« Le monde entier est une scène,
les hommes et les femmes principalement des acteurs... »
Shakespeare
Tout cela est ce qui est, bien que, de mille façons, nous passions nos vies à vouloir plus.
Et qu'est-ce que cela ?
C'est ce que nous voyons ici, maintenant, ce que nous entendons, sentons, pensons. Ce sont les souvenirs présents du passé, les idées présentes de ce que le futur pourrait nous réserver, les idées présentes sur cette envie de « vouloir en finir avec tous les problèmes », de « vouloir connaître l'illumination spirituelle ou l'éveil », l'idée actuelle de « moi-même », « moi » ou « je », ou « ma vie difficile et tous ses problèmes ». C'est la respiration qui se fait, le cœur qui bat, les factures de gaz et d'électricité qui s'entassent sur la table de la cuisine, le miaulement du chat, l'écho des cris des enfants dans la rue, une douleur dans la poitrine, un désir ardent d'obtenir « plus », et cette terrible frustration de « ne rien pouvoir saisir », c'est le désir d'être enfin libéré de tout cela.
Regardez les enfants jouer. La vie semble n'être qu'un grand jeu pour eux, une immense cour de récréation, où tout est fascinant, et il semble qu'il y ait là, bien peu de désir de s'échapper de la vie et de tous ses problèmes, pour entrer dans une dimension supérieure ou plus « spirituelle ». Toutefois, en tant qu'adultes, nous passons, semble-t-il, beaucoup de temps, à essayer de fuir le jeu de la vie, et toute la souffrance qu'entraîne, assurément, le fait d'être « une personne dans le monde ». Alcool, drogues, sexe, argent et méditation sont les moyens les plus couramment usités pour s'évader.
Bien sûr, il existe, aussi, une spiritualité classique et contemporaine, qui est plus que ravie de pourvoir à ce même désir. Cependant, satisfaire ce désir renforce, inévitablement, l'idée qu'il existe un individu capable de s'échapper de la souffrance, ou de faire quoi que ce soit.
Dans ce livre, il est suggéré qu'il n'y a jamais que la présente apparence de la vie, sans individu en son centre qui puisse jamais s'échapper, quand bien même il le souhaiterait. En réalité, l'individu n'est qu'une autre apparence dans le jeu, et non quelque chose qui aurait besoin d'être accepté ou refusé, transcendé ou nié, mais quelque chose qui apparaît tout simplement en même temps que toutes les autres visions, sons, odeurs, pensées et émotions.
Le message est si simple, si évident. L'individu (le chercheur, celui qui souffre, ou celui qui fabrique des chandeliers* ...) apparaît seulement comme une autre partie du jeu de la vie. Avec lui peut apparaître le désir de s'en échapper, mais cela aussi n'est qu'une autre apparence, une autre partie de l'histoire.
Tout cela est absolument parfait, rien n'a besoin d'être accepté ou rejeté, transcendé ou nié. Il n'y a rien à redire à la souffrance, à la recherche de l'illumination spirituelle ou à la libération, précisément, parce qu'il n'y a personne, là, pour qui ou à qui cela arrive. « Une personne au centre de tout cela » n'est encore qu'une apparence, une autre croyance, un autre bout de l'histoire.
Mais ne vous méprenez pas, je ne dis pas que nous devons nous libérer de nos croyances. Les croyances existent, et le besoin de les détruire ou de les dépasser serait encore une autre croyance. Ce livre n'offrira, donc, pas à l'individu - c'est-à-dire « vous » - de nouvelles croyances, pas plus qu'il n'essaiera de détruire les anciennes. Rien n'a jamais besoin d'être dénié ou rejeté en vue d'atteindre la libération, parce qu'à ce moment précis de la vie, la libération est déjà totalement présente, et tout ce que nous faisons pour l'atteindre est simplement erroné, mais toutefois, parfaitement acceptable.
Déjà, personne ne mène la danse, personne ne souffre, et personne ne désire la libération. Il n'y en a que l'apparence présente, seulement cela et rien d'autre. C'est si simple, si évident.
Au-delà de la croyance ou de l'absence de croyance, au-delà de tout ce que les mots ne peuvent jamais énoncer, au-delà de tous les au-delàs, il y a toujours cela, maintenant et toujours.
Et pas même la reconnaissance ou la compréhension intellectuelle de ce qui vient d'être décrit, n'est nécessaire pour la libération, quoi qu'on en dise le plus souvent. Aucun de ces mots n'a besoin d'être compris ; il n'y a rien « à saisir », rien à transcender, rien à accomplir. Le manque d'entendement, le manque d'étincelle de compréhension, le manque de réussite : ce ne sont encore que les apparences présentes du jeu de la vie, ni pires ni meilleures que leurs opposés.
Et tous les opposés se résolvent dans cela.
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* allusion à une comptine anglaise bien connue.