Chapitre 50 Les Cinq Points Shu (Shu)

Les Cinq points Shu (Shu) sont des points situés entre les doigts et les coudes, ou entre les orteils et les genoux. Ils sont également associés aux Cinq Éléments et on les connaît aussi en Occident sous le nom de « points Éléments » ou parfois « points de commande », ou encore « points de transport ». En France, ils sont parfois aussi appelés « points Shu antiques ».

DYNAMIQUE DES MÉRIDIENS

Le nom chinois de ces points est « Shu » image, et leur idéogramme est pratiquement le même que celui qui désigne les points Shu du dos, qui signifie « transport ». Pour illustrer la nature de ces points, les Chinois de la Chine antique comparaient la partie de méridien située entre les doigts et le coude, et les orteils et les genoux, à une rivière qui partait d’un point « puits », à l’extrémité des doigts ou des orteils, et qui grossissait et s’élargissait petit à petit pour enfin se terminer au point « mer », aux coudes ou aux genoux. Ainsi, depuis les doigts ou les orteils jusqu’aux coudes ou aux genoux, le méridien est à la fois plus large et plus profond. Il est plus étroit et plus superficiel aux doigts et aux orteils, et il est plus large et plus profond aux coudes et aux genoux (Fig. 50.1 et 50.2).

Cette augmentation de taille et de profondeur du méridien est indépendante du sens de la circulation de l’énergie dans le méridien, c’est-à-dire qu’elle concerne aussi bien les méridiens Yin que les méridiens Yang, à la fois des bras et des jambes. Même si la circulation dans les méridiens Yin de la main se fait en direction de la poitrine, la comparaison du méridien avec une rivière qui a sa source aux doigts et son delta aux coudes est tout aussi valable. Il en est exactement de même pour les méridiens de la jambe.

Il s’ensuit que la partie du méridien située entre les doigts et les coudes, ou entre les orteils et les genoux, est plus superficielle que le reste et c’est pourquoi les points qui y sont localisés sont extrêmement importants. L’action énergétique des points situés sur cette partie des méridiens est bien plus dynamique que celle des autres points et c’est ce qui explique qu’ils sont très fréquemment utilisés en pratique clinique. On pourrait même envisager de pratiquer l’acupuncture en ne se servant que de ces points-là. Comme chaque praticien a pu en faire l’expérience répétée, les effets produits par F-3 Taichong, par exemple, sont bien plus puissants que ceux de F-10 Wuli ou de F-11 Yinlian (qui sont situés sur la cuisse).

Le fait que la partie du méridien située entre les doigts et les coudes, ou les orteils et les genoux, soit plus superficielle implique également qu’elle représente le point de contact entre le corps et l’environnement. C’est la partie du méridien qui est la plus rapidement et la plus directement touchée par les facteurs climatiques ou par les facteurs pathogènes extérieurs. C’est pour cela que les points situés sur ces portions de méridiens sont plus particulièrement liés aux saisons et qu’ils peuvent s’utiliser en fonction du cycle de ces dernières. C’est pour cette même raison que les points situés sur ces portions de méridiens sont les points de pénétration des facteurs pathogènes externes comme le Froid, l’Humidité et le Vent.

Une autre raison qui explique la puissance d’action de ces points est qu’à l’extrémité des doigts et des orteils, l’énergie change de polarité et passe du Yin au Yang, et inversement (Fig. 50.3). À cause de ce changement de polarité, le Qi du méridien est plus instable, et donc plus facilement influençable.

Même si on dit d’ordinaire que le changement de polarité s’effectue aux bouts des doigts et des orteils, il ne s’effectue pas en un point unique et précis, et l’inertie d’un méridien à son extrémité se propage, dans une certaine mesure, au méridien qui le suit, jusqu’au coude ou au genou. Par exemple, le méridien du Poumon se termine à l’extrémité du pouce, où la polarité change du Yin au Yang, et l’énergie passe dans le méridien du Gros Intestin. Cependant, ce changement du Yin au Yang ne peut se faire instantanément, en un point bien précis de l’extrémité du doigt, et l’inertie du méridien du Poumon se propage, dans une certaine mesure, à la partie initiale du méridien du Gros Intestin. On peut comparer ce phénomène à la jonction de deux rivières. Lorsque deux rivières importantes se jettent l’une dans l’autre, leur jonction ne se fait pas en un point unique, mais bien souvent, pendant un certain temps, le courant de l’une des deux continue à couler indépendamment dans l’autre rivière. La progression des points des Cinq Éléments sur le méridien est probablement liée à ce changement de polarité car le deuxième point est associé au Feu dans les méridiens Yin et à l’Eau dans les méridiens Yang. Ceci s’explique peut-être par le fait que ce second point représente le point où l’inertie du méridien se fait le plus sentir et se manifeste. Par exemple, le mouvement d’inertie du méridien du Poumon se propage au méridien du Gros Intestin plus particulièrement au niveau du deuxième point du méridien, qui est alors associé à l’Eau et qui reflète la nature Yin du méridien du Poumon. Inversement, le second point des méridiens Yin est associé au Feu et reflète l’inertie des méridiens Yang se mêlant aux méridiens Yin. Ainsi, le second point du méridien représente le point d’inertie maximum du méridien qui précède, inertie qui, par la suite, diminue et va jusqu’à disparaître complètement au niveau du cinquième point du méridien. C’est ce qui explique l’état de relative instabilité de l’énergie dans cette partie du méridien. Cette instabilité explique également l’efficacité de ces points, et on l’exploite en pratique clinique.

Cinq des points de cette partie des méridiens sont particulièrement importants. On les appelle les Cinq points Shu ; ils coïncident avec ce que l’on nomme parfois les points des Cinq Éléments. Toutefois, la dynamique de ces points est indépendante des caractéristiques qui leur sont attribuées dans la théorie des Cinq Éléments.

Chacun de ces cinq points, dont la position se retrouve sur les différents méridiens, porte un nom. Les noms que nous utiliserons sont les suivants :

Ces noms ne sont pas des traductions fidèles des noms chinois, mais je les ai préférés à la traduction littérale qui aurait pu créer des confusions. L’utilisation de ces noms se justifie par l’analogie avec les différents stades du cours d’un fleuve, tels qu’ils sont décrits au chapitre 1 de « L’axe spirituel » où il est dit : « … le Qi sort au point Puits, il sourd et ruisselle au point de Jaillissement, il coule à flots au point Rivière, il afflue au point Fleuve et se jette au point Mer ».1

On trouve une description semblable au chapitre 69 du « Classique des difficultés ».2

On trouvera ci-dessous le sens réel de leur nom :

Ces noms sont en relation avec l’action énergétique spécifique de chacun de ces points, comme je vais l’expliquer ci-dessous.

ACTION ÉNERGÉTIQUE DES CINQ POINTS SHU

Chacun de ces Cinq points Shu a une action énergétique spécifique dans le cadre de la dynamique du méridien, et c’est ce qui explique la signification de chaque nom.

Points Puits

C’est le point de départ du Qi (dans le sens évoqué plus haut, valable à la fois pour les méridiens Yin et pour les méridiens Yang du bras et de la jambe). C’est en ce point que le méridien est le plus superficiel et le plus mince, et c’est là que l’énergie change de polarité, c’est-à-dire change du Yin au Yang et vice-versa. Comme l’énergie est plus superficielle et qu’elle change de polarité, le point Puits a des effets particulièrement puissants lorsqu’on le pique. C’est en ce point que l’énergie est la plus instable et c’est donc là que l’on peut le plus facilement l’influencer ou la modifier. C’est ce qui explique que ces points sont souvent utilisés dans les pathologies aiguës et que les points Puits sont piqués lorsqu’on veut éliminer rapidement un facteur pathogène. Par exemple, on les utilise pour calmer le Vent interne au stade aigu d’une attaque de Vent.

Selon le « Classique des difficultés », ces points ont un mouvement énergétique « tourné vers l’extérieur », c’est-à-dire que l’énergie du méridien tend à aller vers l’extérieur, dans un mouvement centrifuge localisé sur ces points.3 On se sert de ce mouvement centrifuge de l’énergie aux points Puits pour éliminer rapidement les facteurs pathogènes quand ils traversent ces points. On peut donner plusieurs exemples, comme l’utilisation de P-11 Shaoshang pour les évanouissements, de MC-9 Zhongchong pour les évanouissements et les insolations, de C-9 Shaochong et IG-1 Shaoze pour la perte de connaissance, de Rte-1 Yinbai pour les convulsions, de Rn-1 Yongquan pour la perte de connaissance et les convulsions infantiles, et de GI-1 Shangyang pour la perte de connaissance. Les points Shixuan (points HM), situés à l’extrémité des doigts, ont des actions identiques à celles des points Puits. On les utilise, par exemple, pour calmer le Vent interne dans les pathologies aiguës (au stade aigu d’une attaque de Vent, par exemple).

Le cadre 50.1 résume les caractéristiques des points Puits.

Points Jaillissement

En ces points, le Qi du méridien est très puissant et plein d’une énergie potentielle toute prête à se manifester, comme le frémissement de l’eau d’une source de montagne. C’est pourquoi « L’axe spirituel » dit qu’en ces points le Qi « sourd » et « ruisselle », c’est-à-dire qu’il est plein de vie. En raison de cette nature, les points Jaillissement sont aussi très efficaces et très puissants, et ils peuvent modifier très rapidement l’état d’un individu. Ils ont un effet particulièrement puissant et servent généralement à éliminer les facteurs pathogènes (qu’ils soient internes ou externes), surtout la Chaleur.

En raison de leur puissance, if faut utiliser ces points avec mesure. Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre précédent, les points Jaillissement des pieds sont plus puissants que ceux des mains et, si on a le choix, il vaut mieux piquer les points de la main en priorité (voir aussi ch. 70). Par exemple, lorsqu’on choisit un point distal pour traiter une migraine temporale due à une montée du Yang du Foie, on peut hésiter entre le point Jaillissement du méridien de la Vésicule Biliaire ou celui du méridien du Triple Réchauffeur (VB-43 Xiaxi et TR-2 Yemen). Le point Jaillissement du méridien du Triple Réchauffeur est légèrement moins puissant et moins dynamique que celui du méridien de la Vésicule Biliaire, et il doit lui être préféré, surtout s’il s’agit de la première séance. Bien évidemment, cela ne signifie pas qu’il faille toujours préférer le point Jaillissement du méridien de la main à celui du méridien du pied. Dans bon nombre de cas, le praticien n’a pas le choix ou bien il recherche, en connaissance de cause, un effet particulièrement fort.

Le cadre 50.2 résume les caractéristiques des points Jaillissement.

Points Mer

En ces points, le Qi du méridien est large et profond, il réunit, il collecte et il rejoint la circulation énergétique générale du corps, comme un grand fleuve qui se jette dans la mer. Selon le chapitre 65 du « Classique des difficultés », le Qi, en ces points, a un mouvement centripète, tourné vers l’intérieur (par opposition au mouvement centrifuge, tourné vers l’extérieur, que l’on trouve aux points Puits).5

Si l’on compare les points Mer et les points Puits, les points Mer sont bien moins dynamiques et leurs effets sont moins spectaculaires et moins rapides. Ce phénomène est dû au fait qu’aux points Mer, le Qi coule bien plus lentement et coule vers l’intérieur, en profondeur, de sorte qu’il n’est pas aussi instable et ne peut être touché aussi rapidement et aussi facilement.

Le cadre 50.5 résume les caractéristiques des points Fleuve.

Le cadre 50.6 résume les fonctions et les noms des Cinq points Shu.

Le tableau 50.1 résume les noms et les fonctions des Cinq points Shu.

ACTIONS DES CINQ POINTS SHU SELON LES TEXTES CLASSIQUES

On peut envisager l’utilisation clinique des Cinq points Shu de différents points de vue, à savoir, selon le chapitre 68 du « Classique des difficultés », selon les chapitres 4, 6 et 44 de « L’axe spirituel », selon les saisons, comme dans le chapitre 61 des « Questions simples », ou selon la nature de chaque point dans la théorie des Cinq Éléments, exposée dans les chapitres 64 et 69 du « Classique des difficultés ».

Selon le « Classique des difficultés »

Le chapitre 68 du « Classique des difficultés » traite de l’utilisation des Cinq points Shu et fournit des indications qui sont encore valables et très usitées de nos jours. Par exemple :

Les utilisations cliniques de ces points sont détaillées ci-dessous.

Points Mer

Les points Mer s’utilisent pour toutes les pathologies de l’estomac et des intestins. Cette action concerne essentiellement les méridiens Yang, mais aussi certains méridiens Yin. On peut citer, parmi les points Mer qui sont bien connus pour traiter les troubles gastriques et intestinaux, E-36 Zusanli et VB-34 Yanglingquan. Les points Mer des méridiens Yin de la jambe peuvent aussi traiter les pathologies des organes Yang, comme par exemple, Rte-9 Yinlingquan, Rn-10 Yingu et F-8 Ququan, qui peuvent tous disperser la Chaleur-Humidité dans la Vessie ou les Intestins. Enfin, le point Mer du méridien du Maître du Cœur, MC-3 Quze, peut aussi disperser la Chaleur des Intestins.

En plus de ces points Mer, les méridiens Yang de bras ont aussi des points que l’on nomme points Mer inférieurs. Ce sont :

Ces trois points sont directement liés à leur organe respectif et sont semblables aux points Mer dans leurs effets, c’est-à-dire qu’ils traitent les pathologies des organes Yang. En particulier, E-37 Shangjuxu s’utilise en cas de diarrhées chroniques et de Chaleur-Humidité dans le Gros Intestin, E-39 Xiajuxu traite les douleurs intestinales, et V-39 Weiyang traite l’énurésie (si on le tonifie lorsque le Réchauffeur Inférieur est en état de vide) ou la rétention d’urines et les œdèmes (si on le disperse lorsque le Réchauffeur Inférieur est en état de Plénitude).

« L’axe spirituel », au chapitre 2, parle de l’utilisation de V-39 Weiyang : « [V-39] Weiyang reçoit le Réchauffeur Inférieur ; si ce dernier souffre de Plénitude, on a de la rétention d’urines, s’il souffre de vide, on a de l’énurésie et de l’incontinence. Il faut disperser ce point dans le premier cas, et le tonifier dans le second ».7

« L’axe spirituel », au chapitre 4, dresse la liste de tous les points Mer et indique E-37 Shangjuxu pour le Gros Intestin, E-39 Xiajuxu pour l’Intestin Grêle et V-39 Weiyang pour le Triple Réchauffeur.8

Ces trois points fonctionnent donc comme les points Mer du Gros Intestin, de l’Intestin Grêle et du Triple Réchauffeur, et leurs points Mer supérieurs (respectivement GI-11 Quchi, IG-8 Xiaohai et TR-10 Tianjing) traitent essentiellement (mais pas exclusivement) les problèmes des méridiens de la nuque, des épaules et du visage.

Le cadre 50.7 résume les Cinq points Shu selon le « Classique des difficultés ».

Selon « L’axe spirituel »

Chapitre 44

Au chapitre 44, « L’axe spirituel » dit :

Lorsqu’un organe Yin est touché, il faut utiliser les points Puits ; lorsque la maladie se manifeste par un changement de la couleur du teint, il faut utiliser les points Jaillissement ; lorsque la maladie se manifeste de façon intermittente, il faut utiliser les points Rivière ; lorsque la maladie touche la voix et qu’il y a stagnation de Qi et de Sang dans les méridiens, il faut utiliser les points Fleuve ; lorsque c’est l’Estomac qui est touché et que le malade a perdu l’appétit, il faut utiliser les points Mer.9

Ces règles sont relativement simples et rejoignent partiellement celles qui sont énoncées au chapitre 68 du « Classique des difficultés ». « L’axe spirituel » recommande l’utilisation des points Puits pour traiter les pathologies des organes Yin, ce qui est identique à la recommandation que l’on trouve dans le « Classique des difficultés », qui préconise l’utilisation de ces points en cas d’agitation mentale et d’irritabilité, surtout si cellesci proviennent d’un tableau pathologique du Cœur.

L’utilisation des points Fleuve pour les problèmes de voix, recommandée dans « L’axe spirituel », coïncide avec l’utilisation de ces mêmes points pour les problèmes de gorge recommandée par le « Classique des difficultés ». L’utilisation des points Mer est aussi pratiquement la même dans ces deux grands classiques. Toutefois, les conseils que l’on peut trouver dans « L’axe spirituel » sont bien moins suivis en pratique clinique que ceux qui figurent dans le « Classique des difficultés », car leur signification clinique est de moindre importance.

L’utilisation particulière que fait « L’axe spirituel » des points Fleuve, évoquée au chapitre 44, n’est pas très pertinente en pratique clinique. Par exemple, la recommandation des points Puits pour les troubles des organes Yin n’est généralement pas suivie et, en fait, elle contredit ce qui est dit au chapitre 6 de ce même ouvrage, qui recommande l’utilisation des points Jaillissement et des points Rivière pour les troubles des organes Yin. Les recommandations selon lesquelles il faut utiliser les points Jaillissement en cas de modification de la couleur du teint et les points Rivière lorsque la pathologie est intermittente ne sont pas non plus d’une grande pertinence clinique.

L’utilisation des points Fleuve lorsque la voix est impliquée se retrouve dans les indications de plusieurs points Fleuve :

L’utilisation des points Mer pour les troubles digestifs est courante et on peut citer de nombreux points en exemple :

Le cadre 50.8 résume les Cinq points Shu selon le chapitre 44 de « L’axe spirituel ».

chapitre 4

« L’axe spirituel » donne d’autres conseils pour l’utilisation des Cinq points Shu, dont certains contredisent même d’autres chapitres de ce livre. On lit, au chapitre 4 : « Les branches divergentes des méridiens Yang pénètrent à l’Intérieur et rejoignent les organes Yang … Les points Jaillissement et les points Rivière [ensemble] traitent les problèmes de méridiens, les points Mer traitent les problèmes d’organes ».10

S’ensuit une liste des points Mer des méridiens Yang qui ne fait apparaître que les points Mer inférieurs des méridiens Yang de bras, autrement dit des méridiens du Gros Intestin, de l’Intestin Grêle et du Triple Réchauffeur (c’est-à-dire E-37 Shangjuxu, E-39 Xiajuxu et V-39 Weiyang).

Les points Jaillissement et les points Rivière des méridiens Yang sont fréquemment utilisés dans le traitement des Syndromes d’Obstruction Douloureuse (Syndrome Bi) car le point Rivière est un point où se concentre le Qi Protecteur, alors que le point Jaillissement est un point très efficace pour faire circuler le Qi dans le méridien et pour expulser le facteur pathogène, surtout la Chaleur.

L’utilisation des points Mer des méridiens Yang préconisée ici concorde avec celle du « Classique des difficultés » et du chapitre 44 de « L’axe spirituel », c’est-à-dire qu’on les utilise pour traiter des pathologies des organes Yang. Cette méthode est couramment utilisée en pratique clinique.

Le cadre 50.9 résume les Cinq points Shu selon le chapitre 4 de « L’axe spirituel ».

Chapitre 6

Au chapitre 6 de « L’axe spirituel », on trouve encore d’autres recommandations pour l’utilisation clinique des Cinq points Shu. Il y est dit :

À l’Intérieur, on a cinq organes Yin et six organes Yang ; à l’Extérieur, on a les os, les tendons et la peau. Le Yin et le Yang se trouvent aussi bien à l’Intérieur qu’à l’Extérieur. À l’Intérieur, les cinq organes Yin appartiennent au Yin et les six organes Yang appartiennent au Yang. Pour les pathologies du Yin dans le Yin (autrement dit, les pathologies des organes Yin), il faut utiliser conjointement les points Jaillissement et les points Rivière des méridiens Yin. Pour les pathologies du Yang dans le Yang (autrement dit, les pathologies de la peau), il faut utiliser les points Mer des méridiens Yang. Pour les pathologies du Yin dans le Yang (autrement dit, des tendons et des os), il faut utiliser les points Fleuve des méridiens Yin. Pour les pathologies du Yang dans le Yin (autrement dit, des organes Yang), il faut utiliser les points Luo.11

Pour résumer (Fig. 50.4) :

Ces conseils ne sont que partiellement appliqués en pratique clinique. On utilise fréquemment ensemble les points Jaillissement et les points Rivière pour disperser la Chaleur des organes Yin ; parfois on peut disperser le point Jaillissement pour éliminer la Chaleur et tonifier le point Rivière pour nourrir le Yin du méridien. Un bon exemple de cette association nous est donné avec l’utilisation de F-2 Xingjian (en dispersion pour disperser le Feu du Foie) et de F-3 Taichong (en tonification pour nourrir le Yin du Foie). On peut aussi utiliser cette technique pour nourrir le Yin du Foie et soumettre le Yang du Foie en cas de céphalées, ou pour nourrir le Yin du Foie et éliminer le Feu du Foie dans les pathologies urinaires engendrées par un Feu du Foie et une Chaleur de la Vessie.

Les points Mer des méridiens Yang, et surtout les points Mer supérieurs (comme GI-11 Quchi, IG-8 Xiaohai et TR-10 Tianjing) sont fréquemment utilisés pour traiter la « peau », c’est-à-dire libérer l’Extérieur de l’invasion des facteurs pathogènes externes. GI-11 et TR-10, en particulier, s’utilisent pour libérer l’Extérieur et chasser le Vent-Chaleur. GI-11 Quchi est un point important dans les maladies de la peau car il rafraîchit le Sang. Voici quelques indications de ces points pour traiter les maladies de peau :

Les points Fleuve des méridiens Yin servent fréquemment dans les problèmes de tendons et d’os, par exemple, dans les Syndromes d’Obstruction Douloureuse. Ceci s’explique par le fait que c’est en ces points que le Qi est détourné vers les tendons, les os et les articulations. Voici quelques indications des points Fleuve des méridiens Yin pour traiter les troubles liés aux articulations et aux tendons :

Bien évidemment, les points Fleuve des méridiens Yang traitent aussi les problèmes d’articulations et de tendons, et le meilleur exemple en est E-41 Jiexi.

La règle qui consiste à utiliser les points de Communication dans les pathologies des organes Yang n’est pas beaucoup suivie car on leur préfère les points Mer inférieurs.

Le cadre 50.10 résume les Cinq points Shu selon le chapitre 6 de « L’axe spirituel ».

Selon les saisons

Le chapitre 44 de « L’axe spirituel » nous fournit des indications quant à l’utilisation des Cinq points Shu en fonction des saisons. On y lit : « En Hiver, il faut utiliser les points Puits, au printemps les points Jaillissement, en été les points Rivière, à la fin de l’été les points Fleuve, en automne les points Mer ».12

Ces règles n’ont qu’une application limitée en pratique clinique car il n’est pas souvent possible de sélectionner les points en fonction du cycle des saisons, un tel choix pouvant aller à rencontre des nécessités du traitement, déterminées selon l’état effectif du patient. Toutefois, ces directives peuvent être suivies dans les traitements préventifs saisonniers, chez des personnes qui se font traiter pour rester en forme plutôt que pour soigner une pathologie précise.

Le chapitre 61 des « Questions simples » évoque l’utilisation des Cinq points Shu selon les saisons : « En automne, piquer les points Fleuve pour drainer les facteurs pathogènes Yin et les points Mer pour drainer les facteurs pathogènes Yang … En hiver, piquer les points Puits pour soumettre le Yin Qi rebelle et les points Jaillissement pour renforcer le Yang Qi ».13 Ces instructions, qui sont en contradiction avec celles que l’on trouve au chapitre 44 de « L’axe spirituel », ne sont que rarement suivies.

Le cadre 50.11 résume les Cinq points Shu selon les saisons.

Selon les Cinq Éléments

Les Cinq points Shu s’utilisent aussi selon la nature qui les caractérise dans la théorie des Cinq Éléments. C’est le « Classique des difficultés » qui en a fait mention pour la première fois. Au chapitre 64, il est dit que le point Puits des méridiens Yin est associé au Bois et que le point Puits des méridiens Yang est associé au Métal.14

L’utilisation des Cinq points Shu en fonction de leur nature dans la théorie des Cinq Éléments est présentée au chapitre 69. Elle est présentée en peu de mots : « En cas de Vide, tonifier la Mère, en cas de Plénitude, drainer le Fils ».15

Si l’on suit ce principe tout en gardant à l’esprit le cycle d’Engendrement des Cinq Éléments, on peut choisir de tonifier le point qui correspond à l’Élément « Mère » en cas de Vide d’un méridien. En cas de Plénitude, on choisira de disperser le point qui correspond à l’Élément « Fils ». Par exemple, dans un vide du Foie, comme le Foie est associé au Bois et que l’Eau est la Mère du Bois, on choisira de tonifier F-8 Ququan, qui correspond à l’Eau. Si le Foie souffre de Plénitude, on choisira de disperser F-2 Xingjian, qui correspond au Feu, car le Feu est le Fils du Bois. Le tableau 50.2 donne la liste des points de tonification et de drainage selon la relation Mère-Fils de la théorie des Cinq Éléments.

Tableau 50.2 Tonification et drainage selon la relation Mère-Fils de la théorie des Cinq Éléments

Méridien Tonification (Mère) Drainage (Fils)
Poumon P-9 Taiyuan P-5 Chize
Gros Intestin GI-11 Quchi GI-2 Erjian
Estomac E-41 Jiexi E-45 Lidui
Rate Rte-2 Dadu Rte-5 Shangqiu
Cœur C-9 Shaochong C-7 Shenmen
Intestin Grêle IG-3 Houxi IG-8 Xiaohai
Vessie V-67 Zhiyin V-65 Shugu
Rein Rn-7 Fuliu Rn-1 Yongquan
Maître du Cœur MC-9 Zhongchong MC-7 Daling
Triple Réchauffeur TR-3 Zhongzhu TR-10 Tianjing
Vésicule Biliaire VB-43 Xiaxi VB-38 Yangfu
Foie F-8 Ququan F-2 Xingjian

Si l’on en croit cette théorie, chaque méridien a donc un point de tonification et un point de dispersion qui correspondent respectivement à l’Élément Mère et à l’Élément Fils. Il faut toutefois bien insister sur le fait que la technique de manipulation de l’aiguille est de première importance lorsqu’on tonifie ou lorsqu’on disperse (c’est-à-dire lorsqu’on tonifie pour renforcer et lorsqu’on disperse pour drainer). En d’autres termes, on ne peut se contenter de la seule fonction de tonification ou de dispersion d’un point pour tonifier ou drainer.

De plus, le caractère de tonification ou de dispersion d’un point est bien souvent oblitéré par ses autres caractéristiques, de sorte que la règle de tonification ou de dispersion selon les points qui tonifient ou qui dispersent souffre de nombreuses exceptions.

Par exemple, C-9 Shaochong et MC-9 Zhongchong sont des points de tonification mais sont le plus souvent utilisés en dispersion dans les pathologies aiguës, pour la bonne raison que ce sont des point Puits. C-7 Shenmen est le point de dispersion, mais il s’utilise le plus souvent pour tonifier le Sang du Cœur et nourrir l’Esprit. GI-11 Quchi est un point de tonification, mais il rafraîchit aussi le Sang et libère l’Extérieur et il est, de par sa nature même, un point qui draine. Rte-2 Dadu est un point de tonification, mais il ne serait pas indiqué pour tonifier la Rate et Rte-3 Taibai, E-36 Zusanli ou V-20 Pishu seraient bien plus appropriés dans ce cas. Rte-2, au contraire, s’utilise souvent dans les affections fébriles pour disperser la Chaleur et favoriser la transpiration. V-67 Zhiyin est un point de tonification, mais là encore, parce que c’est un point Puits, on l’utilise souvent pour disperser dans des pathologies aiguës, ou encore pour contrôler le Qi qui monte et provoque des céphalées.

Outre leur utilisation dans la théorie des points de tonification et de dispersion, les points des Cinq Éléments s’utilisent de façon très courante pour éliminer les facteurs pathogènes. Il existe des correspondances entre les Cinq éléments et les facteurs pathogènes, à savoir :

En tenant compte de ces correspondances, on peut utiliser les points des Cinq Éléments pour chasser le facteur pathogène concerné (qu’il soit externe ou interne). La seule exception est le point Métal, qui ne s’utilise pas pour éliminer la Sécheresse en raison de la nature de la Sécheresse. Alors que la Chaleur, le Feu, le Vent, l’Humidité et le Froid sont des facteurs pathogènes qui se traduisent par un tableau de Plénitude, la Sécheresse se manifeste par un vide des Liquides Organiques, et il est alors indispensable de nourrir les liquides.

Ces correspondances entre les Cinq Éléments et les facteurs pathogènes sont essentiellement respectées dans les tableaux de Plénitude pour éliminer le facteur pathogène incriminé (Tableau 50.3). De plus, on les utilise plus volontiers, mais pas exclusivement, pour les méridiens Yin que pour les méridiens Yang.

La méthode qui consiste à utiliser les points des Éléments pour chasser le facteur pathogène correspondant peut aussi s’appliquer à certains points des méridiens Yang. En particulier, on peut utiliser certains points Bois pour soumettre le Vent Interne, comme IG-3 Houxi et certains points Feu pour disperser la Chaleur, par exemple, GI-5 Yangxi et E-41 Jiexi.

Le tableau 50.3 donne la liste des points Shu des méridiens Yin ainsi que leur utilisation clinique pour l’élimination des facteurs pathogènes en relation avec la théorie des Cinq Éléments.

Le cadre 50.12 résume les Cinq points Shu selon la théorie des Cinq Éléments.

RÉSUMÉ

On peut désormais résumer les actions des Cinq points Shu selon les différentes perspectives exposées ci-dessus.

Points Jaillissement

« Classique des difficultés » : en cas de « sensation de chaleur dans le corps », pour éliminer la Chaleur.

Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : lorsque la couleur du teint se modifie.

Chapitre 4 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes de méridiens (à utiliser avec les points Rivière).

Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes des organes Yin (à utiliser avec les points Rivière) ; points Jaillissement des méridiens Yin.

Selon les saisons : au printemps.

Selon les facteurs pathogènes et les Cinq Éléments : pour éliminer la Chaleur.

Points Rivière

« Classique des difficultés » : en cas de « sensation de lourdeur et de douleurs articulaires », pour éliminer l’Humidité, Syndrome d’Obstruction Douloureuse.

Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : lorsque les symptômes sont intermittents.

Chapitre 4 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes de méridiens (à utiliser avec les points Jaillissement).

Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes des organes Yin (à utiliser avec les points Jaillissement) ; points Rivière des méridiens Yin.

Selon les saisons : en été.

Selon les facteurs pathogènes et les Cinq Éléments : pour éliminer l’Humidité et les Glaires.

Points Fleuve

« Classique des difficultés » : en cas de « toux et de sensation de chaleur et de froid », toux, asthme.

Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : lorsque la voix est impliquée.

Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : pour les tendons et les os ; points Fleuve des méridiens Yin.

Selon les saisons : à la fin de l’été.

Points Mer

« Classique des difficultés » : en cas de « Qi Rebelle et de diarrhées », troubles digestifs.

Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : pour les pathologies de l’Estomac.

Chapitre 4 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes des organes internes (Yang).

Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes de peau, points Mer des méridiens Yin.

Selon les saisons : en automne.

Selon les facteurs pathogènes et les Cinq Éléments : pour chasser le Vent.

Le tableau 50.4 résume les caractéristiques et les fonctions des Cinq points Shu selon les divers points de vue présentés ci-dessus.

Ce Que Vous avez Appris

Dans ce chapitre, vous avez vu :

11. Les actions des points Jaillissement selon diverses perspectives :
Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : lorsque la couleur du teint se modifie
Chapitre 4 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes de méridiens (à utiliser avec les points Rivière)
Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : pour les problèmes des organes Yin (à utiliser avec les points Rivière) ; points Jaillissement des méridiens Yin
12. Les actions des points Rivière selon diverses perspectives :
Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : symptômes intermittents
Chapitre 4 de « L’axe spirituel » : problèmes de méridiens (à utiliser avec les points Jaillissement)
Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : problèmes des organes Yin (à utiliser avec les points Jaillissement) ; points Rivière des méridiens Yin
13. Les actions des points Fleuve selon diverses perspectives :
Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : lorsque la voix est impliquée
Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : pour les tendons et les os ; points Fleuve des méridiens Yin
14. Les actions des points Mer selon diverses perspectives :
Chapitre 44 de « L’axe spirituel » : pathologies de l’Estomac
Chapitre 4 de « L’axe spirituel » : problèmes des organes internes (Yang)
Chapitre 6 de « L’axe spirituel » : problèmes de peau, points Mer des méridiens Yin

1. 1981 L’axe spirituel (Ling Shu Jing image ), People’s Health Publishing House, première publication environ 100 AEC, p. 3.

2. Collège de médecine traditionnelle chinoise de Nanjing 1979 Une nouvelle explication revue et corrigée du Classique des difficultés (Nan Jing Jiao Shi image ), People’s Health Publishing House, première publication aux environs de 100, p. 148.

3. Classique des difficultés, p. 142.

4. Collège de médecine traditionnelle chinoise de Shanghai (traduit par Dan Bensky et John O’Connor) 1975 Acupuncture – a Comprehensive Text, Eastland Press, Chicago, p. 126.

5. Classique des difficultés, p. 142.

7. L’axe spirituel, p. 7.

8. Ibid., p. 14.

9. L’axe spirituel, p. 7.

10. Ibid., p. 14.

11. Ibid., p. 18-19.

12. Ibid., p. 86.

13. 1979 Classique de médecine interne de l’Empereur Jaune - Questions simples (Huang Di Nei Su Wen image ), People’s Health Publishing House, première publication environ 100 AEC, p. 330.

14. Classique des difficultés, p. 139.

15. Ibid., p. 151.