Les conquêtes n’eurent pas pour seul effet de faire entrer de nouveaux peuples au sein de l’empire de Rome, ni d’imposer à son aristocratie de se confronter à de nouvelles valeurs. Elles aboutirent surtout à l’ouverture et au développement des échanges économiques, sociaux et culturels dans tout le bassin de la Méditerranée. Une seule domination se mettait en place, qui avait nécessairement des effets unifiants. Ceux-ci tenaient à divers phénomènes. Les uns étaient de nature démographique et correspondaient à des échanges de population. D’autres étaient financiers et étaient produits par l’enrichissement des vainqueurs. D’autres tenaient à des modifications qui intervenaient dans l’agriculture, l’artisanat ou le commerce. D’autres, enfin, étaient le fruit de l’extension et de l’adaptation de ce même modèle politique et culturel qui rayonnait du souvenir et du prestige des monarchies hellénistiques, et qui était lui-même relayé par celui des aristocrates romains les plus importants. Tous cependant convergeaient dans un phénomène de longue durée qui aboutissait à ce que, selon des rythmes extrêmement divers mais suivant un processus inéluctable, un ensemble géographique, économique et politique unique se structurait dont Rome était le centre et dont l’Italie et les provinces occupaient à des degrés divers la périphérie. Les relations s’y intensifiaient et contribuaient à cette intégration économique, politique et culturelle qui trouva son aboutissement au cours des premiers siècles de notre ère.
Parmi les effets immédiats de l’extension brutale de la domination romaine, trois eurent des conséquences économiques décisives : l’enrichissement des élites italiennes, l’importation d’esclaves et l’accroissement du rôle foncier et fiscal de l’État romain.
L’enrichissement des bénéficiaires des conquêtes a déjà été évoqué dans le chapitre précédent et il n’est pas nécessaire de revenir sur les causes qui en sont à l’origine. L’ampleur et les conséquences du phénomène méritent cependant d’être soulignées. Les produits du butin puis de l’exploitation des provinces alimentaient de nouveaux circuits financiers. Cet argent ouvrait également un marché important pour deux types de produits de valeur : les œuvres d’art et les objets de luxe qui étaient importés d’Orient et les esclaves surtout qui étaient achetés en grand nombre.
La concentration de ces biens était le signe le plus net des nouveaux niveaux de fortune des aristocraties romaines et italiennes. Bien qu’il soit extrêmement difficile de les évaluer, la tendance générale à l’enrichissement apparaît au travers des quelques indications que l’on peut reconstituer de la valeur des propriétés foncières de certains d’entre eux. On évalue en effet la part immobilière de la fortune de Paul-Émile à 280 000 deniers, celle de Scipion Émilien à au moins un million de deniers. La comparaison entre les deux chiffres fait déjà apparaître une progression intéressante. Il s’agissait en fait des personnages les plus en vue de la première moitié du IIe siècle, ceux dont on peut penser également qu’ils étaient les plus riches de leur génération. Or, dans la première moitié du Ier siècle, ces niveaux de fortune étaient atteints et dépassés par des chevaliers d’origine municipale, comme un certain Roscius d’Amérie propriétaire de 13 domaines pour une valeur de 1,5 million de deniers et multipliés par trois ou quatre par un sénateur comme Cicéron qui se tenait au premier rang dans la hiérarchie sans pour autant compter parmi les plus riches, et dont l’ensemble des propriétés pouvaient être évaluées à au moins 3,25 millions de deniers1. Sans aller jusqu’à une précision statistique impossible à atteindre, ces quelques indications font apparaître de façon suffisante une extraordinaire progression de la fortune des aristocraties romaines et italiennes qui, outre les effets politiques qu’elle entraînait, participait surtout d’un processus économique dont elle était à la fois la cause, l’effet et le signe.
Le développement massif de l’esclavage fut le deuxième facteur qui modifia profondément les conditions de la production artisanale et agricole en Italie et affecta les équilibres démographiques. La première source d’approvisionnement fut celle que constituaient les milliers de prisonniers de guerre asservis à l’issue des campagnes. Les quelques chiffres dont on dispose sont éclairants : 20 000 Sardes après la conquête de l’île en 177, 150 000 Épirotes après la troisième guerre de Macédoine, 140 000 Cimbres et Teutons en 104 et peut-être un million de Gaulois après les campagnes de César2. Comme les guerres ne cessèrent guère au cours des IIe et Ier siècles avant notre ère, la réduction en esclavage des vaincus aboutit à mettre en place un marché et à le structurer par le renouvellement fréquent de l’offre qu’elle entraînait. Comme par ailleurs, en Italie, l’enrichissement des élites et les transformations des conditions de production soutenaient la demande, ce même marché devait être régulièrement alimenté. Ceci favorisait d’une part un esclavage de traite qui affectait surtout les peuples de la périphérie de l’Empire, et notamment ceux de Gaule, des régions du Danube et de la mer Noire d’Anatolie et de Syrie et maintenait d’autre part en Méditerranée une piraterie qui, s’alimentant de razzias d’hommes libres, s’enflait dès que l’autorité romaine se trouvait incapable de la réprimer3. Les données qui témoignent de ce commerce sont impressionnantes. Le géographe Strabon affirmait que dans l’île de Délos, qui, au milieu du IIe siècle, était devenue le principal marché d’esclaves, il s’en vendait des dizaines de milliers par jour4. Et comme l’Italie était la région où se concentrait la demande, l’immigration servile aboutit à ce qu’au Ier siècle avant notre ère le nombre des esclaves atteignit quelque 2 à 3 millions d’individus pour une population de 5 à 7,5 millions d’habitants, soit une proportion de près d’un tiers ; ce qui était considérable5. Une telle situation eut, bien entendu, des conséquences sociales importantes, mais aussi économiques puisqu’elle changeait les données de l’activité artisanale et agricole.
La part croissante que prenait l’État romain dans l’économie méditerranéenne contribuait de façon déterminante aux transformations qui l’affectaient. De multiples facteurs intervenaient en ce sens. L’unité politique, la présence de l’armée et des magistrats romains qui introduisaient en tout lieu le même mode de jugement et de pensée, étaient autant de forces qui poussaient à l’unification et à l’intégration. D’autres avaient probablement des effets plus directs : la construction des routes, le développement des échanges dus à l’approvisionnement des troupes et de la ville de Rome. La fiscalité surtout était probablement l’un des plus importants. Aux prélèvements qui avaient suivi les victoires succédaient les revenus réguliers des tributs et des taxes douanières. Les chiffres que l’on peut reconstituer et qui ont été donnés dans le chapitre précédent permettent d’apprécier l’ampleur de l’enrichissement du Trésor romain. Ils ne permettent cependant pas d’apprécier avec précision les effets à long terme sur les provinces. Mais il est certain que ces transferts conduisaient à un appauvrissement des régions sur lesquelles ils s’exerçaient, régulier pendant les périodes de paix, fortement aggravé pendant les conflits. Rome en revanche s’enrichissait. On le constate à la stabilité de son monnayage d’argent, à son appréciation même par rapport au monnayage de bronze et à son rôle croissant comme unité monétaire, au point qu’à partir du milieu du IIe siècle la légende Roma disparut des deniers tant ils n’avaient plus besoin d’être identifiés6.
Ce fut cependant le rôle foncier que joua l’État romain qui eut les conséquences les plus visibles et les plus déterminantes dans l’histoire économique et sociale des IIe et Ier siècles avant notre ère. A l’issue de la deuxième guerre punique, des surfaces considérables d’ager publicus avaient été confisquées aux Italiens qui avaient trahi. D’autres le furent aux provinciaux au cours des guerres de conquête. En Italie, elles avaient certes été utilisées pour la fondation de colonies, mais des superficies importantes demeuraient dans le sud de la péninsule, notamment dans les zones montagneuses qui étaient livrées à l’élevage. Partout, c’étaient soit les anciens propriétaires soit, le plus souvent, de nouveaux bénéficiaires qui exploitaient ces terres en les louant à la cité de Rome ou en bénéficiant d’un droit d’usage. Or, en Italie, dans ce contexte général d’enrichissement des élites et d’offre abondante de main-d’œuvre servile, ces espaces devinrent un des instruments les plus importants d’une transformation de l’agriculture.
Ainsi, les conquêtes avaient abouti à faire apparaître une offre accrue de ressources économiques et permis un enrichissement dont bénéficiaient directement les Romains et leurs alliés italiens. Celui-ci conduisait à son tour à des transformations de l’artisanat et de l’agriculture qui accentuaient encore le processus de concentration des biens dans la péninsule, l’ouvraient de façon décisive à une économie de marché, mais où Rome et l’Italie occupaient désormais une position centrale et dominante.
Les seules informations dont nous disposons sur les transformations de l’artisanat nous sont fournies par l’archéologie et concernent deux types d’activité qui laissèrent des traces durables : l’architecture et la production de céramique.
Les IIe et Ier siècles avant notre ère furent en Italie une période intense de constructions. Les raisons étaient multiples et tenaient à l’enrichissement des élites et au fait qu’elles adoptèrent ces conduites d’évergétisme qui les conduisaient à rehausser le prestige de leurs cités en les munissant d’une parure monumentale la plus grandiose possible. L’effort continu de construction qu’elles consentirent était cependant favorisé par l’adoption de techniques nouvelles qui faisaient appel à l’emploi d’une main-d’œuvre peu qualifiée mais capable de travaux répétitifs. On constate en effet qu’à partir du IIe siècle aux constructions en grand appareil (opus quadratum) succédèrent des bâtiments dont les murs étaient faits de petits moellons liés par un mortier (opus caementicium) selon une technique qui ne cessa pas de s’améliorer pour aboutir au début du Ier siècle à un appareil appelé opus reticulatum qui alliait la légèreté, la solidité et l’élégance par la régularité des éléments qui le composaient. Ce fut le recours à une main-d’œuvre servile peu onéreuse mais abondante qui, joint à la capacité d’investissement et à l’esprit d’organisation et d’invention des entrepreneurs, permit le succès de ces innovations et l’ampleur du renouveau architectural auquel elles aboutirent7.
Les méthodes de production de la céramique avaient connu un processus comparable dès la fin du IIIe siècle. On constate en effet à cette époque la diffusion de pièces de qualité à vernis noir élaborées dans une pâte fine, mais dont la peinture appliquée par immersion et les formes peu nombreuses et toujours reproduites laissent supposer des techniques de fabrication standardisées et rapides qui devaient faire appel à ce même type de main-d’œuvre spécialisée et considérable que fournissait l’immigration servile. Les ateliers se multiplièrent rapidement, d’abord en Campanie, d’où le nom de campanienne que l’on donne à cette céramique, puis en Étrurie. Ils permirent une production massive et largement destinée à l’exportation : on retrouve ces objets dans tout le bassin occidental de la Méditerranée et le long des axes fluviaux qui conduisaient au nord de la Gaule dans des proportions considérables, au point que les données de l’archéologie, sous-marine notamment, permettent d’estimer par exemple à plus de 9 millions les pièces qui furent exportées de la région de Naples en Gaule en un siècle et demi8.
Ces deux séries d’indications, les seules dont on soit véritablement assuré, suffisent pour comprendre que l’importation massive d’esclaves, associée aux capacités d’investissement des élites et aux nouveaux débouchés commerciaux que la domination romaine ouvrait, offrirent aux activités artisanales italiennes le moyen d’une croissance qu’elles n’avaient pas connue jusque-là. Et il faudrait certainement étendre ces remarques à la production textile qui bénéficia en outre du développement de l’élevage ovin et dont on peut supposer qu’elle gagna en importance à juger par les allusions que l’on rencontre çà et là sur l’existence d’ateliers de préparation des étoffes (fullonicae) et sur la réputation des laines de Canosa et de la région de Tarente9.
Ce furent cependant les transformations qui intervinrent dans l’agriculture, qui stimulèrent sans doute le plus l’intensification des échanges, l’ouverture et l’enrichissement de l’Italie. Des formes nouvelles apparaissaient en effet qui répondaient à l’avantage que trouvaient les propriétaires fonciers à développer la production de denrées commercialisables dont ils pouvaient tirer profit. Une agriculture spéculative se mettait ainsi en place dont on constate la progression tant par la publication d’ouvrages d’agronomie que par les indications fournies par le matériel archéologique.
Le premier ouvrage de agricultura que l’on connaisse est celui que composa Caton le censeur au milieu du IIe siècle avant notre ère. Il fut suivi d’un certain nombre d’autres qui furent perdus comme celui des Saserna, père et fils, ou de Cn. Tremellius Scrofa, ou conservés comme celui de M. Terentius Varro à la fin du Ier siècle10. Cette production littéraire reprenait des précédents grecs et puniques. Elle répondait surtout à l’intérêt que l’aristocratie romaine porta à l’agronomie à partir du IIe siècle et dont témoigne également la décision que le Sénat prit en 146 de faire traduire le traité du Carthaginois Magon. Elle signifie qu’au cours de cette période, bénéficiant de capitaux, de ressources abondantes en terres et en main-d’œuvre, les classes dominantes romaines et italiennes s’intéressaient désormais à la rentabilité de leurs exploitations agricoles et cherchaient par des choix techniques appropriés à en tirer le meilleur gain dans une économie qui s’ouvrait largement au marché. C’est ainsi que deux types de productions connurent des mutations particulièrement importantes : l’élevage et une agriculture spécialisée dans des denrées commercialisables.
Le développement de l’élevage tint à l’augmentation de la taille des troupeaux et à l’utilisation systématique des possibilités offertes à la transhumance. En Italie centrale et méridionale, la deuxième guerre punique avait sans doute conduit à une diminution de l’occupation humaine et à un affaiblissement de la présence et de l’autorité des communautés locales. La constitution de vastes étendues d’ager publicus offrait en outre des conditions tout à fait favorables aux propriétaires dès lors qu’ils s’acquittaient des droits de paissance (scriptuaria) auprès de l’État romain. Les plus fortunés pouvaient acquérir le personnel et les vastes troupeaux qui permettaient des gains fructueux par la transhumance entre zones de plaine et zones d’alpage ou entre pays naisseurs et pays d’embouche ou, dans le cas d’ovins, pays de transformation de la laine, situés dans les régions méridionales. On constate ainsi, à la lecture du traité de Varron et à quelques allusions que nous ont transmises les sources littéraires, que les membres de l’aristocratie sénatoriale, équestre et des cités d’Italie étaient les premiers à profiter de ces sources accrues d’enrichissement. Parmi les noms de ces propriétaires de grands troupeaux qui usaient de ces formes nouvelles d’exploitation, on peut en effet relever ceux de L. Licinius Lucullus, le consul de 74, dont le bétail paissait abusivement sur l’ager publicus, de M. Terentius Varro lui-même qui faisait allusion aux troupeaux de moutons qu’il possédait en Apulie, ou encore d’un certain P. Aufidius Pontianus, chevalier romain d’Amiterne qui achetait des bêtes en Ombrie pour les vendre à Héraclée11.
L’autre importante mutation qui affecta l’agriculture fut celle qui conduisit certains propriétaires à privilégier les cultures dont ils pouvaient commercialiser la production : le blé, l’huile et surtout le vin.
Dans ce dernier cas, le phénomène est bien connu grâce à l’étude des amphores qui a permis d’évaluer l’importance et la croissance des exportations italiennes. Dès le IVe siècle en effet, celles que l’on appelle gréco-italiques apparurent en Sicile et en Italie méridionale, puis au IIIe siècle sur la côte tyrrhénienne. On en conclut que ce fut dans cette zone que débuta un processus de développement de l’agriculture spéculative qui ne prit cependant toute son importance qu’à partir du milieu du IIe siècle. Entre 145 et 133 en effet, commença à se répandre un modèle généralisé d’amphore à vin, dite du type Dressel I12, dont les principales zones de fabrication s’étendaient sur la Campanie et l’Étrurie méridionale. Elles correspondaient aux régions où s’était développé un vignoble de qualité dont certains crus, comme le Falerne, devinrent vite célèbres. D’autres amphores, dites Lamboglia, apparurent un peu plus tard sur le littoral adriatique et permirent la diffusion d’une production plus massive et moins réputée. L’abondance des découvertes d’amphores Dressel I dans le bassin occidental de la Méditerranée permet ainsi de reconstituer une partie de la carte de diffusion de ce vin italien. Les principales régions d’importation se trouvaient en Espagne, en Gaule et jusque très au nord, en Bretagne méridionale et le long de la vallée du Rhin. Une telle densité des trouvailles jointe à une telle extension témoigne alors de l’importance que ce marché avait prise.
D’autres découvertes archéologiques, enfin, qui ont été effectuées en Italie au cours des dernières décennies ont permis de reconstituer l’économie d’ensemble de cette agriculture spéculative. Des domaines ont été étudiés dont l’exemple le mieux connu est celui de la villa de Settefinestre sur le territoire de la colonie de Cosa en Étrurie méridionale.
Il s’agissait d’une exploitation contemporaine des années 40 avant notre ère et dont on évalue l’extension à quelque 500 jugères (125 ha). Les bâtiments étaient divisés en deux ensembles. L’un constituait la partie où résidait le propriétaire (pars urbana) quand il était présent dans le domaine. La disposition des lieux reprenait celle des maisons romaines par l’enfilade d’un atrium et d’un péristyle, mais qui aboutissait à un portique qui dominait la campagne et donnait un aspect majestueux à l’ensemble de la construction. Les bâtiments d’exploitation (pars rustica) étaient intégrés dans l’ensemble architectural. Ils s’organisaient autour de cours, comprenaient évidemment des étables, des écuries et des logements pour les esclaves et l’intendant (vilicus), mais privilégiaient particulièrement la part consacrée à la fabrication du vin : pressoirs, cuve et espace de stockage des amphores. C’était de la commercialisation de ce produit que le propriétaire tirait ses bénéfices. On a calculé en effet que la vigne occupait le quart environ de la surface cultivée, qu’une quarantaine d’esclaves y étaient employés et que la production annuelle dépassait les 1 000 hectolitres pour une valeur minimale de 15 000 deniers. Le vin était ensuite diffusé par des amphores Dressel I dont on a retrouvé quelques exemplaires dans une des épaves du Grand-Congloué près de Marseille, en divers points de la côte ligure, le long des vallées du Rhône, de la Saône et de la Loire. Le rapprochement entre les marques que portaient ces amphores (« Sest » ou « Sext »), celles des tuiles du bâtiment (L.S.) et certaines indications fournies par la correspondance de Cicéron permettent même d’identifier le propriétaire : il s’agissait certainement d’un Sestius, membre de l’aristocratie sénatoriale romaine et parent du tribun de la plèbe de 57 que l’orateur avait défendu13.
Outre le vin, l’huile et le blé représentaient l’essentiel des denrées mises sur le marché. Même si les informations manquent pour permettre une reconstitution très détaillée des conditions de leur production, on sait que l’Apulie pour la première et la Sicile pour le second étaient des régions d’exportation importante. S’y ajoutaient la céramique et les tissus de laine. Dans bien des régions de la péninsule, s’étaient ainsi développés des domaines agricoles qui associaient à une polyculture de subsistance, dont les produits étaient destinés à l’entretien du personnel, la production d’une denrée commercialisable qui devait permettre au propriétaire d’en tirer profit. C’était toute une chaîne de production qui se mettait en place, plus ou moins intégrée entre les mains d’un même personnage, et qui comprenait, en aval de l’exploitation agricole, des ateliers de fabrication des amphores ou de préparation et de tissage de la laine. Ces divers produits pouvaient d’ailleurs être associés dans un même processus de commercialisation comme le prouve l’exemple de la céramique campanienne qui fournissait un fret de complément aux cargaisons d’amphores. Les bénéficiaires de ces innovations étaient encore une fois les membres de l’aristocratie romaine : sénateurs comme ce Sestius que l’on a déjà cité ou d’autres, propriétaires de grands crus comme M. Aemilius Lepidus, L. Cornelius Lentulus Crus ou encore Pompée, chevaliers, ou membres des aristocraties locales comme ces grands propriétaires de Sicile qui furent les victimes des malversations de Verrès, mais qui trouvèrent malgré tout le moyen de le faire accuser et condamner. C’étaient les membres de ces classes dominantes qui, grâce aux capacités d’investissement dont ils disposaient, pouvaient tout à la fois acheter et moderniser les domaines et les filières artisanales et maîtriser le réseau de relations personnelles et d’échanges qui permettaient la commercialisation des produits.
Le développement de cette économie de marché eut alors de lourdes conséquences sur l’équilibre de la société italienne.
Les esclaves constituaient une part toujours plus importante de la population, mais de façon évidemment inégale selon les régions. Ils étaient particulièrement nombreux dans celles qui connaissaient toutes ces mutations que l’on vient d’étudier : l’Étrurie, la Campanie, l’Apulie et la Sicile. S’ils représentaient près d’un tiers de l’ensemble des habitants de la péninsule, la part qu’ils y occupaient ne devait guère être inférieure à la moitié. Une telle proportion faisait de ces masses serviles un puissant facteur d’instabilité. Ceux d’entre eux, vilici et détenteurs d’un certain savoir-faire, qui occupaient une place privilégiée dans le processus de production, connaissaient, grâce à leur niveau de compétence, des conditions de vie convenables et étaient affranchis rapidement. Un grand nombre de ceux qui appartenaient à la domesticité urbaine étaient sans doute également bien traités. Mais les autres, bergers et simples tâcherons qui fournissaient l’essentiel de la main-d’œuvre agricole, constituaient une foule anonyme, soumise à l’emprisonnement des ergastules, aux mauvais traitements, aux châtiments corporels et à la menace vite exécutée de la crucifixion. Cette population était mal surveillée au demeurant et parfois abandonnée à elle-même, notamment dans les zones d’élevage transhumant ou de culture extensive du blé, les Apennins, l’Apulie et la Sicile. Dans ces régions, le marronage était probablement fréquent et entretenait un climat constant d’insécurité. Cette masse, qui vivait en marge de la société traditionnelle, était ainsi capable de révoltes qui mobilisaient très rapidement des dizaines de milliers d’individus et que les autorités locales et l’État romain eurent le plus grand mal à réprimer. C’est ainsi qu’après quelques épisodes en Étrurie en 196 et en Apulie en 186-180 éclatèrent les grandes insurrections de Sicile en 135 (?)-132, de Campanie et de Sicile encore en 104-102 et surtout d’Italie méridionale en 73-71 dirigée par Spartacus qui rassembla plusieurs dizaines de milliers d’hommes et réussit à vaincre à plusieurs reprises les légions romaines.
La paysannerie libre était elle aussi directement affectée par ces transformations. De diverses façons cependant. Les régions de l’Italie centrale qui se trouvaient à l’intérieur des terres et à l’écart des marchés et des principales voies de communication ne pouvaient guère être touchées par le développement de l’agriculture spéculative. Une petite paysannerie vivant de polyculture vivrière put certainement se maintenir sans trop de difficultés. Mais, dans les régions affectées par le développement de l’élevage transhumant et tout particulièrement dans les zones qui leur étaient périphériques, la pression exercée par les éleveurs était suffisamment forte pour que des conflits apparussent avec les agriculteurs. Une inscription, trouvée à Polla en Italie méridionale, faisait précisément allusion à ces difficultés puisqu’un magistrat, sans doute P. Popillius Laenas, le consul de 132, s’y glorifiait d’avoir mis fin à leurs empiétements14.
Dans les zones où se développait l’agriculture spéculative, les mutations qu’elle entraînait n’aboutissaient pas nécessairement à la disparition de la paysannerie traditionnelle. L’emploi de la main-d’œuvre servile n’excluait pas le recours à une main-d’œuvre libre de complément notamment pour les travaux saisonniers. Certaines petites exploitations pouvaient s’adapter aux conditions nouvelles et en tirer elles aussi bénéfice par la commercialisation de leur propre production. Les politiques de distribution de terres qui furent menées par les Gracques et les généraux du Ier siècle purent aussi contribuer à maintenir la présence de petits propriétaires. Aussi bien les enquêtes de densité de l’occupation des territoires qui ont été menées, en Étrurie méridionale notamment, font apparaître une relative stabilité des petits établissements agricoles au cours des IIe et Ier siècles. Mais cette apparente permanence dissimulait certainement une grande diversité de situations. Si la petite exploitation n’était pas toujours menacée, la petite propriété l’était davantage. Soumise à la pression des mutations économiques et à la fragilité des conditions de survie de la petite paysannerie, elle pouvait fort bien laisser la place à ces formes de métayage que l’on nomme colonat et dont on constate le développement au cours du Ier siècle15.
La tendance générale était malgré tout à l’affaiblissement des structures de la société rurale traditionnelle. Les régions les plus affectées – et en particulier celles du centre de la péninsule – se dépeuplaient et étaient à l’origine d’un phénomène d’exode rural que l’on peut identifier à quelques indices. Ce fut ainsi qu’en 177 des envoyés des Samnites et des Péligniens se plaignirent au Sénat de ce que 4 000 familles de chez eux s’étaient installées à Frégelles, attirées sans doute par le développement de l’artisanat de la laine16. Le fait est confirmé par une inscription trouvée dans une autre cité, Aesernia, située elle aussi à la périphérie du massif des Apennins, qui y fait état de Samnites « résidents » (incolae) suffisamment nombreux et organisés pour y apparaître comme une communauté particulière17. On peut donc supposer que le développement des formes nouvelles de l’élevage avait entraîné un déplacement des populations vers les plaines qui confortait à son tour la mise en place des filières de fabrication et de commercialisation des produits que l’on en tirait.
D’une façon générale, ces mouvements démographiques favorisaient le développement de certaines villes et bourgades qui prenaient une place importante dans les nouveaux circuits des échanges. C’était le cas de Pouzzoles qui devint le grand port de la Campanie et du Latium et peut-être aussi celui d’Ostie. C’était surtout celui de Rome elle-même dont la population passa – autant qu’on puisse l’évaluer – de 200 000 habitants au début du IIe siècle à quelque 375 000 vers 130, et à 750 000 à la fin du Ier18. Une telle augmentation de la population de la Ville ne pouvait manquer alors d’avoir des conséquences sociales et politiques importantes. L’habitat se densifiait et le tissu urbain s’étendait. De nouveaux problèmes d’approvisionnement se posaient auxquels il fallait répondre. Deux nouveaux aqueducs furent construits en 144, l’Aqua Marcia et, en 125, l’Aqua Tepula. Et il est tout à fait probable que la législation agraire et de distribution de blé à prix réduit conçue par les Gracques était déterminée aussi par cette nécessité de freiner la croissance du nombre des habitants de Rome et de répondre aux besoins qu’elle créait. Aussi bien, malgré cette réforme et d’autres qui suivirent, des moments de tension importants liés à la cherté des prix apparurent tout au long du Ier siècle19.
Tout cela aboutissait également à ce que la pression de la population urbaine sur le fonctionnement des institutions romaines fût de plus en plus forte. La violence prit une place importante dans la vie politique tout au long du Ier siècle : des contiones, des comices furent perturbés ou interrompus, des magistrats et des hommes politiques furent assassinés sur le Forum. La densification de l’occupation urbaine n’était pas la cause de ce phénomène, mais elle créait un contexte qui allait en l’aggravant. La composition ethnique de la population surtout se modifiait. L’exode rural et le développement des échanges favorisaient l’arrivée d’Italiens et des provinciaux qui, sans participer directement à la vie politique, jouaient un rôle par leur présence et leurs interventions dans les assemblées et les tribunaux ; si bien que les hommes politiques étaient amenés à tenir compte de leurs réactions20.
Les transformations de l’artisanat et de l’agriculture en Italie eurent ainsi de profondes conséquences sociales. En même temps cependant que le paysage humain changeait, les diverses régions de la péninsule se diversifiaient et s’ouvraient sur le reste du monde méditerranéen. Les régions qui étaient affectées par le développement de l’agriculture spéculative se spécialisaient. La Sicile par exemple, dont l’autorité romaine avait cherché au cours de la deuxième guerre punique à augmenter la capacité de production du blé, continuait dans cette voie puisque le marché de consommation de la ville de Rome ne cessait d’augmenter. Les montagnes des Apennins étaient parcourues par les troupeaux. Les plateaux d’Italie méridionale étaient consacrés à l’oléiculture et à la production de la laine. Les vignobles s’étendaient sur les plaines littorales de Campanie, d’Étrurie et des bords de l’Adriatique. Ce processus était profondément lié au développement des échanges commerciaux avec les autres zones de la Méditerranée et entraînait à son tour des mouvements de population. En Italie, les esclaves affluaient certes mais aussi les négociants et les artistes grecs attirés par les nouveaux marchés qui s’y ouvraient. Les Italiens s’expatriaient au même moment soit parce qu’ils y étaient entraînés par les conquêtes elles-mêmes, soit parce qu’ils cherchaient à tirer profit des possibilités d’enrichissement qui s’ouvraient à eux. Or cet essor des échanges humains conduisait nécessairement à une unification accrue de l’espace politique et culturel que constituaient l’Italie et, avec elle, le reste du monde méditerranéen.
En même temps que les produits de l’agriculture et de l’artisanat italiens s’exportaient, les hommes émigraient. Le phénomène avait plusieurs causes. Il constituait par lui-même un des effets immédiats de la conquête. Il tenait aussi à ce que le développement des échanges favorisait l’installation de négociants dans tous les pays de la Méditerranée. Il avait surtout des conséquences importantes. Ces Italiens qui s’installaient dans les provinces apportaient avec eux leur culture et leurs modèles politiques. En Orient, ils avaient tendance à y renoncer pour adopter les normes du monde hellénistique et, comme ils n’avaient pas perdu non plus les liens avec la péninsule, ils contribuaient en retour à les diffuser en Italie proprement dite. Grâce à eux, une nouvelle romanité se mettait ainsi en place, de rayonnement plus universel, qui s’appropriait les valeurs hellénistiques et leur donnait une influence plus vaste. En Occident en revanche, ces mêmes Italiens étaient parmi les premiers acteurs du processus d’unification culturelle. Ils y apportaient alors ces mêmes traits qui se diffusaient en Italie, d’une romanité enrichie et renouvelée. Le processus d’élargissement de la domination romaine commençait ainsi à trouver de nouveaux développements dans la formation lente mais constante d’un même univers fait de références et de langages communs et qui, peu à peu, deviendrait la nouvelle sphère où le pouvoir politique devrait trouver son efficacité et sa légitimité.
Les premiers Italiens qui s’installèrent dans les provinces furent probablement ceux qui y combattirent et qui y demeurèrent soit individuellement, soit parce qu’ils furent intégrés dans des fondations coloniales. Les cas sont cependant peu nombreux et l’on ne peut guère citer que les villes qui furent créées en Espagne : Italica qui le fut par Scipion l’Africain, Cordoue qui fut fondée par M. Claudius Marcellus au milieu du IIe siècle et qui comprenait sans doute une part de vétérans et Carteia qui n’était cependant pas le produit direct d’une émigration puisque ses premiers citoyens furent des enfants de soldats romains21. A partir de la fin du IIe siècle cependant, le processus prit une autre ampleur avec l’extension aux provinces de la politique de distribution de terres que promouvèrent les hommes politiques populares. Ce fut ainsi que furent fondées Carthage en 123, puis Narbonne en 118. A partir de la fin du siècle, le bénéfice en fut restreint aux vétérans des grands chefs militaires, à ceux de Marius notamment qui furent installés en Afrique. Même si le phénomène ne devint véritablement important qu’avec les fondations césariennes et augustéennes, ce furent tout de même deux ou trois dizaines de milliers d’hommes qui peuplèrent ces régions de l’Empire et qui, souvent parmi d’autres traits culturels, y introduisirent les normes civiques de l’organisation sociale22.
L’essentiel de l’émigration italienne fut cependant le fait de ces individus qui, s’adaptant aux nouveaux circuits d’échange, se répandirent dans tout l’Empire. En Occident, en Espagne, attirés par l’exploitation des mines, en Gaule où, si l’on en croit Cicéron, ils contrôlaient tout le commerce23 et en Afrique où ils furent parmi les premiers acteurs et aussi les premières victimes de la guerre de Jugurtha24. Ils étaient également présents en Orient. Les premiers sont attestés en Illyrie et en Grèce du Nord-Ouest dès les premières décennies du IIe siècle. Puis des inscriptions permettent d’identifier l’existence de groupes de négociants en Grèce centrale, en Eubée, à Corinthe, à Athènes et en Asie Mineure. Ils étaient particulièrement actifs à Délos qui, sur décision du Sénat, était devenue un port franc à l’issue de la troisième guerre de Macédoine25. Leur nombre est difficile à évaluer. Les auteurs anciens citaient des chiffres de 80 000 à 150 000 morts quand ils faisaient allusion aux massacres dont ils furent les principales victimes en Asie et en Grèce, lors de la grande insurrection menée par Mithridate en 88. Ces indications étaient certainement exagérées. L’estimation générale à laquelle on peut procéder en se fondant sur les recrutements opérés au Ier siècle (125 000 citoyens romains en 69 et 150 000 vers 49), permet d’aboutir à un chiffre raisonnable de 200 000 à 300 000 personnes réparties dans l’ensemble du bassin méditerranéen26.
C’est l’exemple des Italiens et des Romains de Délos qui offre le tableau le plus précis de l’organisation de ces groupes de négociants et du rôle qu’ils jouaient dans les provinces. Les inscriptions qui ont été découvertes sur l’île permettent d’identifier plus de 220 individus portant environ 150 noms différents dont l’étude permet d’identifier l’origine. La plupart appartenaient à des familles de Rome, du Latium, de Campanie ou du Samnium, ainsi que, mais de façon minoritaire, des cités grecques d’Italie méridionale et de Sicile. Seul un peu plus du tiers de ces personnages était composé d’ingénus. C’étaient eux qui étaient les Italiens d’origine. Les autres étaient soit des esclaves, soit des affranchis qui représentaient dans l’île des maîtres ou des patrons qui résidaient sans doute encore en Italie.
Comme les mêmes noms étaient parfois portés ailleurs en Orient par d’autres personnages, on doit imaginer que ces groupes familiaux s’étaient organisés en entreprises commerciales et financières à l’intérieur desquelles la force des liens assurait la continuité et la sécurité des échanges27. On connaît ainsi la famille des Cossutii dont le premier représentant fut un Decimus Cossutius, un architecte, contemporain du milieu du IIe siècle avant notre ère, qui travailla à la construction de l’Olympeion d’Athènes. Après lui, d’autres personnages apparaissent en effet qui portaient le même nom : à Athènes, à Érétrie, à Délos, ainsi que des sculpteurs qui étaient probablement des affranchis de l’un des membres de cette famille. On pense ainsi que ce groupe familial était devenu le noyau d’une entreprise spécialisée dans le commerce des œuvres d’art et qu’il en avait tiré une fortune et une honorabilité suffisantes pour qu’au cours de la première moitié du Ier siècle deux Cossutii se fissent une place dans les rangs de l’ordre sénatorial et qu’une Cossutia fût un temps la fiancée de César28.
Cet exemple ne correspond cependant qu’à un aspect particulier d’une situation générale. Partout, des associations et des réseaux d’affaires se mettaient en place entre les provinces, Rome et l’Italie, favorisaient les échanges et poussaient à l’intégration.
Les exemples les mieux connus sont ceux des sociétés de publicains. Les membres de ces compagnies financières étaient souvent des chevaliers qui résidaient généralement à Rome mais ils entretenaient des liens très étroits avec des employés qui se trouvaient dans les provinces et qui y géraient leurs affaires, quand ils ne s’y installaient pas eux-mêmes comme ce C. Rabirius Postumus qui, pour obtenir le remboursement des dettes du roi d’Égypte, se fit fonctionnaire de l’État lagide. La correspondance, les comptes et l’argent circulaient entre les différents partenaires, si bien que ces réseaux financiers devenaient un instrument privé de gestion et de contrôle de l’Empire qui échappait à la surveillance des magistrats et du Sénat et qui éventuellement pouvait se retourner contre eux dès lors que les intérêts des publicains divergeaient de ceux des membres de l’aristocratie sénatoriale.
D’une façon générale, les échanges commerciaux et financiers s’appuyaient ainsi le plus souvent sur les liens de clientèle et d’échange de services à long terme, qui permettaient aux négociants de contrôler par l’ensemble de leurs relations les réseaux qui s’étaient mis en place. C’est ainsi que de nombreux personnages apparaissent dans la documentation comme ces C. Vestorius et M. Cluvius de Pouzzoles, le premier tout à la fois fabriquant de colorants, négociant, propriétaire foncier et le second, financier engagé dans diverses opérations de crédit ; l’un et l’autre menant ses affaires grâce aux relations qu’il pouvait entretenir avec des membres de l’aristocratie sénatoriale et équestre, avec Cicéron en particulier qui, à plusieurs reprises, faisait allusion à eux dans sa correspondance29.
Dans la mesure où ils résidaient dans les provinces, ces personnages avaient tendance à s’y intégrer. A Délos notamment, ils s’organisaient en collèges, se donnaient des responsables et participaient à la vie du sanctuaire par la dédicace de monuments qui tout à la fois embellissaient l’île et célébraient leur réussite. Ils adoptaient le mode de vie et les valeurs civiques et culturelles hellénistiques : un des plus riches d’entre eux, un certain Ofellius Ferus, qui avait contribué à la construction du marché monumental que l’on appelle précisément l’agora des Italiens, s’était ainsi fait représenter nu sur le modèle des héros et des princes30. Les différences entre eux s’estompaient. Les inscriptions et les dédicaces qu’ils consacraient aux dieux étaient en grec ou en latin, et le terme « Romaioi » était facilement employé pour désigner l’ensemble de leur collectivité. Leurs groupes avaient tendance à s’organiser, à s’unifier et, tout en conservant des relations très fortes avec l’Italie, à s’assimiler au monde environnant.
Entre l’Orient et l’Occident cependant, le processus n’avait pas les mêmes effets. Dans le premier cas, les résidents italiens avaient tendance à se soumettre aux normes culturelles dominantes et à s’helléniser. Les relations qu’ils conservaient avec l’Italie les conduisaient à relayer cette influence dans la péninsule et à y introduire les modèles auxquels ils se conformaient. En Occident, en revanche, ils appartenaient au groupe des représentants de la culture dominante et formaient des noyaux de romanisation au cœur d’un Occident encore largement celtique ou libyco-berbère malgré l’hellénisation et la punicisation qui s’y étaient déjà exercées.
Ce fut évidemment dans les régions d’Italie qui étaient le plus ouvertes aux échanges avec l’Orient que l’introduction des modèles hellénistiques fut la plus précoce et la plus vive : le Latium, le Samnium et tout particulièrement la Campanie.
Le cas de Pompéi est évidemment celui que l’on connaît le mieux. Dès le début du IIe siècle, les maisons s’agrandirent. Des péristyles et des jardins y apparurent, qui étendaient le plan primitif, y ouvraient des perspectives et donnaient de la majesté aux pièces de réception. Les atria se paraient de colonnades. Les pièces adjacentes se multipliaient et étaient décorées de mosaïques. A la fin du siècle, certaines atteignirent des dimensions inédites, comme celle dite du Faune qui occupa alors une surface de près de 3 000 m2. La différence était faible alors avec les palais des rois hellénistiques, à ceci près que leurs concepteurs y introduisaient des formes et des techniques originales qui témoignaient de la vivacité de leur capacité d’innovation31.
Au même moment, l’architecture publique connaissait une évolution toute semblable à celle de l’architecture domestique. Dès le milieu du IIe siècle en effet, apparurent dans les paysages du Latium, de la Campanie et du Samnium, des constructions qui témoignaient du prestige dont bénéficiaient les exemples urbanistiques des cités de Grèce et d’Asie, mais aussi du talent que mettaient les élites italiennes à les adapter.
Des sanctuaires monumentaux furent ainsi construits dont les plus beaux témoignages sont sans doute ceux qui demeurent encore à Préneste et à Pietrabbondante. Le premier était depuis très longtemps consacré à la Fortune. Il était célèbre et l’on venait de loin consulter les oracles qui y étaient rendus. Au cours de la dernière décennie du siècle, il fut complètement réédifié sur le flanc de la colline qu’il occupait. Il prit alors la forme d’une succession de rampes, de portiques et de terrasses symétriques qui conduisaient au sommet à la cavea d’un théâtre surmontée d’une tholos. Tous les sites religieux du vieux sanctuaire étaient intégrés dans un ensemble cohérent qui les organisait selon des perspectives savantes en imposant à l’ensemble les règles de l’axialité. Une telle construction unifiait l’espace et, dominant la plaine, célébrait au loin la déesse et sa cité32. Le second était isolé en pleine montagne. Il occupait l’emplacement de constructions qui avaient été détruites au cours de la deuxième guerre punique. Un premier temple avait été bâti au cours du IIe siècle. Puis, à la fin de ce siècle ou au début du suivant, un nouvel ensemble fut édifié, composé lui aussi d’un temple dominant un théâtre selon un rapport d’axialité33. De tels cas n’étaient pas isolés et l’on pourrait leur ajouter les constructions monumentales de Terracina en Campanie, de Gabies et de Tibur (Tivoli) dans le Latium ou de Schiavi d’Abruzzo dans le Samnium qui adoptaient souvent ces mêmes modèles architecturaux que les architectes italiens avaient empruntés à de grands sites d’Orient comme Délos ou Pergame, mais qu’ils avaient enrichis et amplifiés grâce aux possibilités que leur offraient désormais les techniques de construction.
Ces monuments contribuaient ainsi à la mise en place de nouvelles valeurs culturelles et politiques. Les sanctuaires auxquels ils donnaient tant de majesté étaient en effet autant de lieux de rassemblement de communautés qui y honoraient leurs dieux et y trouvaient une part de leur identité. Elles y gagnaient en assurance et en rayonnement grâce à la modernité et à la beauté de ces architectures qui les rapprochaient des cités du monde oriental.
Le même phénomène atteignait les villes de Campanie. L’exemple le mieux connu est toujours celui de Pompéi34. Le Forum y fut réaménagé et orné par la construction d’une basilique. Un gymnase fut construit qui reprenait les traits de ces bâtiments qui caractérisaient les formes hellénistiques d’éducation et de sociabilité. Les modèles grecs au travers desquels se dessinait la cité idéale dominaient les esprits et les représentations, et les élites locales s’y conformaient. Mais ces initiatives et ces embellissements n’étaient pas seulement de pure imitation. Comme pour les sanctuaires, les architectes innovaient. Ainsi, ce fut en Campanie, à la fin du IIe siècle, que les thermes romains reçurent l’organisation canonique qu’ils conservèrent ensuite et qu’apparurent les premiers amphithéâtres de pierre, une construction originale qui trouvait sa nécessité dans l’organisation des jeux de gladiateurs. Une nouvelle culture, hellénistique et italienne à la fois, naissait alors dans ces régions pour s’étendre ensuite à toute la péninsule et au-delà aux provinces d’Occident.
Les acteurs de ces changements étaient ces aristocraties locales qui s’enrichissaient des nouvelles activités économiques et surtout des échanges commerciaux avec l’Orient. Ce sont les mêmes noms en effet qui apparaissent parmi les commanditaires de ces constructions et sur les inscriptions qui témoignent de leur présence dans les cités de Grèce et d’Asie. Les Anicii et les Tampii par exemple, qui faisaient partie de l’aristocratie de Préneste et y jouaient le rôle d’évergètes35, portaient des noms que l’on retrouve en Orient. Et le nom de Staius, qui était celui des responsables des constructions du sanctuaire de Pietrabbondante, était aussi celui de négociants de Délos parmi les plus actifs. Comme on peut s’y attendre, c’étaient les membres des mêmes groupes familiaux et sociaux qui faisaient fortune dans le monde hellénistique et qui en rapportaient les modèles culturels.
Le phénomène ne se résumait cependant pas à une simple acculturation. Ces constructions portaient en elles une revendication sociale et politique. Le propriétaire de la maison du Faune à Pompéi en avait fait décorer la principale pièce de réception d’une mosaïque qui représentait Alexandre vainqueur de Darius. Le choix d’un tel tableau n’était pas innocent. Comme cet Ofellius Ferus qui à Délos avait fait parer sa statue de nudité héroïque, il se référait explicitement au modèle qui dominait désormais les représentations aristocratiques et signifiait au moins une admiration s’il ne suggérait pas une identification.
En finançant aussi certaines des constructions publiques, ces personnages se faisaient évergètes36. Le mot désignait ceux qui dépensaient une partie de leur fortune pour le bien de leur cité et en recevaient des honneurs en échange. Cette conduite était d’origine grecque et qualifiait les aristocrates et les rois. Offrir des fêtes, des jeux, payer la construction d’un aqueduc et l’édification de temples et de marchés étaient autant de bienfaits qui valorisaient la cité et rehaussaient son prestige. Mais c’était aussi se grandir soi-même. C’était ainsi par l’adoption des valeurs hellénistiques de la supériorité que les aristocrates du Latium et de la Campanie cherchaient à progresser dans l’échelle civique. Comme à Rome donc, mais plus rapidement encore puisque ces élites locales n’étaient pas inhibées par la crainte de perdre par ces choix une partie de leur autorité, l’adoption des formes de la culture hellénistique n’était pas une affaire de goût, mais une des conditions de l’exercice de la domination civique et sociale.
Ailleurs, en Italie septentrionale notamment, les phénomènes d’enrichissement et de renouvellement culturels n’eurent pas autant de force ni de vivacité. Il serait difficile en effet dans l’état actuel de nos connaissances de citer des monuments aussi neufs et importants que ceux que nous connaissons en Italie méridionale. Les influences directes de l’Orient ne manquaient pas malgré tout. Elles apparaissent çà et là et notamment dans le magnifique ensemble d’urnes funéraires qui ont été retrouvées à Volterra. Les modèles architecturaux en revanche étaient davantage soumis aux influences romaines auxquelles étaient soumises les élites locales et que relayaient des patrons qui appartenaient à l’aristocratie sénatoriale. La part qu’avait prise le processus de colonisation dans ces régions au cours de la première moitié du IIe siècle y était sans doute pour beaucoup. L’organisation et l’appareil monumental de ces cités avaient été introduits et mis en place par les magistrats qui les avaient fondées. Dès le IIIe siècle, le Forum de la colonie de Cosa avait été conçu sur le modèle de celui de Rome. Au cours du IIe siècle, d’autres bâtiments, un Capitole sur l’Arx et une basilique en bordure du Forum furent édifiés selon un plan qui poursuivait ce choix délibéré d’imitation. Ailleurs, les constructions étaient souvent le fruit de l’évergétisme de patrons qui, en parant les villes de monuments, les marquaient en même temps de leur prestige et de leur influence. Ce fut le cas notamment à Brescia, où, au début du Ier siècle, une série de temples fut édifiée selon un modèle que l’on retrouve à Rome et à Ostie, par P. Servilius Vatia Isauricus qui ornait ainsi une ville dont il était le patron et célébrait en même temps sa propre gloire37.
D’une façon générale, toute l’Italie s’engageait dans un processus de romanisation linguistique, culturelle et civique. Le phénomène concernait les individus aussi bien que les communautés. On le constate à diverses manifestations. La progression, dans les inscriptions, du latin et de l’onomastique romaine en était le premier signe. L’adoption spontanée d’institutions romaines et en particulier de magistratures, comme la questure, l’édilité ou la censure, par des cités qui en étaient dépourvues, en était un second. Le processus traduisait globalement la domination politique et sociale de l’aristocratie romaine. C’était elle en effet qui, par son autorité et la puissance de l’exercice de son patronat, contrôlait l’Empire. Son prestige grandissait en même temps que ses victoires sur le reste du monde méditerranéen. Malgré ses réticences et ses hésitations, elle reprenait à son compte les valeurs hellénistiques qui dominaient les représentations. Elle constituait ainsi le modèle auquel il convenait de se conformer. Le mécanisme opérait cependant suivant un rythme différent selon que les peuples et les cités étaient prêts ou non à abandonner leur propre identité pour se fondre dans le nouvel ensemble qui se mettait en place. Ceux qui gardaient d’eux-mêmes une image forte d’un passé prestigieux, les Grecs et les Étrusques notamment, résistaient à cette attraction et conservaient plus longtemps les traits culturels et civiques qui les définissaient. D’autres, plus proches de Rome ou davantage insérés dans le réseau des colonies, plus frustes aussi et moins soucieux de préserver une gloire inexistante, étaient aussi plus ouverts à l’acculturation38. Tous cependant convergeaient dans un même modèle qui les unifiait et ôtait de plus en plus de leur pertinence aux différences de statut qui les écartaient de la réalité du pouvoir sur l’Empire à laquelle n’avaient accès que les seuls citoyens romains. Aussi réclamaient-ils la citoyenneté de façon de plus en plus pressante, au point de se révolter en 91 quand elle leur fut une fois de plus refusée.
Plus largement encore, les provinces d’Occident s’engageaient elles aussi dans la voie de l’intégration. Les premières étapes de la constitution de l’Empire comme une koinè politique et culturelle commençaient à se dessiner, même si le processus qui devait y aboutir ne démarra de façon décisive qu’avec les fondations de colonies de l’époque du triumvirat et l’avènement de la monarchie augustéenne.
Depuis longtemps en effet, les régions de Gaule transalpine, de la péninsule ibérique et d’Afrique du Nord étaient incluses dans les réseaux d’échanges du monde méditerranéen. Celles qui étaient soumises à l’empire romain étaient contraintes de vendre davantage pour payer le tributum. Toutes étaient entraînées – et certainement enrichies – par le développement général du commerce qui les y insérait de façon encore plus profonde : elles exportaient des matières premières, des métaux (pour l’Espagne) et des esclaves (pour la Gaule), et importaient des produits de luxe et du vin. Cette ouverture permettait évidemment aux influences culturelles de s’exercer. Elles étaient de formes variées et passaient par des médiations très diverses. En Gaule transalpine, le rayonnement de Marseille était très ancien et restait puissant. Il avait par exemple amené les élites indigènes à adapter l’alphabet grec pour transcrire leur propre langue. En Espagne, l’organisation civique punique demeurait encore vivante. Mais des modèles italiens commençaient à apparaître çà et là, comme semblent l’indiquer quelques exemples : un temple de facture italique qui fut élevé dans le sanctuaire des Salyens à Glanon39 ou encore une maison d’Ilici (Elche) décorée d’une mosaïque où le propriétaire fit inscrire son nom en langue ibère et en caractères latins40.
En fait, l’influence romaine tenait d’abord à son poids politique. La présence régulière d’armées, comme c’était le cas en Espagne, et, dans tout l’Occident, l’arrivée de commerçants et d’entrepreneurs, l’installation de vétérans et la fondation de colonies aboutissaient à mettre en place des noyaux permanents d’Italiens qui introduisaient le latin et les modes d’expression ou d’organisation civiques. Certains indigènes, peu nombreux, il est vrai, et seulement à partir du Ier siècle, recevaient la citoyenneté, et peu à peu les élites locales s’inséraient dans un processus de romanisation qui était civique autant que culturel. Les magistrats romains, par le simple exercice de leur pouvoir, mettaient en place des règles conformes aux principes juridiques romains. A Contrebia par exemple, une bourgade de la région de Saragosse, une inscription fait état au début du Ier siècle d’un litige entre deux communautés que le gouverneur romain trancha en adoptant une procédure de droit privé qui servit donc au moins de précédent dans le système des normes locales41. En Gaule, des titres de magistrats apparaissaient, des vergobrets et un préteur, comme l’indique une inscription celte transcrite en grec42. Les références romaines progressaient. Les Éduens, les Séquanes et les Lingons avaient ainsi au début du Ier siècle adopté pour leur propre monnayage l’étalon du denier romain et de la drachme massaliote43 ; ce qui valait certainement de leur part reconnaissance de leur insertion dans la sphère d’influence romaine, avant même que la conquête ne les y eût fait définitivement entrer.
Ainsi, le processus d’intégration dans l’espace politique romain auquel les peuples d’Occident étaient soumis, qu’ils y eussent été contraints par la conquête et ses conséquences, ou qu’ils y fussent conduits par le développement des échanges, les engageait à une acculturation très diverse et très hiérarchisée. Ils conservaient le plus souvent leur langue, leur religion et leur organisation politique qui faisaient l’essentiel de leur identité. Une partie de leurs élites, qui tirait bénéfice des échanges et de la soumission, en venait à adopter certains comportements communs au monde hellénistique et que les modèles italiens relayaient pour partie : banquets, usage de l’écriture et constructions privées ou publiques. Ils trouvaient ainsi le moyen de manifester et de valoriser leur position, mais ils préparaient aussi leurs peuples à s’incorporer dans un empire qui, s’il n’était pas encore culturellement unifié, l’était déjà au moins politiquement.
Sous les effets conjugués de la mise en place de la domination romaine, de l’enrichissement de l’Italie et du développement des échanges, le monde méditerranéen s’unifiait économiquement, politiquement et culturellement dans un mouvement qui allait jusqu’à entraîner les marges occidentales. Les langages et les valeurs se rapprochaient et s’intégraient dans des représentations communes où celles des élites qui tiraient bénéfice de ces divers phénomènes trouvaient une reconnaissance de leur supériorité. Les aristocrates romains, une grande partie de ceux des cités d’Italie et quelques provinciaux aussi étaient du nombre. C’étaient eux les responsables du processus. C’étaient eux qui animaient ces échanges économiques, sociaux et culturels qui structuraient les relations à l’intérieur de l’Empire. Ils avaient ainsi tendance à devenir les acteurs d’une vie politique dont les effets s’étendaient désormais à tout l’oikoumène. A des degrés divers cependant : les publicains par exemple pouvaient jouer un rôle direct dans les conflits civiques romains, alors que les élites locales ne prenaient d’importance qu’autant qu’elles étaient des partenaires obligés de la gestion de l’Italie et des provinces. Une telle évolution était ainsi la source de multiples contradictions et tensions tant à l’intérieur de la communauté romaine qui devait affronter les enjeux politiques et idéologiques de cet élargissement et de ces responsabilités nouvelles, qu’entre Rome et ses alliés qui ne pouvaient accepter son autorité qu’autant qu’elle les respectait, ne s’abandonnait pas aux abus impérialistes, sauvegardait leurs intérêts et les associait au gouvernement. Et ce furent ces nouvelles contraintes qui déterminèrent en grande partie les principaux conflits qui, à partir du milieu du IIe siècle, marquèrent la vie politique romaine.
Cf. I. Shatzmann, Senatorial Wealth, p. 20 ; 145-146 ; 248-250 (Scipion Émilien hérita d’au moins 155 talents) ; p. 403-425.
Cf. C. Nicolet, Les Structures de l’Italie romaine, p. 207-215.
Cf. K.R.Bradley, Slavery and Society, p. 36-38.
14, 5, 2. Il s’en faut de beaucoup qu’il faille prendre cette indication au sens strict.
Cf. K. Hopkins, Conquerors and Slaves, p. 9 ; 68 ; 102-103 (pour les premiers chiffres) ; P.A.Brunt, Italian Manpower, p. 124 (pour les seconds) ; J.-C. Dumont, Servus, p. 41-82.
M.H. Crawford, Coinage and Money, p. 143-151.
Cf. en particulier P. Gros, Architecture et Société, p. 14-15 ; 23-24 ; 42-43.
Cf. J.-P. Morel, dans A. Giardina et A. Schiavone, Società romana, II, p. 81-97 ; dans A. Schiavone éd., Storia di Roma, II, 1, p. 399-410.
Cf. J.-P. Morel, « La laine de Tarente », Ktema, 3, 1978, p. 93-110.
Sur ces ouvrages, cf. R. Martin, Recherches sur les agronomes latins et leurs conceptions économiques et sociales.
Varr., R.R., II, 9, 6.
Cf. A. Tchernia, Le Vin, p. 42-56.
Cf. A. Carandini, dans A. Schiavone éd., Storia di Roma, IV, p. 118-154.
ILLRP, 454.
Cf. P.W.De Neeve, Colonus.
F. Coarelli, dans La Romanisation du Samnium aux IIe et Ier siècles avant J.-C., Naples, Centre J. Bérard, 1975, p. 177-185. Le chiffre est certainement exagéré, mais il atteste la réalité du phénomène.
Cf. A. La Regina, DA, 1970-1971, p. 452-453.
Cf. P.A.Brunt, Italian Manpower, p. 384.
C. Virlouvet, Famines et Émeutes à Rome, en particulier p. 103-110.
Cf. e.g. Scipion Émilien et les Italiens : Val. Max., VI, 2, rom. 3 ; Cicéron et les Juifs : Pro Flacc., 66.
Ces villes n’étaient pas des colonies, sauf Carteia qui était de droit latin. Les magistrats romains en Espagne fondèrent d’autres cités pérégrines au bénéfice des populations indigènes.
Cf. A.J.N.Wilson, Emigration from Italy, p. 22-54 ; 64-68 ; P.A.Brunt, Italian Manpower, p. 214-220.
Cic., Pro Font., 11.
Sall., B.J., 21, 2-4 ; 26 ; 47, 1 ; 64, 5. Cf. A.J.N.Wilson, Emigration from Italy, p. 22-54 ; 64-68.
A.J.N.Wilson, Emigration from Italy, p. 94-126.
P.A.Brunt, Italian Manpower, p. 233.
Cf. J. Hatzfeld, BCH, 36, 1912, p. 5-218 ; id., Les Trafiquants italiens, p. 238-256 ; A.J.N.Wilson, Emigration from Italy, p. 99-121 ; M. Cébeillac Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes, p. 176-177.
M. Torelli, dans J.H. D’Arms et E.C.Kopff éd., The Seaborne Commerce, p. 313 sq.
Cf. J. Andreau, dans Les « Bourgeoisies » municipales italiennes, p. 9-20.
Cf. P. Zanker, ibid., p. 251-266.
Cf. en particulier P. Zanker, Pompeji, Stadtbild und Wohngeschmack, Mayence, P. von Zabern, 1995, p. 39-49.
Cf. P. Gros, Architecture et Société, p. 51-53 ; F. Coarelli, I santuari del Lazio, p. 35-84 ; F. Coarelli, Lazio, Bari, « Guide archeologiche Laterza », 1993, p. 128-156.
Cf. P. Gros, Architecture et Société, p. 49-50 ; A. La Regina, dans F. Coarelli et A. La Regina, Abruzzo-Molise, Bari, « Guide archeologiche Laterza », 1993, p. 230-257.
P. Zanker, Pompeji, p. 53-56 ; 60-65.
Cf. M. Cébeillac Gervasoni, Les Magistrats des cités italiennes, p. 181 (cf. 89 ; 112 ; 113 ; 118 ; 128 ; 143).
Cf., d’une façon générale, ibid., p. 99-133, qui donne de multiples exemples. Pour l’évergétisme, cf. P. Veyne, Le Pain et le Cirque, qui montre, en particulier p. 426-430, l’écart entre Rome et les villes d’Italie, mais en n’envisageant guère que le rôle local des aristocrates romains.
Cf. F. Landucci Gattinoni, « Il tempio repubblicano di Brescia e l’integrazione dei Cenomani nel mondo romano », Aevum, LXIII, 1989, 1, p. 30 sq.
Je résume ici une analyse que je propose dans La Romanisation de l’Italie, p. 161-176.
Cf. en particulier les articles d’A. Roth Conges et de P. Gros, dans M. Bats, G. Bertucchi, C. Conges et H. Tréziny éd., Marseille grecque et la Gaule, Études massaliètes 3, Lattes-Aix-en-Provence, 1992, p. 351-367 et 369-379.
R. Ramos Fernàndez, J. Uroz Sàez, « Ilici », DA, 10, 1992, p. 95-104, en particulier p. 97-98 ; cf. les autres exemples donnés par M. Blech, dans W. Trillmich, T. Hauschild, M. Blech, H.G.Niemeyer, A. Nümerich-Asmus et V. Kreilinger, Denkmäler der Römerzeit, Mayence, P. von Zabern, p. 71-110.
Cf. J.S.Richardson, « The Tabula Contrebiensis », JRS, 73, 1983, p. 33-41, et d’une façon générale P. Le Roux, Romains d’Espagne, p. 45-58.
M. Lejeune, dans Gallia sup., 45, 1985, p. 123-125.
Cf. en particulier C. Goudineau, César et la Gaule, Paris, Imprimerie nationale, s.d., p. 141-142.