le point le plus sensible est GI-15 Jianyu, au niveau de l’épaule, on va choisir E-31 Biguan sur le méridien de jambe (en raison de la correspondance entre l’épaule et la hanche). La figure 70.8 illustre, à titre d’exemple, la correspondance entre les méridiens Yang Ming selon la théorie exposée ci-dessus.
Comme nous l’avons dit précédemment, dans cette méthode, les points distaux sont souvent piqués du côté opposé (Fig. 70.9).
Figure 70.9 Insertion croisée des aiguilles dans la correspondance épaule-hanche, coude-genou et poignet-cheville des méridiens Yang Ming
Si on garde à l’esprit les correspondances ci-dessus entre les articulations et les méridiens de la jambe et du bras qui leur sont liés, on peut dresser un tableau des points distaux qu’il faut utiliser pour chaque articulation, en fonction des deux types de correspondances mentionnés ci-dessus (Tableau 70.2).
Tableau 70.2 Correspondance entre les points et les articulations du haut et du bas du corps
Articulation/organe | Bras | Jambe |
---|---|---|
Épaule | ||
Gros Intestin | GI-15 Jianyu | E-31 Biguan |
Triple Réchauffeur | TR-14 Jianliao | VB-30 Huantiao |
Intestin Grêle | IG-10 Naoshu | V-36 Chengfu |
Coude | ||
Gros Intestin | GI-11 Quchi | E-36 Zusanli |
Triple Réchauffeur | TR-10 Tianjing | VB-34 Yanglingquan |
Intestin Grêle | IG-8 Xiaohai | V-40 Weizhong |
Poignet | ||
Gros Intestin | GI-5 Yangxi | E-41 Jiexi |
Triple Réchauffeur | TR-4 Yangchi | VB-40 Qiuxu |
Intestin Grêle | IG-5 Yanggu | V-60 Kunlun |
Dans les troubles chroniques de méridien, on associe pratiquement toujours des points distaux et des points locaux et, dans ce cas, l’action des points distaux et des points locaux sur le méridien s’en trouve renforcée.
Les principaux points distaux et points locaux sont les mêmes que ceux déjà mentionnés plus haut.
Le cadre 70.2 résume les problèmes de méridien.
Cadre 70.2 Problème de Méridien
Dans les problèmes d’organes internes, on utilise pratiquement toujours la méthode d’association de points distaux et de points locaux. On ne peut pas traiter les Organes Internes sans utiliser des points distaux et les points locaux ne sont pas toujours nécessaires, sauf dans les cas chroniques.
Bien évidemment, on pourrait donner d’innombrables exemples d’utilisation de points distaux pour traiter les pathologies des Organes Internes, comme F-3 Taichong pour les pathologies du Foie, E-36 Zusanli pour les pathologies de l’Estomac, etc.
Dans les pathologies chroniques des Organes Internes, il est essentiel d’utiliser des points locaux en association avec des points distaux. Les points locaux utilisés sont essentiellement les points Shu du dos et les points Mu antérieurs, choisis en fonction des Organes Internes concernés. Par exemple, en cas de vide chronique du Qi de la Rate, il est essentiel d’utiliser V-20 Pishu et/ou RM-12 Zhongwan ; dans les pathologies chroniques du Poumon, il est essentiel d’utiliser P-1 Zhongfu et/ou V-13 Feishu, etc.
Lorsqu’on traite les céphalées chroniques, on ajoute certains points de la tête pour traiter la Branche alors que les points distaux traitent la Racine. Par exemple, en cas de céphalées chroniques dues à un vide de Yin du Rein avec montée du Yang du Foie, on peut piquer Rn-3 Taixi, Rte-6 Sanyinjiao, VB-43 Xiaxi et F-3 Taichong pour traiter la Racine (c’est-à-dire tonifier le Yin du Rein et soumettre le Yang du Foie). Pour traiter la Branche, il va falloir ajouter des points locaux en fonction du méridien impliqué, par exemple, VB-9 Tianchong et VB-6 Xuanli pour le méridien de la Vésicule Biliaire, ou V-7 Tongtian pour le méridien de la Vessie. L’utilisation de points locaux sur la tête est importante pour lever la stagnation locale de Qi et de Sang au niveau de la tête en cas de céphalées chroniques, surtout si celles-ci apparaissent toujours au même endroit.
Le cadre 70.3 résume les problèmes d’organe
Le système des méridiens forme un circuit fermé de circulation d’énergie avec un potentiel énergétique maximum au niveau de la tête, minimum au niveau de la poitrine et moyen au niveau des mains et des pieds. Pour maintenir l’équilibre entre le haut et le bas du corps, il est important d’équilibrer les points entre ces deux zones.
Lorsqu’on insère une aiguille sur un point, cela provoque un afflux d’énergie vers le haut du corps, surtout lorsqu’il s’agit d’un point de l’extrémité opposée (par exemple, la partie inférieure du corps). Ce mouvement du Qi est indépendant du sens de circulation du Qi dans le méridien. Il est donc important d’équilibrer les points du haut du corps avec les points du bas du corps.
On peut citer, comme exemple de prescription de points pour équilibrer le haut et le bas du corps, l’association de GI-4 Hegu et de F-3 Taichong (appelée les « Quatre portes »). Cette association élimine le Vent de la tête et a un puissant effet calmant.
MC-6 Neiguan et E-36 Zusanli sont un autre exemple de points qui équilibrent le haut et le bas du corps. MC-6 harmonise les parties supérieure et moyenne de l’Estomac et soumet le Qi rebelle (qui entraîne des nausées et des vomissements), et E-36 tonifie le Qi de l’Estomac. L’association de ces deux points produit un effet de tonification équilibré sur l’Estomac et la Rate et elle peut servir dans bon nombre de troubles épigastriques.
TR-6 Zhigou et VB-31 Fengshi sont un autre exemple de points qui équilibrent le haut et le bas du corps. Ces deux points éliminent le Vent-Chaleur du Sang et peuvent servir à traiter le zona ou toute maladie de la peau qui se traduit par des éruptions cutanées rouges avec des démangeaisons qui se déplacent rapidement. Cette association est particulièrement efficace si ce sont les flancs qui sont touchés.
Équilibrer le haut et le bas du corps permet d’obtenir un effet particulièrement dynamique lorsqu’on équilibre aussi le Yin et le Yang, de même que la gauche et la droite. On obtient cet effet, par exemple, en piquant MC-6 d’un côté et E-40 Fenglong de l’autre.
Bien évidemment, on pourrait donner d’innombrables exemples d’utilisation simultanée de points du haut du corps et de points du bas du corps, car ce genre d’association est très fréquemment utilisé. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il faille toujours équilibrer des points du haut du corps et des points du bas du corps. Dans certains cas, on peut choisir délibérément une prescription de points déséquilibrée pour obtenir un effet précis.
Par exemple, si d’un côté on a un déséquilibre énergétique entre le haut et le bas du corps, avec une face très rouge, de l’hypertension, des sensations vertigineuses, de l’anxiété et de l’insomnie découlant d’un vide de Yin du Rein (Vide en bas), et de l’autre une montée du Yang du Foie (Plénitude en haut), on peut choisir de piquer Rn-1 Yongquan uniquement, pour faire descendre l’excès de Qi du haut.
D’autre part, si une patiente souffre d’un prolapsus de l’utérus engendré par un effondrement du Qi de la Rate, on peut choisir délibérément de piquer un point du haut du corps pour attirer le Qi vers le haut (par exemple, moxibustion sur DM-20 Baihui). Dans les deux cas, on exploite la dynamique du système de méridiens pour attirer l’énergie vers le haut ou vers le bas du corps.
Il existe un autre cas dans lequel le principe consistant à équilibrer le haut et le bas ne s’applique pas ; c’est lorsqu’on disperse un point distal en cas d’élongation aiguë du dos ou d’une articulation. Par exemple, on peut disperser vigoureusement DM-26 Renzhong en cas d’élongation lombaire aiguë située sur la ligne médiane au-dessus du sacrum.
Équilibrer le côté gauche et le côté droit du corps est quelque chose que l’on devrait toujours avoir à l’esprit lorsqu’on détermine une association de points équilibrée. Quand on pique des points, il y a deux aspects à prendre en compte pour équilibrer la gauche et la droite. Tout d’abord, il faut équilibrer l’association de points en terme de gauche et de droite lorsqu’on traite un problème unilatéral d’articulation ou de méridien ; le second est l’utilisation délibérée de points unilatéraux pour obtenir un effet spécifique.
Lorsqu’on traite un problème unilatéral d’articulation ou de méridien (par exemple, une douleur unilatérale du cou ou une douleur unilatérale du coude) en piquant plusieurs points sur le côté touché, il faut veiller à équilibrer la gauche et la droite en piquant aussi un ou deux points du côté opposé. On peut associer cette approche avec celle qui consiste à équilibrer le Yin et le Yang. Par exemple, pour traiter une douleur chronique de l’épaule gauche située sur le trajet du méridien du Gros Intestin, on peut piquer GI-15 Jianyu, GI-11 Quchi et GI-4 Hegu, tous du côté gauche. Une façon d’équilibrer la gauche et la droite serait de piquer P-7 Lieque du côté droit, ce qui permettrait d’équilibrer non seulement la gauche et la droite, mais aussi le Yin et le Yang.
Dans certains cas, on peut équilibrer la gauche et la droite, le Yin et le Yang, le haut et le bas. Si l’on reprend l’exemple précédent de l’épaule gauche, avec utilisation de GI-15 Jianyu, GI-11 Quchi et GI-4 Hegu du côté gauche, on peut équilibrer ces points en piquant F-3 Taichong à droite, ce qui va permettre d’équilibrer la gauche et la droite, le Yin et le Yang, le haut et le bas. Bien évidemment, on ne va pas piquer F-3 uniquement pour équilibrer les points piqués à gauche, et ce choix serait plus particulièrement indiqué chez une personne qui présente un déséquilibre du Foie.
De façon générale, dans la majorité des cas, c’est la puncture bilatérale qui est de mise. Cette technique s’emploie lorsqu’on recherche un effet puissant ; toutefois, il y a des cas dans lesquels une puncture unilatérale est tout aussi efficace.
On peut piquer des points d’un seul côté pour obtenir un équilibre entre la gauche et la droite. Cette technique permet d’obtenir les mêmes effets thérapeutiques en utilisant moins d’aiguilles, ce qui est toujours un avantage, surtout lorsque le patient a un peu d’appréhension, lorsqu’il vient pour la première fois ou lorsqu’il présente un vide grave de Qi ou de Sang. Même dans d’autres cas, plus classiques, réduire le nombre d’aiguilles au minimum sans compromettre l’effet thérapeutique est un but à rechercher.
Piquer un point à gauche et un autre à droite pour équilibrer la gauche et la droite peut parfois même donner de meilleurs résultats que piquer ces points des deux côtés. Plus précisément, si les points piqués à gauche et à droite pour réaliser cet équilibre sont aussi situés à des extrémités opposées (par exemple, un sur le bras et l’autre sur la jambe), l’effet est particulièrement dynamique. C’est comme si on exerçait une pression à deux endroits opposés, le long de la tangente d’un cercle, pour faire tourner celui-ci (Fig. 70.10). J’ai ainsi tendance à privilégier la puncture unilatérale pour faire circuler le Qi et le Sang, et la puncture bilatérale pour tonifier le Qi et nourrir le Sang ou le Yin.
Par exemple, on peut piquer unilatéralement MC-6 Neiguan à droite et F-3 Taichong à gauche. F-3 élimine la stagnation du Qi du Foie ou du Sang, et MC-6 fait circuler le Sang et calme l’Esprit. L’association de ces deux points peut donc éliminer la stagnation du Qi du Foie ou du Sang lorsque celle-ci découle de problèmes émotionnels long-temps refoulés. Très souvent, cette pathologie s’accompagne d’un vide de l’Estomac et de la Rate qui peut surgir indépendamment ou qui peut être le résultat de l’invasion de l’Estomac et de la Rate par le Qi du Foie. Dans ce cas, on peut associer MC-6 d’un côté et F-3 de l’autre, à E-36 Zusanli et Rte-6 Sanyinjiao piqués des deux côtés. Cette association de quatre points (piqués avec six aiguilles au lieu de huit) peut tonifier l’Estomac et la Rate, calmer l’Esprit et éliminer la stagnation du Qi du Foie ou du Sang.
On pourrait aussi citer en exemple l’association de MC-6 Neiguan d’un côté et E-40 Fenglong de l’autre. MC-6 harmonise l’Estomac et E-40 calme l’Estomac dans les tableaux de type Plénitude ; cette association traite efficacement les troubles de l’Estomac de type Plénitude. En plus de son action sur l’Estomac, cette association précise sert aussi à traiter les contusions aiguës de la cage thoracique.
La puncture unilatérale est particulièrement efficace lorsqu’on pique deux méridiens de même polarité, l’un sur le bras et l’autre sur la jambe comme, par exemple, le méridien du Triple Réchauffeur et celui de la Vésicule Biliaire (Shao Yang), le méridien du Maître du Cœur et celui du Foie (Jue Yin), etc. Par exemple, on peut piquer TR-5 Waiguan d’un côté et VB-43 Xiaxi de l’autre pour traiter des céphalées de type Shao Yang, ou GI-4 Hegu et E-36 Zusanli pour traiter des céphalées de type Yang Ming.
La méthode qui consiste à piquer unilatéralement des points sur les méridiens de bras et de jambe de même polarité peut s’utiliser dans le traitement des élongations, comme nous l’avons expliqué plus haut, et on peut lui associer la méthode qui consiste à piquer les côtés opposés (Fig. 70.8 et 70.9). Par exemple, en cas d’élongation du poignet droit avec sensibilité du point TR-4 Yangchi, on va piquer VB-40 Qiuxu du côté gauche, utilisant ainsi un point du méridien de jambe de même polarité du côté opposé à la blessure.
Parfois, on utilise la puncture unilatérale pour les points de Communication (Luo). On pique souvent ces points du côté opposé au côté touché dans les pathologies chroniques lorsque le méridien est déficient. L’utilisation du point de Communication dans le cadre de la relation interne-externe d’un méridien couplé (soit en dispersion, soit en harmonisation) permet d’obtenir un effet d’équilibrage des côtés gauche et droit du méridien. Par exemple, si on traite une douleur chronique du bras située sur le trajet du méridien du Gros Intestin et que le méridien du côté touché souffre de Vide (ce qui se traduit par une douleur sourde et une légère fonte musculaire), on peut piquer P-7 Lieque du côté sain, en dispersion ou en harmonisation, pour équilibrer la gauche et la droite et faire passer le Qi du côté sain vers le côté malade.
L’utilisation des points d’ouverture et des points couplés des merveilleux vaisseaux est, bien évidemment, un bon exemple de l’utilisation de la puncture unilatérale et de l’équilibrage entre la gauche et la droite (voir ch. 52).
Il est également très important d’équilibrer la nature Yin et Yang d’un point. La nature des points d’acupuncture nous fournit un grand nombre de choix pour l’utilisation des points et il ne faut pas penser qu’il faut obligatoirement choisir un méridien Yin pour traiter un organe Yin. Il est possible de choisir un méridien Yang pour traiter un organe Yin, ou inversement. Par exemple, E-36 Zusanli tonifie la Rate.
Grâce à cela, nous avons un grand nombre de choix possibles pour équilibrer le Yin et le Yang.
De façon générale, il est préférable d’équilibrer le Yin et le Yang au cours de la même séance. L’emploi excessif de points Yang peut rendre la personne légèrement mal à l’aise ou nerveuse, alors que l’emploi excessif de points Yin va la fatiguer. Il est bon, surtout lorsqu’on utilise plusieurs points de même polarité, d’équilibrer ceux-ci en piquant aussi des points de polarité opposée.
Pour reprendre l’exemple ci-dessus, lorsqu’on traite un problème d’épaule en piquant plusieurs points du méridien du Gros Intestin, il est bon de les équilibrer en piquant un seul point Yin, F-3 Taichong, par exemple. On peut aussi associer cette technique d’équilibrage avec l’équilibrage de la gauche et de la droite, et du haut et du bas. On pourrait donc piquer GI-15 Jianyu, GI-11 Quchi et GI-4 Hegu à gauche et F-3 Taichong à droite, équilibrant ainsi le Yin et le Yang, la gauche et la droite, le haut et le bas.
Bien évidemment, il ne faut pas équilibrer des points simplement pour le seul plaisir d’équilibrer des points, mais bel et bien en fonction de la pathologie à traiter. Autrement dit, il vaut mieux avoir toujours plusieurs raisons pour choisir un point précis.
Lorsqu’on équilibre le Yin et le Yang, il est particulièrement conseillé de faire attention à bien équilibrer les méridiens Yang avec le méridien Yin de l’organe Yin dans le cadre du cycle d’Agression de la théorie des Cinq Éléments, à savoir :
Nous avons déjà donné plus haut l’exemple de l’équilibrage d’un ensemble de points du méridien du Gros Intestin avec un point du méridien du Foie. On pourrait aussi donner comme exemple d’équilibrage de points de méridiens Yang avec des points de méridiens Yin (dans le cadre du cycle d’Agression de la théorie des Cinq Éléments) l’utilisation de Rte-6 Sanyinjiao ou de Rte-3 Taibai pour équilibrer un ensemble de points du méridien de la Vésicule Biliaire, comme VB-30 Huantiao, VB-31 Fengshi et VB-34 Yanglingquan pour traiter une sciatique, par exemple.
Les « Questions simples » traitent des effets de l’agression dans le cadre du cycle d’Agression de la théorie des Cinq Éléments dans le chapitre 69.3
De façon générale, il n’est pas nécessaire d’équilibrer l’avant et l’arrière du corps au cours de la même séance. Les points situés sur l’avant du corps s’utilisent généralement dans les cas aigus, alors que les points situés sur l’arrière du corps servent dans les cas chroniques. Toutefois, cette distinction n’est en rien absolue et chaque ensemble de points peut s’utiliser à la fois dans les cas aigus et dans les cas chroniques.
Dans les cas chroniques, il est souvent nécessaire de traiter à la fois les points situés sur l’avant du corps et ceux situés sur l’arrière du corps. En particulier, dans les pathologies extrêmement chroniques, il faut toujours employer les points Shu du dos à un moment ou à un autre du traitement. Si les séances sont fréquentes (c’est-à-dire 2 à 3 fois par semaine), on peut alterner des points sur l’avant et des points sur l’arrière du corps ; c’est une bonne façon d’équilibrer l’avant et l’arrière. Si les séances sont moins fréquentes, on peut piquer des points sur l’avant et des points sur l’arrière du corps à chaque séance. Si l’on pique à la fois des points sur l’avant et des points sur l’arrière du corps au cours de la même séance, il vaut mieux commencer par piquer les points situés sur l’arrière du corps.
Il peut être utile d’équilibrer des points sur l’avant et des points sur l’arrière du corps pour corriger une réaction excessive à un traitement. Supposons qu’on ait piqué plusieurs points sur l’arrière du corps et que le patient réagisse fortement à ce traitement (que le traitement soit justifié ou non), on peut corriger cette approche en piquant ensuite des points sur l’avant du corps. Cette méthode s’applique à toutes les formes d’équilibrage mentionnées auparavant. Si un patient réagit trop fortement, il faut analyser la prescription de points et voir si elle est déséquilibrée dans un sens ou dans un autre ; par exemple, il faut regarder si elle ne comporte pas trop de points Yin (ou Yang), trop de points à l’avant (ou à l’arrière), trop de points en haut (ou en bas) ou trop de points distaux (ou locaux). Si la prescription de points semble déséquilibrée, on peut la rééquilibrer en piquant des points de la catégorie opposée.
Le cadre 70.4 résume l’équilibrage des points du corps.
Cadre 70.4 Équilibrer les Points du Corps
Dans ce chapitre, vous avez vu :
1. La corrélation entre la circulation du Qi et le potentiel énergétique a été présentée pour la première fois par le Dr. J. Lavier, dans « Storia, Dottrina e Pratica dell’Agopunctura Cinese », Edizione Mediterranee, Roma, 1966, p. 83.
i La sonnette est un engin qui sert à enfoncer des pieux (NdT).
2. C’est un concept intéressant que de considérer les points distaux de la jambe (les plus éloignés de la zone affectée) comme plus efficaces que ceux du bras. Ce phénomène est comparable à un levier, en physique ; plus le bras de ce levier est long, plus il est facile à manipuler.
3. 1979 Classique de médecine interne de l’Empereur Jaune - Questions simples (Huang Di Nei Su Wen ), People’s Health Publishing House, première publication environ 100 AEC, p. 403–407.