Jeune ménage1
La chambre est ouverte au ciel bleu-turquin2 ;
Pas de place : des coffrets et des huches !
Dehors le mur est plein d'aristoloches3
4 Où vibrent les gencives des lutins.
Que ce sont bien intrigues de génies
Cette dépense et ces désordres vains !
C'est la fée africaine qui fournit
8 La mûre, et les résilles dans les coins4.
Plusieurs entrent, marraines mécontentes,
En pans de lumière dans les buffets,
Puis y restent ! le ménage s'absente
12 Peu sérieusement, et rien ne se fait.
Le marié a le vent qui le floue5
Pendant son absence, ici, tout le temps.
Même des esprits des eaux, malfaisants6
16 Entrent vaguer aux sphères de l'alcôve.
La nuit, l'amie oh ! la lune de miel
Cueillera leur sourire et remplira
De mille bandeaux de cuivre le ciel.
20 Puis ils auront affaire au malin rat.
– S'il n'arrive pas un feu follet blême,
Comme un coup de fusil, après des vêpres.
– Ô Spectres saints et blancs de Bethléem7,
24 Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre !
A. Rimbaud
27 juin 72