NOTIONS À MAÎTRISER
◆ Le règlement financier
◆ La commission interministérielle de coordination des contrôles
◆ La déclaration d’assurance
L’originalité de l’exécution du budget de l’UE est qu’elle revient in fine principalement aux États membres. Pour réduire les risques financiers que recèle cette organisation, la responsabilité pleine et entière de la Commission européenne quant à l’exécution du budget a été affirmée et plusieurs dispositifs de contrôle ont été mis en place.
Selon l’article 317 TFUE, « La Commission exécute le budget en coopération avec les États membres, conformément aux dispositions des règlements pris en exécution de l’article 322, sous sa propre responsabilité et dans la limite des crédits alloués, conformément au principe de la bonne gestion financière. Les États membres coopèrent avec la Commission pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière ».
Le règlement de 1977 prévoyait un système d’exécution du budget proche du système français, avec sa distinction classique entre ordonnateur, contrôleur financier et comptable. Le premier établit les propositions d’engagement, de liquidation et d’ordonnancement des dépenses ; le second contrôle ex ante le respect des principes budgétaires pour chaque opération et délivre une autorisation préalable explicite ; le troisième exécute les ordres de payement et de recouvrement.
L’article 65 du règlement financier du 25 octobre 2012 a revu à la hausse les compétences et l’autonomie de l’ordonnateur. En effet, le système du « visa » a disparu (dès le règlement financier précédent de 2002), la fonction de contrôleur financier ayant été supprimée – ou plus exactement profondément transformée. De ce fait, les services de l’ordonnateur assurent eux-mêmes – avec une structure spécialisée – les vérifications nécessaires à la validité des actes d’exécution budgétaire.
Le contrôleur financier est remplacé par un auditeur interne, présent dans chaque institution et indépendant. Il n’intervient pas (plus) dans l’exécution du budget, mais remplit deux missions en rapport avec celle-ci : d’une part il est le spécialiste à même d’assurer que l’exécution se déroule conformément à la réglementation ; d’autre part il évalue l’efficacité du système de contrôle interne ex ante mis en place par l’ordonnateur et ses services. Il rend compte à l’ordonnateur principal, son responsable.
Le comptable conserve son rôle, le principe de séparation d’avec l’ordonnateur étant maintenu (art. 58 du règlement). De manière plus précise, il continue à exécuter les ordres de l’ordonnateur en vérifiant que les payements qu’il effectue correspondent bien aux dettes de l’institution de l’ordonnateur. De même, il recouvre des recettes. Chargé de ces opérations pratiques, il gère aussi la trésorerie et assure la comptabilité budgétaire (recettes et dépenses).
Outre la Commission, le Parlement européen, le Conseil, la Cour de Justice de l’Union européenne et la Cour des comptes européenne bénéficient d’un principe d’autonomie dans l’exécution des moyens budgétaires qui leur reviennent1. L’article 55 du règlement de 2012 indique en effet que « la Commission reconnaît aux autres institutions les pouvoirs nécessaires à l’exécution des sections du budget qui les concernent ». En outre, le Conseil et le Parlement ont conclu un gentlemen’s agreement stipulant que chacune des deux institutions s’abstient de porter un jugement sur le budget de l’autre.
De manière générale, les pouvoirs d’exécution de la Commission sont encadrés par les comités dits de comitologie selon les règles prévues par la décision du 28 juin 1999 prise en application de l’article 202 du TCE. Selon l’interprétation du Conseil, cet encadrement vaut également pour l’exécution du budget. Rappelons que les comités de comitologie sont composés d’un représentant de chaque État membre et présidés par un représentant de la Commission. À la différence de la procédure consultative (le comité est consulté par la Commission), les procédures de gestion et de réglementation peuvent permettre au Conseil de prendre les décisions d’exécution en cas de désaccord avec la Commission.
La gestion centralisée directe est effectuée soit directement par les services de la Commission, soit par des offices. Ceux-ci sont des structures administratives pouvant être communes à plusieurs institutions (e.g. l’office des publications officielles de l’Union européenne). On parle également de gestion centralisée indirecte lorsque la gestion est confiée à des agences nationales ou de l’UE, notamment soumises à des règles de bonne gestion financière.
La gestion est partagée ou décentralisée pour 77 % du budget. Cela signifie qu’elle est confiée à un État ou à un organisme spécialisé dépendant d’un État (e.g. offices agricoles). Elle est dite partagée quand elle concerne des États membres (76 % du budget), notamment dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) et de la politique structurelle, et décentralisée quand elle concerne des pays tiers (1 % du budget). L’article 59 du règlement précise les obligations des États, responsables de la bonne gestion des fonds dont ils ont la charge. La gestion conjointe (1 % du budget) se limite aux programmes exécutés par une organisation internationale avec des fonds communautaires qui ne sont pas précisément affectés à une action donnée (e.g. trust funds). Cette co-gestion est subordonnée au respect des standards internationaux en matière de règles de gestion.
Au sein de la Commission, le contrôleur financier est un auditeur. Le service d’audit interne est placé sous l’autorité du vice-président de la Commission, ce qui le rend indépendant des (autres) commissaires, et est nécessaire dans la mesure où ceux-ci sont gestionnaires de crédits. En effet, l’auditeur interne a en charge le contrôle des fonds directement gérés par la Commission.
Par ailleurs, les autres institutions disposent également de leurs propres auditeurs internes, également issus du corps des administrateurs de l’UE spécialisés dans l’audit.
En ce qui concerne la gestion partagée ou décentralisée, le règlement de 2012 poursuit la procédure dite d’apurement des comptes, laquelle consiste en un contrôle, assuré par la Commission, pouvant être suivi de corrections financières. La procédure varie selon les secteurs de dépenses ; nous nous limiterons à l’exemple de la PAC.
En matière de PAC, le contrôle porte sur les exercices clôturés. Il consiste en la vérification de la réglementation communautaire dans son ensemble, c’est-à-dire non seulement de la régularité comptable des payements mais aussi des modalités de contrôle. Les États membres sont chargés de veiller à la bonne exécution des dépenses en déployant leurs propres dispositifs de contrôle interne. Ainsi, la France a institué une commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), notamment animée par l’inspection générale de l’administration (IGA).
Jusqu’en 1975, le contrôle externe des finances communautaires était exercé par deux organes : une commission de contrôle (pour le budget général) et un commissaire au compte (pour le budget de la CECA et celui d’Euratom). L’émergence d’un budget propre à l’UE et de l’autonomie de gestion accordée aux institutions européennes a rendu impératif un changement qualitatif du contrôle du budget, avec la création d’un organisme disposant de moyens appropriés : chose faite avec le traité de Bruxelles de 1975 créant la Cour des comptes européenne (qui se substitue aux deux organes précités), puis avec le traité de Maastricht qui l’élève au rang d’institution de l’UE.
Si la Cour des comptes européenne ressemble au premier abord à une institution nationale traditionnelle, l’originalité du contexte institutionnel communautaire fait de la Cour un modèle unique. Il convient dès lors de s’interroger sur l’adéquation de l’organisation et des missions de la Cour à la gouvernance de l’Union européenne.
Les caractéristiques classiques de la Cour des comptes européenne ne doivent pas occulter le fait qu’elle est une institution originale par son contexte institutionnel et ses missions. La Cour des comptes a son siège à Luxembourg. Outre les fonctionnaires à son service, notamment les auditeurs, elle est composée d’un ressortissant de chaque État membre devant présenter toutes garanties d’indépendance. Les membres sont nommés pour 6 ans renouvelables. Pour leur nomination, le Conseil statue à la majorité qualifiée, après consultation du Parlement européen et adopte la liste des membres conformément aux propositions des États. Ils sont choisis parmi des personnalités appartenant ou ayant appartenu, dans leurs pays respectifs, aux institutions de contrôle externe ou possédant une qualification pour cette fonction. Le président de la Cour des comptes européenne (Klaus-Heiner Lehne, allemand) élu par ses collègues pour une durée de trois ans, veille au bon fonctionnement des services et au bon déroulement de l’activité de la Cour.
En vertu de l’article 285 du TFUE, les membres de la Cour « exerce(nt) leurs fonctions en pleine indépendance, dans l’intérêt général de l’Union ». Cette indépendance est garantie par le rang d’institution de la Cour, le statut des membres et le règlement intérieur. Ainsi, les membres ne sollicitent, ni n’acceptent d’instruction d’aucun gouvernement, ni d’aucun organisme. Ils ne peuvent exercer d’autres activités professionnelles. Après cessation de leur activité, ils veillent à ne pas exercer de charges manifestement incompatibles avec leur fonction précédente. Ils prêtent serment pour le respect de ces principes.
La Cour contrôle la gestion financière de l’Union européenne, de ses institutions (Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Union européenne, Cour de Justice, Banque européenne d’investissement), de ses organes (agences, fondations, instituts, observatoires…) et des bénéficiaires des aides européennes. La Cour des comptes examine la légalité et la régularité des recettes et des dépenses, s’assure de la bonne gestion financière et permet ainsi au Parlement européen de donner quitus à la Commission européenne pour l’exécution du budget. Les rapports de la Cour peuvent constituer un moyen de pression sur les institutions et autres organes administratifs pour qu’ils assurent une bonne gestion des fonds.
Lorsque la Cour identifie des lacunes, des irrégularités et des cas de fraude potentielle, elle les porte à l’attention des administrations et organes compétents pour qu’ils agissent en conséquence. En effet, elle n’a pas de pouvoir juridictionnel propre. Elle est seulement chargée de l’examen de la régularité des comptes, et non pas de leur jugement, et du contrôle de l’exécution du budget. Elle relaye dans ce rôle le Parlement dans ses fonctions accrues.
Ses moyens sont le contrôle sur pièces et sur place auprès des institutions et des États membres qui doivent communiquer à la Cour tout document ou toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Le contrôle dans les États membres s’effectue en lien avec les institutions de contrôle nationales.
La Cour a également une fonction consultative. Elle exerce un rôle consultatif obligatoire sur les propositions de législation de l’UE à vocation budgétaire ou financière ou avant adoption de toute législation dans le domaine de la lutte contre la fraude et la répression de la fraude. En outre, la Cour peut rendre des avis à la demande d’une des autres institutions de l’Union. Ses avis ne sont pas contraignants.
Depuis le traité de Maastricht, la Cour doit fournir au Parlement et au Conseil une déclaration d’assurance (DAS) concernant la fiabilité des comptes mais aussi la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes. Cette déclaration peut être complétée par des appréciations spécifiques pour chaque domaine majeur de l’activité de l’UE.
À cette fin, la Cour effectue deux audits. Le premier, l’audit de la fiabilité des comptes, doit aboutir à une déclaration certifiant premièrement que les états financiers (bilan, compte de gestion consolidé et annexes explicatives) donnent une image fidèle de la situation financière de l’UE, deuxièmement qu’ils intègrent de manière complète et exacte les recettes et dépenses de l’exercice. Le second, l’audit de la légalité et de la régularité des opérations sous-jacentes, vérifie la conformité des recettes et dépenses avec ce qu’elle devrait être au vu du droit de l’UE et des clauses contractuelles en vigueur, ce qui permet d’évaluer la qualité du contrôle interne. La Cour procède ici par sondage et sélection. La Cour refuse régulièrement de délivrer une assurance positive relativement à la régularité des opérations sous-jacentes aux payements, du fait d’un nombre trop important d’erreurs. Néanmoins, l’absence de DAS n’a aucune conséquence juridique, aucune sanction n’étant prévue.
Les missions de la Cour sont compliquées par les spécificités du budget communautaire et par la pratique de la DAS particulièrement lourde et aux finalités incertaines.
L’évolution des ressources propres de l’UE, marquée par le poids croissant de la ressource RNB, tend à limiter les possibilités de contrôle de la Cour en déplaçant les opérations de recette au sein des administrations nationales. De même, dans le cas des dépenses, 80 % des fonds sont gérés et dépensés par les États membres. Aussi, la Cour est tenue de travailler dans l’ensemble des langues de l’UE lors des contrôles dans les États membres. Pour autant, c’est la Commission qui porte la responsabilité de l’ensemble de la gestion, ce qui assure la cohérence du système institutionnel : la délégation de gestion n’entraîne pas la délégation de responsabilité.
La DAS a conduit la Cour, qui avait une conception large des opérations qu’elle a en charge de vérifier, à systématiser un contrôle annuel de l’ensemble des paiements. Pour mener à bien cette tâche, elle s’appuie sur une méthodologie statistique de contrôle par échantillonnage. La DAS représente à elle seule plus de 40 % des moyens mobilisés par la Cour.
Or la finalité du contrôle est incertaine, le Parlement ayant souligné en 2003 que la DAS n’éclairait que sur les aspects de conformité et non de qualité d’emploi des fonds. La Cour n’a jamais été en mesure de donner au Parlement et au Conseil une assurance raisonnable sur la légalité et la régularité de l’ensemble des opérations. En effet, les irrégularités relevées par la Cour sont essentiellement liées à la complexité de la réglementation de l’UE et à son application par les États membres. La Commission a donc défini une feuille de route visant la création de déclarations d’assurance nationales effectuées par les ministres des finances sous le contrôle des autorités de contrôle des États membres. Pour le moment, le Conseil n’a pas adhéré à cette initiative, les États critiquant le coût prohibitif d’un tel contrôle et le risque de mise sous tutelle des autorités de contrôle nationales. À noter que le Parlement critique régulièrement les réserves de la Cour qu’il juge préjudiciables à l’image de l’UE.
L’article 319 du TFUE prévoit que le Parlement, sur recommandation du Conseil et statuant à la majorité absolue de ses membres, « donne décharge à la Commission sur l’exécution du budget », ce avant le 30 avril de l’année N+2 (N étant l’année d’exercice), sauf raison motivée. Le Parlement vote sur le budget général dans son ensemble ainsi que, mais de manière séparée, sur les opérations financées par le Fonds européen de développement (FED).
Le Parlement – et avant lui le Conseil – fonde sa décision sur la recommandation du Conseil, sur l’examen des comptes de l’exercice et du bilan financier, du rapport annuel de la Cour avec les réponses qui lui ont été fournies (de la part des institutions comme des États membres), des rapports spéciaux de la Cour et de la DAS. Il a également la faculté d’entendre la Commission et d’exiger toute information estimée nécessaire.
Juridiquement, cette décharge permet de clore définitivement les comptes. Politiquement, elle est l’expression du jugement porté par l’autorité budgétaire (ou tout au moins sa partie parlementaire) sur son exécutant. Par deux fois le Parlement a refusé de voter la décharge (dans un premier temps en tout cas) : en 1984 puis en 1998, au titre de l’exercice 1996. Dans ce dernier cas, le vote négatif a manifesté l’opposition du Parlement à la Commission Santer, ce qui n’a pas été étranger à la démission de cette dernière en mars 1999.
Outre le vote de la décharge, le Parlement dispose de moyens lui permettant de contrôler en continu l’exécution du budget, notamment via la commission du contrôle budgétaire (COCOBU). L’article 319 du TFUE permet ainsi au Parlement (en pratique la COCOBU) d’auditionner la Commission2 sur l’exécution des dépenses et sur le fonctionnement des systèmes de contrôle financier. La COCOBU assure donc la vérification pour le Parlement de l’ensemble des mesures d’exécution financières, budgétaires et administratives relatives au budget général, au FED et, de manière restreinte, aux activités de la Banque européenne d’investissement.
Le Parlement, à la demande d’au moins 25 % de ses membres, peut aussi constituer une commission parlementaire d’enquête. Celle-ci ne peut néanmoins interférer avec une procédure juridictionnelle en cours.
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En conclusion, l’exécution du budget de l’UE a été modernisée par le règlement financier de 2002, lequel insiste sur le principe de bonne gestion financière et a modernisé les procédures d’exécution, le contrôle financier ayant notamment été transformé en simple audit interne. Cette modernisation implique un contrôle efficace, dont le Parlement et la Cour des comptes ont dans l’ensemble les moyens – tout au moins pour un contrôle ciblé. Le fait que la Cour des comptes soit dépourvue de pouvoir de sanction semble en particulier compensé par le fait que le Parlement ait déjà témoigné être prêt à se servir du sien si nécessaire.
SUJETS D’EXAMEN ET DE CONCOURS
• La Commission, les États membres et l’exécution du budget de l’UE
• La Cour des comptes européenne
RÉFÉRENCES
Commission européenne, Le règlement financier applicable au budget général de l’Union et ses règles d’application, mars 2014.