Des millions de civils vivent désormais dans les territoires contrôlés par l’insurrection, mais les services publics ont cessé de fonctionner et la plupart des cadres (juges, ingénieurs, cadres de la police, administrateurs) ont fui les combats. L’approvisionnement en nourriture, en électricité, en eau, en gaz et en essence est perturbé ou interrompu ; les écoles et les hôpitaux sont fermés. Les insurgés doivent administrer la population, qui demande la remise en route des services publics, mais aussi une rupture avec les pratiques autoritaires de l’ancien régime.
Malgré la violence des bombardements et l’absence de ressources, des institutions civiles alternatives se mettent en place dès l’été 2012. Progressivement, les fonctions judiciaires, policières et administratives sont prises en charge par de nouvelles institutions toutes confrontées aux mêmes questions : qualification du personnel, hiérarchie entre échelons, définition des procédures. La monopolisation, la rationalisation et la professionnalisation conditionnent leur efficacité et à terme leur légitimité. Enfin, les institutions civiles sont fragilisées par le manque de ressources et, surtout, la constitution de groupes politico-militaires qui mettent en place des structures concurrentes.
Les cours comptent parmi les premières institutions mises en place par les révolutionnaires. En effet, la justice a cessé de fonctionner en dehors des régions tenues par le régime. Beaucoup de Syriens sont coupés des tribunaux officiels parce qu’ils habitent une région sous le contrôle des insurgés. Les nouvelles cours permettent donc de régler les conflits ordinaires ou liés à la guerre. De plus, dans un contexte d’instabilité et de vide institutionnel, les tribunaux sont d’autant plus importants que la révolution s’est largement faite contre l’arbitraire du pouvoir baassiste. « Lorsque nous avons pris le contrôle des premiers villages, puis des villes, la question de la justice s’est très vite posée », explique cheikh Hossein, un des premiers juges de la province d’Alep. « Nous luttons contre la dictature la plus terrible de la région, notre but est de libérer le territoire et permettre à la justice de s’y exercer à nouveau »{342}.
Les prémisses d’une nouvelle organisation judiciaire se trouvent dans les pratiques des unités combattantes. Dès les premiers mois de l’insurrection, les groupes armés font appel à des tiers pour arbitrer leurs disputes. En particulier, les premières victoires posent la question du partage des bâtiments et des armes capturées. Les groupes insurgés doivent aussi assurer leur cohésion (quelle peine infliger pour indiscipline par exemple) et répondre aux plaintes de la population à l’encontre de certains combattants. Les informations dont nous disposons sur la période sont incomplètes mais, au nord d’Alep, les groupes armés font régulièrement appel à des cheikhs pour résoudre leurs disputes{343}. « Lorsque nous avons libéré la ville de Maraa et conquis un important butin militaire, la question a été de savoir comment le répartir entre les groupes armés. Il y avait également beaucoup de civils qui venaient nous demander justice pour des affaires personnelles (vol, agression, divorce) sans compter les problèmes entre les combattants et les civils. J’étais le seul cheikh présent, j’ai donc été choisi pour juger ces affaires »{344}.
Avec la prise des premières grandes agglomérations, le rôle des juges s’affirme ; la justice devient un travail collectif avec l’installation de tribunaux, dans une madrasa à Azaz, dans le bâtiment des services municipaux à Deir ez-Zor ou dans celui de l’ancien tribunal à al-Bab. La diversité des expériences est telle que dans chaque ville, dans chaque quartier, la composition des institutions reflète des équilibres variables entre civils et militaires, personnels judiciaires et militants révolutionnaires, religieux et séculaires. De cette diversité des situations locales, émerge un embryon d’organisation qui anticipe l’établissement d’un système judiciaire. Quatre points permettent de décrire ce dernier : le consensus sur un code de lois, l’intégration des tribunaux dans une structure hiérarchique, la reconstitution d’un personnel spécialisé et, enfin, le degré d’autonomie par rapport aux unités militaires.
En premier lieu, autant qu’une préférence idéologique, le choix du code de lois à appliquer dans les zones révolutionnaires répond à des nécessités pratiques. Le nombre limité de juges passés à l’insurrection fait que très peu de personnels sont disponibles pour reconstruire un système judiciaire. Ainsi, les quelques cas où les nouveaux tribunaux appliquent le droit civil syrien, notamment à Harem et à Salqin (au nord d’Idlib) ou à Douma (en banlieue de Damas), s’expliquent par la présence de juges passés à l’insurrection. Sous la pression des islamistes radicaux, ces institutions disparaissent d’ailleurs à Harem et à Salqin pendant l’été 2013. Dans le reste du pays, au nord de Latakia, à Alep, à Raqqa et à Deir ez-Zor, la charia s’impose par défaut. « Je suis le seul juriste de formation à Azaz », explique notre interlocuteur, « personne ici n’est vraiment formé pour rendre la justice. Les cheikhs se sont donc naturellement imposés comme autorité. Ils connaissent le droit chariatique, dont une grande partie du code civil syrien est issu. Ils peuvent de ce fait aider à résoudre des conflits au sein de la population »{345}. Ainsi dans la province d’Alep, les premières médiations informelles au printemps 2012 s’appuient sur la charia, qui reste légitime pour la majorité de la population, en particulier dans les zones rurales. De plus, la casuistique très souple du système chariatique se révèle particulièrement adaptée pour traiter de problèmes souvent atypiques, qui ne trouvent pas de réponse dans les lois existantes{346}.
Cependant, au-delà de la rhétorique religieuse, les jugements sont en réalité des arbitrages pragmatiques, d’autant plus que l’application des peines dépend des unités de l’insurrection. La charia sert ici moins de code à proprement parler que de légitimation a posteriori des décisions. « Le Comité judiciaire peine à résoudre les problèmes entre tribus à Deir ez-Zor. Récemment, trois soldats du régime ont été faits prisonniers, appartenant à deux tribus différentes. Du coup, pour respecter la justice tribale, la cour de charia a condamné à mort un membre de chaque tribu. Le troisième a été mis en prison »{347}. Pourtant, la référence à la charia n’est pas seulement symbolique. Les commandants – en dehors de l’arbitraire qui perdure, notamment sur le front – passent par des juges pour obtenir des décisions applicables pour la gestion des prisonniers, des prises de guerre ou des personnes qu’ils arrêtent.
À mesure que le système judiciaire se développe dans les zones insurgées, les révolutionnaires adoptent le code de l’Union arabe. Celui-ci a été créé en 1996 par une commission d’oulémas de la Ligue arabe avec un financement des pays du Golfe, afin de proposer aux pays arabes un droit civil et pénal basé sur la charia. Lors de sa création à l’automne 2012, la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep (Mahkamat Majlis al-Qada’ al-Muwahhad) impose, la première, le code de l’Union arabe. Celui-ci est nominalement adopté dans l’année qui suit par la plupart des tribunaux du nord de la Syrie{348}. « Nous avons eu une réunion en Turquie pour coordonner l’action des cours de justice en Syrie », explique un juge de la ville d’Azaz. « Nous avons décidé de regrouper les tribunaux créés en province sous l’autorité de la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep. Cette initiative touche aussi bien les tribunaux islamiques créés par des cheikhs que les tribunaux créés par des avocats. Le but est d’avoir un seul code de loi et un seul système judiciaire pour tout le gouvernorat »{349}.
En second lieu, dans certains gouvernorats, une hiérarchie judiciaire se reconstitue. Ainsi, la prise d’une partie d’Alep pousse les militaires, sous l’impulsion du Liwa’ al-Tawhid, à appuyer la création de la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep. Celle-ci installe une procédure standardisée : une enquête préliminaire, l’attribution du dossier à une des quatre formations spécialisées (affaires criminelles, civiles, familiales et militaires), une enquête et, finalement, une audience. De plus, la Cour du conseil judiciaire uni constitue en principe la cour d’appel au niveau du gouvernorat{350}. Elle travaille avec les cours du gouvernorat, quitte à imposer une modification de leur organisation. En particulier, ces dernières doivent avoir trois formations spécialisées (affaires criminelles, civiles et familiales), chacune avec deux cheikhs et un avocat, et appliquer le code de l’Union arabe. D’autres acteurs participent à cette normalisation, notamment le Conseil du gouvernorat d’Alep, dont le bureau juridique produit une liste des cours autorisées, et la Police libre d’Alep, qui ne travaille qu’avec ces cours (voir plus loin).
En août 2013, une conférence réunissant une quarantaine de délégués des principales cours des gouvernorats de Deir ez-Zor, de Raqqa, d’Alep, d’Idlib et de Latakia est organisée à Istanbul pour uniformiser leur fonctionnement. L’accord prévoit la formation d’une autorité judiciaire indépendante, sous le nom de Majlis al-Qada’ al-A‘la et la généralisation de l’organisation de la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep à l’ensemble des cours, en particulier l’adoption du Code de l’Union arabe et le recrutement de juges diplômés en droit, islamique ou non.
Ce processus de normalisation du système judiciaire ne se déroule pas sans oppositions. Certaines cours résistent à l’intégration dans le système judiciaire émergeant, au risque de disparaître. À Azaz, la fusion entre la cour chariatique et la cour formée d’avocats émanant du Conseil municipal est imposée par Alep en dépit des résistances. À al-Ra‘i, une nouvelle cour a dû être instituée, la précédente refusant de se plier au processus de normalisation. Enfin, à al-Bab, la cour s’allie avec une minorité d’opposition au Conseil municipal et parvient à exister grâce à l’appui des combattants de la Jabhat al-Nusra. De même, à Daraa et à Douma, des conflits opposent les cours de justice créées par des avocats et celles mises en place par des cheikhs{351}. Au final, dans la plupart de ces conflits, l’intégration des cours dans un système judiciaire unifié s’impose si les rapports de force militaires au sein de l’insurrection restent stables.
En troisième lieu, la reconstitution d’un personnel judiciaire passe par deux types de recrutement. D’abord, l’inclusion du personnel possédant une connaissance de la charia pose la question de la compétence des juges chariatiques. Une majorité des oulémas ayant soutenu le régime, les juges sont principalement recrutés parmi les cheikhs demeurés dans les zones sous contrôle de l’insurrection. Or, la plupart des cheikhs, qui formaient souvent le petit personnel enseignant des madrasas, n’ont pas une formation approfondie en droit islamique. Mais, à partir de mai-juin 2012, leur rôle devient central, par exemple cheikh Wada à Tal Rifaat, cheikh Hossein et cheikh Zerati à Akhtarin, cheikh Jumaa et cheikh Sukar à al-Bab. Ces cours chariatiques permettent ainsi au personnel religieux de réinvestir localement une révolution à laquelle ils se sont généralement ralliés tardivement{352}.
Ensuite, la reconstitution d’un personnel au fait des procédures judiciaires passe par le recrutement de juges et d’avocats, représentés par des associations professionnelles, le Mouvement des avocats syriens libres (Harakat al-Muhamin al-Suriyyin al-Ahrar) à Alep et le Groupement des avocats libres (Tajammu‘ al-Muhamin al-Ahrar) basé en Turquie. Alors que la profession attirait souvent les étudiants ayant échoué aux concours de la fonction publique, les avocats trouvent une occasion d’ascension sociale dans les bouleversements révolutionnaires. Pour légitimer leur rôle, les avocats arguent d’une certaine expérience dans l’application de la charia, déjà utilisée comme référence pour le statut personnel et les affaires familiales dans les codes du régime baassiste{353}. Certains s’appuient sur les certificats délivrés lors de formations de quelques semaines au code de l’Union arabe organisées en Turquie par la Coalition nationale syrienne avec l’aide d’organisations occidentales. Au final, tandis que des cheikhs sans formation juridique imposent facilement leur autorité, les avocats et les (rares) juges se trouvent en situation de devoir justifier de leurs connaissances religieuses pour trouver une place dans le nouveau système.
Le fonctionnement de la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep donne à voir concrètement les tensions et les arrangements entre les différents groupes. Son fonctionnement résulte d’un compromis entre les avocats, les cheikhs et l’unique juge qui ait fait défection à Alep. Ces personnels possèdent des formations et des priorités très différentes, mais la mise en place d’un système judiciaire unifié entraîne la mise en place de critères de sélection où la compétence juridique devient plus décisive, y compris pour les cheikhs. Les modalités d’organisation du tribunal sont négociées lors d’une première réunion en Turquie, au mois de septembre 2012, entre un avocat, membre du Mouvement des avocats libres, un cheikh, formé en droit islamique à l’Université al-Azhar du Caire, et le juge. Les représentants des trois principales professions juridiques se mettent d’accord sur un équilibre complexe : la présidence tourne tous les mois, un cheikh et un avocat se succédant. Les avocats sont de loin les plus nombreux, deux tiers du personnel, mais les cheikhs, deux par chambre, dominent les délibérations. L’unique juge a une position stratégique, car il distribue les dossiers entre les chambres spécialisées et peut demander des suppléments d’enquête.
Enfin, ce système judiciaire tend – non sans difficultés – à s’autonomiser. En effet, les unités militaires ont intérêt à se décharger de l’arbitrage des conflits qui minent leur légitimité, mais elles cherchent en même temps à garder un degré de contrôle sur les cours. Ainsi, le procès d’Abu Talal commandant de la Katibat al-Hajjaj (devenue Katibat Ansar al-Chari‘a lors de la création du Liwa’ al-Umawiyyin en septembre 2012) illustre les limites de l’autorité des juges. À la suite de plaintes à l’encontre d’Abu Talal, un tribunal ad hoc composé de cheikhs est constitué en septembre 2012{354}. Abu Talal est condamné, mais le prononcé de la sentence est ajourné à la fin de la révolution et il reprend la tête de son unité militaire{355}.
Par ailleurs, les groupes armés et les conseils locaux tentent d’instituer leurs propres autorités judiciaires quand ils sont en conflit avec les cours en place. Quand le commandant Dadikhi veut contrebalancer le Comité judiciaire d’Azaz, il crée sa propre cour (fin 2012) ; quand le Conseil municipal d’al-Bab veut contrer le Comité judiciaire qui a soutenu une tentative de dissolution de son institution, il met en place un Bureau du procureur (janvier 2013). Ainsi, les cours deviennent un acteur dans les jeux de pouvoirs locaux, disposant quelquefois de leur propre police judiciaire et jouissant de l’appui d’une unité militaire ou d’un conseil municipal. Par ailleurs, certaines cours investissent aussi les autres domaines de l’action publique, par exemple la gestion de l’approvisionnement en pain et de l’électricité.
À Alep, bien que créée par les principales unités militaires du gouvernorat, la Cour du conseil judiciaire uni devient progressivement indépendante. Cependant, comme on le verra, elle peine à faire appliquer ses décisions, ce qui affecte beaucoup sa légitimité. Pour éviter de devoir se soumettre aux décisions d’une instance indépendante, certains groupes armés – la Jabhat al-Nusra, la Harakat Ahrar al-Cham al-Islamiyya, le Liwa’ Suqur al-Cham et le Liwa’ al-Tawhid – établissent leur propre cour, le Comité judiciaire (al-Hay’a al-Char‘iyya), au début de l’année 2013. À la différence de la Cour du conseil judiciaire uni, le Comité judiciaire possède sa propre police, 200 hommes fournis par les groupes armés, et dresse des barrages dans la ville. Le Comité judiciaire refuse l’application d’un code écrit, préférant le recours à la jurisprudence islamique, il impose en outre un contrôle des mœurs, par exemple le voile pour les femmes et le respect du jeûne pendant le ramadan. Le Comité judiciaire s’implique aussi, avec une efficacité limitée, dans la gestion de la ville, en créant des services concurrents dans la fourniture d’électricité, l’éducation et les soins médicaux. Enfin, en prenant très tôt en charge l’administration des mosquées d’Alep, que la municipalité négligeait, le Comité judiciaire parvient à contrôler une majorité des mosquées de la ville.
La concurrence entre les deux institutions ne débouche pas sur des affrontements armés, mais les tensions sont palpables à l’été 2013. La Cour du conseil judiciaire uni d’Alep, avec le soutien d’unités de l’ASL, souhaite que le Comité judiciaire adopte ses procédures et accepte d’intégrer la hiérarchie qui se met en place. De son côté, le Comité judiciaire accuse les membres de l’administration civile et de la Cour du conseil judiciaire uni de ne pas être de bons musulmans. En juillet 2013, les hommes du Comité judiciaire encerclent la Cour du conseil judiciaire uni à plusieurs reprises, avant que des combattants de l’ASL proches des institutions civiles ne les forcent à se retirer, des concertations ayant lieu par ailleurs pour trouver un compromis.
À partir de la fin de l’année 2012, une police est mise en place dans chaque ville sous l’impulsion du CNS, des conseils de gouvernorat et de l’association professionnelle des anciens policiers. Ce projet se développe avec pour modèle la Police libre d’Alep (Churtat Halab al-Hurra), créée en octobre 2012, qui remplit le rôle de police judiciaire dans la province. L’intégration de l’ensemble des unités assurant la sécurité civile dans une police professionnelle a pour objectif de renvoyer les combattants sur le front et de dissoudre les groupes armés qui rackettent la population. « La création de la police doit permettre de libérer les combattants de l’insurrection pour se battre contre le régime. Nous leur enlevons la responsabilité des civils, ce qu’ils acceptent volontiers »{356}. Dès sa création, la fonction policière s’affirme par deux processus : l’intégration des groupes existants et la professionnalisation.
Premièrement, l’ambition de ce projet est de démilitariser les territoires conquis en mettant en place une force de police de plusieurs milliers hommes par province, ce qui suppose la séparation entre fonction combattante et maintien de l’ordre. « Nous sommes sous les ordres du général Adib Chelaf, qui commande la Police d’Alep depuis Cheikh Najar, et nous recevons nos instructions de la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep. J’appréhende les suspects et je les transfère à la Cour. Ma seconde tâche est de faire du maintien de l’ordre public. Dans les deux cas, j’emprisonne les suspects. En cas de problèmes entre des civils et des combattants de l’ASL, j’envoie le dossier au tribunal militaire de la Cour de justice d’Alep. Je n’ai pas autorité pour m’opposer aux militaires »{357}. En effet, la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep doit en principe contrôler les unités militaires : « En tant que représentant de la loi dans le gouvernorat d’Alep, mon travail consiste à poursuivre les combattants qui se font justice eux-mêmes », explique un juge de la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep dont le rôle est de mener les investigations. « Je travaille en étroite collaboration avec la police, avec qui je mène l’enquête. Mon rôle est également de m’assurer que la police reçoive ses instructions de la Cour de justice et de son tribunal militaire, plutôt que des groupes armés les plus puissants de la province »{358}.
Or, de nombreuses unités militaires sont mis en place leurs propres unités spécialisées dans les fonctions de police. À Azaz, quelques jours après la conquête de la ville, un des chefs du Liwa’ ‘Asifat al-Chimal, cheikh Yussef, constitue une milice de quartier qui prend le nom de Sécurité civile (al-Amn al-Madani). « Azaz est notre ville, moi et mes hommes nous ne supportions plus que la sécurité se détériore », explique cheikh Yussef. « Nous avons créé la Sécurité civile d’Azaz et récupéré l’ancienne prison, transformée en bureau de police »{359}. Un mois plus tard, avec la création du Conseil municipal par le Liwa’ ‘Asifat al-Chimal, cette milice devient le Bureau de la sécurité (Maktab al-Amn) de la ville. « À présent, nous sommes une unité de police officielle. Nous recevons des salaires, 12 000 livres syriennes pour les hommes mariés, 7 000 pour les célibataires. Sous l’autorité du tribunal, nous contrôlons les prix et organisons des patrouilles de nuit dans la ville »{360}. De même, à Raqqa, une unité insurgée se constitue sous le nom de Liwa’ Umana’ al-Raqqa (Brigade des gens dignes de confiance de Raqqa) dans le but de faire la police après la prise de la ville au printemps 2013. En pratique, certains de ces groupes se comportent comme des vigilantes et font preuve de brutalité{361}.
La constitution de forces de police improvisées est également le fait d’initiatives locales. Dans un quartier d’Alep, un groupe de jeunes révolutionnaires prend le nom de Sécurité du quartier (Amn al-Mantiqa). « Nous sommes tous originaires du quartier d’al-Sukari, nous avons manifesté puis formé un groupe de combattants pour défendre les manifestants contre la répression du régime. En août 2012, nous avons combattu avec l’ASL pour libérer notre quartier. Juste après sa libération, nous avons décidé d’organiser notre propre groupe pour patrouiller dans les rues et éviter les pillages, car la majorité des habitants avaient fui. Lorsque le tribunal d’Alep a été créé, nous avons pris contact avec lui. À présent, nous attendons d’être incorporés à la police d’Alep. On nous a promis des uniformes et des salaires à condition que nous acceptions de nous placer sous les ordres des officiers de la nouvelle police. Notre nouveau nom, Police libre d’Alep, doit être inscrit sur nos uniformes et sur le fronton de nos locaux »{362}.
La politique d’intégration est menée par le haut pour mettre toutes les forces de police sous une seule autorité{363}. La mise en place de la Police libre, sous l’autorité du Conseil du gouvernorat d’Alep et de la Cour du conseil judiciaire uni d’Alep, constitue l’étape décisive de ce processus. La Police libre incorpore, avec un succès variable, les forces de police autoproclamées. L’incorporation de celles-ci se fait éventuellement en écartant leur chef. Par exemple, à Azaz, cheikh Yussef est remplacé par le commandant Ahmed après plusieurs semaines de bras de fer. À Bustan al-Qasr, le créateur de la police de quartier est écarté et remplacé par un ancien policier du régime. Dans d’autres cas, de nouvelles unités policières sont recrutées et entraînées pour remplacer des groupes peu fiables. Ainsi, les jeunes protestataires d’al-Sukari, qui s’étaient constitués en police de quartier, espéraient leur intégration dans la Police libre, mais ils doivent céder la place devant une unité nouvellement formée. Lorsque certains groupes refusent de céder, l’état-major de la Police libre cherche l’appui des groupes armés. Pour installer une unité de police à al-Bab, la Police libre va ainsi s’appuyer localement sur les hommes du Bureau de la sécurité, liée au Liwa’ al-Tawhid.
Deuxièmement, la professionnalisation commence dès la mise en place de forces de police locale. Des uniformes et un règlement intérieur sont adoptés : manteaux noirs et treillis bleus, port de pistolets, salut réglementaire aux supérieurs, respect de la hiérarchie. La police recrute et paye ses propres membres. L’état-major intègre d’anciens policiers pour reconstruire une force civile professionnelle. Le commandant de la police d’Alep, le général Adib Chelaf, est l’ancien chef de la police de Raqqa. Chaque chef de poste est un ancien policier, ce qui traduit le choix de faire primer la compétence professionnelle sur l’engagement révolutionnaire. « Je suis diplômé de l’Académie de police de Damas, la promotion de 1986. J’étais inspecteur dans la police criminelle du régime. J’ai déserté en juin 2012, car le travail qu’on nous demandait était devenu inhumain. J’ai payé 400 000 livres syriennes [environ 3 200 euros] à ma hiérarchie pour quitter officiellement mon poste. C’était facile, car la police du régime est très corrompue. En tant que civil, j’avais participé à de nombreuses manifestations. Lorsque Alep a été libérée, les gens m’ont désigné naturellement à la tête d’une milice de quartier pour assurer la sécurité. Puis, avec la création de la Police, j’ai été nommé commandant en second [du poste de Bustan al-Qasr] »{364}. Les salaires varient entre 8 000 livres syriennes pour les policiers et 15 000 pour leurs officiers. Une académie de police est également créée dans l’ancienne base militaire de Muchat en banlieue d’Alep. Elle délivre un mois de formation par groupe de 200 personnes (entraînement physique, enquête, maniement des armes, droit pénal). « À Bustan al-Qasr, j’ai 35 hommes sous mes ordres. Chacun a été sélectionné après une enquête sur ses antécédents. Ensuite, il y a un mois d’essai avant d’être embauché et rémunéré. À part moi et mon commandant, tous les autres policiers du poste n’ont jamais exercé ce métier. Leur éducation est rapide, ils apprennent les rudiments et c’est surtout nous qui les formons ensuite »{365}. Cependant, ces effectifs ne disposent que de moyens limités et sont incapables de maintenir seuls la sécurité. En janvier 2013, la police compte ainsi 1 142 hommes, comparés aux 9 000 autrefois présents, répartis dans les six principaux quartiers d’Alep (al-Sukari, Bustan al-Qasr, al-Ferdus, Azadiya, Salkhi, Asalkhiya) et dans quelques villes de province (Tal Rifaat, Hreitan, Anadan, Azaz et Soran){366}. Par ailleurs, ils ne possèdent que trop peu de véhicules pour être réellement autonomes{367}. La Police libre compense autant que possible sa faiblesse par l’appui de certaines brigades de l’ASL qui lui sont favorables, notamment celles composées d’habitants d’Alep{368}.
Un code professionnel, s’appuyant sur celui de l’ancien régime et sur des textes trouvés sur internet, notamment les recommandations de l’ONU, a été distribué aux nouveaux policiers{369}. Selon ce code, la détention est limitée à 24 h et la présomption d’innocence est affirmée, deux mesures que les premières polices locales ne respectaient que rarement. Avec la réintégration des policiers de l’ancien régime, les techniques traditionnelles d’investigation et d’administration reviennent : témoignage enregistré à l’écrit et collecte des empreintes digitales. La police dispose d’anciennes prisons du régime à la frontière turque – à Azaz, al-Ra‘i et à Jarablus.
Faute de moyens, le processus d’intégration des polices liées aux groupes armés est rapidement mis en difficulté. Un général de la Police libre d’Alep explique : « La répartition des tâches entre les polices militaires mises en place par les unités militaires et la police civile ne s’est pas déroulée sans problème. Dans le gouvernorat d’Alep, sous l’impulsion du Liwa’ al-Tawhid, les groupes armés de la province ont uni leurs efforts pour créer une police militaire, Amn al-Thawra. Cette organisation permet au Liwa’ al-Tawhid d’organiser le contrôle sur les petites unités militaires. Or, les chefs de cette police militaire ne voulaient pas d’une force concurrente. Nous leur avons expliqué que nous n’étions pas des militaires et que nous n’interviendrions pas dans leurs affaires. De toute façon, nous n’avons pas les moyens de nous attaquer aux unités militaires, celles-ci sont mieux armées que nous »{370}. Pourtant, les unités militaires n’hésitent pas mettre en place des institutions concurrentes. À al-Bab, dans un contexte de tension entre le Conseil local et le tribunal, le Liwa’ al-Tawhid met en place le Bureau de la sécurité (Maktab al-Amn) qui fait directement concurrence à la police liée au tribunal{371}. De même à Alep, le bureau de la Sécurité révolutionnaire, également liée au Liwa’ al-Tawhid, change de nom en janvier 2013 pour devenir Police militaire (al-Churta al-‘Askariyya) et fait concurrence à la Police libre.
Du moment où l’insurrection contrôle des villes, le fonctionnement des institutions civiles est central dans le rapport entre l’insurrection et la population. La concentration des groupes armés sur le front les oblige à se décharger de la gestion de l’arrière. Des associations informelles, nées d’initiatives locales et spontanées, s’organisent dans un contexte particulièrement précaire. En effet, tout est à réorganiser. Les affrontements ont coupé les réseaux d’approvisionnement en eau et en électricité, tandis que les écoles et les hôpitaux, systématiquement visés par les bombardements, sont contraints de fermer. L’absence d’eau courante et l’accumulation des ordures expliquent la fréquence des maladies de peau et des infections, qui touchent particulièrement les enfants. Les affrontements entraînent une mobilité de la population qui évacue un quartier pour revenir quelques semaines plus tard quand les combats se sont calmés.
À l’origine des administrations civiles, on trouve les nombreux réseaux d’entraide informels qui soutenaient clandestinement les manifestations en fournissant des soins médicaux et prenaient en charge les déplacés. Alors que la répression réduit la possibilité de manifester dans les zones gouvernementales, ces réseaux révolutionnaires forment l’embryon de structures associatives locales. Mais, si la phase unanimiste de la révolution pouvait faire penser que la société disposait de capacités d’auto-organisation, la guerre civile met en évidence les limites de ces initiatives locales. Les associations caritatives que nous avons observées à Alep ou dans d’autres villes du nord sont gérées de façon très improvisée. De ce fait, elles sont généralement dépendantes des unités militaires, par exemple pour les distributions de nourriture ou de vêtements.
Dans les villes et les bourgs, la construction d’un appareil administratif est relativement rapide. Les mêmes structures, les mêmes dénominations se retrouvent un peu partout, sans qu’il y ait d’origine commune aisément identifiable. Sous le nom de Conseil local (Majlis Mahalli) ou de Conseil municipal (Majlis al-Madina), elles reprennent les services municipaux existants en intégrant les employés (éboueurs, instituteurs), qui reçoivent encore leur salaire du régime. Ces conseils locaux fonctionnent au niveau des municipalités (parfois étendues aux villages environnants) et, dans le cas d’Alep, au niveau des quartiers. Etablis à partir d’août 2012, ils présentent des structures similaires dans toutes les localités avec les mêmes activités : ramassage des ordures, écoles, entretien des routes{372}. Cependant, l’autonomie des Conseils municipaux par rapport aux groupes militaires demeure limitée en raison du manque de ressources{373}. Le choix des membres des conseils est alors opéré sans élection, comme expression de la structure clanique (à Maraa et à Deir ez-Zor), de l’influence des chefs militaires locaux (à Azaz), des notables ou des protestataires de 2011 (à Al-Bab et à Douma){374}.
En parallèle, un processus de centralisation institutionnelle s’engage. Avec le soutien de la Coalition nationale syrienne, des Conseils de gouvernorat (Majlis al-Muhafadha) sont mis en place à partir de l’automne et de l’hiver 2012. À Alep, ce type de conseil est particulièrement développé. À partir de l’automne 2012, le Conseil transitoire révolutionnaire du gouvernorat (al-Majlis al-Intiqali al-Thawri lil-Muhafadha) est établi avec une double fonction : au titre de Conseil de la ville d’Alep, il coordonne les Conseils de district et, en tant que Conseil de gouvernorat, il a autorité sur les institutions civiles de tout le gouvernorat d’Alep. Par la suite, en mars 2013, les deux fonctions sont différenciées, le Conseil municipal d’Alep s’installe à dans le quartier de Chahr, au centre-ville, tandis que le Conseil de gouvernorat conserve les locaux du Conseil transitoire dans le quartier industriel de Cheikh Najar. Le quartier, en retrait du front, devient progressivement un véritable pôle administratif regroupant divers services, dont le Conseil militaire d’Alep et le siège de la Police libre. De façon semblable, dans les gouvernorats d’Idlib, de Raqqa, de Deir ez-Zor et de Daraa, un Conseil de gouvernorat est mis en place pour superviser les conseils locaux. Ils acquièrent une certaine efficacité là où la centralisation administrative est suffisamment avancée pour permettre la mise en place d’une hiérarchie institutionnelle.
Cependant, faute de ressources, l’autorité des Conseils de gouvernorat est souvent remise en cause. Ceci se traduit par des problèmes spécifiques dans chaque province, selon la situation militaire et politique locale. À Alep, le Conseil du gouvernorat rencontre durant l’hiver 2013 une forte résistance de la part des conseils locaux, qui critiquent sa légitimité, reflétant des tensions plus larges au sein de l’opposition entre les révolutionnaires locaux et ceux nommés par la Coalition nationale. À Idlib, la capitale provinciale est alors aux mains du régime, ce qui entrave la formation d’une administration civile. À Raqqa, les groupes armés, notamment la Harakat Ahrar al-Cham al-Islamiyya et la Jabhat al-Nusra, s’ingèrent dans la gestion. Enfin à Deir ez-Zor, le Conseil de gouvernorat reflète les équilibres politico-claniques de la ville, ce qui paralyse son action. La prise de Raqqa et Deir ez-Zor par l’EIIL, respectivement à l’été et à l’hiver 2014, met fin à l’administration de ces villes par les institutions issues de la révolution.
À partir de décembre 2012, la convergence des deux processus – l’émergence d’institutions locales et la tentative de les coordonner par le haut – aboutit à la tenue d’élections en Turquie. Des personnalités consensuelles sont chargées par la Coalition nationale syrienne de choisir des centaines de délégués dans les parties du gouvernorat d’Idlib contrôlées par l’insurrection. Ce corps électoral est ensuite réuni à Reyhanlı en Turquie et choisit le Conseil du gouvernorat, puis celui de la ville d’Idlib trois mois plus tard. Le même processus est ensuite reproduit à Alep avec des élections à Gaziantep (Turquie) en mars 2013 : Muhammad Yayha Nanaa, ancien fonctionnaire de la municipalité, et Ahmed Azuz, militant de la première heure, sont respectivement élus gouverneur et maire de la ville. Chacun est à la tête d’une équipe de plus d’une centaine de volontaires, sélectionnés pour leurs compétences professionnelles et pour leur engagement révolutionnaire. À l’été 2013, cet effort de hiérarchisation et de centralisation administrative se poursuit avec la tenue d’élections locales dans les 65 quartiers d’Alep contrôlés par l’insurrection. Le même processus est ensuite mis en place à Raqqa en janvier 2014{375}, puis dans le sud dans la Ghouta (banlieue de Damas) en janvier 2014 et dans le reste des banlieues de Damas dans les mois qui suivent{376}.
Malgré la brutalité des bombardements, la résilience des institutions s’explique en partie par le fait que leur financement dépend pour beaucoup de l’aide extérieure. En raison de l’absence d’impôts et de prélèvements sur les circuits commerciaux, leurs ressources viennent pour l’essentiel de l’étranger. Pourtant cette aide extérieure reste faible, la coordination des municipalités avec les organisations nationales – le Conseil national syrien et la Coalition nationale – étant très limitée. Cette aide est irrégulière, en dépit des fonds qui ont été alloués par les pays occidentaux et ceux du Golfe. Ainsi, les salaires des enseignants sont fixés à 25 dollars par mois à Alep, mais sont rarement payés. Les budgets des municipalités dépendent des dons de l’étranger, d’où une paralysie régulière. En l’absence de ressources stables, les conseils municipaux fonctionnent surtout grâce à l’engagement bénévole de milliers d’employés.
De façon paradoxale, une partie des ressources des conseils locaux vient du gouvernement de Damas, car celui-ci paye encore une partie des fonctionnaires dans les zones qui échappent à son contrôle. Ainsi, les enseignants et les employés municipaux vont régulièrement chercher leur salaire dans les zones gouvernementales (les villes d’Idlib et de Raqqa avant leur prise, la partie d’Alep tenue par le régime). En conséquence, une partie des services publics – ramassage d’ordures, électricité, éducation – fonctionne plus ou moins dans les zones hors du contrôle de Damas. Cependant, certains fonctionnaires, effrayés par une potentielle répression contre eux ou leur famille restent chez eux. Par ailleurs, les salaires payés rendent disponible tout un personnel pour des fonctions autres que celles pour lesquelles ils ont été recrutés initialement. Ainsi, la plupart des cheikhs qui travaillent comme juges dans les différentes cours sont d’anciens professeurs de religion et reçoivent donc encore un salaire. De nombreux membres des conseils municipaux sont également payés par Damas au titre de leur ancien emploi{377}. En décembre 2012, pour la première fois, quelques militants publiquement engagés aux côtés de l’insurrection se sont vus rayés de la fonction publique par Damas{378}. Une explication possible de ce paradoxe – Damas finançant l’insurrection – est que le régime veut garder un lien avec les fonctionnaires des zones insurgées et les inciter à ne pas s’engager, du moins publiquement, dans l’opposition.
Malgré le manque de ressources et des bombardements constants, les administrations municipales parviennent à réorganiser les services publics en quelques mois{379}. Par exemple, le ramassage des ordures et le déblaiement des décombres sont effectués par d’anciens employés du régime en louant des camions à des particuliers. Les déchets, regroupés dans chaque rue par les habitants eux-mêmes, sont ensuite envoyés dans une ancienne carrière de marbre, transformée en décharge. À Alep, une équipe sanitaire passe dans chaque quartier pour asperger les rues de produits insecticides, prévenant ainsi l’épidémie de malaria qui menace la ville à l’été 2013. Les municipalités interviennent également au niveau des infrastructures. Elles organisent des équipes techniques pour entretenir les réseaux électriques et hydrauliques mais, faute de moyens, elles n’entretiennent pas la voirie, qui se détériore sous les bombardements du régime.
Enfin, les conseils municipaux ont cherché à maintenir les services médicaux et éducatifs. Les hôpitaux sont installés dans des lieux tenus secrets pour éviter les bombardements du régime. Selon l’accessibilité des zones, des services spécialisés peuvent être réimplantés, notamment la pédiatrie et la dermatologie. Le même problème se pose avec les écoles qui sont clandestines et mobiles, car ciblées par les bombardements du régime. Des manuels du régime, ou des versions photocopiées, servent de support aux élèves et permettent de maintenir un semblant de normalité, les examens du baccalauréat ont été organisés pendant l’été 2013 à Alep. À Idlib, ceux qui voulaient obtenir le baccalauréat devaient aller passer les examens dans les territoires tenus par régime.
Par ailleurs, dans chaque province, une défense civile (al-Difa‘ al-Madani) est mise en place en 2013 pour mener des actions de prévention, coordonner les secours et déblayer les gravats{380}. Dans la Ghouta, en banlieue de Damas, à la suite des attaques chimiques de 2013, les conseils municipaux de Douma et de Daraya se sont organisés pour nettoyer gravats et résidus chimiques, ainsi que pour distribuer des masques à gaz et préparer la population en prévision de bombardements futurs{381}.