J’ai bien peur de devenir amoureux
De ma petite personne et de mes florissantes facultés,
Tant elles prospèrent et bourgeonnent. Il coule
Comme un vertige dans mon sang. Je ne sais pas pourquoi,
Mais le succès me rend folâtre. Je pourrais bondir
Hors de ma peau, tel le serpent subtil,
Je me sens si léger ! Oh ! le parasite
Est un être précieux, qui ne naît pas sur terre
Chez les balourds et les lourdauds, mais qui tombe du ciel.
Que ne reconnaît-on cette profession comme science,
Sa pratique est si libérale ! Le monde raisonnable
Se réduit dans les faits à deux catégories :
Parasites et sous-parasites. Et je ne parle pas
Des parasites des rues dont tout l’art consiste
À savoir qui pourra les nourrir ; sans logis,
Ni famille, ni charge, ils adaptent leurs histoires
À chaque auditeur, pour le piéger par l’ouïe ;
Ou glanent potins de cuisine et recettes périmées,
Qui satisfont le ventre et le bas-ventre ; ni de ceux qui,
Avec leurs flatteries, sourires et tours de chiens de cour,
Gagnent leur pain à coups de courbettes et de grimaces,
En flagornant le seigneur dont ils lèchent les bottes1.
Non, je parle du coquin élégant, qui, comme une flèche,
Se redresse et se courbe d’un seul geste,
Qui sait fendre les airs, leste comme une étoile,
Virer sur l’aile, comme l’hirondelle ; être ici,
Être là, et ici et là-bas, le tout au même instant ;
S’adapte à toute humeur, à toute circonstance,
Et sait changer de masque plus vite que de pensée.
Chez celui-là, l’art est inné ;
Il ne peine pas pour l’apprendre, mais le pratique
Naturellement. Ces petits génies-là sont
Les vrais parasites ; les autres ne sont que leurs bouffons.
Qui vois-je ? Bonario, fils du vieux Corbaccio ?
C’est celui que je m’en allais chercher. Mon bon seigneur,
Quelle heureuse rencontre !
Certainement pas pour toi.
Pourquoi, monsieur ?
Passe ton chemin ; laisse-moi, je te prie.
Je n’ai aucune envie de m’entretenir
Avec un drôle de ton espèce.
Mon très courtois seigneur,
Vous méprisez ma pauvreté.
Loin de moi cette idée.
Mais tu me permettras de haïr ta bassesse.
Ma bassesse ?
Parfaitement ; dis-moi, ta paresse
N’est-elle pas un signe suffisant ? Et ta flagornerie ?
Et tes moyens de subsistance ?
Par le Ciel, ne m’accablez pas !
Ces accusations, monsieur, sont trop communes.
Facile d’attaquer la vertu lorsqu’elle est pauvre !
Vous êtes injuste avec moi et même si
Votre jugement est vertueux, vous ne l’êtes pas,
Vous qui me condamnez sans même me connaître.
Que saint Marc vous poursuive ; vous êtes inhumain.
[Il pleure.]
Quoi, le voilà qui pleure ? Il est donc sensible et bon.
Et je me repens d’avoir été si dur.
Il est vrai que, poussé par la nécessité,
Je ne peux gagner chèrement mon pain
Qu’à force de servilité. Vrai aussi
Que je dois, pour me mettre quelques hardes sur le dos,
Rendre des services, car je n’ai pas la chance
D’être né fortuné. Mais si jamais j’ai rempli
De vils offices, comme de désunir des amis,
Diviser des familles, trahir des secrets,
Chuchoter de faux bruits, ruiner certains par la flatterie,
Exploiter leur crédulité par des mensonges,
Corrompre l’innocence, ou si je suis épris
De mon petit confort et ne préférerais pas
Emprunter les chemins rocailleux et austères
Qui pourraient racheter ma présente réputation,
Alors que je perde ici tout espoir de salut.
Je ne peux croire qu’il feigne cette colère.
— J’ai eu tort de me méprendre ainsi sur ta nature ;
Je t’en prie, pardonne-moi et dis ce qui t’amène.
Monsieur, cela vous concerne ; même s’il peut d’abord sembler
Que je manque gravement à la courtoisie
Et à la gratitude que je dois à mon maître,
Pourtant, le pur amour que j’ai de la justice,
Et ma haine de l’injustice, m’obligent à vous parler :
Votre père, à ce moment précis, projette
De vous déshériter.
Quoi !
Et de vous renier
Comme étranger à son sang ; il est vrai, monsieur,
Que l’affaire ne me concerne aucunement, mais
Comme je prétends m’intéresser à l’état général
De la bonté et de la vraie vertu, dont on me dit
Qu’elles abondent en vous, c’est pour cette raison
Et pour aucune autre, que je vous fais, monsieur, cette révélation.
Cette histoire t’a fait perdre une partie du crédit
Que je venais de t’accorder ; c’est impossible.
Je ne peux imaginer un instant
Que mon père puisse être aussi dénaturé.
Monsieur, votre confiance sied
À votre amour filial et naît sans aucun doute
De votre candide innocence. L’injure
Que l’on vous fait n’en est que plus affreuse, plus odieuse.
Et je n’ai pas tout dit, monsieur. C’est en ce moment même,
Qu’elle se commet, ou va se commettre.
Si vous voulez bien me suivre, je vous mènerai
En un lieu où vous pourrez, non pas voir,
Mais entendre, de vos oreilles, la chose.
Vous vous entendrez proclamé bâtard
Et déclaré de père inconnu.
Monsieur, si je me dédie, sortez l’épée du justicier
Et inscrivez votre vengeance sur mon front et mon visage.
Désignez-moi comme scélérat1 ; vous êtes trop maltraité
Et je souffre pour vous, monsieur. Mon cœur
Pleure des larmes de sang et d’angoisse…
Allons, je te suis.
[Ils sortent.]
Mosca tarde, il me semble. Proposez donc vos jeux
Pour adoucir le passage de ces pénibles heures.
Nain, bouffon, eunuque, nous voici réunis.
Une question se pose : nous sommes favoris,
Chacun le sait, d’un homme riche. Qui de nous trois,
De ses faveurs, peut se targuer d’être le roi ?
C’est l’eunuque, c’est moi !
C’est le bouffon pardi !
Voilà qui est vraiment bouffon, je vous le dis.
D’abord, le nain, lui, est petit et amusant,
Et ce qui est petit, on le sait, est charmant.
Sinon, pourquoi dit-on, dès que l’on aperçoit
Un nain : « oh ! quel charmant petit singe, ma foi ! » ?
Pourquoi ? Parce qu’il sait singer, pour amuser,
Les manières des grands, les ridiculiser.
Et il est moins coûteux, ce tout petit corps-là,
À nourrir ou vêtir, que vos grands échalas.
Devant la face du bouffon l’on est hilare,
Mais toujours son cerveau a un temps de retard.
Et même si c’est là son gagne-pain, dommage
Qu’un corps soit redevable à si vilain visage.
On frappe.
Qui est là ? À mon lit ; allez-vous-en ; va voir, Nano.
Mais d’abord, mes bonnets ; et va aux nouvelles.
[Nano, Androgyno et Castrone sortent ; Volpone se couche.]
Ô Cupidon !
Fais que ce soit Mosca, couronné de succès.
C’est la belle milady1…
Jacasse, n’est-ce pas ?
Elle-même.
Ah ! Quel supplice ! Fais-la entrer ;
Elle attendra sinon jusqu’à la fin des temps.
Allons, finissons-en, que j’en voie le bout. Je crains
Un autre enfer : c’est que mon dégoût de celle-ci
N’en arrive à tuer mon appétit pour l’autre.
Si seulement l’importune voulait bien s’en aller !
Dieu, que j’appréhende ce que je vais souffrir !
Merci, mon bon monsieur. Veuillez prévenir
Votre patron que je suis là. Cette ruche
Ne découvre pas assez ma gorge — cher monsieur,
Puis-je vous demander de prier l’une de mes femmes
De venir me trouver ? — Ma foi, je suis joliment
Fagotée aujourd’hui ! Mais tant pis !
[Entre la Première Dame de compagnie.]
Il faudra que ça aille. Mais voyez donc ce qu’ont fait
Ces impudentes !
Je sens déjà la fièvre
Qui m’entre par les oreilles ; ah ! qu’on me donne un charme
Pour la chasser !
Approchez ! Vous trouvez que cette boucle
Est à sa place, ou celle-là ? Pourquoi une plus haute
Que les autres ? Vous ne vous êtes pas encore lavé les yeux ?
Ou bien ne sont-ils pas à la même hauteur ?
Où est votre collègue ? Appelez-la.
[La Première Dame de compagnie sort.]
Que saint Marc
Nous délivre ! Bientôt, elle va battre ses femmes
Parce qu’elle a le nez rouge !
[La PREMIÈRE DAME de compagnie revient avec la seconde.]
Peut-être qu’un cheveu dépasse un peu, en vérité.
Vraiment ? En vérité ? Et où aviez-vous les yeux
Quand c’est arrivé, en vérité ? Vous êtes myope ou quoi ?
Et vous aussi ? Ici, vous deux ; arrangez-moi ça.
Par le Ciel, je m’étonne que vous n’ayez pas honte !
Moi qui vous ai si souvent prêché toutes ces choses,
Enseigné les principes, exposé toutes les causes
Débattant de ce qui était seyant ou élégant,
Vous consultant fréquemment sur les parures…
Plus que sur l’honneur ou la réputation…
Moi qui vous ai indiqué quelle dot inestimable
Ce serait pour vous de savoir ces choses
Qui suffiraient à vous conquérir de nobles maris
À votre retour ! Et vous négligez tout cela ?
En outre, vous voyez à quel point ces Italiens
Sont tatillons ; que vont-ils dire de moi ?
« L’Anglaise ne sait pas s’habiller. »
Quel beau compliment pour notre pays !
Allez, retirez-vous dans la pièce à côté.
Ce fard aussi manquait de finesse ; mais, qu’importe !
Mon brave monsieur, vous leur tiendrez bien compagnie ?
[Nano sort avec les deux Dames de compagnie.]
L’orage se dirige vers moi.
Et comment va mon petit Volp ?
Croyez-moi, j’ai fait,
Moi aussi, un rêve affreux, si je peux m’en souvenir…
Le destin me poursuit. Je lui fournis l’occasion
De me torturer : elle va me raconter le sien.
Il me semblait que le juste milieu1,
Noble et raffiné…
Oh ! pour l’amour de moi,
Cessez ; je transpire et je souffre dès que l’on mentionne
Un rêve : voyez, j’en tremble encore.
Ce sont des brûlures d’estomac, mon pauvre ami ; il vous faudrait
Des perles bouillies avec un sirop de pomme,
De la teinture d’or2 et de corail, des pilules de citron,
De la racine d’aunée, du myrobolan…
Aïe, aïe, aïe ; c’est comme de saisir une cigale par une aile.
De la soie brûlée3 et de l’ambre. Avez-vous du Moscatel
Dans la maison ?
Un verre avant de partir ?
C’est reparti.
Je ne feins plus d’être malade, je le suis.
Qu’on applique avec une bonne étoffe écarlate…
Encore un flot de paroles ! un vrai torrent !
Et si je vous faisais un cataplasme ?
Non, non et non !
Je vais très bien ; vous pouvez arrêter l’ordonnance.
J’ai un peu étudié la médecine. Mais, en ce moment,
Je suis dans la musique, sauf le matin, où je consacre
Une heure ou deux à la peinture. Je voudrais qu’une dame
Connût tout, les lettres et les arts,
Qu’elle sache discourir, écrire et peindre.
Mais c’est la musique, comme le dit Platon,
Et aussi je pense, le sage Pythagore,
Qui est l’enchantement véritable, quand visage,
Voix et vêtements s’accordent ; c’est, en vérité,
Le principal ornement de notre sexe.
Un poète1
Aussi ancien que Platon, et aussi savant, dit
Que le plus gracieux attribut de la femme est le silence.
Lequel de vos poètes ? Pétrarque ? Le Tasse ? Dante ?
Guarini ? L’Arioste ? L’Arétin ?
Cieco di Hadria1 ? Je les ai tous lus.
Est-ce que tout se ligue pour me détruire ?
Je pense que j’en ai deux ou trois sur moi.
Autant espérer arrêter le soleil et la mer
Que son éternel discours. Pas moyen d’y échapper.
Voici le Pastor fido2…
Un mutisme obstiné,
C’est le seul espoir.
Tous nos écrivains anglais,
J’entends tous ceux qui sont à l’aise en italien,
N’hésitent pas à piller cet auteur ;
Au moins autant que Montaigne.
Sa veine est si moderne, si facile, si adaptée
À notre temps, si plaisante à l’oreille de la Cour.
Votre Pétrarque est plus passionné, et pourtant,
À l’époque du sonnet, il leur a beaucoup légué.
Dante est difficile ; peu de gens le comprennent.
Mais pour qui cherche un libertin, il y a l’Arétin3 ;
Seulement, ses gravures sont un peu obscènes…
Vous ne m’écoutez pas ?
Hélas ! mon esprit est troublé.
Dans ces cas-là, il faut se guérir soi-même,
En ayant recours à la philosophie…
Et si nous découvrons que nos passions résistent,
Confrontons-les à la raison ; ou distrayons-nous
En développant une autre humeur
De moindre danger. De même, dans les États,
Rien n’encombre plus le jugement
Ou n’embrume plus l’entendement qu’une trop grande
Fixation, soumission ou, pour ainsi dire, sujétion
À un objet unique. Car incorporer
Ces mêmes éléments extérieurs à cette partie
Que l’on nomme le cerveau laisse certains déchets
Qui obstruent les organes et, comme le dit Platon,
Assassine la connaissance.
Que le dieu
De la Patience m’assiste !
En vérité, il faut
Que je vienne plus souvent vous voir, pour vous guérir ;
Le rire, c’est la santé.
Que mon bon ange me sauve !
Il n’y eut jamais qu’un homme, dans le monde entier,
Avec qui j’ai pu être en harmonie ; il restait là,
Couché, souvent trois ou quatre heures d’affilée,
À m’écouter parler ; tellement sous le charme, parfois,
Qu’il me répondait complètement à côté,
Comme vous ; vous êtes juste comme lui. Je vais vous raconter,
Monsieur, ne serait-ce que pour vous endormir,
Ce que furent nos vies et nos amours
Pendant quelque six ans.
Car nous étions coaetanei1 et élevés…
Qu’une puissance, qu’un destin, qu’un hasard me délivrent !
Dieu vous garde, madame !
Mon cher monsieur…
Mosca ! Bienvenue !
Bienvenue, mon sauveur !
Comment ça, monsieur ?
Oh !
Délivre-moi de cette torture, vite ; de celle-là, là,
La milady dont la langue ne s’arrête jamais ;
Les cloches en temps de peste n’ont jamais fait
Un tel vacarme, ni mené ce mouvement perpétuel ;
Une arène pour combats de coqs n’est rien à côté.
Son haleine épaisse fait de ma maison un bain de vapeur.
Un avocat n’aurait pas pu se faire entendre ;
Ni guère une autre femme, sous cette grêle de paroles.
Pour l’amour de l’enfer, débarrasse-m’en !
Oh ! que m’importe !
Je préfère qu’elle s’en aille, quel que soit le coût,
Quelle que soit la perte.
Madame…
J’ai apporté à votre patron,
Une babiole, ce bonnet que j’ai fait moi-même.
Très bien.
J’oubliais de vous dire que j’ai vu votre chevalier
Là où on ne l’attendrait guère…
Où cela ?
Ma foi,
Là où, si vous vous dépêchez, vous pourrez l’arrêter ;
Il fait une promenade en gondole
Avec la plus rusée des catins de Venise.
Vraiment ?
Poursuivez-les ; vous le verrez de vos yeux.
Laissez-moi votre cadeau : je vais le donner.
[Lady Jacasse sort.]
Je savais que ça prendrait :
Car souvent, ceux qui ont la conduite la plus libre
Sont aussi les plus jaloux.
Merci, Mosca, de tout cœur
D’avoir si vite inventé cette histoire pour me délivrer.
Et maintenant, que dis-tu de mes espoirs ?
[LADY JACASSE revient.]
Dites, monsieur ?
La revoilà ! Je crains une explosion.
De quel côté
S’en allaient-ils tous les deux ?
Vers le Rialto.
Prêtez-moi votre nain, je vous prie.
Prenez-le, je vous prie.
[Lady Jacasse sort.]
Vos espoirs, monsieur, telles de belles fleurs épanouies,
Promettent de donner des fruits, pour peu
Que vous les laissiez mûrir ; restez dans votre lit ;
Corbaccio arrive avec le testament.
Quand il sera parti, je vous en dirai plus.
J’ai retrouvé
Mon ardeur et ma gaieté. Je me sens revivre
Et comme un audacieux bretteur
À qui l’inspiration souffle de tout risquer,
Je me sens prêt à dégainer, avant l’assaut1.
[Volpone tire les rideaux de son lit.]
Caché ici, monsieur, vous entendrez tout. Mais, de grâce,
Soyez patient.
On frappe.
C’est votre père qui frappe.
Il faut que je vous quitte.
Allez. Pourtant
Je ne peux croire ce qu’il raconte.
Malheur ! Vous arrivez trop tôt ! Qu’est-ce qui vous prend ?
N’avais-je pas dit que je vous ferais chercher ?
Si, mais j’ai craint
Que vous n’oubliiez et qu’ils ne nous devancent.
Qu’ils ne vous devancent !
[À part :]
Le voilà bien pressé d’être cocu !
Un courtisan ne s’activerait pas plus pour obtenir une place.
— Bon, puisque vous êtes là, autant que vous restiez.
Je reviens.
[Il se dirige vers Bonario.]
Pas bien ; sauf si vous me l’expliquez.
C’est ce que je vais faire.
Viens, écoute-moi.
[Ils conversent à l’écart.]
Monsieur, votre père vient de faire savoir
Qu’il n’arrivera pas avant une demi-heure.
Donc, en attendant, promenez-vous, si vous voulez,
Dans cette galerie, à l’autre bout.
Vous y trouverez des livres pour passer le temps
Et je ferai en sorte que vous ne soyez pas dérangé.
D’accord, j’y vais.
[À part :]
Je ne fais pas confiance à ce bonhomme.
[Bonario part vers la galerie.]
Bon, il est assez loin. Il n’entendra rien.
Quant à son père, je saurai l’éloigner.
[Il se rapproche de Volpone.]
Allons, maintenant, tu ne peux plus reculer ; donc
Tu n’as qu’à t’y résoudre. J’en ai décidé ainsi,
Il faut que ça se fasse. Je ne t’ai pas pressée plus tôt,
Pour éviter dérobades et manigances
Qui auraient pu me contrer.
Monsieur, je vous en supplie,
Arrêtez ces épreuves bizarres. Si vous doutez
De ma chasteté, eh bien, enfermez-moi pour toujours.
Faites de moi l’héritière des ténèbres. Qu’au moins
Je puisse apaiser vos craintes, sinon votre méfiance.
Crois-moi, ce n’est pas là mon humeur ;
Tout ce que je dis, je le pense. Et je ne suis pas fou,
Pas fou d’être cocu, vois-tu ? Allons, montre-toi
Obéissante et bonne épouse.
Oh ! mon Dieu !
Allons !
Vas-y !
C’était donc ça ?
Je t’ai donné les raisons ;
Ce que les médecins ont prescrit ; à quel point
Cela peut m’affecter ; ce que sont mes contraintes,
Mes ressources et comme j’ai besoin de ces ressources
Pour me refaire. En conséquence, si tu es loyale
Si tu m’appartiens, accepte ; respecte mon entreprise.
Plutôt que votre honneur ?
L’honneur ! Fumée !
Il n’y a rien de tel dans la nature ; ce n’est qu’un mot
Inventé pour effrayer les sots. Est-ce que mon or
Pâtit d’être touché, mes habits d’être regardés ?
Eh bien, c’est la même chose. Un vieillard décrépit,
Sans force, qui ne ressent plus rien ; nourri
À la becquée, qui reste la bouche ouverte
Si on lui brûle la langue ; c’est une voix, une ombre ;
Comment cet homme pourrait-il te faire du mal ?
Mon Dieu !
Quel démon l’a donc saisi ?
Quant à ta réputation,
Quelle farce ! Est-ce que j’irais le raconter,
Le crier, sur la piazza ? Qui le saura,
À part lui (qui ne sait pas parler) et ce gaillard
Dont je tiens la langue ? Et toi, bien sûr
(Si tu veux le crier sur les toits, tu peux). Qui d’autre
Pourrait donc le savoir ?
Le Ciel et les saints ne comptent-ils pour rien ?
Seront-ils aveugles ou stupides ?
Comment cela ?
Mon bon seigneur,
Redevenez jaloux ; imitez-les ; et pensez
À la haine qui les consume face au péché.
Je te l’accorde : si je pensais que c’est un péché,
Je ne te pousserais pas. Si je faisais cette offre
À quelque jeune Français ou Toscan au sang chaud
Qui a lu l’Arétin et étudié toutes ses gravures,
Qui connaît tous les détours du dédale de la luxure
Et se professe expert en lubricité ;
Et si je l’observais pour l’applaudir,
Alors, on pourrait parler de péché ; mais au contraire,
Il s’agit d’une œuvre pieuse, charitable, médicinale
Et d’une opération honnête pour me servir.
Mosca, tu es mon honneur et ma fierté,
Ma joie, ma volupté, mes délices. Allons, amène-les.
Si vous voulez bien vous approcher, monsieur.
Allez, viens. Quoi !
Tu ne vas pas te rebeller ? Par le Ciel !
[Il la tire vers le lit.]
Monsieur, c’est le signior Corvino qui vient vous voir…
Ah !
Ayant entendu parler de la consultation
Récemment tenue sur votre santé, il vient offrir,
Ou plutôt, monsieur, prostituer…
Merci, mon bon Mosca.
De son plein gré, sans provocation ni supplication…
Juste.
En fervent témoignage de son affection,
Sa propre femme, charmante et chaste, dont la beauté
N’a pas de prix à Venise…
Pour qu’elle vous réconforte et vous remonte.
Hélas ! C’est déjà trop tard ! Remercie-le, je te prie,
De sa sollicitude et de sa promptitude,
Mais c’est un vain labeur de s’opposer au Ciel.
Autant tenter d’allumer une pierre — Hem ! Hem ! Hem ! —
Ou de ranimer une feuille morte. Mais je suis touché
Par ses bons sentiments. Tu peux lui dire
Ce que j’ai fait pour lui. Ah ! mon état est désespéré.
Qu’il prie pour moi et utilise sa fortune
Avec révérence, quand il héritera.
Vous entendez, monsieur ?
Approchez-vous de lui avec votre femme.
Par mes aïeux !
Cesseras-tu de t’obstiner ? Viens, s’il te plaît, viens.
Tu vois bien que ça n’est rien. Celia, je te préviens,
Je vais devenir violent. Allons, fais-le, te dis-je.
Tuez-moi plutôt : je préfère prendre du poison,
Avaler des braises1, faire n’importe quoi…
Va au diable !
Bon Dieu ! Je vais te tirer par les cheveux jusqu’à la maison,
Crier dans les rues que tu es une putain ; te déchirer
La bouche jusqu’aux oreilles et te fendre le nez
Comme à un rouget vivant… Ne me pousse pas à bout !
Cède, sinon… Morbleu ! Je vais acheter un esclave,
Je le tuerai, je t’attacherai à lui vivante
Je vous suspendrai à ma fenêtre ; et j’imaginerai
Quelque crime odieux que j’inscrirai, en majuscules,
Avec du vitriol et des corrosifs brûlants, sur ce sein obstiné.
Par les sangs que tu m’as retournés, je le ferai, je jure !
Faites ce qu’il vous plaît, monsieur ; je suis votre martyre.
Ne sois pas aussi têtue ; je n’ai pas mérité cela ;
Pense à qui te supplie. Je t’en prie, ma douce,
Tu auras des bijoux, des robes, des toilettes,
Tout ce que tu veux demander… Va ne fût-ce que l’embrasser,
Ou le toucher. Fais-le pour moi ; pour me faire plaisir.
Rien qu’une fois. Non ? Vraiment pas ? Je m’en souviendrai.
Tu veux me déshonorer ? Tu aspires à me perdre ?
Chère madame, laissez-vous convaincre.
Non, elle a dit non !
Elle attendait son heure. Tudieu ! C’est ignoble !
Vraiment ignoble ! Tu n’es qu’une…
Je vous en prie, monsieur.
Une sangsue, morbleu, une vraie sangsue ! Une catin.
Un crocodile, qui a ses larmes toutes prêtes
Et attend le moment pour les faire couler1.
Calmez-vous, monsieur,
Elle va réfléchir.
Morbleu ! Si elle acceptait de lui parler
Pour sauver mon honneur, ce serait déjà quelque chose !
Mais chercher, par malice, ma ruine totale…
Vous avez mis votre sort entre ses mains.
Mais c’est de la pudeur ; il faut comprendre ;
Si vous n’étiez pas là, elle serait plus avenante,
J’en suis sûr ; j’ose le dire à sa place,
Quelle femme peut faire ça devant son mari ? Je vous en prie,
Partons et laissons-la ici.
Ma douce Celia,
Tu peux encore tout rattraper ; je n’en dis pas plus.
Sinon, considère que tu es perdue.
[Celia fait mine de s’en aller.]
Non, reste ici.
[Corvino et Mosca sortent.]
Ô Dieu et ses bons anges ! N’y a-t-il plus de honte ?
Elle a dû déserter le cœur humain, pour qu’il soit si facile
Aux hommes de répudier votre honneur et le leur.
Ce qui toujours fut une source de vie
Ne vaut-il pas plus cher que l’objet le plus vil ?
La pudeur a-t-elle fui pour faire place à l’argent ?
Oui, chez Corvino et autres esprits terre à terre,
Il saute de sa couche.
Qui n’ont jamais goûté les vrais délices de l’amour.
Crois-moi, Celia, s’il est prêt à te vendre
Par pur appât du gain, et encore, incertain,
Il aurait bien vendu sa part de paradis
Contre espèces sonnantes, s’il avait eu un acheteur.
Tu t’étonnes de me voir ainsi ressuscité ?
Admire plutôt le miracle qu’opère ta beauté ;
Elle accomplit ce prodige, pas seulement cette fois,
Mais m’a déjà fait lever, sous divers déguisements,
Comme ce matin même, en saltimbanque,
Pour t’apercevoir à ta fenêtre. Avant de renoncer
À user de ruses pour conquérir ton amour,
En changeant de forme, j’aurais rivalisé
Avec le bleu Protée ou le fleuve cornu1.
Sois donc la bienvenue.
Monsieur !
Non, ne me fuis pas.
Tu m’imaginais grabataire ?
Détrompe-toi ; il n’en est rien.
Tu vas découvrir le contraire. Tu me vois aussi frais,
Bouillant, ferme et gaillard
Que lorsque, dans cette scène si fameuse
Où nous déclamions notre comédie
Pour divertir le grand Valois2,
J’ai tenu le rôle du jeune Antinoüs3 et charmé
Les yeux et les oreilles de toutes les dames présentes
Par la grâce de chaque geste, de chaque chant, de chaque pas.
Viens, ma Celia, tant que pouvons,
Aux doux jeux de l’amour goûtons.
Le temps, vois-tu, nous est compté
Et viendra nos plaisirs briser.
Aussi, ses dons ne gaspille pas !
Soleil couchant se lèvera,
Mais nous, notre clarté perdue,
De la nuit ne sortirons plus.
Saisissons donc notre bonheur ;
Oublie la rumeur et l’honneur.
Ne pouvons-nous faire la nique
À quelque espion domestique ?
Ruser, l’éloigner de ces lieux,
Tromper ses oreilles et ses yeux ?
Voler amour n’est pas pécher.
Si le larcin reste caché.
Mais être pris, être surpris,
Voilà qui pour un crime est pris.
Que des miasmes m’étouffent, ou qu’un terrible éclair
Ravage ce visage qui cause le malheur !
Pourquoi t’affliger, ma Celia ?
Pour remplacer ton ignoble mari, tu as trouvé
Un amant digne de toi : saisis donc ta chance,
En secret et dans le plaisir. Regarde, admire
De quels trésors tu es la reine ; ce n’est pas là le rêve
Dont je nourris les autres ; non, tu vas tenir, posséder.
Regarde ce collier : chaque perle est plus fine
Que celle qu’avala la grande reine égyptienne ;
Dissous-les et bois-les1. Regarde ce rubis
Qui éteindrait les yeux de notre saint Marc ;
Ce diamant aurait acheté Lollia Paulina
Quand elle entrait, tel un astre, noyée sous les bijoux
Dont on avait dépouillé les provinces2. Prends ceux-ci,
Porte-les, perds-les ; il reste une boucle d’oreille
Pour les racheter tous, et l’État de Venise avec elle.
Un joyau qui ne vaut pas plus qu’un patrimoine
Est sans intérêt. Nous le mangerons au dîner.
Têtes de perroquets, langues de rossignols,
Cervelles de paons ou d’autruches
Seront au menu3 ; et si nous trouvions le phœnix,
La nature dût-elle le perdre, nous en ferions notre mets.
C’est la vertu des gueux !
Si tu as quelque sagesse, écoute-moi, Celia.
Tu te baigneras dans le suc des giroflées,
Dans l’essence des roses et des violettes,
Dans le lait des licornes et le parfum des panthères,
Rassemblés dans des sacs, mêlés à des vins de Crète.
Nous boirons l’ambre et l’or distillés,
Jusqu’à ce que le toit se mette à tourner,
Dans notre vertige ; mon nain dansera,
Mon eunuque chantera et mon bouffon fera le fou.
Nous, nous jouerons d’Ovide les métamorphoses ;
Tu seras Europa, je serai Jupiter,
Et puis je serai Mars et toi Érycine1,
Et ainsi de suite, jusqu’à ce que nous ayons épuisé
Et usé toutes les fables des dieux.
Puis je te prendrai dans des costumes plus modernes,
Déguisée tour à tour en Française enjouée,
En grande dame de Toscane, en fière beauté espagnole,
Ou parfois en épouse du shah de Perse,
Ou maîtresse du sultan turc ; et, pour changer,
En l’une de nos expertes courtisanes,
En Négresse au sang chaud, en Moscovite au sang froid ;
Et je te rejoindrai, à chaque fois déguisé ;
Ainsi nos âmes vagabondes se fondront en un baiser,
Et elles engrangeront des plaisirs par milliers.
[Il chante.]
Jamais les curieux ne pourront
Les compter quand ils passeront ;
Les envieux, quand ils sauront
Quel est leur nombre, en pâliront.
Si vos oreilles peuvent entendre, vos yeux
Se dessiller, si votre cœur peut être affecté,
S’il reste en vous un rien d’humanité ;
Si les saints vénérés, ou le Ciel, peuvent encore vous toucher,
Faites-moi la grâce de me laisser fuir. Sinon,
Soyez généreux, tuez-moi. Vous savez bien
Que je ne suis ici que par la trahison
D’un être dont je voudrais oublier l’infamie.
Si vous ne m’accordez aucune de ces grâces,
Rassasiez votre colère, monsieur, et non votre luxure :
C’est un vice qui sied mieux à la virilité ;
Punissez ce malheureux crime de la nature
Que vous appelez ma beauté : labourez mon visage,
Détruisez-le avec des onguents pour avoir
Échauffé votre sang. Répandez sur mes mains
De quoi susciter une lèpre qui les rongera
Jusqu’aux os, jusqu’à la moelle. N’évitez rien
Qui puisse m’enlaidir, mais épargnez mon honneur,
Et je prierai pour vous à deux genoux, je formerai
Chaque heure mille vœux, monsieur, pour votre santé.
Je vous croirai vertueux, et je le clamerai…
Tu me croiras frigide,
Inerte et impuissant, et tu le clameras ?
Veux-tu penser que j’ai l’hernie de Nestor1 ?
Suis-je dégénéré et la honte de ma nation
Pour tant tarder à saisir l’occasion ?
Il fallait passer à l’acte et palabrer ensuite.
Cède ou je te force.
Ô juste Dieu !
Inutile…
Arrête, infâme violeur, porc libidineux ;
Lâche cette dame, sinon, imposteur, tu mourras.
Si je ne répugnais à priver de ton châtiment
Le bras de la Justice, tu subirais
La punition d’une opportune vengeance,
Devant l’autel et le métal que tu vénères.
Madame, quittons cette maison, ce repaire
De scélérats. Ne craignez rien, vous êtes protégée ;
Et lui, avant longtemps, aura ce qu’il mérite.
Oh ! écrase-moi, maison, enterre-moi sous tes ruines.
Sois mon tombeau, toi qui fus mon abri. Oh !
Je suis démasqué, anéanti, défait,
Réduit à la mendicité et à l’infamie…
Malheureux, misérable que je suis ! Où courir
Pour broyer ma cervelle mal inspirée ?
Par ici.
Mais tu saignes ?
Si seulement son adroit coup d’épée
Avait eu la courtoisie de me fendre en deux
Jusqu’au nombril, pour m’éviter de voir
Ma vie, mes espoirs, mon courage, mon patron,
Ainsi désespérément menacés par ma faute.
Hélas ! quelle infortune !
Et quelle bêtise, monsieur !
Ah ! tu as fait mon malheur.
Qu’allons-nous faire ?
Je ne sais pas. Si mon cœur
Pouvait payer pour cette infortune, je l’arracherais.
Vous plaît-il de me pendre ? De me couper la gorge ?
Je vous rendrai la pareille. Mourons à la romaine,
Puisque nous avons vécu à la grecque1.
[On frappe à la porte.]
Hé ? Qui est là ?
J’entends des pas ; les sergents, les Saffi,
Qui viennent nous arrêter. Je sens déjà le fer rouge2
Qui me brûle le front ; et maintenant
On me transperce les oreilles.
Au lit, monsieur.
Tenez-vous-en au moins à cela. Les coupables
Imaginent toujours ce qu’ils ont mérité. Signior Corbaccio !
Que se passe-t-il, Mosca ?
[Entre Voltore, sans être vu.]
Nous sommes perdus, monsieur, défaits.
Moi ?
Oui, vous ; et mon patron.
Voilà qui va le déshériter pour de bon.
Voici le testament.
Très bien, monsieur.
En bonne et due forme.
Maintenant, veille à mes intérêts.
Ma vie, monsieur,
Ne m’est pas plus précieuse ; je ne songe qu’à vous.
Comment va-t-il ? Crois-tu qu’il va bientôt mourir ?
Je crains
Qu’il ne passe le mois de mai.
La journée ?
Non, le mois de mai.
Ne pourrais-tu lui donner une dose ?
Oh ! je ne te force pas.
En voilà une canaille !
Quoi ! Le signior Voltore ! M’a-t-il entendu ?
Parasite !
Qui est là ? Ah ! monsieur ; vous tombez à pic.
Si l’on peut dire.
Pour découvrir tes manœuvres, je le crains.
Tu ne sers que lui, mais aussi que moi, apparemment ?
Qui, moi, monsieur ?
Oui, toi, monsieur. Qu’est-ce
Que cette histoire de testament ?
Une ruse pour vous servir.
N’essaye pas de me piéger. J’ai l’odorat développé.
N’avez-vous pas entendu ?
C’est vrai.
Mais c’est moi qui ai tout combiné, qui l’y ai incité
Dans l’espoir que…
Ton patron lui revaudrait la pareille ?
Et tu as promis ?
Oui, pour votre bien, monsieur.
Mieux : j’ai tout dit à son fils ; je l’ai caché ici
Pour qu’il puisse entendre son père dresser l’acte.
J’étais mû par l’idée, monsieur,
Que cette action contre nature, ajoutée
Aux déclarations du père désavouant le fils
(Que je prévoyais de susciter), le mettraient en fureur
Et le conduiraient à quelque violence contre lui.
Il aurait alors dû rendre des comptes à la justice
Et vous auriez bénéficié d’une double espérance.
J’ai ma conscience et la vérité pour moi :
Mon seul but était de vous extraire une fortune
De ces deux vieux tombeaux pourris…
Pardonne-moi, Mosca.
Digne de votre patience
Et de votre grand mérite. Et voyez le résultat !
Quoi ? Quel est-il ?
Un désastre ! Il faut m’aider, monsieur.
Quoi ? Avec un cadeau ?
Non monsieur, en visite.
(Je vous expliquerai plus tard). Et, comme elle s’attarde,
Le jeune homme s’impatiente, s’élance,
Saisit la dame, me blesse, me fait promettre
(Sous peine de la tuer, jurait-il)
D’affirmer que mon patron l’a violée,
Je vous demande si c’est vraisemblable !
Armé de ce prétexte, il est parti accuser son père,
Diffamer mon patron, ruiner vos espoirs…
Où est son mari ?
Qu’on aille le chercher immédiatement.
J’y vais, monsieur.
Amène-le au Scrutineo1.
Je m’en occupe, monsieur.
Il faut arrêter ça.
Ah ! vous faites bien, monsieur.
Hélas ! Tout était combiné pour votre bien ;
Et la manœuvre ne manquait pas d’astuce.
Mais la fortune peut, à tout moment, détruire
Les projets de cent clercs avisés.
Voulez-vous bien m’accompagner, monsieur ?
[Corbaccio et Voltore sortent.]
Patron, rentrez, et priez, priez pour nous !
Le besoin crée la foi. Le Ciel soit avec vous !
[Ils sortent.]