CHAPITRE 10
Un voyageur à table : Chateaubriand
Chateaubriand ne méconnaît pas la gastronomie qu’il met presque au rang des beaux-arts, puisqu’il écrit dans les Mémoires d’outre-tombe : « Les Français seuls savent dîner avec méthode, comme eux seuls savent composer un livre1. » Cependant, il se montre généralement peu enclin à envisager dans ses écrits les aspects les plus communs de la vie matérielle. Le registre des petites choses ordinaires et familières paraissait alors, il est vrai, incompatible avec les canons classiques de ce qu’on appelait le « grand beau » depuis le milieu du XVIIIe siècle, ce qu’illustre la prééminence de la peinture d’histoire sur la peinture de genre. Le thème récurrent de la décadence des lettres, qui parcourt le XVIIIe siècle et qui se développe sous l’Empire, amène une majeure partie de la critique à fustiger un peu plus, au nom du bon goût, les détails bas et les descriptions triviales. Aussi, à la parution de Jacques le fataliste en 1797, Anciens et Modernes s’accordèrent-ils pour dénoncer d’une même voix le naturalisme outrancier de Diderot. Chateaubriand reprend à son compte ce genre de reproche dans la préface d’Atala en 1801 :
Avec ce mot de nature on a tout perdu. De là les détails fastidieux de mille romans où l’on décrit jusqu’au bonnet de nuit, et à la robe de chambre ; de là ces drames infâmes qui ont succédé aux chefs-d’œuvre des Racine. Peignons la nature, mais la belle nature ; l’art ne doit point s’occuper de l’imitation des monstres2.
Ainsi semble radicalement répudié tout ce qui peut faire grimacer la « belle nature » et plus généralement le goût pour les scènes domestiques si affirmé dans le roman anglais et, en France, de Lesage à Pigault-Lebrun. Stendhal admirait beaucoup ce dernier dont l’œuvre offre, avant Balzac, un tableau des mœurs contemporaines. L’art de donner de la dignité aux circonstances communes que Mme de Staël appelait de ses vœux, mais qu’elle a si peu pratiqué elle-même, paraît également étranger à Chateaubriand. « Malheur à qui ne verrait pas la nature avec les yeux de Fénelon et d’Homère3 ! » proclame-t-il, en 1811, au début de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, réitérant par là ses partis pris esthétiques antérieurs.
N’oublions pas cependant qu’Homère a fini par s’imposer de plus en plus comme une référence « romantique », à l’égal de Shakespeare, et qu’à l’occasion de la querelle des Anciens et des Modernes (1687-1700) et ensuite de la querelle d’Homère (1711-1717), il avait été critiqué parce qu’il ne respectait pas la stricte hiérarchie des genres et mêlait des épisodes merveilleux à des développements jugés hors de propos : lorsque Nausicaa, par exemple, va laver le linge à la rivière, ou dans les descriptions de festins jugées malséantes. Ce que reconnaît sans peine Mme Dacier, qui en fait une qualité pour la défense de son auteur :
Les mots communs sont quelquefois bas, et ils ne sont pourtant pas vils […]. Il est certain que jamais écrivain n’est descendu dans un plus grand détail qu’Homère, ni n’a hasardé de dire les plus petites choses plus volontiers, et c’est un des grands-chefs d’œuvre de la poésie de dire noblement les plus petites choses4.
Parfaitement instruit des termes de la Querelle, Chateaubriand avait rouvert à son tour le débat dans le Génie du christianisme. Le « Sauvage », qui, selon lui, n’a aucune notion du « beau idéal », se contente dans ses chansons de « tableaux nobles et simples » où l’on ne « trouve point de mauvais goût », mais qui sont « monotones ». Avec le « siècle d’Homère » qui « s’éloignait déjà de ces premiers temps », les choses se compliquèrent :
Qu’un Canadien perce un chevreuil de ses flèches ; qu’il le dépouille au milieu des forêts ; qu’il étende la victime sur les charbons d’un chêne embrasé : tout est poétique dans ces mœurs. Mais, dans la tente d’Achille, il y a déjà des bassins, des broches, des vases ; quelques détails de plus, et Homère tombait dans la bassesse des descriptions, ou bien il entrait dans la route du beau idéal, en commençant à cacher quelque chose.
Ainsi, à mesure que la société multiplia les besoins de la vie, les poètes apprirent qu’il ne fallait plus, comme par le passé, peindre tout aux yeux, mais voiler certaines parties du tableau.
[…] Toujours cachant et choisissant, retranchant ou ajoutant, ils se trouvèrent dans des formes qui n’étaient plus naturelles, mais qui étaient plus parfaites que la nature : les artistes appelèrent ces formes le beau idéal5.
Cet art de choisir et de cacher qui avait prévalu dans deux épopées, Les Natchez de 1801 et Les Martyrs de 1809, s’infléchit notablement dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, où les contraintes du beau idéal se font moins pressantes, non seulement en raison de l’indécision générique du récit de voyage, mais parce que Chateaubriand cherche alors à ouvrir des voies nouvelles. Plus que la référence à Fénelon (l’enchanteur du XVIIIe siècle), c’est sa relation à Homère (si revisitée et mise à l’épreuve au cours du voyage) qui fut alors déterminante pour lui. L’écrivain choisit donc de faire une certaine place au trivial, sans s’appliquer à l’ennoblir systématiquement. L’abbé Du Bos et Diderot (de même que Prévost à sa manière) n’avaient-ils pas prévenu fortement et justement que, dans la simplicité d’autrefois, s’annonçait chez Homère toute la force du nouveau en littérature ?
En vérité, on ne doit pas se fier exagérément aux déclarations de principe de Chateaubriand et l’on aurait bien tort de voir en lui un de ces écrivains qui préfèrent se cantonner dans un air raréfié. Il est trop profond lecteur de Rousseau, en effet, pour ne pas reconnaître d’une façon ou d’une autre que le thème de l’aliment, par exemple, dans sa dimension symbolique et politique, est indispensable à cette perspective d’anthropologie générale qui s’impose à tout auteur d’un récit de voyage. Aussi le voit-on dans l’Itinéraire délaisser souvent le cadre de son pèlerinage aux sources antiques pour adopter le point de vue de l’historien des mœurs, même s’il reconnaît avec raison qu’il n’a eu le temps de rien approfondir en ce domaine parce qu’il n’a fait que passer. S’il prétend voyager pour voir « surtout les Grecs qui étaient morts6 », il ne méconnaît pas complètement les peuples qu’il a sous les yeux. Le récit de voyage l’amène incontestablement à s’affranchir parfois des règles qu’il se donne habituellement, en l’obligeant à entrer dans des détails qui lui avaient paru jusque-là indignes de son attention. L’Itinéraire lui permet ainsi fort opportunément, dans un moment de doute après le relatif échec des Martyrs, d’élargir et d’enrichir sa palette en faisant désormais une place dans son écriture à un nouveau registre, qu’il désigne lui-même comme celui des « détails positifs », des « soins du voyageur », des « récits les plus familiers ». Il inaugure ainsi une esthétique du détail (non pas des « détails fastidieux », selon son expression dans la préface d’Atala, mais du détail intéressant) qui renouvelle indiscutablement son inspiration et lui ouvre des chemins prometteurs.
L’« HÔTELLERIE ERRANTE »
Loin de se présenter comme le seul décompte des « stations de la gloire », l’Itinéraire est scandé, comme tout journal de voyage, par les différentes haltes du narrateur, c’est-à-dire par la question essentielle, en vérité, du gîte et du couvert, qui se pose beaucoup plus crucialement quand Chateaubriand n’est pas attendu et dépend des aléas de la route. Sans fournir sur ce point de nomenclatures et d’indications précises à l’usage du voyageur (qu’il soit pèlerin ou déjà touriste), comme en donneront de façon plus systématique les guides ultérieurs, l’auteur ne cesse d’opposer sur le mode de la récrimination polémique les prestations des auberges « à l’européenne » et l’état d’abandon des caravansérails illustrant, à ses yeux, les déplorables effets de l’administration turque. Le Grand Tour tendant à inclure désormais la Grèce, « il y a toujours quelques Anglais sur les chemins du Péloponèse » et plus particulièrement des « antiquaires7 et des officiers de cette nation »8, si bien que tout un réseau s’est mis en place pour accueillir ces nouveaux voyageurs :
Il y a même à Misitra une maison grecque qu’on appelle l’Auberge anglaise : on y mange du roast-beef, et l’on y boit du vin de Porto. Le voyageur a sous ce rapport de grandes obligations aux Anglais : ce sont eux qui ont établi de bonnes auberges dans toute l’Europe, en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Espagne, à Constantinople, à Athènes, et jusqu’aux portes de Sparte, en dépit de Lycurgue9.
Chateaubriand, qui continuera dans les Mémoires d’outre-tombe de proclamer la supériorité des établissements anglais, apprécie ces auberges tenues par des étrangers. Il se trouve « assez proprement logé10 » chez un Albanais de Mégare et se félicite d’occuper à Smyrne, « cet autre Paris », un « appartement fort propre et meublé à l’européenne »11, comme on en trouve à Constantinople : « Il y a plusieurs auberges à Péra qui ressemblent à celles des autres villes de l’Europe12. »
Pour le reste, les possibilités offertes sont très limitées et laissent à désirer, ainsi que le déplore lui-même amèrement un Turc rencontré en Morée et qui a voyagé en Europe : « En France, de Paris à Marseille, je trouvais des lits et des auberges partout13. » La cause en est qu’il n’y a pas d’« institutions publiques » dans l’Empire ottoman, et que « l’État » ne fait rien pour les caravansérails d’accueil, les fontaines, les ponts qui partout « tombent en ruine »14. Aussi le constat du voyageur est-il généralement sévère : « Le soir, on arrive quelquefois à un kan15, masure abandonnée où l’on dort parmi toutes sortes d’insectes et de reptiles sur un plancher vermoulu16 » ; point de vue que s’efforcera par la suite de nuancer Avramiotti, le médecin d’Argos, dans sa lecture critique de l’Itinéraire :
Quoi qu’il en dise, les aubergistes turcs sont très obligeants, du fait de leur intérêt, du fait aussi de leur hospitalité naturelle. En outre, il est facile de trouver immédiatement de la volaille et du riz ; et il y a toujours […] des olives, du beurre, des œufs et du fromage ; on apprête aussitôt le pain sous les cendres, et les vignobles des alentours de ces kans offrent un vin excellent17.
En réalité, Chateaubriand s’est le plus souvent soustrait à l’hospitalité turque. Pour ne pas se compromettre avec un pouvoir qu’il ne cesse de décrier, il a refusé tous les avantages réservés aux voyageurs officiellement accrédités : « Je ne voulus point user de ces magnifiques mais odieux privilèges, dont le fardeau pèse sur un peuple malheureux : je payai partout mes chevaux et ma nourriture comme un voyageur sans protection et sans firman18. »
Malgré sa mauvaise humeur affichée, le voyageur est bien obligé de reconnaître que tout n’a pas été aussi noir qu’il veut bien le dire : il a trouvé un « très beau kan19 » à Kircagach, et à Corinthe « un kan assez propre, placé au centre de la bourgade et peu éloigné du bazar20 ». Son plus beau souvenir en ce domaine est attaché à un village d’Anatolie, au nord de Smyrne, qui lui permet de nous donner un tableau enthousiaste, comme s’il avait ressenti enfin là, une fois n’est pas coutume, le génie du lieu :
Il était minuit quand nous arrivâmes au kan de Ménémen. J’aperçus de loin une multitude de lumières éparses : c’était le repos d’une caravane […]. Assis les jambes croisées sur des tapis, des marchands turcs étaient groupés autour des feux qui servaient aux esclaves à préparer le pilau ; d’autres voyageurs fumaient leurs pipes à la porte du kan, mâchaient de l’opium, écoutaient des histoires. On brûlait le café dans les poêlons ; des vivandières allaient de feux en feux, proposant des gâteaux de blé grué, des fruits et de la volaille ; des chanteurs amusaient la foule ; des imams faisaient des ablutions, se prosternaient, se relevaient, invoquaient le prophète ; des chameliers dormaient étendus sur la terre. Le sol était jonché de ballots, de sacs de coton, de couffes de riz. Tous ces objets, tantôt distincts et vivement éclairés, tantôt confus et plongés dans une demi-ombre, selon la couleur et le mouvement des feux, offraient une véritable scène des Mille et Une Nuits. Il n’y manquait que le calife Aroun al Raschild, le visir Giaffar, et Mesrour, le chef des eunuques21.
Ce petit morceau de bravoure a quelque chose d’une composition nocturne à la Vernet, avec des feux épars et du clair-obscur. C’est une scène de genre orientale qui a aussi la charmante familiarité d’un Fragonard. Dans cette halte où l’on se restaure et où l’on se divertit, où l’on prie et où l’on chante, les diverses activités humaines se mêlent, en effet, fort sereinement. Ainsi se révèle un monde infiniment désirable, où bêtes et gens vivent dans une bienheureuse harmonie. Cette jolie scène qui illustre la part hédoniste du monde ottoman vient tempérer une vision généralement négative de celui-ci.
Si Chateaubriand reconnaît aux Arabes et plus particulièrement aux Bédouins l’art d’occuper superbement le paysage dans leur campement, il en vient à accorder également aux Turcs un goût délicat dans le choix des sites : ainsi d’un « kan ombragé de deux platanes et rafraîchi par une petite fontaine22 », d’une « grande fontaine » au village de Parori avec, au-dessous, « un immense platane autour duquel on s’assied sur des nattes pour prendre le café »23. Peu à peu, c’est l’extérieur qui devient l’espace véritablement habitable. Comme on ne lui « doit rien » dans les kans, puisqu’il a préféré se passer de firman, le voyageur choisit le plus souvent de se restaurer au bord des sources :
Mon janissaire allait à la chasse dans les villages ; il rapportait quelquefois des poulets que je m’obstinais à payer : nous les faisions rôtir sur des branches vertes d’olivier, ou bouillir avec du riz pour en faire un pilau. Assis à terre autour de ce festin, nous le déchirions avec nos doigts ; le repas fini, nous allions nous laver la barbe et les mains au premier ruisseau24.
Le voyageur se passant bientôt tout à fait de table, le pique-nique s’impose finalement comme la forme la plus allègre du repas et de la convivialité. Même atmosphère heureuse, pendant la traversée de Constantinople à Jaffa, lors d’une étonnante collation sur un bateau qui réunit deux cents pèlerins en route vers la Terre sainte. La « légèreté » et la « gaieté » des Grecs viennent couronner ce repas incomparablement euphorique :
On ne songea plus qu’à jouir de la vie. Tous les soupers furent apportés sur le pont ; on était divisé par groupes ; chacun envoyait à son voisin la chose qui manquait à ce voisin. J’avais adopté la famille qui logeait devant moi, à la porte de la chambre du capitaine ; […] je soupai donc avec cette famille. Je n’ai guère vu de scènes plus agréables et plus pittoresques25.
Avec ce bonheur simple de l’échange et du partage, les barrières tombent : la classe affaires fraternise avec la classe économique en saucissonnant26. Dans les Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand note, en relatant sa traversée vers l’Amérique, que, lorsqu’il fait beau, passagers et matelots se retrouvent de même sur le pont pour dîner. « On a le loisir de se connaître, conclut-il, dans cette hôtellerie errante […]27. » La magie de ces repas tient également à ce que l’on mange en glissant sur les eaux. Plusieurs œuvres littéraires ultérieures, et principalement des récits de voyage, rendent compte de ce nouveau plaisir de la contemplation « ambulante », que ce soit en calèche ou en bateau.
Dans son journal, Julien, le domestique et compagnon de voyage de Chateaubriand, relate lui aussi cette traversée. Il donne une version beaucoup moins idyllique de la grande scène de fraternisation sur le pont, qui lui apparaît surtout mémorable par le désordre indescriptible du dîner en commun qu’il juge plutôt malodorant, passage que reproduit Chateaubriand dans les Mémoires à un détail près :
Notre trajet, qui n’a été que de treize jours, m’a paru très long par toutes sortes de désagréments et de malpropretés sur le bâtiment. Pendant plusieurs jours de mauvais temps que nous avons eus, les femmes et les enfants étaient malades, vomissaient partout au point que nous étions obligés d’abandonner notre chambre et de coucher sur le pont. Nous y mangions beaucoup plus commodément qu’ailleurs, ayant pris le parti d’attendre que tous nos Grecs aient fini leur tripotage28.
La comparaison des deux textes montre que Chateaubriand supprime la mention de l’« odeur infecte » présente dans le journal de Julien, mais ne censure pas celle du vomi, qui ne lui paraît donc pas incompatible avec le grand style des Mémoires. Une telle évocation aurait été absolument impensable dans les deux repas très épurés des Martyrs29, dont le déroulement et la tonalité sont conformes aux codes de l’épopée. Certes, Chateaubriand s’abrite en la circonstance derrière le domestique-torchonnet chargé de veiller à la propreté, mais on doit bien admettre que cette référence au « vomi », aussi discrète et indirecte soit-elle, n’en est pas moins incontestablement une façon de prendre acte d’une évolution notable des canons littéraires, le monde sensible s’étant alors enrichi en littérature de matières et de sensations ignorées et taboues jusque-là, du moins dans la littérature classique qui se référait avant tout au « beau idéal ».
LE « SOUPER ORIENTAL »
Les quelques repas mémorables et jugés dignes d’être décrits par Chateaubriand, viennent à leur place dans son Itinéraire pour illustrer à leur façon ses divers partis pris esthétiques ou idéologiques. Ils s’inscrivent aussi apparemment dans une stratégie plus délibérément publicitaire, car ils répondent au goût de l’antique qui avait marqué l’apogée du néoclassicisme. Cette anticomanie, doublée ensuite d’une égyptomanie et d’une mode orientale, s’était diffusée dans tous les arts, et plus particulièrement dans les arts décoratifs et dans ceux de la table. Au moment où l’on pouvait écouter à l’opéra Les Abencérages de Cherubini, on dînait à la cour dans le sublime « service égyptien » de Sèvres réalisé à partir des gravures de Vivant Denon, et les surtouts des grands orfèvres d’alors étaient souvent à l’égyptienne. Antonin Carême, le plus célèbre cuisinier de l’Empire, donne dans son Pâtissier pittoresque (publié en 1815) une série de planches représentant ses grandes pièces montées30 : elles imitent à leur manière (c’est-à-dire en massepains et en croquembouches) les monuments de l’Orient et cette architecture légère qui résumait aux yeux de Chateaubriand toute la « fantaisie arabe ».
Mais surtout le voyageur avait eu incontestablement connaissance du fameux « souper grec » de Mme Vigée-Lebrun comme le montre son allusion, dans les Mémoires d’outre-tombe, au comte de Vaudreuil, un grand mécène et amateur d’art, qui était au nombre des convives31. Ce repas à l’antique, qui eut lieu en 1788, avait été inspiré par le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, publié peu auparavant et qui fut considéré comme un véritable manifeste néoclassique32. Mme Vigée-Lebrun avait emprunté des coupes et des vases étrusques au comte de Paroi, déguisé les femmes en Athéniennes avec des châles, mis des couronnes de laurier et quelques drapés aux hommes, servi enfin un banquet assez « lacédémonien », puisqu’il ne comprenait que quelques anguilles et quelques perdrix, un peu du célèbre brouet, des olives, du miel. Le poète Lebrun, surnommé Pindare, avait lu à cette occasion sa traduction des Odes d’Anacréon. L’éclairage avait été spécialement soigné, pour ce qui était, en vérité, une sorte de tableau vivant, annonçant les compositions de Lady Hamilton.
Dans les repas décrits par Chateaubriand, la scène s’ordonne le plus souvent à partir de quelques motifs qui cristallisent et qui font soudain tableau, comme lors de ce repas très pictural au bord de l’Eurotas, auprès d’un pont, au milieu des lauriers et des roseaux :
Joseph s’était abondamment pourvu du nécessaire : il avait du sel, de l’huile, des pastèques, du pain, de la viande. Il prépara un gigot de mouton, comme le compagnon d’Achille, et me le servit sur le coin d’une grande pierre, avec du vin de la vigne d’Ulysse, et de l’eau de l’Eurotas. J’avais justement, pour trouver ce souper excellent, ce qui manquait à Denys pour sentir le mérite du brouet noir33.
Les rôles sont distribués entre Chateaubriand/Achille et Joseph/Patrocle, et les références s’accumulent : à l’Iliade et à l’Odyssée, au fameux brouet dont Mme Dacier et Mme Vigée-Lebrun s’étaient efforcées de retrouver la recette. À ce mets était attaché, depuis Plutarque, la fameuse anecdote commentée par Rousseau et reprise par l’abbé Barthélemy : Denys, le tyran de Syracuse, n’aurait pas apprécié le ragoût lacédémonien parce qu’il n’avait pas fait auparavant d’exercice pour se mettre en appétit.
La belle vision des bords de l’Eurotas contraste fortement avec le détestable repas fait au premier kan de Laconie, où un « vieux Turc à la mine rébarbative » ne « daigne pas se lever de son fumier pour faire donner à manger à des chiens de chrétiens » :
Il cria d’une voix terrible, et un pauvre enfant grec tout nu, le corps enflé par la fièvre et par les coups de fouet, nous vint apporter du lait de brebis dans un vase dégoûtant par sa malpropreté ; encore fus-je obligé de sortir pour boire à mon aise, car les chèvres et leurs chevreaux m’assiégeaient pour m’arracher un morceau de biscuit que je tenais à la main34.
À ce repas qui, loin d’être à l’antique, révèle crûment un quart-monde à la limite de l’humain, où les animaux eux-mêmes entrent de façon intempestive dans l’émulation de la faim, Chateaubriand oppose (en citant le texte de l’Odyssée) le festin offert par Ménélas à Télémaque, qui répond, quant à lui, aux stricts critères du « beau idéal ». Ainsi s’affiche chez Chateaubriand, dans ces contrastes revendiqués, un tout nouveau parti pris de la dissonance par lequel il s’émancipe effectivement du lié néoclassique.
Les autres repas sont plutôt relatés du point de vue de l’histoire des mœurs. Ainsi de la réception chez un notable de Misitra35, dans une « salle des étrangers » où les riches et les « gueux en haillons » sont servis à des tables différentes, mais où l’on est traité pareil36. Chateaubriand s’emploie à rendre compte ici de la civilité propre aux Ottomans, en détaillant son repas servi « à la turque » :
J’étais toujours couché sur le divan : on mit devant moi une table extrêmement basse ; un esclave me donna à laver ; on apporta sur un plateau de bois un poulet haché dans du riz ; je mangeais avec mes doigts. Après le poulet on servit une espèce de ragoût de mouton dans un bassin de cuivre, ensuite des figues, des olives, du raisin et du fromage auquel, selon Guillet, Misitra doit aujourd’hui son nom. Entre chaque plat un esclave me versait de l’eau sur les mains, et un autre me présentait une serviette de grosse toile, mais fort blanche. Je refusai de boire du vin par courtoisie ; après le café on m’offrit du savon pour mes moustaches37.
Chateaubriand précise l’ordre du menu et le rite de la table auquel il se plie de bonne grâce, en voyageur modèle, comme de manger avec ses doigts. Ce moment rare dans l’Itinéraire, qui tient d’abord à la personnalité exceptionnelle d’Ibraïm-Bey (« certainement un de hommes les plus vénérables que j’aie jamais rencontrés38 »), est marqué par un échange de bons procédés et par une délicatesse réciproque puisque Chateaubriand décline, « par courtoisie », l’offre de boire du vin. Joseph s’était conduit bien différemment, quant à lui, à leur arrivée en n’hésitant pas à risquer un scandale parce qu’on ne lui donnait rien à manger : « Joseph tira de son sac un saucisson dont il avalait des morceaux à l’insu des Turcs ; il en offrait sous main au janissaire, qui détournait les yeux avec un mélange de regret et d’horreur39. » Cependant, ce bel épisode ne tourne pas complètement à l’avantage du monde ottoman, puisque Chateaubriand y reconnaît pour l’essentiel « la vertu de l’hospitalité que les Turcs ont empruntée des Arabes40 ».
C’est pourquoi le repas arabe de Jéricho, même s’il est des plus simples et a lieu en plein air (Chateaubriand ayant refusé d’entrer dans une « vieille masure » qu’Ali Aga « appelait son château »), prend infiniment plus de relief pour le voyageur qui « aime à distinguer dans ces usages quelques traces des mœurs des anciens jours, et à retrouver chez les descendants d’Ismaël des souvenirs d’Abraham et de Jacob » :
Nous nous arrêtâmes à la source d’Élisée. On égorgea un agneau qu’on mit rôtir tout entier à un grand bûcher au bord de l’eau ; un Arabe fit griller des gerbes de doura41. Quand le festin fut préparé, nous nous assîmes en rond autour d’un plateau de bois, et chacun déchira avec ses mains une partie de la victime42.
Si ce repas apparaît préférable à tous les autres dans l’Itinéraire, c’est en vérité parce qu’il y ouvre un long développement sur « l’Arabe » qui, sous son apparente rudesse, a quelque chose de « délicat dans ses mœurs » parce qu’il a été autrefois « civilisé », ce en quoi il diffère absolument, selon Chateaubriand, de l’Indien d’Amérique. En témoigne, par exemple, la passion des Arabes pour les contes43, bien connue depuis la traduction des Mille et Une Nuits par Galland au début du XVIIIe siècle. Le voyageur montre les « Bethléémites », « assis autour de leur bûcher », écoutant le conteur « dans une attention profonde » et « tantôt poussant un cri d’admiration, tantôt répétant avec emphase ses gestes » : « Quelques têtes de chevaux qui s’avançaient au-dessus de la troupe, et qui se dessinaient dans l’ombre, achevaient de donner à ce tableau le caractère le plus pittoresque44. » Ainsi Chateaubriand partage-t-il avec Delacroix un même rêve arabe dont il a fait un véritable mythe personnel ; le voyage se termine, en effet, par un bal masqué à Tunis, où le voyageur est déguisé en Oriental et par l’entrevue de Grenade où il doit retrouver sa maîtresse, Natalie de Noailles. Au « Mohican mélancolique » moqué par Isidore Ducasse dans les Poésies, il faut à coup sûr préférer l’extraordinaire « Arabe amoureux » que nous révèlent l’Itinéraire et Les Aventures du dernier Abencérage.
LES LOIS DE L’HOSPITALITÉ
Chateaubriand n’a pas toujours été livré à lui-même et exposé aux aléas de la route. Grâce aux « lettres de recommandation de M. de Talleyrand », il put bénéficier du réseau des consuls de France tout au long de son périple. Aussi se félicite-t-il à maintes reprises des secours que lui offrit partout cette nombreuse présence diplomatique : « M. Vial, alors consul de France à Coron, me reçut avec cette hospitalité si remarquable dans les consuls de Levant45. » Puis, de fil en aiguille, chaque consul le fait profiter ensuite de ses propres contacts. S’il est également fort bien reçu à Athènes par M. Fauvel, le vice-consul de France, plutôt « artiste » et « antiquaire », celui-ci se révèle cependant un mentor excessivement pressant, ne lui laissant pas suffisamment le loisir de rêver seul. C’était payer bien cher ses repas, en effet, alors qu’il disposait de fort peu de temps. Le voyageur en vient donc à se méfier des obligations d’une prise en charge trop officielle et s’emploie finalement à déjouer par tous les moyens les invitations. Aussi est-il manifestement satisfait de n’être pas reçu à Smyrne chez « M. Chauderlos, frère de M. de la Clos », qui était « malade »46. À Constantinople, il obtient du général Sébastiani, « ambassadeur de France à la Porte47 », de ne pas loger au « palais », à la condition de venir y « manger » tous les jours. Si Chateaubriand s’est montré à juste titre soucieux de préserver sa liberté de voyageur, il a apprécié indiscutablement le soutien de ce petit monde consulaire pittoresque et très soudé dans l’exil.
En Terre sainte, c’est une « hospitalité apostolique » d’une tout autre nature que découvre le pèlerin dans les « touchantes institutions chrétiennes »48. Elle lui rappelle que d’autres missionnaires l’avaient reçu « avec la même cordialité dans les déserts de l’Amérique49 ». Dans le réfectoire de « l’hospice des Pères » de Jaffa, il est royalement accueilli, mais à part :
On me servit sur une petite table propre et isolée, de la volaille, du poisson, d’excellents fruits, tels que des grenades, des pastèques, des raisins et des dattes dans leur primeur ; j’avais à discrétion le vin de Chypre et le café du Levant. Tandis que j’étais comblé de biens, les Pères mangeaient un peu de poisson sans sel et sans huile50.
Le spectacle des Pères qui pratiquent une réelle macération alimentaire (comme saint Augustin qui « ne vivait que de fruits et de légumes51 ») lui fait mesurer tout le prix de ce qu’il mange.
À Jérusalem, Chateaubriand prend le café chez le patriarche grec ; puis le patriarche arménien le reçoit dans un décor un peu trop raffiné à son goût :
Le patriarche, qui ressemblait à un riche Turc, était enveloppé dans des robes de soie, et assis sur des coussins. Je bus d’excellent café de Moka. On m’apporta des confitures, de l’eau fraîche, des serviettes blanches ; on brûla du bois d’aloès, et je fus parfumé d’essence de rose au point de m’en trouver incommodé52.
À ces attentions exagérées, le voyageur préfère la simplicité de deux pauvres prêtres gardiens du Saint-Sépulcre. Il évoque alors la « charité évangélique » et un « ancien hôpital chrétien » où on lui montre « une immense chaudière, appelée la chaudière de Sainte-Hélène » destinée jadis à la distribution de soupes populaires53. Même attitude secourable chez les musulmans qui distribuent aux descendants des « bannis » de Grenade « du pain, des fruits et quelque argent »54. Ainsi le pèlerin se montre-t-il sensible à la question de l’assistance aux pauvres qui avait été un thème philanthropique majeur à l’époque des Lumières.
Dans les Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand aime rappeler les vicissitudes de l’existence qui l’ont fait, par exemple, presque mourir de faim à Londres pendant la Révolution avant d’y tenir grande table lors de son ambassade de 1822. Dans les moments de grave inanition comme ce fut le cas en 1792, lors de sa traversée des Ardennes belges, le pauvre diable revient à la vie grâce à quelques saintes femmes qui lui rappellent sa chère nourrice. L’Itinéraire relate de semblables épisodes de profonde faiblesse, car le pèlerin est à chaque instant menacé de retomber dans la fragilité de l’enfance : loin de ses foyers, le voyageur est, en vérité, une sorte d’orphelin qui aime se laisser adopter parfois par quelque famille d’emprunt que le hasard lui offre sur sa route. Le célibataire errant auquel vient à peser parfois la solitude, s’abandonne alors tout entier à un espace intime et s’y laisse absorber. Invité au mariage de la fille du vice-consul de Zéa (l’île de Céos, au large de l’Attique), l’hôte de passage se montre ravi de « cette naïve hospitalité », quoiqu’il ait alors la fièvre : « J’étais donc un convive très gai de cœur, mais fort triste de figure. Pour n’avoir pas l’air d’un parent malheureux, je m’ébaudissais à la noce55. » Même impression euphorique au cours de sa navigation dans les îles grecques, lorsqu’il est pris en charge par un équipage exclusivement familial :
Ce petit bâtiment était la propriété d’une famille ; cette famille était composée du père, de la mère, du frère et de six garçons. Le père était le capitaine, le frère le pilote, et les fils étaient les matelots ; la mère préparait les repas. Je n’ai rien vu de plus gai, de plus propre et de plus leste que cet équipage de frères56.
Après une dernière traversée périlleuse et une escale aux îles Kerkenna où il fêta le 1er janvier 1807 en buvant « à la France » avec un rabbin, un Barbaresque et deux Maures, repensant avec nostalgie à son enfance (« C’était là mon repas de famille57 ! »), Chateaubriand vit la fin de son voyage et fut longuement reçu à Tunis, « chez monsieur et madame Devoise »58 qui lui offrirent « l’hospitalité la plus généreuse et la société la plus aimable » : « Ils eurent la bonté de me garder six semaines au sein de leur famille ; je jouis enfin d’un repos dont j’avais un extrême besoin59. »
LES TRANSACTIONS ALIMENTAIRES
Dans les Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand publie quelques suppliques ultérieures de ceux qui avaient été ses hôtes durant son voyage. « Les demandes de protection tombaient presque toujours, regrette-t-il, au milieu de mes discrédits et de mes misères60. » Dans la généreuse hospitalité dont il a fait l’expérience, il y avait donc toute une part d’intérêt bien compris et une sorte de placement sur l’avenir. En vérité, ce qui prend à première vue la forme du don est, la plupart du temps, plutôt de l’ordre de l’échange. En Amérique déjà, Chateaubriand a vu M. Violet, « maître de danse chez les Sauvages », se faire payer ses leçons « en peaux de castors et en jambons d’ours »61. Près de Jérusalem, Abou-Gosh, le chef des Arabes de Jérémie, lui fait préparer un agneau en le priant de lui « envoyer deux couffes de riz de Damiette » quand il sera en Égypte62.
Au-delà de ces transactions coutumières, le voyageur évoque également ce qui tourne au chapardage ou au vol et en vient même à être parfois promu en un détestable système de gouvernement. Dans le registre bénin, il avoue dans les Mémoires avoir été mis lui-même en « faction correctionnelle », pour avoir « pris sans y penser deux poires dans le jardin d’un château »63. C’est sans doute pourquoi il réagit dans l’Itinéraire de façon plutôt indulgente aux indélicatesses d’un nommé Jean qui lui servait de truchement durant son voyage. Julien se montre infiniment plus sourcilleux que son maître sur la question du vol, et dénonce beaucoup plus fermement ces exactions :
Cet interprète nommé Jean, dont M. Chateaubriand fait aussi mention dans son Itinéraire, profitait de l’ombre de la nuit pour donner de nos provisions à ses amis qui l’avaient régalé. Ce qui aurait beaucoup diminué nos provisions, si je ne m’en étais pas aperçu à temps ; mais aussitôt j’y ai mis ordre, de manière que cela n’est plus arrivé64.
Chateaubriand ne reste pas lui-même complètement aveugle à ce genre d’incidents, si fréquents au cours des voyages, mais il se plaît à les traiter sur le mode picaresque. Il s’amuse à faire le portrait en règle de l’inénarrable Jean dont il dévoile le curieux manège et en quelque sorte toute la pantomime bien réglée de l’habituel parasite :
Au moment des repas, il n’avait jamais d’appétit, tant il était au-dessus des besoins vulgaires ; mais aussitôt que Julien avait achevé de dîner, ce pauvre Jean descendait dans la chaloupe où l’on tenait mes provisions, et, sous prétexte de mettre de l’ordre dans les paniers, il engloutissait des morceaux de jambon, dévorait une volaille, avalait une bouteille de vin, et tout cela avec une telle rapidité, qu’on ne voyait pas le mouvement de ses lèvres. Il revenait ensuite d’un air triste me demander si j’avais besoin de ses services. Je lui conseillais de ne pas se laisser aller au chagrin et de prendre un peu de nourriture, sans quoi il courait le risque de tomber malade. Le Grec me croyait sa dupe ; et cela lui faisait tant de plaisir, que je le lui laissais croire. Malgré ces petits défauts, Jean était au fond un très honnête homme, et il méritait la confiance que ses maîtres lui accordaient65.
On retrouve une même composition comique avec le portrait d’un Turc de rencontre qui se prétend à l’agonie : « Et il gémissait, et il se prenait la barbe, et il s’essuyait le front avec un schall, et il s’écriait : “Allah !” Toutefois il mangeait d’un grand appétit la part du souper qu’il avait refusée d’abord66. »
Chateaubriand en vient à se scandaliser plus sérieusement du système du « régal67 » qui encourage son goût excessif des libéralités et qu’il désigne comme une sorte de bakchich généralisé témoignant de l’« avarice sordide [de] presque tous les musulmans68 ». Cela vient mettre un bémol à la vision idéale d’un monde parfaitement hospitalier pour les voyageurs, et même pour les résidents, dont le fameux statut si vanté (de dhimmi) n’était sans doute pas aussi idyllique qu’on aime à le penser. À propos des « insultes insupportables » dont sont victimes « à tous moments » les non-musulmans, Chateaubriand évoque, de façon très concrète, une petite forme alimentaire de la brimade : « Un Turc, mangeant par hasard en voyage avec un des Pères, s’amusait à essuyer ses doigts avec la robe du Père qui n’osait rien dire de peur d’un coup de pistolet69. » Dans son ouvrage sur « l’empire de Maroc », Louis Chénier, qui fut consul à Rabat après l’avoir été à Smyrne et à Constantinople, rapporte le même genre de vexation chez les « Maures » :
Après le repas, ils se lèchent les doigts et s’essuient à leurs habits qu’ils font laver quand ils sont sales ; ceux qui ont des esclaves noirs à leur service les font approcher et se frottent les mains à leurs têtes, ou si dans le moment il se trouve quelque juif présent, ses habits servent d’essuie-main aux Maures70.
Ainsi l’aliment, qui devrait être un gage de communion sociale, peut-il donner lieu à la pire des humiliations.
Plus gravement, l’homme devient à tout moment un loup pour l’homme, ainsi que le montre le pacha de Damas qui a fait de la rapine un véritable principe de gouvernement. Quand il sévit dans le domaine alimentaire, le despotisme se fait particulièrement criminel comme l’illustrent les « exactions » du terrible Abdallah :
Il n’y a point de moyens qu’il n’invente. Un de ceux qu’il emploie le plus souvent, c’est de fixer un maximum fort bas pour les comestibles. Le peuple crie à la merveille, mais les marchands ferment leurs boutiques. La disette commence ; le pacha fait traiter secrètement avec les marchands ; il leur donne, pour un certain nombre de bourses, la permission de vendre au taux qu’ils voudront. Les marchands cherchent à retrouver l’argent qu’ils ont donné au pacha : ils portent les denrées à un prix extraordinaire ; et le peuple, mourant de faim une seconde fois, est obligé, pour vivre, de se dépouiller de son dernier vêtement71.
Sous l’apparence d’une bienveillante et secourable taxation, se cache en réalité la pire des spéculations. D’autres fois, le pacha pille les « Arabes cultivateurs » et revend son « butin » en mettant « à chaque animal un prix excédant deux fois sa valeur »72. À ces pratiques d’affameurs, Chateaubriand oppose un thème franciscain qui lui est cher : les chameaux (« fidèles enfants du désert »), ayant échappé à la razzia d’Abdallah, « allèrent porter leur lait à leurs maîtres dans la montagne, comme s’ils avaient deviné que ces maîtres n’avaient plus d’autre nourriture »73. Dans le même sens, l’auteur de l’Itinéraire assure que « la jeune cigogne a toujours nourri son vieux père74 ».
Chateaubriand se met parfois en scène comme celui qui sait lui aussi nourrir et qui peut porter secours. Soucieux de ne pas apparaître comme un aristocrate aliéné à son domestique ou un grand écrivain incapable de se faire un café, il aime à se présenter comme un vrai voyageur et un marin expérimenté qui met parfois la main à la pâte, comme ce fut le cas dans sa vie de soldat, au cours de la campagne des Princes, en 1792 : « Je faisais la soupe à merveille ; j’en recevais de grands compliments, surtout quand je mêlais à la ratatouille du lait et des choux, à la mode de Bretagne75. » Dans l’Itinéraire, c’est pour les cas désespérés qu’on a recours à lui. Comme cela avait été le cas dans le Nouveau Monde, le noble voyageur est considéré en Grèce comme un magicien supposé détenir les philtres salvateurs. Chateaubriand reconnaît que « la religion et l’humanité [lui] ordonnent dans ce cas de se prêter à ce qu’on attend de lui76 ». Il administre donc de la centaurée au fils d’Ibraïm-Bey, en expliquant doctement l’origine de cette drogue. Il donne également du camphre à une pauvre jeune fille mourante à Mégare. Plutôt qu’un pèlerin-soldat, il est un pèlerin-infirmier. Cela rejoint un thème cher à Fénelon qui, dans son pacifisme exalté, a fait de Télémaque non pas un guerrier, mais une sorte de French doctor (« On le voyait aller dans les tentes secourir lui-même les malades et les mourants77 »). Ce thème où s’annonçait le nouvel héroïsme des Lumières est à l’évidence important pour Chateaubriand puisqu’il le reprend dans Les Aventures du dernier Abencérage. Aben Hamet s’y présente, en effet, comme un « médecin arabe » qui herborise : « [Les Abencérages] s’étaient consacrés à l’étude des simples, profession estimée chez les Arabes à l’égal du métier des armes. Ainsi cette race de guerriers qui jadis faisait des blessures s’occupait maintenant de l’art de les guérir78. » On retrouve en Extrême-Orient, dans le genre des biographies fictives de la littérature japonaise, ce même thème de la conversion du guerrier aux amitiés végétales : bien des samouraïs finissent, en effet, leur vie en herborisant.
LE DÉTAIL DE LA « VIE PRIVÉE »
Le livre de Le Grand d’Aussy intitulé Histoire de la vie privée des Français inaugura en 1782, on l’a vu, une histoire des mœurs moins générale et moins philosophique qui devait rendre compte de tous les aspects de « la vie domestique ». C’est dans cette perspective que l’abbé Barthélemy conçut peu après son Voyage du jeune Anacharsis en Grèce et c’est très précisément dans cette acception que Chateaubriand se réfère à la notion de « vie privée ». À ce domaine d’observations appartient une série d’aperçus fugitifs sur différents marchés. Au gré de ces visions apparaissent le grand bazar d’Athènes, « frais et bien approvisionné en viande, en gibier, en herbes et en fruits79 » ou celui de Misitra, bien plus modeste, avec « de chétives boutiques […] éclairées par des lampes italiennes » : « On me fit remarquer, à la lueur de ces lampes, deux Maniottes qui vendaient des seiches et des polypes de mer, appelés à Naples frutti di mare80. » Dans un tout autre registre, surgissent les « voiries » du Caire (« au milieu des vautours qui dévoraient leur proie81 ») et le ténébreux « labyrinthe » des « bazars infects » de Jérusalem, où le boucher est décrit comme un être maudit dans les mêmes termes sinistres que dans l’Encyclopédie ou dans le Tableau de Paris de Mercier :
Dans un coin à l’écart, le boucher arabe égorge quelque bête suspendue par les pieds à un mur en ruine : à l’air hagard et féroce de cet homme, à ses bras ensanglantés, vous croiriez qu’il vient plutôt de tuer son semblable, que d’immoler un agneau82.
Dans d’autres cas, l’auteur ne se contente pas de ces instantanés et décide de prendre longuement en considération certains aspects de la vie matérielle :
Je passai une partie de la journée du 9 au couvent, pour m’occuper des détails de la vie privée à Jérusalem ; je n’avais plus rien d’essentiel à voir […].
Je viens donc à ces petits détails qui piquent la curiosité, en raison de la grandeur des lieux dont on parle83.
Chateaubriand s’applique alors à décrire le fonctionnement du couvent des Pères latins et donne la liste des menus sur un mode parfaitement neutre :
On me servait d’abord un potage à l’huile et aux lentilles, ensuite du veau aux concombres ou aux oignons, du chevreau grillé ou du mouton au riz. On ne mange point de bœuf, et la viande de buffle a un goût sauvage. Pour rôti, j’avais des pigeons, et quelquefois des perdrix de l’espèce blanche, appelée perdrix du désert84.
Le voyageur établit d’autre part le budget d’un pèlerin, en donnant non seulement les prix des denrées, selon le Père procureur du couvent de Saint-Sauveur, mais en publiant les registres du « drogman Michel » qu’il avait à son service, où sont indiquées les dépenses qu’il a faites pour lui-même. Il en va ainsi pour le contrat (donné in extenso85) passé avec le capitaine qui doit le conduire de Jaffa à Alexandrie. Ces longs inserts chiffrés qui viennent interrompre le cours de l’Itinéraire produisent évidemment leur effet sur le statut et l’esthétique de l’ouvrage. En Grèce déjà, Chateaubriand avait parfois délaissé un passé illustre pour s’intéresser aux problèmes quotidiens. Il relate qu’en quittant Athènes, il a été « tout le chemin occupé d’un rêve singulier » concernant les embellissements du Péloponnèse : « Je me figurais qu’on m’avait donné l’Attique en souveraineté […]. J’ouvrais des chemins, je bâtissais des auberges, je préparais toutes sortes de commodités pour les voyageurs […]. Je fondais une université86. » Il est bien difficile de dire quelle est la part d’ironie et quelle est la part de sérieux dans ce « songe » tellement dans l’esprit du temps et qui rappelle les projets de Diderot pour Catherine II.
DES GOÛTS ET DES DÉSIRS
Au-delà des visées impersonnelles, le voyageur laisse apercevoir parfois quelques aspects de sa propre « vie privée », c’est-à-dire de ses goûts. Il n’est absolument pas un maniaque de diététique, contrairement à son ami Joubert qui « changeait à chaque moment de diète et de régime, vivant un jour de lait, un autre jour de viande hachée87 ». Chateaubriand agit bien différemment de Montaigne, et même de Nietzsche qui s’en remet encore pour son régime à l’ouvrage de Luigi Cornaro De la sobriété, publié dans un lointain XVIe siècle. Quant à ses préférences alimentaires, le voyageur de l’Itinéraire lève parfois un pan du voile. Il n’a pas aimé le résiné que lui a fait goûter Fauvel, pas plus que le miel de l’Hymette qui lui paraît avoir le même goût de drogue et qui ne vaut pas celui de « Chamouni »88. En revanche, les vins de Rhodes lui conviennent, parce qu’ils « ressemblent beaucoup à ceux du Rhône » : « C’est le seul vin de la Grèce que j’ai bu avec plaisir : peut-être les ceps en avaient-ils été plantés par les Chevaliers89. » Les fruits frais lui plaisent, ainsi que le poisson qu’il mentionne toujours dans ses expériences culinaires (à Gand, à Prague). De même qu’il se plaît à boire l’eau des fleuves célèbres, il aimerait goûter les mets évoqués dans les livres, comme le « glaucus que l’on pêche à Mégare » selon l’abbé Barthélemy90. Mais c’est d’une autre spécialité de l’endroit (une de « ces poules sans croupion »), qu’on « voulut le régaler » lors de son passage à Mégare91.
Au-delà de ce petit catalogue, l’Itinéraire dévoile, comme les Confessions de Rousseau, toute la richesse et la profondeur souvent érotique de la pulsion orale. Après avoir évoqué le meurtre d’une jeune fille qui, dans un village, recevait trop bien les étrangers, « avec une politesse qui fit soupçonner sa vertu92 », Chateaubriand enchaîne par une longue scène où il feint de ne pas comprendre (ou peut-être ne comprend-il pas ?) pourquoi un garçon le « dévore » des yeux :
Je mangeai d’excellent lait dans une maison fort propre ressemblant à une cabane suisse. Un jeune Moraïte vint s’asseoir devant moi : il avait l’air de Méléagre93, par la taille et le vêtement. […]
Mon nouveau compagnon, assis, comme je l’ai dit, devant moi, surveillait mes mouvements avec une extrême ingénuité. Il ne disait pas un mot, et me dévorait des yeux : il avançait la tête pour regarder jusque dans le vase de terre où je mangeais mon lait. Je me levai, il se leva ; je me rassis, il s’assit de nouveau. Je lui présentai un cigare ; il fut ravi, et me fit signe de fumer avec lui. Quand je partis, il courut après moi pendant une demi-heure, toujours sans parler, et sans qu’on pût savoir ce qu’il voulait. Je lui donnai de l’argent, il le jeta : le janissaire voulut le chasser ; il voulut battre le janissaire. J’étais touché, je ne sais pourquoi, peut-être en me voyant, moi Barbare civilisé, l’objet de la curiosité d’un Grec devenu Barbare94.
Pauvre Méléagre qui éprouve sans doute alors un peu amèrement que tous les goûts ne sont pas dans la nature. Dans ce très singulier épisode qui se conclut sur un thème un peu trop général, Chateaubriand ne manque pas, même si cela est donné sous la forme de la dénégation, de suggérer toute la voracité polymorphe du regard et l’ambivalence de la pulsion orale. Ce jeune Moraïte qui « avance la tête pour regarder » où notre voyageur « mange » son lait a peut-être quelque chose à voir, en effet, avec le Jean-Jacques des Charmettes qui se saisit dans l’assiette de Mme de Warens d’un morceau qu’elle a déjà touché, ou d’Émile qui est « toujours au guet pour voler quelque assiette de crème où la cuillère de Sophie ait trempé95 ». En tout cas, comme chez Rousseau, le thème alimentaire en vient parfois à illustrer secrètement la préférence érotique. Chateaubriand note avec insistance, dans ses savantes recherches, que la triste « pomme de Sodome » est « amère au goût et pleine de cendres » : ce sont des fruits qui « n’ont point de chair intérieurement »96. Il préfère assurément les somptueuses grenades dont il se régale tout au long de son voyage, en s’émerveillant de leur goût si incomparablement rafraîchissant. La présence obsédante de la grenade97 n’est qu’une longue promesse du rendez-vous secret avec Natalie de Noailles, au terme du voyage, dans la ville du même nom, dont il nous dit qu’elle a « l’air et la forme d’une grenade entrouverte98 ». Dans cette vision clairement érotique se dessine une lyrique amoureuse de la déchirure, ce goût d’orange amère si présent dans les romances du Fou d’Elsa d’Aragon, une étrange comédie de la soif comme dans Partage de midi, que souligne une dernière fois l’incision sur la pierre tombale du dernier des Abencérages : « L’eau de la pluie se rassemble au fond de cette coupe funèbre et sert, dans un climat brûlant, à désaltérer l’oiseau du ciel99. »
Le traitement du thème alimentaire dans l’Itinéraire met en lumière le parti pris de varier les tons et les registres en agrandissant considérablement le clavier. Loin d’opérer des retranchements pour éliminer les détails hors de propos, l’auteur joue, au contraire, sur les discordances. Si l’ouvrage se présente comme un petit monstre littéraire dans la production de Chateaubriand, son bariolage est incontestablement neuf et c’est pourquoi l’écrivain a un faible pour lui. À la question de Balzac en 1820 : « Mange-t-on, dans René100 ? » on peut du moins opposer que l’on mange à coup sûr dans l’Itinéraire de Paris à Jérusalem.
1. Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, XXIII, 7 ; édition critique par Jean-Claude Berchet, Paris, Le Livre de Poche, « La Pochothèque », 2003, t. I, p. 1147.
2. Chateaubriand, Atala, René, Paris, Le Livre de Poche, 2007, p. 39. Chateaubriand se réfère ici à deux œuvres dont le titre dénote à ses yeux le caractère trivial : Regrets sur ma vieille robe de chambre (1769), de Diderot, et Mon bonnet de nuit (1786), de Mercier.
3. Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, édition de Jean-Claude Berchet, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2005, p. 81.
4. Mme Dacier, Des causes de la corruption du goût (1714), in La Querelle des Anciens et des Modernes, précédé d’un essai de Marc Fumaroli, édition établie par Anne-Marie Lecoq, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2001, p. 513.
5. Chateaubriand, Génie du christianisme, édition de Maurice Regard, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1978, 2e partie, livre II, chap. 11, p. 680-681.
6. Itinéraire…, op. cit., p. 116.
7. Des archéologues et des amateurs de l’Antiquité.
8. Itinéraire…, op. cit., p. 127.
9. Ibid.
10. Ibid., p. 156.
11. Ibid., p. 235.
12. Ibid., p. 258.
13. Ibid., p. 100.
14. Ibid., p. 101.
15. Les auberges.
16. Itinéraire…, op. cit., p. 92.
17. Avramiotti, Alcuni cenni critici […] sul viaggio in Grecia del signor Chateaubriand, Bettoni, 1816 (cité par Jean-Claude Berchet dans son édition de l’Itinéraire, op. cit., p. 644).
18. Itinéraire…, op. cit., p. 110. Le firman est une autorisation de voyager délivrée par les autorités turques.
19. Ibid., p. 264.
20. Ibid., p. 149.
21. Ibid., p. 239-240.
22. Ibid., p. 111.
23. Ibid., p. 119.
24. Ibid., p. 92.
25. Ibid., p. 274.
26. Federico Fellini a superbement mis en scène dans un de ses derniers films, La Nave va, un semblable épisode de mélange : la troupe des chanteurs d’opéra, qui règne sur la première classe, rejoint finalement sur le pont, pour danser avec eux, les bohémiens jusque-là maintenus à l’écart.
27. Mémoires d’outre-tombe, VI, 2, op. cit., t. I, p. 326-327.
28. Mémoires d’outre-tombe, XVIII, 2, op. cit., t. I, p. 801.
29. Le « repas du soir » chez Lasthénès, au livre II, et le « festin des Francs », au livre VII.
31. À propos du poète Lebrun, Chateaubriand écrit : « Au souper antique de M. de Vaudreuil, il joua le personnage de Pindare », (Mémoires d’outre-tombe, IV, 12, op. cit., t. I, p. 261).
32. Voir Monique Mosser, « Le souper grec de Mme Vigée Le Brun », Dix-huitième siècle, no 15 (Aliments et cuisine), 1983.
33. Itinéraire…, op. cit., p. 139.
34. Ibid., p. 112.
35. Cité médiévale du Péloponnèse, près de Sparte.
36. Itinéraire…, op. cit., p. 117.
37. Ibid., p. 116.
38. Ibid., p. 117.
39. Ibid., p. 114.
40. Ibid., p. 117.
41. C’est-à-dire de sorgho.
42. Ibid., p. 328.
43. Ibid., p. 331.
44. Ibid., p. 332.
45. Ibid., p. 94.
46. Ibid., p. 235.
47. Ibid., p. 258.
48. Ibid., p. 281
49. Ibid., p. 282.
50. Ibid.
51. Ibid., p. 516.
52. Ibid., p. 388.
53. Ibid., p. 382.
54. Ibid., p. 386.
55. Ibid., p. 229.
56. Ibid., p. 232.
57. Ibid., p. 487.
58. Jacques-Philippe Devoise était le consul de France.
59. Ibid., p. 489.
60. Mémoires d’outre-tombe, XVIII, 3, op. cit., t. I, p. 818.
61. Ibid., VII, 2, t. 2, p. 361.
62. Itinéraire…, op. cit., p. 451.
63. Mémoires d’outre-tombe, IX, 10, op. cit., t. I, p. 470. Ce qui s’inscrit dans la longue tradition du chapardage alimentaire des enfants, de saint Augustin à Rousseau.
64. Journal de Julien, dans l’édition de l’Itinéraire de J.-Cl. Berchet, p. 590. Voir Philippe Berthier, « Maître et serviteur, ou le double registre du voyage », Bulletin Chateaubriand, no 41, 1999.
65. Itinéraire…, op. cit., p. 268.
66. Ibid., p. 102.
67. Ibid., p. 248. Un « régal » est un cadeau (de l’italien regalo).
68. Ibid., p. 442.
69. Chateaubriand, Journal de Jérusalem, Notes inédites publiées par Georges Moulinier et Amédée Outrey, Paris, Belin, 1950, p. 48.
70. Louis Chénier, Recherches historiques sur les Maures et Histoire de l’empire de Maroc, Paris, 1787, t. 3, p. 207-208.
71. Itinéraire…, op. cit., p. 442.
72. Ibid., p. 443.
73. Ibid.
74. Ibid., p. 177.
75. Mémoires d’outre-tombe, IX, 10, op. cit., t. I, p. 470.
76. Itinéraire…, op. cit., p. 157.
77. Fénelon, Les Aventures de Télémaque, édition de Jeanne-Lydie Goré, Paris, Flammarion, GF, 1968, p. 366.
78. Atala, René, Les Aventures du dernier Abencérage, présentation de Jean-Claude Berchet, Paris, Flammarion, GF, 1996, p. 204.
79. Itinéraire…, op. cit., p. 173.
80. Ibid., p. 128.
81. Ibid., p. 464.
82. Ibid., p. 448.
83. Ibid., p. 409.
84. Ibid., p. 411.
85. Ibid., p. 454.
86. Ibid., p. 205.
87. Mémoires d’outre-tombe, XIII, 7, op. cit., t. I, p. 628.
88. Itinéraire…, op. cit., p. 172.
89. Journal de Jérusalem, op. cit., p. 28.
90. Jean-Jacques Barthélemy (dit l’abbé Barthélemy), Voyage du jeune Anacharsis en Grèce (1788), t. I, chap. xxv, « Des maisons et des repas des Athéniens ».
91. Itinéraire…, op. cit., p. 158.
92. Ibid., p. 141.
93. Selon le mythe grec, Méléagre a participé à la chasse du monstrueux sanglier de Calydon et l’a tué.
94. Itinéraire…, op. cit., p. 141.
95. Émile, ou De l’éducation, op. cit., p. 806.
96. Itinéraire…, op. cit., p. 320.
97. On pourrait dire alors de lui ce qu’il note à propos d’Aben Hamet : « C’est en vain qu’il ne veut s’occuper que de son pèlerinage au pays de ses pères » (Atala, René, Les Aventures du dernier Abencérage, op. cit., p. 210).
98. Ibid., p. 207.
99. Ibid., p. 244.
100. Question que se pose Balzac dans un roman de jeunesse, Falthurne ; cité par Philippe Berthier dans La Vie quotidienne dans « La Comédie humaine » de Balzac, Paris, Hachette Littératures, 1998, p. 171.