Zeus ôta sa faucille en diamant de sa ceinture et, d’un pas décidé, s’enfonça dans la forêt pour affronter Typhon. Ce terrible fils avait été donné à Héra par les trois dieux qu’elle avait invoqués : le Ciel, la Terre et l’horrible Tartare, tous nés du Chaos ; il était donc doté d’une puissance démesurée.
Cependant il était blessé, ce qui donnait au roi des dieux un petit avantage…
Athéna ne pouvait se résoudre à rester plantée là sans rien faire. Zeus était courageux, mais son adversaire était… Il n’y avait pas de mots pour le caractériser. Bravant sa frayeur, elle continua de descendre. Puis elle cria à son père qui, d’où il était, ne voyait pas Typhon :
— Droit devant ! Il est occupé à arracher la lance de sa poitrine. Sa blessure le fait souffrir, et il n’a pas bien repris ses esprits ! N’attends pas ! Attaque !
Se fiant à ses indications, Zeus fonça droit devant, la faucille menaçante.
Surpris par son irruption, le monstre recula en titubant puis, désorienté, il tourna le dos et s’enfuit.
Athéna en fut émerveillée. Ils avaient réussi, ils l’avaient chassé !
Mais… Zeus le poursuivait !
En fait, le roi des dieux n’avait pas tort : Typhon était immortel et, sitôt qu’il serait guéri, le monde vacillerait de nouveau. Il fallait le rattraper avant qu’il reprenne des forces et l’enfermer pour l’empêcher de nuire.
Sans écouter sa peur, Athéna s’exclama :
— Attends, je t’accompagne !
Et elle se mit à courir.
Malheureusement, ses petites jambes ne pouvaient rivaliser avec celles de deux adultes grands et forts, et les collines succédaient aux vallées sans qu’elle parvienne à les rattraper.
Zeus était maintenant sur les talons de Typhon. Il arrivait sur lui ! Il se jeta en avant juste au moment où… le monstre s’arrêtait net. Emporté par son élan, Zeus lui rentra dedans. Aussitôt, les serpents mouvants des effroyables cuisses s’enroulèrent autour de lui, l’immobilisant dans leur étau. Il était tombé dans un piège !
Typhon en profita pour lui arracher sa faucille des mains et, d’un seul geste, il lui trancha les tendons des chevilles et des poignets.
Puis il s’empara des tendons coupés pour qu’ils ne se ressoudent pas, cala le blessé sous son bras et repartit.
Athéna arriva juste à temps pour voir Typhon emporter Zeus et disparaître de son pas de géant, enjambant plaines et montagnes.
Elle courut derrière eux jusqu’au bout de ses forces, mais ne les retrouva pas.
Elle s’effondra en pleurs. C’était une catastrophe, une véritable catastrophe !
C’est là qu’elle entendit, venant du ciel :
— Eh ! Pssst !
Elle leva la tête et aperçut un ibis.
Un ibis ?… C’était la forme prise par son demi-frère Hermès pour s’enfuir ! Elle faillit lui crier qu’il n’était qu’un lâche, mais il ne lui en laissa pas le temps :
— Ne t’en fais pas, sœurette, j’ai tout vu, et je m’en occupe !
Sur ces mots, à tire-d’aile, il disparut dans le ciel.
Athéna se sentit soulagée. Hermès n’était pas juste un lâche. Il avait eu peur comme tout le monde, mais il aurait à cœur de se racheter et il sauverait son père, elle en était sûre1. Car il ne manquait pas de ruse : il était le dieu des voleurs, même s’il s’était un instant pris pour le dieu des volatiles.
Elle regarda autour d’elle. Elle ne savait plus du tout où elle était.
1. On saura comment dans L’enfance des dieux : Hermès.