L’autisme est le seul concept central de Bleuler au sujet duquel Freud ait accepté d’engager la discussion. Pour le reste, la correspondance, dans sa dimension théorique, est unilatéralement consacrée aux travaux de Freud. Bleuler s’est intéressé beaucoup plus activement à la psychanalyse que Freud à la psychiatrie.
La différence d’accent se manifeste dès l’abord par le choix des termes : là où Bleuler parle d’autisme, Freud préfère évoquer l’autoérotisme. Il ne s’agira pas ici de traiter le concept d’autisme en général ni d’analyser dans le détail sa vaste extension chez Bleuler, qui recouvre la mythologie, la religion et l’art1. Le terme d’autisme, une fois introduit par Bleuler, apparaît pour la première fois sous la plume de Jung dans une lettre à Freud datée du 13 mai 1907 : « Il manque encore à Bleuler une définition claire de l’autoérotisme et de ses effets psychologiques spécifiques. Il a cependant accepté la notion pour sa présentation de la dementia praecox dans le Manuel d’Aschaffenburg. Il ne veut toutefois pas dire autoérotisme […] mais “autisme” ou “ipsisme”. Pour moi, je me suis déjà habitué à “autoérotisme”2. » Freud évoque à son tour l’autisme dans une lettre à Jung du 15 octobre 1908, à l’occasion de la visite de Bleuler à Vienne : « Votre chef et son épouse ont été nos hôtes à dîner vendredi dernier. Il est décidément beaucoup plus supportable qu’elle. Il était aimable et relâché, autant que cela était possible vu sa rigidité. Il a rompu une lance pour la sexualité infantile, à laquelle il y a deux ans encore il faisait face “sans compréhension”. Puis tous deux sont tombés sur moi pour que je remplace le nom de “sexualité” par un autre (modèle : “autisme”) ; toutes les résistances et les malentendus cesseraient alors. J’ai dit que je ne croyais pas à ce résultat, d’ailleurs ils n’ont pas su me donner d’autre et meilleur nom3. » Dans sa correspondance avec Bleuler, Freud mentionne l’autisme pour la première fois dans une lettre du 28 septembre 1910 (19F), en référence à l’étude sur le « Négativisme schizophrénique4 » que Bleuler lui avait envoyée et où se trouvait la première occurrence du terme « autisme » dans une publication scientifique.
Tandis que Bleuler souligne surtout l’éloignement de la réalité et le refuge dans un monde de rêves et de souhaits, Freud retient un autre aspect, celui d’une « perte d’égards pour autrui » par laquelle le patient peut montrer et représenter ce qui se produit en lui. Ce faisant, il transforme l’idée de réalité chez Bleuler en rapport intersubjectif et le retrait dans un monde intérieur en une expression non censurée de l’intériorité, ce qui lui permet d’indiquer que l’analyste y voit une possibilité de comprendre le processus psychique en cours. Bleuler semble avoir ultérieurement accepté cette dernière possibilité, puisqu’il écrit dans son étude sur La Pensée autistique que l’autisme est capable d’exprimer toutes les tendances et pulsions possible5.
En revanche, dans la lettre mentionnée plus haut, Freud ne relève pas la référence de Bleuler à son propre concept d’autoérotisme. Dans une note de l’étude sur le négativisme schizophrénique, celui-ci avait déclaré : « J’entends par “autisme” à peu près la même chose que ce que Freud entend par “autoérotisme”6. » De ce dernier concept, Freud donnait dans ses « Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques » la définition suivante : « Les pulsions sexuelles se comportent tout d’abord d’une manière auto-érotique, elles trouvent leur satisfaction dans le corps propre7. » Or, dans La Pensée autistique, Bleuler s’était exprimé de manière critique au sujet de cet article. Et, de façon surprenante, en introduisant son concept d’autisme, il ne renvoie pas à Freud mais à Jung : « L’autisme recouvre pour une large part le concept jungien d’“introversion”, qui désigne le processus par lequel la libido, qui devrait normalement chercher ses objets dans la réalité, se retourne vers l’intérieur8. » Mais, dans la suite du texte, Bleuler cite surtout Freud, et non plus Jung.
La correspondance n’aborde à nouveau ce thème qu’un an plus tard : entre-temps, Bleuler a tenu une conférence sur la pensée autistique dans le cadre du troisième Congrès psychanalytique de Weimar ; dans sa lettre du 6 octobre 1911, il indique à Freud, sans entrer dans les détails, qu’il a retravaillé cet exposé et souhaiterait le faire paraître dans le Jahrbuch. Le texte sera publié en septembre 1912. L’autisme fera l’objet d’un nouvel échange d’idées dans les lettres de janvier et février 1912 (38F-41B).
Bleuler et Freud se reprochent mutuellement un manque de clarté et de précision dans les définitions de l’autisme et de l’autoérotisme. Freud se dit « gêné par le fait de ne pouvoir saisir correctement l’objet » de Bleuler ; il met cette difficulté de compréhension sur le compte d’expériences différentes et estime que le psychiatre tire ses conceptions principalement de la dementia praecox, tandis que lui-même procède à partir des processus oniriques. Il souligne ainsi que sa démarche se fonde sur cette « psychologie du rêve » dont Bleuler, dit-il, n’a jamais pu vraiment devenir familier. Eu égard au caractère fondateur de L’Interprétation du rêve, ce n’est pas sans ironie qu’il faut entendre sa remarque selon laquelle Bleuler serait resté « indépendant » à l’égard de ces conceptions. Freud formule alors de manière quelque peu lapidaire le contenu de leur controverse : « L’accent mis sur la dissociation onirique et sur l’hypothèse d’une dissociation primaire dans le rêve montre le plus clairement la différence entre nous. » Pour comprendre cette phrase, il faut se reporter au passage de La Pensée autistique auquel Freud fait référence9 : Bleuler y décrit deux caractéristiques de l’autisme qui se distinguent l’une de l’autre selon le degré de détournement de la réalité. Le trouble le plus grave se manifeste par la dissociation de notions établies10. On rencontre ce type de dissociation dans la mythologie, dans le rêve et dans l’autisme du schizophrène ; elle conduit alors à un « inconcevable non-sens », alors que les productions autistiques qui maintiennent la cohérence et la clarté des notions restent compréhensibles. Bleuler admet quant à lui une « dissociation primaire », c’est-à-dire directement déterminée par une pathologie organique. Dans un second temps, la dissociation peut toucher les affects, elle est alors dite « secondaire ». Pour Freud, au contraire, ce sont les affects qui provoquent la dissociation. C’est donc autour de la question de savoir si la dissociation est organique ou psychique que se joue le désaccord entre le psychiatre et le psychanalyste. (De manière générale, Bleuler préfère le concept de scission [Spaltung] à celui de dissociation, par exemple dans le chapitre sur la « théorie des symptômes » de son ouvrage sur la schizophrénie11.)
Dans les brèves remarques de sa lettre à ce sujet, Freud, bien qu’il ait dû en être irrité, ne relève pas le fait que Bleuler considère le rêve comme un « inconcevable non-sens » et non comme une production susceptible d’être analysée et comprise.
Dans son essai sur la pensée autistique, Bleuler évoque aussi le rapport particulier de l’autisme à la pulsion sexuelle12. À la différence de toutes les autres, seule celle-ci peut se satisfaire sur un mode autistique. Selon lui, cette donnée et le fait que la pulsion sexuelle est la pulsion la plus puissante chez l’homme civilisé sont responsables de ce que la pensée autistique est particulièrement chargée de complexes érotiques.
Dans une note de bas de page, Bleuler fait référence à Freud et aborde un sujet à propos duquel celui-ci constatera que leur opposition demeure (38F). Il s’agit d’un aspect phylogénétique — une perspective importante pour Bleuler dans d’autres contextes également : la pensée autistique est-elle plus originelle que la pensée réaliste ? Pour Bleuler, le lien à la réalité est, d’un point de vue ontogénétique et phylogénétique, un mode de pensée plus ancien, tandis que la pensée autistique est de développement plus récent13. Freud pense exactement l’inverse et souligne fermement cette divergence, sur laquelle il revient dans sa lettre du 11 février 1912. Car, pour lui, une des objections de Bleuler à l’autoérotisme vient justement de ce qu’il attribue une position primaire à la pensée réaliste et non à la pensée autistique. Bleuler confirme ce point de divergence dans sa réponse du 15 février, mais il lève également certains malentendus et établit des concordances.
Dans cette lettre, la dernière sur le sujet, Bleuler formule, plus clairement que dans ses publications, sa vision des différences entre autisme et autoérotisme. Malgré un développement quelque peu sinueux sur leurs points communs et leurs divergences à ce sujet, Bleuler déclare sans ambiguïté : « Mon autisme ne se laisse pas déduire de la sexualité. » Il entend par autisme tout mouvement psychique se détournant de la réalité. En ce sens, son concept d’autisme est nettement plus étendu que le concept freudien d’autoérotisme.
En réaction à une remarque de Freud dans sa lettre précédente, Bleuler confirme qu’il a déduit son concept d’autisme de ses expériences sur la schizophrénie. Mais il dit ne voir « aucune différence entre la pensée du rêve et la dementia praecox », une analogie qu’il a toujours soutenue14. Parallèlement, il se défend d’avoir jamais rejeté la psychologie du rêve de Freud, comme celui-ci l’affirmait. Mais il remarque, avec cette conscience scientifique qui lui est caractéristique, qu’il n’y a pas de preuves d’une finalité et d’une intentionnalité du rêve.
Il faut remarquer que Bleuler, dans sa lettre du 15 février, revient une fois de plus à la dissociation onirique primaire mais, cette fois, explicitement rapportée au cadre d’un modèle typique de sa réflexion. De même qu’il conçoit les schizophrénies comme des affections organiques primaires dont les symptômes psychiques secondaires peuvent être interprétés grâce aux mécanismes freudiens, de même envisage-t-il de concevoir les rêves. Il espère de la sorte pouvoir se débarrasser des problèmes que lui posent certains points de la théorie de Freud, comme la finalité du rêve et l’instance de censure.
Comme le montrent ses annotations, Bleuler accorde un grand intérêt aux remarques critiques de Freud à propos de son essai sur l’autisme. Il y revient une fois encore dans sa lettre du 5 mai 1912, mais le débat ne sera pas poursuivi dans la correspondance. En revanche, on peut reconstituer la direction prise par la critique freudienne à travers un compte rendu de La Pensée autistique rédigé par Rudolf Reitler, un membre du cercle viennois, pour l’Internationale Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse. On peut faire l’hypothèse que ce texte correspond à la position de Freud, voire qu’il a été écrit en accord avec lui. Parmi les différents points abordés, ne retenons ici qu’un reproche déterminant pour la compréhension de ce qui oppose Freud à Bleuler : « La difficulté à comprendre la réflexion de l’auteur pourrait bien […] être causée par le fait que le concept de “pensée autistique” n’est pas conçu dans sa dimension psychogénétique, mais seulement dans sa dimension descriptive15. » La même critique est adressée, de manière plus générale, à la conception bleulérienne de l’inconscient, jugée purement descriptive et inattentive aux processus dynamiques engendrés par celui-ci.
Étroitement lié à celui de l’autisme, le domaine des psychoses constitue un autre thème important dans les échanges entre les deux hommes. Bleuler, de par son travail clinique et son expérience des psychotiques, est singulièrement impliqué dans ce champ de la recherche psychiatrique, dont il devenu une autorité. Toutefois, ce n’est pas sans provocation en direction de ses collègues psychiatres qu’il écrit dans « Dementia praecox » ou Groupe des schizophrénies : « Toute l’idée de la démence précoce vient de Kraepelin ; c’est aussi presque uniquement à lui qu’on doit la classification et la mise en relief des divers symptômes. Il serait trop fastidieux de souligner spécialement ses mérites à chaque fois. Cette remarque devrait suffire une fois pour toutes. Une part importante de la tentative d’approfondir plus avant la pathologie n’est rien d’autre que l’application à la démence précoce des idées de Freud. Je pense que tout ce que nous devons à cet auteur sera d’emblée évident à chaque lecteur, même si je ne cite pas son nom partout16. »
Dans la correspondance entre Bleuler et Freud, il est souvent question de la paranoïa et de la dementia praecox ou schizophrénie (ou encore « paraphrénie », terme que Freud emploie plus volontiers). Dès sa première lettre conservée (25 janvier 1906), Freud évoque une patiente atteinte de paranoïa à propos de laquelle il avait publié dix ans auparavant une étude, « Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense17 ». Il confie à Bleuler quelques réflexions complémentaires qu’il avait laissées de côté dans sa publication. Dans sa réponse, trois jours plus tard, Bleuler propose de redéfinir le diagnostic, constatant chez la patiente de Freud une forme paranoïde de dementia praecox. Mais il reste prudent et concède que l’on pourrait tout à fait diagnostiquer une paranoïa selon les critères de l’école freudienne, mais non pas une paranoïa dans le sens déterminé par Kraepelin18, dont il rappelle qu’il en a lui-même évoqué quelques cas dans son texte Affectivité, suggestibilité, paranoïa19. Les cas évoqués et l’analyse qu’il en fait laissent présumer que Bleuler considère le développement de la paranoïa interprétable en termes de psychologie quotidienne et ne nécessite pas particulièrement le recours aux mécanismes freudiens. Il suffit, pour rendre compréhensibles les contenus paranoïdes, de se référer aux contextes psychosociaux et aux processus psychologiques familiers de la vie quotidienne. Ici aussi, Bleuler souligne, de manière caractéristique, qu’il faut distinguer, d’une part, la naissance et la compréhension des contenus de la paranoïa et, d’autre part, leur cause. Celle-ci n’est pas encore claire, même s’il évoque la possibilité de dispositions innées ou temporaires, d’une intoxication ou de modifications de l’anatomie du cerveau20.
Si l’on en croit les documents conservés, la discussion sur la paranoïa et la dementia praecox s’interrompt pendant onze mois. Freud n’y revient que dans sa lettre du 30 décembre 1906, évoquant l’étude de Jung intitulée Sur la psychologie de la « Dementia praecox », menée sous la direction de Bleuler. Il remercie surtout ce dernier de l’envoi de son article en plusieurs parties sur les mécanismes freudiens21 et exprime son optimisme : « Je suis confiant, nous conquerrons bientôt la psychiatrie. »
La correspondance présente ensuite une nouvelle lacune de plus de deux ans. C’est l’époque où les deux hommes se rencontrent personnellement à Salzbourg puis à Vienne. Entre-temps, Bleuler a fait apparaître pour la première fois le concept de schizophrénie dans une publication22. Le 8 mai 1909, il écrit à Freud qu’il a « ajouté un grand paragraphe sur les mécanismes freudiens » et explique les raisons pour lesquelles il n’utilise pas lui-même le terme de paraphrénie, préféré par Freud à celui de dementia praecox (Kraepelin) ou de schizophrénie (Bleuler) : « paraphrénie » a déjà été employé par Kahlbaum, mais dans un autre sens ; quant au terme « schizophrénie », il offre l’avantage de souligner que la « scission » est une observation empirique, et non une théorie23. Il n’existe pas de lettre de Freud en réponse à ces remarques. En revanche, dans son étude sur Schreber de 1911, il revient ouvertement sur ce point terminologique, expliquant pourquoi il tient le terme « paraphrénie » pour le plus pertinent ; par ailleurs, ses usages antérieurs ne s’étant pas imposés, il ne voit pas de difficulté à le reprendre en un sens nouveau24. Cette polémique n’a rien d’accessoire : outre les aspects techniques, il y allait de la hauteur du point de vue et, finalement, d’une lutte pour le pouvoir25.
Freud aborde également le thème des psychoses dans sa lettre à Bleuler du 28 septembre 1910. Ce n’est pas un hasard : occupé depuis l’été par la lecture des Mémoires d’un névropathe de Daniel Paul Schreber, il terminera en décembre l’étude sur ce cas26. Dans cette lettre, il évoque le cas de l’une de ses patientes atteinte de dementia praecox. Il est intéressant de remarquer que, d’une part, Freud acceptait donc parfois de recevoir en analyse des patients présentant un tel diagnostic27 et que, d’autre part, il en vint, en cours de traitement, à modifier ce diagnostic et conclut à une névrose obsessionnelle28.
Une autre mention des psychoses figure dans la lettre à Freud du 13 avril 1911 où Bleuler constate des concordances entre ses propres observations et expériences et les développements des « Suppléments à l’interprétation du rêve29 ». Six mois plus tard, dans une lettre datée du 6 octobre 1911, il réagit à la lecture que Freud a faite de son livre sur la schizophrénie (la lettre de celui-ci n’a malheureusement pas été conservée). Bleuler ne se réfère ni à son propre ouvrage, ni aux déclarations de Freud, mais revient sur l’étude du cas Schreber, qu’il a récemment relue. Il problématise à cette occasion une question centrale, celle de la cause des affections psychotiques. Une fois de plus, il ne trouve guère plausibles les explications avancées par Freud, tout particulièrement sa généralisation de l’hypothèse selon laquelle la paranoïa serait déclenchée par des désirs homosexuels. Il reconnaît avoir rencontré des cas « où la lutte entre homosexualité et hétérosexualité pouvait être observée, non au début de la maladie, mais au début de son déclenchement manifeste30 » ; il lui semble toutefois « extrêmement improbable » que ce soit « la cause essentielle de l’accès aigu » et tient à distinguer le déclenchement de la maladie et la cause de celle-ci, dont il ne peut imaginer qu’elle soit purement psychique.
S’il s’exprime avec une certaine prudence, Bleuler maintient sa position tout au long de ses diverses publications31 : la cause des psychoses est selon lui un processus physique ; leur symptomatologie, en revanche, peut être interprétée à l’aide des mécanismes freudiens. Il le souligne notamment dans son commentaire du texte de Freud sur le cas Schreber32. Curieusement, Bleuler y déclare que l’auteur compterait la paranoïa et la schizophrénie au nombre des névroses. Il est possible que ce soit un pur contresens de la part de Bleuler ; mais il se peut également qu’il entende ainsi souligner que Freud cherche à expliquer les psychoses sur le même mode, essentiellement psychologique, que les névroses.
Il faut relever ici un autre élément, qui peut compléter ce que nous avons dit plus haut de l’autisme. Dans son essai sur Schreber, Freud, décrivant les mécanismes du refoulement à l’œuvre dans la paranoïa, constate : « Le processus propre au refoulement consiste dans le fait que la libido se détache de personnes — ou de choses — auparavant aimées33. » Les symptômes tenus de manière erronée pour des productions de la maladie seraient en réalité bien davantage des tentatives de guérison visant à faire faire machine arrière au refoulement et à amener la libido ainsi libérée à revenir aux personnes et objets délaissés. On pourrait distinguer les différentes pathologies, d’une part selon la manière dont s’accomplit ce retour de la libido : par projection dans les cas de paranoïa, par hallucination dans les cas de schizophrénie/dementia praecox ; d’autre part selon le point de fixation dans le développement de la libido : à la phase narcissique pour la paranoïa, au début de la phase autoérotique pour la schizophrénie.
Dans son compte rendu, Bleuler ne concède pas à Freud ces explications psychodynamiques et refuse en particulier le type de distinction que celui-ci établit entre la paranoïa et la schizophrénie. Il lui aurait fallu accepter de même le cadre théorique de la métapsychologie freudienne, par exemple les hypothèses concernant le développement de la libido, qui lui semblent de pures spéculations. Pourtant, dans sa définition de l’autisme, Bleuler parle bel et bien d’un retrait de la libido par rapport aux objets extérieurs34. Certes, il ne voit pas dans le retour de la libido une tentative de guérison mais l’idée que le malade aime le monde fantasmatique qu’il a construit, y fait écho. Dans son livre sur la schizophrénie, on trouve à l’occasion des éléments psychodynamiques originaux : ainsi, il constate que dans l’autisme la réalité désagréable est séparée et rejetée, tandis que dans les diverses formes de délire elle est reconfigurée35. Bleuler, en définitive, préfère les explications simples : il se contente autant que possible d’éléments descriptifs là où Freud décèle ou postule des processus dynamiques.
À la suite de la publication de son ouvrage sur la schizophrénie, Bleuler se trouva impliqué dans des discussions parfois violentes avec ses collègues psychiatres qui remettaient en cause sa conception et son explication des troubles psychotiques. C’est pourquoi il se vit contraint de prendre position dans un texte intitulé « Les critiques des schizophrénies36 ». À la même époque, il fut invité à donner une conférence sur les théories freudiennes dans le cadre de l’assemblée de l’Association allemande de psychiatrie qui se tint à la mi-mai 1913 à Breslau37. Pendant la préparation de son discours, Bleuler revint sur le sujet des psychoses dans sa correspondance avec Freud.
Dans cette conférence (qui fut aussi publiée sous forme d’article), Bleuler confronte une fois de plus ses positions à celles de Freud au sujet de la genèse et des causes de la schizophrénie. On y retrouve à cette occasion les concepts d’autisme et d’autoérotisme. « Selon la conception de Freud, la schizophrénie est engendrée par l’impossibilité que rencontre la libido, à l’adolescence, de saisir l’objet. D’où le manque d’amour d’objet ou, pour le dire symétriquement, la présence d’autoérotisme (qui, dans une certaine mesure, correspond à notre conception de l’autisme ou peut-être même la remplace)38. » À Freud, Bleuler rétorque la chose suivante : « Je peux certes confirmer que le schizophrène manque, pour sa libido, d’un objet dans le monde extérieur ou qu’il le cherche par des voies erronées. Mais, dans la majorité des cas, l’autisme se manifeste dès l’enfance, avant la maladie manifeste, comme tendance à la solitude et aux rêves infertiles ; ce faisant, il ne s’agit pas d’amour de soi mais d’autoérotisme au sens propre : l’amour pour une formation fantasmatique que l’on produit soi-même, que l’on traite comme une réalité et que l’on projette justement sur le monde extérieur39. » Après avoir rappelé ce qu’il juge important de retenir de Freud (« l’explication du contenu du délire, dans lequel le symbolisme, le refoulement, le transfert, la condensation et l’identification jouent un grand rôle »), il revient sur ce qui l’oppose à lui : « Je voudrais expliquer plus simplement et sans lacune les idées délirantes du schizophrène par les mécanismes bien connus de l’affectivité et de la pensée autistique, ainsi que par un trouble primaire de la pensée, trouble en partie observé, en partie déduit avec nécessité40. »
On regrette l’absence de lettres de Freud pour cette époque, en particulier de réponses aux questions concrètes de Bleuler dans sa lettre du 31 décembre 1912. Il ne se remet à lui écrire de manière développée qu’en mai 1915. Nous n’avons donc pas de trace non plus de sa réaction à la conférence de Bleuler à Breslau, dans laquelle celui-ci formulait des questions et remarques critiques de première importance. On voit ainsi Bleuler, par exemple dans sa lettre du 2 janvier 1914, tenter de maintenir le lien avec Freud et lui rappeler qu’il continue à défendre dans ses écrits la conception psychanalytique de la symptomatologie des schizophrènes.
Après les « Remarques psychanalytiques » de Freud sur l’autobiographie du président Schreber, la genèse des psychoses restera pour lui un appel théorique décisif. Dans « Pour introduire le narcissisme », par exemple, il souligne que la nécessité pressante de travailler sur ce thème est née de sa tentative de « soumettre la conception de la démence précoce (Kraepelin) ou schizophrénie (Bleuler) à l’hypothèse de la théorie de la libido41 ». Les Conférences d’introduction à la psychanalyse contiennent également un chapitre sur « psychanalyse et psychiatrie42 », dans lequel, curieusement, il n’est fait mention ni de Bleuler ni du concept de schizophrénie. Freud rappelle en revanche que psychanalyse et psychiatrie ne s’opposent pas, mais se complètent et s’éclairent réciproquement. Si la psychiatrie doit se contenter d’avancer des causes héréditaires vagues aux affections psychotiques, la psychanalyse permet de rendre compréhensibles les symptômes délirants, ce qui, pour autant, ne veut pas dire qu’elle prétende au succès d’une thérapie. De manière générale, Freud demeure sceptique quant aux possibilités de traitement de la psychose.
Il faut tout d’abord remarquer que, parmi les thèmes psychologiques abordés par Freud et Bleuler dans leur correspondance, celui de l’association libre n’occupe qu’une place réduite. Toutefois, l’un et l’autre lui accordent ailleurs une grande valeur : Bleuler voit dans les troubles associatifs un symptôme central de la schizophrénie ; quant à Freud, qui fait de l’association libre un élément central de son Interprétation du rêve, il la considère comme un principe fondamental du traitement psychanalytique. Bleuler est assez convaincu de son importance pour s’essayer lui-même, face à Freud et non sans de grandes difficultés, à cette pratique, comme le montrent ses récits de rêves dans les lettres 6B et 8B. À l’époque où débute leur correspondance, Bleuler favorise la publication, menée par Jung et Riklin, d’articles sur l’association, qu’il tient pour une possibilité intéressante d’étude empirique sur les conceptions psychanalytiques. Lorsqu’il envoie à Freud, en janvier 1906, son propre texte sur « Conscience et association », celui-ci ne l’en remercie que brièvement (cf. 10F). Bleuler y défend pourtant, contre la psychologie de Wundt, l’existence de fonctions et de processus inconscients ; il insiste même sur la nécessité, en psychopathologie, d’étudier de tels processus43. Cependant, s’il évoque deux exemples de rêves et cite L’Interprétation du rêve, Bleuler ne développe aucun des éléments présents dans cet ouvrage majeur de Freud.
En revanche, les divergences à propos de la théorie sexuelle s’expriment dès le début de la correspondance entre les deux hommes ; le sujet restera sensible tout au long de leurs échanges. Pour Bleuler, il manque des preuves convaincantes à l’appui de cette théorie (cf. par exemple la lettre 4B). Ce faisant, il n’hésite pas à parler ouvertement à Freud de sa propre expérience. Dans sa lettre du 14 octobre 1905, objectant que ce n’est pas seulement chez les femmes que le refoulement sexuel se transforme en angoisse, il écrit : « J’ai ressenti une fois, de manière aussi typique que possible, une mélancolie in nuce, que j’ai dû faire remonter, en raison de son début et de sa fin, à une pulsion sexuelle insatisfaite, certes avec la seule assurance que puisse donner un cas unique » (6B). Dans cette même lettre, il évoque son propre développement psychosexuel et révèle par ailleurs avoir constaté chez ses enfants un complexe œdipien. (Plus tard, il fera également le constat de son propre complexe d’Œdipe44.) Ces éléments sont autant de signes que Bleuler s’est donné la peine, sur un plan théorique comme à titre personnel, d’intégrer les hypothèses freudiennes sur la sexualité à sa propre réflexion.
Dans sa lettre suivante, le 17 octobre, Bleuler fait à Freud le compte rendu de sa seconde lecture des Trois essais sur la théorie sexuelle. S’appuyant sur ses réflexions concernant les rapports entre sexualité et angoisse, il développe sa propre psychologie dynamique, considérant que la vie organique est entièrement « régulée par le jeu de forces opposées » (7B).
Le psychanalyste et le psychiatre renvoient régulièrement à leur expérience professionnelle respective et aux différents cas cliniques qui participent à la formation de leurs théories et influencent les types de concepts adoptés45. Avec la théorie sexuelle de Freud, Bleuler se heurte tout particulièrement à des difficultés, liées à son extension (il y voit une « pansexualité », cf. 61B) et à la plasticité déroutante de concepts tels que « libido » ou « régression », en constante métamorphose. Il reproche aux notions freudiennes le fait que seule une connaissance détaillée de l’évolution de toute la théorie permet de les comprendre. À cette psychanalyse en perpétuel mouvement il oppose sa propre « psychologie déjà constituée » (49B) à laquelle il a travaillé pendant des décennies. Dans sa lettre du 17 février 1925 (66B), Bleuler reconnaît que ses concepts psychologiques élémentaires ont toujours été très différents de ceux de Freud, mais rappelle que, dans l’ensemble, il est acquis aux théories essentielles de celui-ci. Rappelons toutefois les différences principales entre leurs positions, et insistons sur celle de Bleuler, moins bien connue que celle de Freud.
Chez Bleuler, l’expression « psychologie élémentaire » et son emploi demeurent quelque peu vagues. Il faut y entendre à la fois l’idée que sa théorie, sur le modèle des sciences naturelles, définit des fonctions psychiques de base (comme la mémoire, etc.) et qu’il conçoit l’appareil psychique comme un composé d’éléments distincts. Pendant des décennies, Bleuler a travaillé à constituer une « psychologie biologique » : dès ses premiers travaux (« Essai de considération des concepts psychologiques fondamentaux du point de vue des sciences naturelles », 1894) et jusque dans son Histoire naturelle de l’âme (1921a) et ses articles « Localisation de la psyché » (1923a) et « Psychologie biologique » (1923b), Bleuler développe la conviction selon laquelle « la psyché tout entière peut être décrite et comprise sous l’aspect des “sciences naturelles”, c’est-à-dire exactement comme n’importe quelle autre fonction biologique » ; « les fonctions psychiques ne sont pas différentes des autres fonctions nerveuses centrales46 ». Dans sa monographie de 1921, une partie s’intitule : « La psyché est une fonction cérébrale47 ». Il n’accorde aucune valeur à la psychologie « philosophique » dans la mesure où « elle ne traite pas ces fonctions psychiques dont le médecin a besoin48 ». Au contraire, la « psychologie des profondeurs » élaborée par Freud thématise selon lui des contextes essentiels pour la médecine.
Dans le même temps, Freud s’éloignait progressivement de son intention initiale de fonder une psychologie comme science naturelle49. La psychologie biologique de son collègue zurichois ne pouvait donc conserver sa pertinence et leurs positions devaient fatalement finir par entrer en contradiction. La lettre du 17 février 1925 contient à cet égard une remarque, brève mais significative, qui explicite la position de Bleuler à l’égard de la théorie sexuelle freudienne : « Tandis que je considère votre mise en avant de l’importance de la sexualité comme un haut fait et n’ai jamais douté de l’existence d’une sexualité infantile, je ne crois pas au caractère exclusif de l’étiologie sexuelle de la névrose » (66B). Dans sa réponse (datée du 22 février), Freud confirme ce sentiment et souligne une fois de plus que c’est en raison de leur pratique professionnelle différente que divergent partiellement leurs points de vue sur l’objet.
Freud gardera toujours à l’esprit les travaux de Bleuler. En 1929, tandis qu’il travaille à son ouvrage Le Malaise dans la culture, il écrit le 19 octobre à Bleuler pour lui demander une référence ; il se souvient que celui-ci avait évoqué quelque part la possibilité d’un rejet originel (et non causé par un refoulement) de la fonction sexuelle, mais il ne sait plus dans quel texte. Il s’agit très manifestement de l’article de 1913 sur « La résistance sexuelle », dans lequel Bleuler formulait la thèse suivante : « l’inhibition sexuelle fait partie de la sexualité elle-même50 », et avançait sa propre conception dynamique de l’inhibition conçue comme « transfert de l’affect négatif lié à l’onanisme vers l’activité sexuelle en général51 ». Or une note du Malaise dans la culture fait référence à Bleuler sur ce point : sans reprendre à son compte les déductions psychogénétiques de celui-ci, il parle toutefois d’une « défense organique52 ». Le 16 février 1930, Bleuler remercie Freud pour l’envoi de ce dernier ouvrage. Dans sa brève lettre, il souligne qu’il a lui-même « d’autres conceptions psychologiques », appuyées sur les sciences naturelles, et écrit sans détour : « Pour moi l’éthique et la conscience morale, par exemple, sont le résultat direct de la biologie » (72B). Il avait travaillé en ce sens en 1921 et reprendra son étude dans un article publié en 1936 seulement, sous le titre « Fondements de l’éthique dans la science naturelle ». Dans sa lettre, Bleuler rappelle cependant qu’il croit bel et bien à l’existence des « superstructures psychiques » découvertes par Freud et qu’elles lui paraissent nécessaires à la compréhension de la psychologie.
Jusqu’à la fin de leur correspondance, divergences et points communs feront l’objet de rappels réguliers de part et d’autre, ce qui interdit de conclure à l’existence d’une rupture entre les deux hommes. Sans doute la relation entre Freud et Bleuler est-elle restée, dans ses fluctuations mêmes, marquée par un trait fondamental : l’ambivalence.
1. Sur le concept d’autisme, cf. K.-J. Neumaerker, « … Der Wirklichkeit abgewandt ». Eine Wissenschafts-und Kulturgeschichte des Autismus, Berlin, Weidler, 2010.
2. F/J, p. 93.
3. F/J, p. 242.
4. Bleuler 1910-11a.
5. Cf. Bleuler 1912a, p. 7.
6. Bleuler 1910-11a, p. 185, note. De même dans « Dementia praecox » ou Groupe des schizophrénies : « L’autisme est à peu près la même chose que Freud appelle auto-érotisme. Mais comme la libido et l’érotisme sont pour cet auteur des concepts beaucoup plus larges que pour d’autres Écoles, ce terme ne peut guère être utilisé ici sans donner lieu à de nombreuses méprises » (Bleuler 1911a, p. 112, note 1).
7. Freud 1911b, p. 139.
8. Il faut noter ici que Freud, dans « Pour introduire le narcissisme » (1914c), critique chez Jung l’emploi indifférencié du concept d’introversion. Lui-même le réserve, explique-t-il, à l’investissement libidinal fantasmatique de relations érotiques à des personnes ou des choses, une fois que ces relations n’existent plus dans la réalité.
9. Bleuler 1912a, p. 11-13.
10. Bleuler tient à ce caractère. Dans son Histoire naturelle de l’âme, il parlera de « dissolution des notions les plus habituelles » (Bleuler 1921, p. 192).
11. « La scission [Spaltung] est la condition préalable de la plupart des manifestations complexes de la maladie ; elle imprime son sceau particulier à l’ensemble de la symptomatologie. Mais, derrière cette scission systématique qui apparaît dans certains complexes d’idées, nous avons au préalable un relâchement primaire du tissu associatif qui peut conduire à un clivage [Zerspaltung] de structures aussi solides que celles des concepts concrets. J’ai voulu, au moyen du terme de schizophrénie, rendre compte de ces deux types de scission, dont les effets fusionnent souvent » (Bleuler, 1911a, p. 461).
12. Bleuler 1912a, p. 18.
13. Cf. Bleuler 1912a, p. 26 sq.
14. Cf. Bleuler 1906-07 ; 1910.
15. R. Reitler, « Prof. E. Bleuler. Das autistische Denken » (compte rendu), Internationale Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse, 1, 1913, p. 177.
16. Bleuler 1911a, p. 37-38.
17. Freud 1896b.
18. Bleuler souligne à nouveau cette distinction dans son compte rendu de l’étude de Freud sur le cas Schreber (Bleuler, 1911-12, p. 347).
19. Bleuler 1906a. Dans ce texte, introduisant le chapitre sur les paranoïas, il en cite la définition de Kraepelin : « D’autre part, il existe sans aucun doute un autre groupe de cas où les représentations délirantes constituent, sinon le seul, du moins le symptôme morbide le plus aigu. Dans ces cas-là, un système délirant durable et inébranlable a coutume de se développer très lentement, tandis que sont parfaitement conservées la clarté et la cohérence de la pensée, de la volonté et de l’action » (p. 74).
20. Cf. Bleuler 1906a, p. 108. Il est remarquable que Bleuler évoque l’espoir que de plus amples recherches permettent de trouver « une chaîne d’expériences vécues prédisposantes de type freudien » (p. 120). Sur la question des causes chez Bleuler, Freud et Jung, voir B. Küchenhoff, « Bleuler, Freud and Jung on Dementia Praecox (Schizophrenia) in 1908 », Irish Journal of Lacanian Psychoanalysis, 40, 2009, p. 69-82.
21. Bleuler 1906-07.
22. Bleuler 1908a.
24. Cf. Freud 1911c, p. 319 sq.
25. Dans le cadre de cette polémique sur la désignation de la maladie, Otto Gross avait proposé l’expression : dementia sejunctiva. Il accusa Bleuler, avec son terme de « schizophrénie », de plagiat (cf. Küchenhoff, art. cité).
26. Freud 1911c.
27. Quelques années plus tard, Freud écrira dans « Pour introduire le narcissisme » que le détournement du monde extérieur, chez les patients atteints de dementia praecox, les rend insensibles à l’influence de la psychanalyse et anéantit tout effort pour les guérir (Freud 1914c, p. 82).
28. Jusqu’à aujourd’hui se pose la question des liens entre psychose et névrose obsessionnelle, dans la mesure où le symptôme d’allure obsessionnelle peut être une réaction de défense à des symptômes psychotiques.
29. Freud 1911a.
30. 32B.
31. Par ex. Bleuler 1910 ; 1913a.
32. Cf. Bleuler 1911-12, p. 346.
33. Freud 1911a, p. 315.
34. Bleuler 1911-12, p. 348.
35. Bleuler 1911a, p. 289.
36. Bleuler 1914a.
37. En acceptant cette invitation, Bleuler était conscient que ses collègues psychiatres rejetaient fermement les théories freudiennes. L’exemple le plus frappant de cette hostilité se trouve dans la circulaire que Hoche, qui interviendra également à Breslau, distribua à ses collègues dès le 1er janvier 1912. On peut y lire par exemple : « Il serait notamment très important pour moi de pouvoir me faire un jugement certain sur la nature et l’ampleur des dommages causés aux malades par les procédures psychanalytiques, et je vous prie cordialement de bien vouloir me communiquer, de la manière qui vous semblera adaptée, toute preuve factuelle en ce sens » (Internationale Zeitschrift für ärztliche Psychoanalyse, 1913, p. 199).
38. Bleuler 1913a, p. 704 sq.
39. Ibid., p. 706. Bleuler marque ici une nette différence avec la conception de Freud. Car celui-ci écrit que, contrairement à la dynamique de l’hystérie et de la névrose obsessionnelle, la libido des paraphréniques se retire du lien aux personnes et aux choses sans le remplacer par une formation fantasmatique. Là où l’on trouve des fantasmes, ils doivent être considérés comme secondaires et comme des tentatives de guérison (cf. Freud 1914c, p. 82).
40. Ibid., p. 709.
41. Freud 1914c, p. 82.
42. Freud 1916-17a, p. 311-328.
43. Cf. Bleuler 1906b, p. 257.
44. Bleuler 1910, p. 49.
46. Bleuler 1923b, p. 554 et p. 571.
47. Bleuler 1921a, p. 23 sq.
48. Bleuler 1923b, p. 570.
49. Jürgen Habermas évoque à ce propos une illusion scientiste de Freud (cf. Connaissance et intérêt [1968], Gallimard, 1976, p. 314 sq.).
50. Bleuler 1913b, p. 444.
51. Bleuler 1913b, p. 452.
52. Freud 1930a, p. 127.