D'Edgar Poe
              

Famille maudite1

      L'Eau, pure comme le sel des larmes d'enfance

      Ou l'assaut du soleil par les blancheurs des femmes,

      Ou la soie, – en foule et de lys pur ! – des oriflammes,

   4  Sous les murs dont quelque Pucelle eut la défense,

 

      Ou l'ébat des anges, – le courant d'or en marche,

      L'Eau meut ses bras lourds, noirs, – et frais surtout, – d'herbe. Elle,

      L'Eau sombre, avant la nuit pour ciel-de-lit, appelle

   8  Pour rideaux l'ombre de la colline et de l'arche.

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      Eh ! l'antique matin tend ses réseaux limpides.

      L'air meuble d'or pâle et sans fond les couches prêtes.

      Les robes, – vertes et déteintes, – des fillettes

  12  Font les saules d'où sautent les oiseaux sans brides.

 

      Plus jaune qu'un louis, chaude et grasse paupière,

      Le souci-d'eau, ta foi conjugale, ô l'Épouse,

      De son terne miroir immobile, jalouse

  16  Au ciel gris de chaleur la Sphère rose et claire !

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      Madame se tient trop debout dans la prairie

      Prochaine où neigent les fils du travail ; l'ombrelle

      Aux doigts, foulant l'ombelle ; trop fière pour elle

  20  Des Enfants lisant dans la verdure fleurie

 

      Leur livre de maroquin rouge – Ah ! lui ! comme

      Mille Anges blancs qui se quittent au haut des routes,

      Disparaît par delà la montagne ! Elle, toute

  24  Folle, et noire, court, après le départ de l'homme !

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      Qu'elle pleure à présent sous les remparts ! l'haleine

      Des peupliers d'en haut est pour la seule brise.

      La voilà nappe, sans reflets, sans source, grise.

  28  Un Vieux, dragueur, dans sa barque immobile, peine.

 

      Regret des bras épais et jeunes d'herbe pure !

      Or des lunes d'avril au cœur du saint lit ! joie

      Des chantiers riverains à l'abandon, en proie

  32  Aux soirs d'août – qui faisaient germer ces pourritures !

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      – Jouet de cet œ[il] d'eau morne, je n'y puis prendre

      – Ma barque immobile ! et mes bras trop courts ! – ni l'une

      Ni l'autre fleur ; ni la jaune qui m'importune,

  36  Là, ni la bleue, – amie à l'eau couleur de cendre.

 

      Ô la poudre des saules qu'une aile secoue !

      Les roses des roseaux dès longtemps dévorées !

      Mon canot, toujours fixe, et sa chaîne tirée

  40  Au fond de cet œil d'eau sans borne – à quelle boue !

R.