L’épée et la couronne
Cagouille me conduit à travers l’île de la Cité. Nous sommes tellement heureux de nous retrouver que, pendant un moment, nous n’échangeons pas un mot. Le plaisir de marcher côte à côte nous suffit. De temps en temps, nos regards se croisent, et nous rions sans raison en nous lançant des « ce vieux Sasha… », « sacré Cagouille… ».
Les rues de Coronora sont fascinantes. Plus grandes, plus animées, plus colorées que celles de Deux-Brumes ! Elles sont aussi plus sales. Mais le pavement se fait plus propre en approchant du château.
– Tu te d’mandes comment que Sibylle a pu s’enzamourer de moille, pas vrai ?
– Ben, tu as des qualités, mais j’avoue que…
– J’ai ma théorite ! C’t à cause de son grand cœur. Quand elle m’a vu, loin de chez moi, a’c mon œil crevé, mes cheveux en pagaille, comme un chiot abandonné sous la pluie, ça a touchié son cœur. Faut dire que j’étais en piteux état en arrivant à Coronora. Voyager avec le père Crapoussin, c’est pas zactement une cure de santé.
– Elle tombe amoureuse de tous les vagabonds, donc.
– Tu veux mon pied au culte ? Je suis son premier z’amoureux ! Et pourtant, ça manque pas d’damoiseaux emplumés qui lui courent après. Mais tu voilles, moi j’la fais rigoler. C’t une fille intelligente, Sibylle. Elle préfère être heureuse avec un moche que d’s’emmerdier avec un bellâtre.
– M. Crapoussin avait raison. « C’est ouné fillé oun peu spéciale… »
– Barf ! Vous êtes tous jaloux.
Jaloux ? Un peu, c’est vrai. Mais, surtout, très heureux pour Cagouille.
Nous poursuivons notre chemin. Pour la énième fois, des passants reconnaissent Cagouille et rigolent en le saluant.
– Si tu me racontais ce qui t’a rendu populaire ? Et, surtout, si propre ?
– D’accord. Viende, j’connais une auberge, on sera bien pour discutailler.
Cagouille m’entraîne dans un endroit animé où l’on cuisine autour d’une vaste cheminée. Je prends un bol de cidre tandis qu’on lui sert une louche de pois au lard. D’un coup de cuillère, il pousse dans l’écuelle, creusée à même la table, une mouche imprudemment posée sur le bord.
– Toujours aussi gourmet. Beurk ! En plus, on vient de manger.
– Ça donne du goût, t’y connais rien. Mais dis pas ça à Sibylle !
– Que tu as des goûts répugnants ?
– Nan, que j’ai tué une mouche qui m’avait rien fait. Je me ferais houspiller pendant une heure. Brèfle, rev’nons à nos boutons. J’te raconte.
Cagouille commence son histoire tout en dévorant sa bouillie verdâtre. Je me décale un peu pour esquiver les projections.
– Quand on est z’arrivés à Coronora a’c Crapoussin, l’objectif c’était d’avertir la Reine que l’Archiduc veut lui faucher sa couronne. Et pis que le prince Viktar et ses Ratachiass sont d’la partie. Mais tu parles ! Pour deux saltimbranques, impossible d’approcher la Reine pour faire un brin d’causette.
– Évidemment. Toi, rencontrer la Reine ? Comment as-tu pu imaginer que ce soit possible ?
– Impossible ? Eh ben, tu t’fourres l’doigt dans l’œil jusqu’au gosier ! Je t’esplique : à la fin d’l’automne, le cirque Crapoussin a donné le spectac’ sur toutes les places à Coronora. On rapportait un succès fou ! Y avait chaque fois plus de monde aux représentations. Des vraies vedettes, qu’on était dev’nus ! Juré, mon Sashouille.
Je fais une moue incrédule. Mais la servante de l’auberge, une grande bonne femme avec des tresses enroulées de chaque côté du crâne, me regarde en hochant la tête pour confirmer ce que dit Cagouille. Avec étonnement, je me rends compte que les clients, comme cette femme, ont interrompu leurs activités pour écouter le récit de mon copain. Leurs faces bigarrées affichent des sourires amusés.
– Honnêtement, j’croille pas que c’est le spectac’ de Crapoussin qu’on viendait voir. C’est plutôt moille qui les faisais marrer comme des bas d’laine. Va-t’en savoir pourquoite !
L’auberge se remplit d’éclats de rire et Cagouille lève son œil au ciel. La clientèle trinque à la santé du comique et les conversations reprennent.
– Tu voilles ? Ça doit être mon accent d’Deux-Brumes.
– Ne fais pas le modeste. Moi aussi j’ai l’accent de chez nous. Et ça n’amuse personne. Continue ton histoire.
– Alorss, finalement on fut été z’invités à jouer le spectac’ au château. Devant la cour et la Reine en personne ! Mon vieux, un triomphe ! Si tant qu’ensuite on a reçu la permission de revenir les faire rigouler toutes les semaines. Voilà, mon Sashouille.
– M. Crapoussin a-t-il pu prévenir la Reine du complot de l’Archiduc ?
– Cet hiver, le nabot a eu audience a’c le Chancelier. Mais comme l’Archiduc est un cousin d’la Reine, son accusage sans preuve a presque envoyé Crapoussin au cachot.
– Flûte !
– Ouaille, mais, au printemps, quand les Ratakass et l’armée du cousin sont passés à l’attaque, la chansonnette a changé ! À la cour, y z’ont vite fait venir le père Crapoussin qui leur a tout espliqué de l’Archiduc et de Viktar. La Reine a trou d’suite compris que les Ratakass sont plus forts que son armée. C’est pourquoille elle a envoyé des embrassadeurs demander l’aide des frères du prince Viktar. Cause qu’ils lui ont déjà botté les fesses une fois, dans leur pays.
– Et M. Crapoussin servira d’interprète à Rivas’Tarak. Ça, je le savais.
Soudain, une grande clameur se fait entendre dans l’auberge, ponctuée d’éclats de rire. Deux énergumènes viennent d’entrer, chargés d’une énorme bassine qui éclabousse tout autour quand ils la posent sur une table. C’est l’hilarité générale. L’un d’eux, bien enivré, braille en gesticulant :
– Purin de merdre, messire Cagouille ! Ton triomphe à la cour, tu ne le racontes pas à ton copain ?
Cagouille se fâche :
– Oh, eh, oh ! De quoi que j’me merle ? C’est des détails que ça l’intéresse pas.
– Tu parles d’un détail. Toute la ville en rigole encore !
L’individu se bouche le nez, tire la langue en faisant un son de trompette. Cagouille se lève et le rejoint, proférant à son égard des noms colorés qu’il a dû apprendre durant son voyage. L’ivrogne tente de faire tomber mon copain dans la bassine, mais Cagouille, toujours plus vif qu’on l’imagine, esquive le geste habilement. Dans son élan, celui qui voulait le mettre dans l’eau perd l’équilibre et plonge lui-même la tête la première. Tout le monde rigole, sauf la servante qui arrive avec sa serpillière. Je l’intercepte :
– Je ne comprends rien à cette histoire de bassine.
Elle jette la serpillière au poivrot. Il s’essuie la tête, dessoûlé, et commence à éponger le sol en râlant.
– Votre copain Cagouille, quand il a fait son spectacle à la cour avec le nain Crapoussin, il sentait tellement mauvais que tous les nobles tordaient le nez. D’après ce qu’on raconte, les gardes allaient le jeter dehors tellement il était puant. Mais la Reine, qui est bonne et ne manque pas d’humour, a demandé qu’on amène une grande baignoire. Et voilà-t-y pas que, devant tout le monde, les nobles, le Chancelier, le Connétable et Sa Majesté, on a donné à Cagouille le premier bain de toute sa vie ! Paraît que l’on n’avait jamais tant ri au château.
Cagouille nous rejoint et précise :
– Menterie ! Pas le premier bain, j’en avais déjà pris quelques-uns à Deux-Brumes. Par accident… Pour le savon, là, d’accord, y avait nouveauté.
– La Reine a ensuite fait passer un décret obligeant Cagouille à se laver tous les dimanches. Et nous autres, la population, on est chargés de rapporter aux autorités s’il sentait à nouveau mauvais.
– Purin de merdre, quelle justice ! J’ose plus péter de peur qu’on m’envoye aux oubliettes !
– Messire Cagouille, de quoi vous plaignez-vous ? Contre ce petit effort, les portes de la cour vous sont ouvertes.
J’en reste bouche bée ! Cagouille, à la cour ?
– Cagouille, c’est vrai ? Tu es admis devant la Reine ?
– Ben ouaille, pass’que je les fais rigouler, on me laisse entrer. Enfin, des fois. Et pis, j’t’ai dit que j’avais mes appartements au château, t’as oublié ? Allez, viende, on y va.
Le château est au cœur de l’île, exactement au centre de Coronora. J’y entre sans difficulté, parce que les gardes me voient en compagnie de Cagouille. Mon copain évolue comme chez lui autour du palais planté de mille tourelles, aux grands murs garnis de vitraux et de sculptures, avec son donjon majestueux flanqué de bâtiments élevés. L’espace extérieur grouille de vie. Toutes sortes d’uniformes et de livrées1 multicolores donnent un air de fête à l’animation qui nous entoure.
Nous approchons des écuries. Elles sont divisées en deux parties. L’une pour les chevaux de guerre, l’autre pour les montures ordinaires. La roulotte du cirque Crapoussin est installée à l’extrémité du bâtiment, près des meules de foin. Cagouille m’y fait entrer et m’indique une paillasse au milieu d’accessoires de spectacle.
– Voilà ton lit, monseigneur !
– C’est ça, tes appartements au château ?
– Tu voulais quoille, un lit d’camp dans la chambre de la Reine ? Installe-toi. J’vais allumer le poêle.
– Mais il fait chaud comme tout !
– T’occupe. C’est pour l’signal.
Il enflamme une bûche sur laquelle il vide un sachet d’étrange poudre scintillante. L’odeur est infecte, nous sortons précipitamment.
– Tu cherches à nous asphyxier ?
– C’est qu’un dessacrement provisoire. Regarde comme c’est beau.
La fumée sortant du tuyau de poêle est panachée de mauve, de vert, de jaune et de bleu. Elle monte en crépitant, répandant autour d’elle des étincelles brillantes comme de petits diamants.
– C’t une poudre pétendurment magique à Crapoussin. Ça lui sert dans ses tours. Mais là…
Cagouille baisse la voix et s’approche de mon oreille pour chuchoter :
– … là, c’est un signal qui veut dire que Chat Noir est arrivé à Coronora.
– Pour qui, ce signal ?
– Pas l’droit d’le dire. Tu verras bien. Maintenant, s’agit de trouver la réponse. Ézamine bien les fenêtres du château.
Le mini-feu d’artifice ne passe pas inaperçu. Les gens s’extasient, les gardes s’inquiètent, mais très vite la fumée devient grise et tout rentre dans l’ordre. La réponse que nous cherchons ne tarde pas à apparaître. Vers le sommet du donjon, l’une des plus hautes fenêtres s’ouvre et des mains inconnues y suspendent une tapisserie. Elle représente un chat.
– C’est làille !
– Eh bien, quoi ?
– Ton rendez-vous sera à cette fenêtre. À la tombée d’la nuit.
*
J’ai passé l’après-midi dans la roulotte, à tenter de réparer mon bâillon-autorité. L’assemblage des disques métalliques et des ressorts qu’il contient est d’une complexité extrême. Après avoir détordu les pièces tant bien que mal, j’ai remonté le tout. Je peux enfin le fixer sur ma bouche pour tester le résultat.
– CAGOUILLE ! J’AI RÉPARÉ LE BÂILLON.
Mon copain est plié de rire. Le résultat n’a rien à voir avec ce que ma sœur avait conçu.
– C’est p’us un bâillon-autorité, c’est un bâillon-voix-d’canard !
– PEU IMPORTE. L’ESSENTIEL, C’EST QU’ON NE ME RECONNAISSE PAS.
– Ouaille, ben ouvre pas trop ton bec. T’es censé faire peur, pas faire rire.
Revêtu de ma tenue de Chat Noir, je quitte la roulotte sans me faire voir. Le sommet du donjon se perd dans le ciel nocturne. Une lanterne a été posée sur le rebord de la fenêtre où l’on m’attend. Sans mal, je me dissimule dans les ombres du château, puis grimpe sur un toit d’où je rejoins une tourelle un peu plus haut, pour m’élancer contre le mur que je dois escalader.
L’ascension est aisée. Mes griffes se plantent sans peine et les escales, gargouilles, gouttières, rebords et corniches, sont nombreuses. À chaque étage que je franchis, des fenêtres laissent entrevoir la vie du soir dans la demeure royale. Mais je ne m’attarde pas. Un sentiment de pudeur m’interdit d’espionner, sans raison, l’univers intime de la Reine.
Enfin, j’atteins la fenêtre où pend la tenture brodée d’un chat. Vues de cette hauteur, les rues et les maisons de Coronora se découpent en pointillés de lumière, dessinés par la lueur des fenêtres et des torches. La rumeur de la ville qui s’assoupit me parvient, dominée par le bruit d’un chariot sur le pavé. Il s’y mêle une douce musique provenant de l’intérieur du château. J’imagine, à cette heure, des nobles attablés sous les chandeliers, soupant au son du chant des ménestrels.
– Entrez, Chat Noir. Pas de geste imprudent, ou vous ne sortirez pas vivant d’ici.
– ACCUEIL FORT PEU COURTOIS ! QUI ÊTES-VOUS ?
La pièce où j’atterris est dans l’obscurité. Seul un cierge trace un rond de lumière qui n’éclaire que ma silhouette. Soudain, un homme m’y rejoint et se campe devant moi. Je fais surgir mes griffes, prêt à bondir, prêt à me battre.
Sa taille est haute, sa carrure large. Son beau visage plein de noblesse est encadré de boucles blondes. Il me rappelle les anges gardiens tels qu’on les sculpte dans les églises. Son pourpoint blanc, brodé de fleurs vermillon, recouvre une cuirasse qui le protège jusqu’aux hanches. La pointe de son long bouclier est posée sur le plancher, devant ses chausses rouges. Il brandit une épée rutilante entre nous deux.
Ça n’est pas cet homme qui a parlé. Car la voix légèrement chevrotante qui se fait entendre à nouveau provient de derrière lui.
– Chat Noir, vous faites face au Connétable, maréchal des armées de la Reine. Chef de guerre du royaume. C’est beaucoup d’honneur pour une vermine ! Rangez vos griffes, ou vous aurez l’honneur encore plus grand qu’il vous pourfende.
Je rétracte mes griffes, calculant mes chances de pouvoir sauter par la fenêtre avant d’être coupé en deux. Puis je me dis qu’on n’a pas dû m’appeler ici juste pour me tuer.
Mon interlocuteur entre à son tour dans la lumière. C’est un homme d’âge mur. Il porte une houppelande pourpre, au col fourré et aux manches immenses, ainsi qu’un couvre-chef assorti qui rappelle un turban. Sa bague et son médaillon révèlent que j’ai affaire à un haut dignitaire. Il s’appuie sur un bâton ouvragé et me toise, puis dit au Connétable :
– Il ne m’a pas l’air bien dangereux.
– Dernières paroles que l’on pourrait graver sur nombre de pierres tombales.
Puis il s’adresse à nouveau à moi, sur le ton vexant de quelqu’un qui vous croit plus bête que lui.
– Je suis le Chancelier royal. La plus haute autorité du royaume après la Reine. Je serai bref, écoutez bien. Nous avons besoin de vous. Un espion au service de nos ennemis sévit à Coronora. Un individu capable d’échapper à tous nos gardes, à toutes nos protections. On l’a surnommé le fantôme ! Il vole de toit en toit, armé d’une grande perche.
– JE SAIS DE QUI VOUS PARLEZ. SON BÂTON ET MA MÂCHOIRE ONT DÉJÀ FAIT CONNAISSANCE.
– Vous ne pouvez ignorer que le cousin de la Reine s’est lancé à la conquête du royaume. Son but ultime est de prendre Coronora. L’espion fantôme travaille pour ce félon ! Il dérobe à notre nez, à notre barbe, de précieux documents décrivant nos forces et nos défenses. Grâce à cet individu, l’Archiduc de Motte-Brouillasse connaîtra tous les points faibles de Coronora. Il faut arrêter cet espion !
– CAPTURER VOTRE FANTÔME ? C’EST CE QUE VOUS ATTENDEZ DE MOI ?
– Exactement ! Neutralisez l’espion fantôme. Mort ou vif. La récompense sera énorme. Cinq cents ducats d’or pour vous, Chat Noir ! Vous acceptez ?
– JE NE SUIS PAS UN ASSASSIN. ET VOTRE OR NE M’INTÉRESSE PAS.
Le chancelier en reste bouche bée. Il n’avait pas prévu de se voir refuser une somme pareille. Je le regarde tricoter des sourcils tandis qu’il cherche quelle autre proposition me faire. Finalement, il abandonne en soupirant.
– Eh bien, bandit, faites votre offre. Que souhaitez-vous contre la capture du fantôme ?
– CE QUE JE SOUHAITE ? DÉFENDRE LE TRÔNE DE NOTRE REINE BIEN-AIMÉE. RENDRE LA PAIX AU ROYAUME. QUE NOS ENNEMIS SE BRISENT CONTRE LES MURS DE CORONORA ! ET VOIR NOTRE SOUVERAINE ÉCRASER LES SERPENTS QUI MENACENT SON RÈGNE !
– Vive la Reine !
– Vive la Reine !
Le Chancelier et le Connétable se sont exclamés comme par réflexe. Puis ils se regardent, médusés. Les voici bien surpris par mes paroles d’allégeance. C’est qu’ils me prenaient pour un malandrin ! Ils ignorent que, depuis longtemps, Chat Noir lutte dans l’ombre contre l’Archiduc et le prince Viktar.
Au fond de la pièce, où l’obscurité est totale, un rire cristallin se fait entendre. Une voix de femme s’élève, mélodieuse et ferme :
– Connétable, allumez les chandeliers. Chancelier, faites approcher ce damoiseau.
– Majesté ! C’est d’une imprudence !
– Allons.
La lumière se répand dans la pièce. C’est un grand cabinet de travail, aux murs recouverts de tentures et d’étagères chargées de livres. Les meubles luxueux, de bois sombre travaillé, sont décorés à la feuille d’or. Un lourd tapis conduit jusqu’à une petite estrade. Elle porte un trône sans fioritures, où siège une femme vêtue de blanc et d’or. Sa grande taille est accentuée par son long cou et la haute coiffure qui prolonge sa tête au port royal. Au sommet de cette impressionnante femme scintille une couronne aux pointes en forme de cœur.
Je mets un genou à terre, tremblant d’émotion. Ma nervosité fait surgir les griffes de mes doigts et le connétable dégaine son épée. La Reine lui fait signe de rester calme.
– Eh bien, voici peut-être le plus étrange de mes sujets. Ma filleule avait raison, on doit pouvoir vous faire confiance.
– VOTRE MAJESTÉ, QUI EST CETTE FILLEULE ?
– Sibylle Boisjoly, la fille de mon fauconnier. Vous avez, je pense, tous deux un ami en commun.
La Reine se lève, me fixant du regard, un peu amusée. Puis, d’un geste de la main, elle me congédie d’un simple « Allez ! ». Je me redresse et saute par la fenêtre, me jetant vers une toiture éloignée dans un plongeon acrobatique. En disparaissant dans la nuit, j’ai l’impression d’être un chien de chasse qu’on lance sur la piste d’une proie trop forte pour lui.
1. Uniforme des domestiques et employés.