Vincent Henry et Christelle Vernhet
100 IDÉES
pour accompagner les émotions
des enfants et des adolescents
Illustrations de
Cléo Germain et Raphaël Chabassol
La version numérique de cet ouvrage a été réalisée par Lucille Pachot.
ISBN : 978-2-35345-247-7
© Alta communication, 2021
Éditions Tom Pousse
33, boulevard Arago
75013 Paris
SOMMAIRE
Présentation de la structure de l’ouvrage
IDÉE 1 Connaître (et reconnaître) les émotions : pour les parents
IDÉE 2 Connaître (et reconnaître) les émotions : pour les enfants
IDÉE 3 Les émotions, à quoi ça sert ?
IDÉE 4 Deux émotions face à une même situation
IDÉE 5 Les trois composantes des émotions
IDÉE 6 Universalité des émotions et empathie
IDÉE 7 Le développement des émotions
IDÉE 8 Ce que nous disent les neurosciences sur les émotions des enfants
IDÉE 10 Quand, qui et où consulter ?
IDÉE 11 Colère normale
IDÉE 12 Colère anormale
IDÉE 13 La colère : expression d’une émotion
IDÉE 14 La colère : un mode de communication
IDÉE 15 Les signes physiques de la colère
IDÉE 17 Le cercle vicieux de la colère
IDÉE 19 Stress, peur et anxiété
IDÉE 20 Peur normale
IDÉE 21 Peur anormale
IDÉE 22 Peur normale ou anormale : pour les enfants
IDÉE 24 Les signes physiques de la peur
IDÉE 25 L’habituation
IDÉE 26 Le cercle vicieux de la peur
IDÉE 27 Le parent comme base de sécurité
CHAPITRE 4
Identifier et exprimer ses émotions
IDÉE 29 Expression des émotions
IDÉE 30 Réification des émotions
IDÉE 32 Remarques positives et remarques négatives
IDÉE 33 Le thermomètre émotionnel
IDÉE 34 L’injustice
IDÉE 36 Formuler un refus
CHAPITRE 5
Ces solutions qui n’en sont pas
IDÉE 39 Quel est votre objectif ?
IDÉE 40 Les punitions
IDÉE 41 Attendre le déclic de l’enfant
IDÉE 42 Vouloir absolument qu’il « comprenne »
IDÉE 43 Culpabiliser
IDÉE 44 Piéger l’enfant pour voir si l’on peut lui faire confiance
IDÉE 45 Céder face à une crise
IDÉE 46 Se laisser entraîner dans un cercle vicieux
IDÉE 47 Rassurer, mais pas trop
CHAPITRE 6
Profiter des bons moments et les décupler
IDÉE 48 Les qualités de votre enfant
IDÉE 49 Des petites remarques et des petits gestes positifs
IDÉE 50 Comportements négatifs et positifs des enfants / Réactions des parents
IDÉE 51 Le renforcement positif
IDÉE 52 Tableau de récompenses
IDÉE 53 Moment spécial
CHAPITRE 7
Anticiper les situations difficiles
IDÉE 54 Que veut dire anticiper ?
IDÉE 55 Analyser les situations récurrentes
IDÉE 56 L’anticipation à chaque instant
IDÉE 57 Modifier la situation qui entraîne les crises de peur ou de colère
CHAPITRE 8
Diminuer les facteurs favorisant les débordements émotionnels
IDÉE 60 Les particularités sensorielles
IDÉE 61 Les écrans
IDÉE 62 Besoin de repères
IDÉE 63 Les comportements inacceptables
IDÉE 64 Se laisser du temps si vous n’êtes pas sûr
IDÉE 65 Réparation
CHAPITRE 10
Organiser le temps et l’espace
IDÉE 67 Rangement de la chambre
IDÉE 68 Gérer le temps
IDÉE 69 Routines du matin et du soir
IDÉE 70 Emploi du temps
CHAPITRE 11
Éviter la crise quand elle arrive
IDÉE 71 Proposer une alternative
IDÉE 72 Le mot magique ou mot rigolo
IDÉE 73 Se défouler
IDÉE 75 S’isoler : techniques pour les parents
IDÉE 76 S’isoler : techniques pour les enfants
IDÉE 77 L’extinction : ne réagissez pas à chaud !
IDÉE 78 Gérer ses propres émotions et prendre soin de soi
CHAPITRE 12
C’est la crise !!! Que faire ?
IDÉE 79 Que faire pendant une crise ?
IDÉE 80 Protéger
IDÉE 81 Gérer la crise dans les lieux publics
CHAPITRE 13
Résoudre les conflits
IDÉE 82 Les conflits
IDÉE 83 Chercher des solutions ensemble
IDÉE 84 Médiatiser les conflits dans la fratrie
CHAPITRE 14
Pour qu’une petite peur ne se transforme pas en grande angoisse
IDÉE 86 Stopper les pensées automatiques négatives
IDÉE 87 L’exposition
IDÉE 88 Défocalisation
IDÉE 92 Le traumatisme
CHAPITRE 15
Prendre soin de soi : techniques de relaxation, de méditation et d’autohypnose
IDÉE 93 Prendre soin de soi régulièrement et en dehors des crises
IDÉE 94 Technique de relaxation 1 : respirer
IDÉE 95 Technique de relaxation 2 : contracter/décontracter
IDÉE 96 Technique de relaxation 3 : histoires à suivre
IDÉE 97 Mindfulness
IDÉE 100 Autohypnose : votre enfant pratique déjà l’autohypnose sans le savoir
IDÉE 101 Autohypnose : safe place
IDÉE 102 Autohypnose : se protéger avec un bouclier ou une armure
IDÉE 103 Autohypnose : le bouton-stop
IDÉE 104 Autohypnose : trouver une image pour pouvoir agir dessus
CHAPITRE 16
On s’entraîne un peu
IDÉE 105 Il ne veut pas lâcher sa console, je vais m’énerver !
IDÉE 106 Il n’a toujours pas rangé sa chambre !
IDÉE 107 Tous les soirs, il me dit qu’il a peur du noir et il veut que je reste avec lui…
IDÉE 108 Il s’énerve pour un rien !
IDÉE 109 Son frère se moque de lui car il a peur des insectes !
Préface
La régulation de ses émotions est une tâche développementale à laquelle chaque enfant va devoir se confronter. Les effets de cette régulation, en fonction des moyens que l’enfant peut déployer pour la moduler va avoir des impacts sur son environnement, que ce soit chez les plus proches témoins, en général les parents, ou dans un cadre scolaire, avec les pairs et les enseignants. La question que traitent les deux auteurs est de savoir si le contexte peut soutenir l’enfant à mieux gérer, ou au contraire s’il peut être un facteur d’aggravation, ou enfin s’il existe des interventions, des techniques, des attitudes qui peuvent aider à ce qu’une explosion de colère, un chagrin inconsolable, une peur envahissante ne tournent pas au cauchemar et si l’on peut aider l’enfant à reprendre « ses esprits ».
Ce petit livre pose donc une question fondamentale, celle des rapports entre « cognition » et « émotion ». On commence aujourd’hui à comprendre qu’il s’agit d’un même processus dans lequel l’émotion prépare et déblaie le terrain pour que l’activité cognitive puisse s’exercer efficacement, et inversement dans lequel la cognition module et tempère le volcan émotionnel quand celui-ci vient à se déchaîner. Ce qu’on nomme « régulation émotionnelle » relève donc d’un aller et retour incessant entre des activités cérébrales de « haut niveau », gérées par le cortex, et des activités sous-corticalisées gérées par l’hypothalamus, le télencéphale basal et le tronc cérébral. Les réseaux neuronaux qui sont mobilisés dans cette activité de régulation, comme dans tout autre domaine fonctionnel, vont se développer et se complexifier avec l’avancée en âge vers une meilleure stabilisation. Mais ils peuvent aussi dysfonctionner et évoluer vers un fonctionnement pathologique comme ceux que l’on rencontre dans les troubles de l’humeur, les troubles anxieux ou encore les troubles de l’attention.
Trop souvent, les émotions ont été présentées comme un « empêcheur de tourner en rond », un frein à la raison, un désorganisateur de l’action, bref trop souvent décrites dans ses formulations les plus négatives.
Mais faut-il rappeler que l’émotion est d’abord une réaction de l’organisme à l’environnement pour assurer sa survie ? Que c’est un ensemble de signaux publiquement observables, exécuté de manière non consciente, qui vise aussi à alerter les partenaires ? Qu’elle ne nécessite pas la conscience, elle est source de la conscience (je bondis à la vue d’un scorpion avant d’en avoir pris conscience) ? Le déclenchement non conscient des émotions explique pourquoi il est difficile de les simuler volontairement et facile d’en déceler le caractère factice. L’émotion est donc utile, car elle permet de gérer les premiers instants de l’alerte et permet de stocker plus facilement et plus durablement l’information en mémoire à long terme et de se rappeler plus facilement les faits nouveaux.
Mais l’émotion m’apporte aussi la connaissance. Toute exploration sensorielle et manipulation d’objets est accompagnée et guidée par l’émotion : c’est elle qui va déclencher l’action qui durera le temps de l’émotion. Elle fait donc partie intégrante des procédures de raisonnement et de prise de décision : l’émotion est la source de l’action en permettant de l’anticiper. Elle va laisser des traces, laisser des marques, elle est source de mémoire dont le corps entier est le support.
Et puis enfin, l’émotion se partage. L’émotion est un support à la communication, rapide et efficace : une émotion dans la voix, dans les yeux, dans la posture est une source d’information instantanée qui maintient l’interaction, permet de s’attentionner sur le même thème et de coopérer.
Apprendre à réguler ses émotions, que ce soit pour échapper à leur prépotence ou pour mieux maîtriser leur expression, que ce soit avec l’aide d’un partenaire ou en trouvant en soi les sources du contrôle, c’est apprendre à voir les choses autrement et à changer de point de vue. Bref, mieux gérer ses émotions, c’est s’élever, c’est se développer.
Le petit livre de Christelle Vernhet et de Vincent Henry rend un bel hommage au rôle et à la place des émotions dans le développement de l’enfant. L’aide à leur gestion, qu’elle relève d’une tâche développementale et/ou d’une tâche éducative, telle qu’elle est proposée, devrait permettre d’éviter pas mal de « crises de nerfs ». Et que vivent les émotions !
René Pry
Professeur émérite de Psychologie
Montpellier, février 2021
Introduction
Introduction générale
Ce livre se veut une sorte de petit guide pratique des émotions chez l’enfant. Comme les autres ouvrages de cette collection, l’accent a été mis sur des solutions concrètes et simples, applicables en l’état. Le titre renvoie aux émotions au sens large ; nous avons pris le parti de nous concentrer sur deux émotions en particulier : la colère et la peur. D’après notre expérience, ces deux émotions sont les plus difficiles à gérer pour les enfants et leurs parents. Attention : il n’existe pas de solution miracle… et nous savons que ces idées « simples » ne sont pas toujours si faciles à mettre en place… En tant que psychologue et psychiatre du développement, nous savons aussi qu’elles ont pu aider de nombreuses familles.
Être parents, ce n’est pas simple ! C’est normal de ne pas réussir, d’avancer, d’échouer, de recommencer… De plus, même si nous sommes « spécialistes » de l’enfance en général, les vrais et seuls spécialistes de vos enfants, c’est vous, parents ! Personne ne connaît mieux les enfants que leurs propres parents. Ces 100 idées ne sont pas des solutions en soi, mais plutôt des pistes, des principes, sur lesquels vous pouvez vous appuyer pour tenter de modifier positivement la gestion des émotions au quotidien.
Présentation de la structure de l’ouvrage
L’ouvrage se divise en plusieurs parties.
Les trois premiers chapitres sont des parties théoriques qui synthétisent les théories générales et les grands principes sur les émotions. Il est important de bien comprendre ce que sont les émotions, comment elles se développent, comment elles s’activent et s’inhibent et les mécanismes qu’elles mettent en jeu.
Peut-être cherchez-vous des solutions concrètes à mettre en place rapidement pour que les choses aillent mieux ? Dans ce cas, allez directement aux chapitres « pratiques » qui suivent. Vous pourrez revenir ensuite à ces parties plus théoriques, qui restent très importantes pour réussir à mieux comprendre les émotions et les modifier de manière durable.
En effet, après les trois premiers chapitres théoriques, nous vous proposons des techniques concrètes à mettre en place dans différentes situations. Chaque fois, nous vous présentons la technique concrète, sa raison d’être (pourquoi cela peut fonctionner) et ensuite un ou plusieurs exemples d’application.
Enfin, la dernière partie est une sorte d’entraînement. Nous vous présentons des situations de la vie de tous les jours où il peut y avoir une émotion trop forte (peut-être que vous aurez déjà vraiment vécu l’une d’elles !) et nous vous proposons de réfléchir ensemble aux outils qui pourraient être mis en place, à leurs chances de réussite ou à leurs limites.
CHAPITRE 1
Les émotions
IDÉE
1
Connaître (et reconnaître) les émotions : pour les parents
Pour mieux gérer les émotions, encore faut-il bien les connaître. On a souvent l’impression que les émotions sont incontrôlables, qu’on les subit et qu’on ne peut rien faire pour les gérer. Vous allez apprendre dans ce livre que c’est faux. Il est vrai que les émotions ne sont pas « rationnelles » ni « objectives »… Mais cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas mieux les percevoir et les modifier.
En apprenant comment les émotions fonctionnent (les mécanismes émotionnels, les structures cérébrales mises en jeu, les processus physiologiques, etc.), vous arriverez à mieux vous représenter ce que sont les émotions et à mettre en pratique des techniques de changement pour vous et pour votre enfant.
On pourrait donc résumer les choses de la manière suivante :
mieux connaître les processus émotionnels ;
mieux repérer ses propres émotions ;
mieux repérer les émotions de son enfant ;
mieux gérer nos émotions et celles de nos enfants.
Les enfants prennent souvent l’image d’un animal comme un tigre ou un lion pour illustrer leur colère. Cette métaphore n’est pas si anodine, car il y a beaucoup de points de ressemblance : on peut être effrayé par un lion et se dire qu’il vaut mieux l’éviter et le fuir… Seulement, s’il est tout le temps avec vous (on ne se défait pas des émotions comme cela), alors il vaut mieux essayer d’apprendre à le connaître. On ne soupçonne pas tout ce qu’un dresseur professionnel peut réussir à faire faire à ces animaux qui semblaient indomptables…
Nous allons vous aider à devenir un spécialiste des grands fauves !
Comme premier petit exercice, nous vous proposons de lister au moins 15 émotions différentes :
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IDÉE
2
Connaître (et reconnaître) les émotions : pour les enfants
Tes parents ont acheté un livre sur les émotions, pour mieux les comprendre et essayer de mieux les réguler à la maison. Et toi, connais-tu les émotions ? Voici un petit jeu assez simple pour t’entraîner :
Relie les différents visages qui expriment des émotions aux noms des émotions qui leur correspondent !
IDÉE
3
Les émotions, à quoi ça sert ?
Imaginez :
Vous réussissez un concours, mais vous ne ressentez ni n’exprimez aucune joie, aucune fierté…
Votre sœur vient vous voir en pleurs, mais vous n’exprimez aucune empathie, aucune tristesse pour elle…
Votre voisin vous vole une énième fois le journal dans votre boîte aux lettres, mais comme toujours vous ne ressentez aucune colère, vous ne réagissez pas…
Une voiture vous fonce dessus dans la rue et ne semble pas décidée à freiner… Vous ne ressentez aucune peur et vous ne bougez pas…
Enfin, vous imaginez un rendez-vous galant sans émotion ?
…
Vous constatez, au travers de ces exemples, ô combien les émotions sont essentielles au quotidien. Prenons un petit temps pour évoquer le rôle des émotions principales que sont la joie, la tristesse, la colère et la peur.
– La joie est une émotion positive et communicative : on a tendance à sourire et se rapprocher des personnes qui semblent heureuses (sauf si l’on est jaloux !). Si l’on est heureux, c’est que quelque chose de positif vient de se passer ou va se produire. C’est une émotion ressentie lorsque l’on réussit quelque chose ou lorsque l’un de nos besoins est satisfait. Elle permet de nous donner de l’énergie pour poursuivre nos objectifs et nos actions. Le fait que les gens se rapprochent de nous en nous voyant heureux leur permettra peut-être de participer eux aussi à cette situation positive.
– La tristesse est une émotion qui stimule l’empathie des gens autour de vous : on va avoir tendance à se rapprocher, à être empathique et à proposer notre aide à un adulte ou un enfant tristes. Ainsi, quand vous vivez une situation difficile, la tristesse que vous exprimez va vous aider à être soutenu. Si vous n’exprimez aucune tristesse, vos proches risquent de ne pas voir que vous allez mal et ne vous proposeront sûrement pas leur aide. De plus, la tristesse entraîne un ralentissement de notre métabolisme, ce qui permet de nous centrer sur nous-mêmes, sur l’événement qui nous rend tristes et d’y faire face.
– La colère permet (à bonne dose…) de ne pas se laisser faire et de régler certains problèmes. Lorsque l’on se met en colère, on exprime que nous désapprouvons ce qui vient de se produire. Lorsque votre enfant casse un vase alors que vous veniez de lui dire de faire attention, votre colère vous permet d’exprimer votre pensée avec encore plus de « force », et votre souhait que cela ne se reproduise pas. La colère permet aussi de défendre nos intérêts. Quelqu’un qui ne se met vraiment jamais en colère risque d’accepter bien des choses qui lui nuisent… sans oser se plaindre, ou en le faisant d’une manière très passive.
– La peur est l’émotion dont le rôle est le plus simple à comprendre : elle nous protège. Imaginons une souris qui n’a pas peur d’un chat… Elle risque de ne pas vivre bien longtemps… La peur que vous ou votre enfant ressentez a pour but de vous faire éviter les situations dangereuses, et de modifier vos décisions pour que celles-ci soient les plus sûres possibles !
IDÉE
4
Deux émotions face à une même situation
Nous pensons parfois que face à une situation, nous ne ressentons qu’une seule émotion : de la joie quand un enfant reçoit un cadeau, de la tristesse quand son frère ou sa sœur ne veut pas jouer avec lui… Pourtant, la réalité des émotions est souvent bien plus complexe et cela peut être à l’origine d’incompréhensions et de conflits.
Il est possible, face à un événement donné, de ressentir deux émotions à la fois . Par exemple , lorsqu’un enfant est invité pour la première fois chez un copain pour dormir, l’émotion principale – et celle anticipée par les parents – est la joie. Toutefois, l’enfant peut aussi ressentir de l’appréhension, de la peur, etc. Alors, au moment de partir chez son copain, s’il refuse de faire quelque chose ou s’énerve sur un sujet anodin, les parents peuvent se sentir désemparés et interpréter, à tort, cela comme de l’opposition, alors qu’en réalité c’est peut-être lié à son appréhension. Questionnons-nous sur ce qu’expriment nos enfants à travers leurs comportements, tentons de regarder les événements sous un angle différent, nous serons alors surpris de réaliser que nos interprétations ne sont pas toujours justes. Ceci peut également s’appliquer aux adultes. Par exemple , alors qu’un enfant vient de lancer sur la route son ballon et traverse sans regarder pour le rattraper, son père l’attrape fermement par le bras en criant contre lui. Ce père est-il en colère, comme le laisse penser son comportement, ou a-t-il surtout eu peur ? Soyons attentifs à nos propres émotions et restons vigilants sur la façon dont nous les exprimons à nos enfants.
De même, il peut être complexe pour un enfant – voire impossible en fonction de son âge – de comprendre que, dans une même situation vécue par deux personnes, l’émotion ressentie peut être différente pour chacun des sujets . Prenons l’exemple d’un but marqué lors d’un match de foot. L’enfant qui marque le but est content, mais le gardien est déçu. Autre exemple : un enfant reçoit son copain chez lui. En entrant dans le jardin, le chien du petit garçon saute sur le copain qui vient pour la première fois. Ce dernier a peur des chiens. L’autre enfant ne comprend pas, car il a toujours grandi avec son chien et est très content de le présenter à son ami. En tant qu’adulte, il est important d’écouter les émotions exprimées par les enfants, de les valider et de ne surtout pas les minimiser.
L’enfant comprend progressivement que ses comportements ont des répercussions sur autrui et qu’il peut parfois ressentir les choses différemment.
IDÉE
5
Les trois composantes des émotions
Plusieurs théories des émotions s’accordent à dire qu’il existe trois composantes principales aux émotions.
La composante corporelle : cette composante est au centre de la théorie de James et Lange sur les émotions 1 : « Nous sommes face à un ours dans la forêt, notre cœur s’accélère, nos genoux se mettent à trembler et c’est parce que nous percevons ces changements physiologiques que nous ressentons la peur. » Dans cette théorie, de manière schématique, l’accent est mis sur la composante corporelle. Notez que si les émotions sont toujours accompagnées de signes physiques (tremblements, sudation, accélération du rythme cardiaque), nous n’en sommes pas toujours conscients. Comme nous le verrons plus loin, il est possible aussi de modifier ces sensations corporelles pour jouer sur l’émotion ressentie (Idées 93 à 104).
La composante cognitive : la théorie cognitive des émotions s’est développée avec Schachter et Singer, au début des années 1960. Même s’il reconnaît l’importance des manifestations corporelles, Schachter pense que ce sont les pensées que nous associons à ces manifestations qui donnent à l’émotion tout son sens. En schématisant : « Je vois un ours, je perçois que mes jambes tremblent, et quasiment simultanément les pensées de danger s’y associent. »
La composante comportementale : ce n’est pas une composante de l’émotion en tant que telle, mais déjà une réaction à celle-ci. Si j’ai peur, je pars en courant ou je me prépare à me battre. Si je suis en colère, mes poings se serrent et je parle plus fort, ou je fronce les sourcils… Tous ces comportements sont associés de manière plus ou moins spécifiques aux différentes émotions. Ils sont importants à repérer, car ils peuvent être de réels signaux d’alerte pour identifier ce que ressent notre enfant (et aussi ce que nous ressentons).
1 . James, W. (1884). What is an emotion? Mind, 9 , 188-205.
Pour aller plus loin :
Sander, D., & Scherer, K. R. (2014). Traité de psychologie des émotions , Dunod.
IDÉE
6
Universalité des émotions et empathie
Au XIX e siècle, Darwin publie un ouvrage dans lequel il décrit les émotions comme innées, universelles et communicatives 2 . Les émotions ont un rôle double : elles sont adaptatives et communicatives . L’expression des émotions de base (dont la joie, la tristesse, la colère et la peur) serait présente chez de nombreux mammifères. Chez l’homme, on la retrouverait dans toutes les cultures.
De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence des similarités dans l’expression des émotions chez l’homme et d’autres espèces de mammifères, suggérant des processus biologiques et neurologiques partagés. Comme nous le verrons dans l’idée suivante, les émotions activent des circuits cérébraux qui sont plus ou moins spécifiques en fonction des émotions.
En plus d’être universelles, les émotions sont contagieuses !
Lorsque vous voyez quelqu’un qui exprime de la tristesse, votre corps réagit automatiquement : votre visage change d’expression, votre rythme cardiaque ou votre activité musculaire se modifie. Ces changements ont lieu sans que vous ne vous en rendiez compte et sont parfois imperceptibles, mais une chose est sûre, ils ont bien lieu ! On parle d’ empathie pour définir cette capacité à « ressentir » ce que l’autre ressent. Cette aptitude est liée, entre autres, à un réseau de neurones appelés « neurones miroirs » (Idée 8).
2 . Darwin, C. (1872). The expression of the Emotions in Man and Animals . Traduit sous le titre L’expression des émotions chez l’homme et les animaux par Dominique Férault pour les éditions Rivages en 2001.
IDÉE
7
Le développement des émotions
En tant que parents, pendant la grossesse et durant les premières années de vie de l’enfant, nous sommes conscients que l’enfant va se développer progressivement . Sur le plan moteur, il va se tenir assis, marcher à quatre pattes avant de faire ses premiers pas. Plus tard, il apprendra à courir, monter et descendre les escaliers et jouer au ballon ou faire du vélo et nager. De manière similaire, les parents se réjouissent quand l’enfant franchit les différentes étapes de l’acquisition du langage : les premiers gazouillis, les premiers mots, puis les phrases, jusqu’à l’apprentissage du langage écrit avec la lecture et l’orthographe.
Mais étonnamment, on ne pense pas qu’il en est de même pour le développement émotionnel . Pourtant, l’enfant va devoir progressivement apprendre à décrypter ce qu’il ressent, comprendre que selon les situations, il ressent différentes émotions. Il devra aussi découvrir que les autres, et en premier lieu ses parents, ressentent également des émotions. Il devra apprendre à les reconnaître et à s’y adapter. Puis, lorsque son langage s’étoffera, il pourra nommer ce qu’il ressent et mettre des mots sur ses émotions.
L’ étape la plus longue consiste à apprendre à « gérer » ses émotions et cet apprentissage prend de nombreuses années.
IDÉE
8
Ce que nous disent les neurosciences sur les émotions des enfants
Plusieurs « systèmes nerveux » entrent en jeu dans les processus émotionnels. On peut citer deux composantes principales :
1. Le système nerveux végétatif
Il s’agit plus particulièrement du système nerveux dit « sympathique ». D’une manière schématique, c’est lui qui entraîne l’accélération de notre métabolisme quand nous ressentons une émotion. C’est grâce à lui que le cœur s’accélère et que la tension artérielle augmente lorsque l’on a peur ou que l’on est en colère. Les deux neurotransmetteurs en jeu sont l’adrénaline et la noradrénaline.
2. Le système nerveux central (SNC)
On retrouve au sein du SNC plusieurs structures dont l’activité est associée aux processus émotionnels. Au sein de ces zones, on peut notamment citer :
• l’amygdale cérébrale : schématiquement, c’est la « zone de la peur ». Elle s’active lorsque l’on perçoit un stimulus que l’on juge dangereux ;
• le circuit de la récompense : à l’inverse, ce circuit comprend les zones cérébrales qui s’activent quand on ressent du plaisir ;
• les neurones miroirs : ces populations de neurones sont disséminées dans différentes zones du cerveau. Leur particularité est de s’activer lorsque l’on voit un de nos semblables réaliser une action ou ressentir une émotion. Ces neurones nous permettent de nous « mettre à la place des autres » et de ressentir de l’empathie ;
• le cortex préfrontal : on pourrait dire que c’est cette partie du cerveau qui analyse les différentes réactions, pondère les effets émotionnels et fait le lien avec la situation concrète. Il joue un rôle dans les processus décisionnels.
Certaines connexions qui permettent de transmettre les informations entre les différentes parties du cerveau sont encore peu développées dans l’enfance. Certaines structures cérébrales ne sont totalement matures qu’au début de l’âge adulte . On dit souvent que 7 ans est « l’âge de la raison ». En réalité, avant la vingtaine, l’enfant/l’adolescent n’est pas totalement « armé » sur le plan cérébral et hormonal pour pouvoir gérer toutes ses émotions.
Si vous souhaitez connaître les mécanismes neurologiques complexes mis en jeu dans les processus émotionnels, nous vous conseillons les ouvrages d’Antonio R. Damasio 3 , Catherine Gueguen 4 ou encore Lionel Naccache 5 .
Vous pouvez aussi consulter un site internet très bien réalisé sur le cerveau et son fonctionnement : Le cerveau à tous les niveaux https://lecerveau.mcgill.ca/
IDÉE
9
La vague des émotions
Nous utiliserons souvent cette métaphore.
« Vous ne pouvez pas arrêter les vagues, mais vous pouvez apprendre à surfer. » Joseph Goldstein.
Cette métaphore est intéressante pour les trois raisons qui suivent.
– Lorsque l’on est pris par une grande vague, on peut être emporté, ne plus rien contrôler et ne pas toujours réagir comme il faudrait… Si en tant qu’adulte, cette vague vous déstabilise, imaginez l’impact qu’elle peut avoir sur un enfant, qui a bien moins d’expérience que vous.
– Comme une vague, une émotion a un début, un pic et une fin . Toute crise de colère, aussi forte soit-elle, aura une fin. La crise peut durer 5 minutes, 10 minutes ou 2 heures, une chose est sûre : elle va s’arrêter.
– On peut voir venir les vagues. On peut donc s’y PRÉPARER de différentes manières :
• soit en construisant des digues qui vont affaiblir la vague avant qu’elle ne vous déferle dessus. On appelle cela l’ANTICIPATION ;
• soit en apprenant à mieux nager ou même à surfer la vague. Cet apprentissage vous permettra de changer votre PERCEPTION de l’émotion.
Reprenons cette métaphore : la personne qui ne sait pas surfer peut se sentir totalement dépassée en voyant une grosse vague arriver, et se dire « Au secours, mais que vais-je faire ? »… Après avoir appris à surfer, cette personne n’appréhende pas la vague de la même manière. C’est la même chose en ce qui concerne la régulation des émotions. Il est probable que ce livre ne permette pas de résoudre toutes les questions, mais vous n’appréhenderez plus les crises de colère ou les peurs de votre enfant de la même manière.
IDÉE
10
Quand, qui et où consulter ?
Il existe de nombreux professionnels qui peuvent accompagner les parents et les enfants en cas de difficultés de régulation des émotions.
Quand consulter ?
Deux notions sont importantes à prendre en compte pour répondre à cette question.
La première est la notion de « normalité » : une crise de colère ou une peur chez un enfant peuvent être impressionnantes, mais sont-elles anormales ? Pour répondre à cette question, il peut être important d’en parler autour de soi, de regarder d’autres enfants, bref d’avoir des repères (Idées 11, 12, 20, 21 et 22).
On peut décrire la deuxième notion en trois mots : Intensité/Impact/Souffrance . Quelle est l’intensité de l’émotion ? A-t-elle un impact et entraîne-t-elle une souffrance importante ? Si vous répondez oui sans hésiter, c’est peut-être que vos capacités d’adaptation ou celles de votre enfant sont dépassées.
En tout cas, ce n’est pas la situation en tant que telle qui va motiver le fait de consulter : on peut avoir peur ou faire des colères pour beaucoup de sujets sans que cela soit « pathologique ». C’est plutôt le décalage par rapport aux autres enfants et le retentissement de ces émotions qu’il faut prendre en compte.
Qui et où consulter ?
Le plus classiquement, on vous proposera de rencontrer un psychologue ou un pédopsychiatre. Ce peut être en cabinet libéral ou en centre pluridisciplinaire. Les structures sanitaires et médico-sociales les plus connues sont les Centres Médico-Psychologiques pour Enfants et Adolescents (CMP ou CMPEA) ou les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP).
Attention, il existe de très nombreuses techniques de prise en charge différentes . Certaines dont la preuve d’efficacité est bien établie par la littérature scientifique (comme les thérapies cognitivo-comportementales ou les thérapies systémiques) et d’autres pour lesquelles il existe peu ou pas d’études portant sur leur efficacité. Assurez-vous donc a minima du niveau de formation et du professionnalisme de la personne que vous allez rencontrer.
CHAPITRE 2
La colère
IDÉE
11
Colère normale
Nous l’avons vu précédemment (Idées 1, 2 et 3), la colère est une émotion. Elle intervient lorsque nous nous sentons insatisfaits face à l’événement vécu et sert à exprimer notre désaccord, dans l’objectif de nous sentir respectés.
Au cours de sa vie, l’enfant est naturellement et fréquemment soumis à ce sentiment d’insatisfaction. En effet, au cours de son développement, il est essentiel que l’enfant explore son environnement et fasse de nouvelles expériences. Plus l’enfant grandit, plus son besoin d’autonomie augmente. L’adolescent voudra tester les limites pour se les approprier. Le problème est que les parents interdiront certaines de ces expériences. C’est le cas lorsque notre enfant est en danger ou lorsqu’il adopte un comportement inacceptable (Idée 63) ou encore lorsque nous ne pouvons pas accéder à une de ses demandes (Idée 71). Nous sommes donc obligés de poser des interdits et de formuler des refus, ce qui peut frustrer nos enfants et donc entraîner des colères.
Ainsi, avoir un enfant qui ne se met jamais en colère est impossible. De la même manière, nous, adultes, ressentons et exprimons parfois de la colère. Il est donc important de ne pas interdire aux enfants de se mettre en colère, mais de les aider à mieux la gérer.
IDÉE
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Colère anormale
En revanche, on pourrait dire que des colères sont anormales dans les cas suivants.
– Elles sont trop fréquentes . Attention toutefois à la manière dont nous évaluons cette fréquence . Par exemple , la période de l’adolescence est une période durant laquelle l’enfant ressent un besoin d’autonomie (nécessaire à son développement) et donc souhaite réaliser de nouvelles expériences parfois refusées par les parents. Ainsi, l’insatisfaction peut être plus récurrente, entraînant une augmentation de la fréquence des colères .
– Elles sont trop intenses ou disproportionnées par rapport à la situation . Là encore, attention à l’évaluation que nous en faisons en tant qu’adultes. Prenons l’exemple d’un enfant de 2 ans qui, lorsqu’il est frustré, tape ou mord. L’intensité est certes importante, mais les moyens d’expression d’un enfant de cet âge sont limités et le développement physiologique de l’enfant rend la gestion de ses émotions difficile (Idées 7 et 8). C’est pourquoi l’agressivité dont il fait preuve est compréhensible. Attention, compréhensible ne veut pas dire acceptable pour autant (Idée 63).
– Elles entraînent une souffrance très grande chez l’enfant ou dans sa famille . Elles peuvent même être associées à des propos dépréciatifs fréquents de la part de l’enfant « je suis nul / je vaux rien » ou des parents « je suis un mauvais père », « je suis une mère trop absente » (Idée 43).
IDÉE
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La colère : expression d’une émotion
Nous entendons souvent « il fait des colères », « elle se met en colère ». Dans le langage courant, ces expressions sont généralement utilisées pour décrire des comportements plus qu’une réelle émotion. Or, il est important de faire la différence entre les comportements et l’émotion.
Dans certaines situations, la colère de l’enfant est ressentie suite à une vive émotion, qu’elle soit négative (frustration, peur, jalousie, incompréhension, etc.) ou positive (joie, surprise, etc.). Dans les deux cas, cette émotion est si forte que l’enfant ne parvient pas à la gérer. C’est là que peuvent apparaître des comportements problématiques pour les parents face auxquels ils peuvent se sentir démunis.
Imaginez un enfant qui a passé un excellent après-midi en famille au zoo, une sortie qu’il attendait depuis plusieurs mois. À peine sortis du zoo, avant même d’arriver à la voiture, les parents doivent gérer une « colère » démesurée. Les parents pensent alors « mais qu’est-ce que je dois faire pour qu’il/elle soit content(e) ? ». En réalité, dans cette situation, l’enfant est simplement submergé par les émotions. Après avoir ressenti une joie immense de cette sortie, il doit maintenant appréhender la déception liée à la fin de la sortie.
Prendre en compte chacune de ces émotions contradictoires et ne pas les limiter à une simple expression de « colère » permet à l’enfant et aux parents de mieux comprendre ce qui est alors ressenti et exprimé.
Autrement dit, une « colère » d’un enfant est peut-être le reflet d’une émotion précédente, que l’enfant a du mal à réguler. Il est important de remettre les colères des enfants dans leur contexte.
IDÉE
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La colère : un mode de communication
S’il y a un reproche, c’est qu’il y a un besoin.
Nous entendons régulièrement les mots « crises » ou « caprices ». Ces termes à connotation négative renvoient au fait qu’un enfant exprime son mécontentement par ses comportements ou ses paroles. Si l’on analyse ces situations en se mettant à la place de l’enfant, il exprime une émotion négative face à un refus ou à une demande de l’adulte. Cette colère a alors pour fonction d’obtenir ou d’éviter quelque chose.
Dans ce type de situation, nous pouvons alors nous demander si nos attentes de parents sont adaptées, si elles sont bien formulées et si nous accepterions nous-mêmes ce type de demandes ou refus (Idées 35 et 36).
Par ailleurs, certains enfants s’enferment dans ce mode de communication, car ils ne parviennent pas à exprimer différemment leurs souhaits. Parfois, on retrouve même ce mode de communication dans l’ensemble de la famille. Avant de chercher à modifier le comportement de l’enfant, il est aussi important de se demander, en tant qu’adultes, comment nous exprimons nos souhaits ou nos désaccords à nos enfants, notre conjoint ou nos propres parents.
Enfin, en tant que modèles, nous pouvons adapter nos propres réactions face aux demandes et refus qui nous sont formulés et aider nos enfants à exprimer différemment leurs propres émotions (Idées 29, 30 et 31).
IDÉE
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Les signes physiques de la colère
Comme toutes les émotions, la colère est associée à une réaction corporelle . Certains signes physiques sont visibles : visage rouge, poings serrés, sourcils froncés, etc. ; d’autres sont invisibles : accélération du rythme cardiaque, tension musculaire, etc.
Par ailleurs, la colère entraîne également des comportements identifiables chez l’enfant tels que de l’agitation motrice, des cris, des gestes désorganisés, etc.
Repérer ces signes chez votre enfant vous permettra de réagir le plus tôt possible pour l’aider à faire face à l’émotion avant qu’elle ne le submerge (Idée 16). Repérer ces signes chez vous vous permettra également de mettre en place des stratégies pour vous éviter d’être dépassé par l’émotion (Idée 17 et 18).
Vous pouvez, à l’aide du dessin ci-contre, aider votre enfant à identifier ces signes . Apprendre à repérer les signes physiques liés aux différentes émotions est une première étape pour accompagner l’enfant à les identifier.
IDÉE
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La vague de la colère
Comme pour les autres émotions, face à la colère, l’enfant est soumis à une sensation qui monte progressivement pour atteindre un pic. La bonne nouvelle est que la vague finit toujours par passer . Nous pouvons schématiser cette courbe de la colère en quatre étapes :
La tension : c’est cet instant, parfois imperceptible, durant lequel l’enfant ressent les prémices de l’émotion négative. Les ressentis corporels sont présents (Idée 15). C’est la meilleure phase pour réagir en tant que parent, car plus on accompagne l’enfant tôt face à son émotion, moins le pic de la vague sera élevé (on pourra même parfois éviter une crise).
L’ énervement : c’est cette deuxième étape durant laquelle l’émotion est réellement exprimée. L’enfant fait part de son mécontentement, s’énerve, vous interpelle, etc. C’est le moment pour le parent de proposer des stratégies à l’enfant pour calmer cette émotion, et ne pas tomber dans l’escalade (Idées 17 et 74).Certains parents disent ne pas percevoir ces deux étapes chez leur enfant. Ils décrivent une explosion, un volcan. Comme si l’enfant passait directement d’un état calme à la crise, sans transition. Bien que chez certains enfants, la colère puisse être explosive, l’enfant passe toujours par les deux premières phases. Seulement, le parent n’y assiste pas toujours ou ne les perçoit pas. L’enfant a, par exemple , pu accumuler de l’énervement et de la tension durant sa journée d’école et il explose une fois rentré à la maison, face à la première contrariété.
La crise : cela correspond au pic de la crise, c’est-à-dire le moment durant lequel l’enfant n’est que dans les comportements et donc pas en capacité d’interagir. C’est là qu’apparaissent généralement les débordements les plus graves (Idée 63). Ici, l’enfant n’est plus en capacité de réfléchir, le champ d’action des parents est limité : dans la crise, il n’y a plus grand-chose à faire d’autre que de se protéger et de protéger l’enfant comme on peut (Idées 79 à 81).
L’ apaisement : c’est la dernière étape, celle durant laquelle l’enfant parvient progressivement à se calmer. Afin d’atteindre à nouveau un état de sérénité, il est indispensable de laisser totalement redescendre la colère. Ne pas oublier que même lorsqu’il ne l’exprime pas, l’enfant ressent souvent de la culpabilité et de la tristesse durant cette dernière phase.
Tout au long du livre, nous vous proposerons des outils à mettre en place avant la vague, à chaque étape de la vague et après le passage de la vague.
IDÉE
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Le cercle vicieux de la colère
Face à la colère de nos enfants, nous sommes souvent démunis et pouvons, à travers nos comportements, entraîner des réactions en chaîne qui enveniment le conflit . L’enfant se met en colère, nous nous mettons en colère (Idée 18) : l’escalade est de plus en plus importante (Idée 74), les punitions sont de plus en plus nombreuses (Idée 40), l’enfant ressent de plus en plus d’injustice (Idée 34), il se met alors encore plus en colère, et ainsi de suite…
Les parents nous disent parfois en consultation : « Je ne sais plus quoi faire, il est privé de tout, il n’a plus aucun jouet… ça ne marche pas et, en plus, maintenant il s’ennuie, donc il a presque de bonnes raisons de râler et d’être en colère ! Docteur, je suis perdu… et je suis aussi très en colère contre lui ! »
STOP ! Il faut le plus rapidement possible casser ce cercle vicieux de la colère. Les idées de ce livre devraient pouvoir vous y aider. Certes, nous vous proposons des idées pour gérer la colère de vos enfants, mais il est aussi important de mieux contrôler vos propres émotions (Idée 78).
IDÉE
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La colère des parents
Le sentiment de colère ressenti par les parents face à un enfant en colère est un processus normal qui renvoie à la notion de « contagion émotionnelle ». Ce principe, bien décrit par Catherine Gueguen 6 , est lié à l’activation des neurones miroirs (Idée 8). Par ce biais, dans une situation où une personne se met en colère face à nous, ces neurones s’activent et provoquent une contagion émotionnelle. Bonne nouvelle, cette réaction neuronale est tout aussi valable pour les émotions positives ! En effet, à l’inverse, partager un moment de plaisir avec quelqu’un d’agréable, souriant et joyeux nous rend de bonne humeur. Aussi parle-t-on de « rires contagieux ».
Généralement, face à la vague de la colère de votre enfant qui monte progressivement, la vôtre arrive quelques instants après et suit la même courbe (Idée 16). C’est ainsi que l’étape 3 – la crise – survient généralement en même temps pour le parent et l’enfant. Apparaissent alors des comportements aggravants tels que des fessées ou des cris. Lorsqu’on impose une conduite à l’enfant ou qu’on lui interdit un comportement (ne pas crier, ne pas taper), il semble cohérent que nous n’ayons pas nous-mêmes ce comportement. Pour que l’enfant comprenne certains interdits (Idée 63) et intègre ces règles, il est essentiel de se les appliquer en tant qu’adulte.
6 . Gueguen, C. (2014). Pour une enfance heureuse . Robert Laffont.
CHAPITRE 3
La peur
IDÉE
19
Stress, peur et anxiété
Ces trois termes sont souvent considérés comme synonymes, mais en fonction des définitions, on peut relever quelques différences.
La peur : la peur est une émotion que l’on ressent face à une situation que l’on juge dangereuse (qu’elle le soit réellement ou non).
Exemple 1 : Je vais avoir peur de traverser un carrefour s’il y a énormément de trafic.
Exemple 2 : J’ai peur de tomber si je fais de l’escalade.
Exemple 3 : Mon enfant a peur des monstres…
On pourrait donc dire qu’il existe une peur « utile » : lorsque la situation qui la provoque est réellement dangereuse ( exemple : peur de sauter dans le vide).
Et une peur « inutile » : lorsque la situation qui la suscite n’est pas dangereuse ( exemple : peur des souris).
Cette notion « d’utilité » est importante et nous l’utiliserons à plusieurs reprises.
L’anxiété : c’est un état psychologique plus diffus, présent sur une période plus longue. Elle peut aussi caractériser une personne, comme un trait de personnalité : « C’est un anxieux celui-là ! »
Exemple 1 : Une maman anxieuse pense tous les jours à ce qui pourrait arriver de grave à son enfant à l’école, ce qui l’empêche de se concentrer sur son travail.
Exemple 2 : Un enfant n’ose pas sortir de chez lui, car il a peur de se faire enlever par des méchants…
Le stress : on parle souvent du « bon stress » et du « mauvais stress ».
Le bon stress correspond au mécanisme adaptatif qui nous permet de nous adapter à une situation particulière.
Exemple : Un concours important va entraîner du stress quelques jours avant, comme si notre corps se préparait à l’épreuve.
Le mauvais stress, c’est quand il prend des proportions trop importantes : impossible de fermer l’œil pendant plusieurs nuits avant le concours, hypersudation et tremblements, voire la page blanche le jour de l’examen !
IDÉE
20
Peur normale
En psychologie, les concepts de normalité et d’anormalité sont subtils.
On l’a vu précédemment : comme les autres émotions, la peur a un rôle adaptatif (Idée 3). La peur a une utilité : elle sert à se protéger.
Il existe chez l’enfant des peurs que l’on pourrait qualifier de « développementales » : elles se retrouvent très fréquemment, chez une forte proportion d’enfants du même âge, et possèdent des caractéristiques assez similaires.
N.B. Elles se retrouvent fréquemment, mais pas obligatoirement ! Certains parents ne les perçoivent pas chez leurs enfants, sans que cela soit « anormal ».
En voici quelques-unes, en fonction des âges :
Vers 8 mois : le bébé a peur lorsqu’une personne qu’il ne connaît pas s’approche de lui. Cette peur peut se manifester durant plusieurs mois. On parle de la peur de l’étranger.
Entre 2 et 4 ans : on retrouve très fréquemment la peur du noir, la peur de la séparation, ou encore la peur des monstres. Ces peurs peuvent persister plusieurs années.
On voit apparaître vers 5 ans des peurs plus construites, comme la peur des cambrioleurs, ou la peur de la mort et des maladies.
À partir de 10-12 ans : les peurs s’approchent des préoccupations des adultes : peur de perdre des gens proches, inquiétude pour l’avenir…
N.B. Les âges sont donnés à titre d ’exemple , mais ces différentes peurs peuvent apparaître plus tôt ou persister plus tard sans pour autant être pathologiques. Référez-vous à l’idée 21 avant de trop stresser !
IDÉE
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Peur anormale
Parfois notre cerveau « dysfonctionne » et l’on en vient alors à avoir peur de choses qui ne sont pas dangereuses. D’une manière générale, lorsqu’une peur, un stress ou une anxiété deviennent trop forts et pathologiques, on parle de « troubles anxieux ».
On parle de peur anormale ou pathologique quand il existe un décalage entre l’intensité de la peur (très forte) et le « risque » réel lié à la situation (très faible).
Attention, certaines peurs de l’enfant semblent parfois disproportionnées , elles restent normales pour autant : comme la peur du noir ou la peur des monstres par exemple . Au-delà de leur aspect « disproportionné », d’autres critères permettent de juger du caractère normal ou pathologique d’une peur :
Sa fréquence : l’enfant est très régulièrement angoissé.
Son intensité : la peur est trop importante, on repère des signes physiques : l’enfant semble parfois « choqué » ou « sidéré », sa voix ou ses jambes tremblent, il pleure souvent, etc.
Son impact : par exemple , pour un enfant qui, à cause de sa peur des chiens, ne veut plus du tout sortir de chez lui, une prise en charge spécifique s’avérera nécessaire. D’une manière générale, si un enfant change de manière durable ses habitudes et ses comportements à cause d’une peur, cela doit attirer l’attention.
Finalement, plus que l’objet de la peur en tant que tel, c’est plutôt le retentissement de celle-ci qui permet d’évoquer un caractère pathologique ou non et nous amènera à proposer une prise en charge spécifique.
On retient en psychopathologie plusieurs diagnostics de troubles anxieux, en voici quelques-uns :
La peur phobique : la peur est liée à un objet ou une situation particulière : phobie des chiens (cynophobie), phobie des oiseaux (ornithophobie), phobie des araignées (arachnophobie), des ascenseurs… En dehors de cette situation spécifique, la personne n’éprouve pas de peur particulière. Une des caractéristiques cliniques des phobies est le fait que le sujet cherche à éviter les situations qui suscitent la peur (Idée 26).
L’anxiété généralisée : les sujets sont constamment envahis par des pensées angoissantes sur divers sujets. Ils ont tendance à anticiper des événements qui pourraient se produire. Ils présentent une très forte inquiétude et une intolérance à l’incertitude.
Exemple : Quelqu’un qui prévoit de partir en voyage et qui présente une anxiété généralisée sera envahi de pensées négatives et angoissantes : « on va rater l’avion », « ce pays n’est peut-être pas si sûr, on va se faire agresser », « l’hôtel n’existe peut-être pas, il y a des arnaques, on va se retrouver à la rue… ». Alors qu’elles viennent de quitter leur maison, ces personnes doivent faire demi-tour, car elles DOUTENT d’avoir fermé le gaz ou d’avoir verrouillé la porte d’entrée.
L’anxiété de séparation : comme son nom l’indique, elle est définie par une anxiété disproportionnée ressentie dans les moments de séparation. L’enfant présente une peur très forte lors des séparations, allant même jusqu’à rendre celles-ci impossibles… Les enfants peuvent être envahis de peurs concernant leurs proches. Cette peur peut également être présente chez le parent pour son enfant.
La phobie sociale (ou trouble anxiété sociale) : elle se caractérise par une peur excessive des situations sociales. Peur du regard des autres, peur d’être jugé ou moqué… Cette peur (que l’on pourrait comparer à de la timidité pathologique) peut parfois entraîner un isolement social. Elle est souvent associée à une anxiété de performance : les personnes ont peur de ne pas réussir (un examen, une compétition…). Cette anxiété engendre un travail accru de préparation, et un stress qui augmente au fur et à mesure que la situation à affronter approche.
IDÉE
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Peur normale ou anormale : pour les enfants
Tes parents te l’ont peut-être dit : la peur, ça sert à se protéger des choses dangereuses ! Mais parfois la peur se dérègle : on commence à avoir peur de choses qui ne sont pas du tout dangereuses.
Parmi les dessins ci-dessous, entoure ceux où il est normal que le garçon ait peur (la situation est vraiment dangereuse !), et barre d’une croix les peurs qui ne servent à rien (le garçon ne risque pas grand-chose…).
IDÉE
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La vague de la peur
Comme toutes les émotions, la peur a un début, un plateau maximum, et une fin. Il est important de connaître ces différentes étapes physiologiques (dessin ci-contre).
Il y a deux grands mécanismes de diminution de la peur :
L’évitement : la peur était trop forte, et vous êtes parti en courant, vous avez évité la situation et la peur qui s’y rattache. C’est un mécanisme adaptatif valide lorsque la peur est « utile » et « justifiée ». En revanche, l’évitement va avoir tendance à maintenir la peur présente.
L’habituation/exposition : si vous réussissez à affronter la peur et à tenir bon, au bout d’un certain temps, elle diminue.
IDÉE
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Les signes physiques de la peur
Le cœur qui bat, les mains moites ou qui tremblent, la boule dans la gorge…
Les réactions corporelles sont présentes dans la plupart des émotions, et certaines sont assez spécifiques de la peur. Il est important d’apprendre à les repérer chez soi et aussi chez son enfant (par exemple un changement dans la voix). Comme nous le verrons plus tard, les émotions ont une composante corporelle sur laquelle on peut jouer pour modifier le ressenti émotionnel. Vous vous en souvenez, la peur a un rôle adaptatif (Idée 3). Or, les réactions du corps ont aussi un rôle : vous préparer à l’action ! L’expression qui décrit bien cela est « fight or flight » : littéralement « se battre ou s’envoler ». Ce sont effectivement ces deux réactions qui sont les plus fréquentes devant quelque chose qui nous fait peur : soit partir en courant pour l’éviter, soit l’affronter et « combattre ». Dans les deux cas, une accélération de votre rythme cardiaque et une augmentation de votre tension artérielle vous aideront ! Si, au quotidien, votre peur ou celle de votre enfant est trop forte, vous verrez qu’en agissant directement sur ces signes physiques, on peut indirectement atténuer l’intensité de la peur (Idées 93 à 104).
IDÉE
25
L’habituation
Cette notion est un grand classique de la psychologie cognitive et comportementale. Le principe en est assez simple : lorsque l’on s’expose volontairement et plusieurs fois à une situation stressante sans réel danger (Idée 87), la peur qui est rattachée à cette situation va avoir tendance à diminuer.
On peut dire que l’on « s’habitue » à la situation.
Un exemple simple dans le cas d’une peur assez classique : un sportif qui s’élance pour la première fois sur une épreuve sera plus stressé que si c’est la quinzième fois qu’il participe à une compétition similaire.
Ainsi, si votre enfant présente une peur importante en lien avec une situation donnée, il convient d’être attentif et de faire en sorte que cette première expérience se passe le mieux possible pour qu’il soit rassuré. Si l’enjeu est de taille, on peut diminuer la difficulté de la situation et procéder par étapes. Si la première expérience se passe bien et qu’il tente à nouveau l’expérience le lendemain, il y a fort à parier que son appréhension aura diminué.
Exemple caricatural : Votre enfant a peur de se lancer seul à vélo. Pour que les choses se passent bien, n’allez pas lui faire dévaler une forte pente dès son premier essai ! Vous allez donc procéder par étapes . Cela permet de diminuer un peu son appréhension et d’augmenter ses chances de réussite (il est important que la première expérience se passe bien : si votre enfant finit aux urgences la première fois qu’il fait du vélo sans petites roues, l’apprentissage du vélo risque d’être plus long que prévu…).
L’habituation est donc liée à une autre notion très importante que l’on nomme l’exposition. Nous la développons à l’idée 87.
IDÉE
26
Le cercle vicieux de la peur
La peur a tendance à s’auto-entretenir, surtout lorsque l’on évite les situations stressantes. Le schéma ci-dessous reprend les principaux mécanismes qui font que la peur se maintient et qui entretiennent un vrai cercle vicieux. Nous avons positionné en regard les différentes idées que vous pourrez utiliser pour « casser » ce cercle vicieux.
IDÉE
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Le parent comme base de sécurité
Les enfants ont dès leur plus jeune âge deux besoins qui peuvent paraître opposés. Ils ont besoin de sécurité, d’une personne qui va prendre soin d’eux et les aimer. Ils ont aussi besoin de se séparer et d’explorer le monde qui les entoure, de faire des expériences .
Ces deux besoins sont indissociables : un enfant qui n’est pas suffisamment rassuré par sa figure d’attachement (le plus souvent, il s’agit de ses parents) ne pourra pas s’autonomiser et explorer le monde qui l’entoure…
Ces notions font partie de la théorie de l’attachement 7 .
Les parents ont donc un rôle de protection et de sécurisation de l’enfant, et les réactions parentales doivent parfois être subtiles : on dit souvent qu’il est important de communiquer ses émotions à l’enfant (et c’est vrai !), MAIS il faut aussi savoir le protéger de ses propres peurs ou colères.
Exemple :
Un parent est très anxieux au sujet de la réussite scolaire de son enfant. Il s’inquiète de son avenir et juge que les études sont ce qu’il y a de plus important. Sans s’en rendre compte, il est intrusif et laisse peu à l’enfant l’occasion de faire par lui-même ou de se tromper. Dans cette situation, l’anxiété du parent peut entraîner le risque que l’enfant soit à son tour anxieux et ait le sentiment d’être aimé uniquement lorsqu’il est en réussite scolaire…
7 . Guédeney, N. & Guédeney, A. (2009). L’attachement : approche théorique. Elsevier Masson.
IDÉE
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La peur des parents
La peur des parents module la peur des enfants. On sait que très tôt (même avant l’âge de 12 mois !) les enfants peuvent prendre en compte l’émotion de leurs parents pour adapter leur comportement. L’expérience de la « falaise visuelle » nous montre bien ce phénomène : si le parent a une expression du visage « sereine », l’enfant va continuer à explorer son environnement. À l’inverse, si le parent présente une expression faciale de peur, l’enfant va stopper son exploration 8 .
On a aussi remarqué lors de nos consultations que parfois la « peur » des parents ne s’exprime pas vraiment comme de la peur, mais plutôt comme de la colère.
Prenons l’exemple d’un papa qui criait et punissait très souvent son enfant lorsque les résultats scolaires n’étaient pas bons… Cela entraînait une ambiance familiale délétère. Ce papa n’avait pourtant jamais réussi à dire à son fils que l’émotion « première » qu’il ressentait était de la peur : peur que son fils n’y arrive pas en classe, n’obtienne pas de diplôme, peur pour son avenir, etc. Lorsqu’il a pu enfin exprimer cette peur, cela n’a pas tout réglé comme par magie, mais leurs rapports ont pu se modifier dans le bon sens.
Ce père avait pu nous dire : « C’est vrai, c’est fou. Je n’arrêtais pas de le gronder pour ces choses qu’il faisait mal, mais je ne lui avais jamais vraiment exprimé que j’avais peur pour lui, que j’étais inquiet et que si je faisais tout cela, c’est que je voulais qu’il soit quelqu’un d’exceptionnel et d’exemplaire. »
8 . Gibson, E. J., & Walk, R. D. (1960). The “visual cliff”. Scientific American, 202 (4), 64-71.
CHAPITRE 4
Identifier et exprimer ses émotions
IDÉE
29
Expression des émotions
Une fois les différentes émotions identifiées physiquement (Idées 15 et 24), il va falloir que l’enfant apprenne à les exprimer . L’expression des émotions est une étape complexe, liée, entre autres, au niveau de langage de l’enfant. Mais nous, adultes, sommes-nous toujours à l’aise dans l’expression de nos propres émotions ? Disons-nous facilement : « Je suis triste, déçu(e), en colère » ?
Comment faire pour aider les enfants à exprimer leurs émotions ?
Pour les plus petits qui apprennent à parler, il est nécessaire qu’ils entendent nommer les émotions pour pouvoir les exprimer. Un enfant ne peut pas dire « J’ai peur » s’il n’a jamais entendu ce mot. Alors face aux réactions de vos enfants, vous pouvez faire des hypothèses sur ce qu’ils ressentent et leur dire par exemple : « Je vois que tu n’es pas bien, je crois que tu as peur de ce bruit. » De nombreux livres sur les émotions à destination des enfants existent et permettent d’apprendre à reconnaître et exprimer les différentes émotions. 9
Il peut arriver que l’adulte interprète mal les comportements de l’enfant et pose un mot sur l’émotion de manière arbitraire et se trompe. Par exemple : « Je vois que tu es en colère », alors que l’enfant est déçu ou triste. Il est important de stimuler l’expression des émotions par l’enfant lui-même en lui disant : « J’ai l’impression que ça ne va pas, tu peux me dire ce que tu ressens ? »
Quelques outils pour aider vos enfants à exprimer ce qu’ils ressentent :
Météo : associez une météo à chaque émotion : le soleil pour la joie, la pluie pour la tristesse, les éclairs pour la colère, les nuages pour la peur, etc.
Gestes : associez un geste simple de la main à chaque émotion : le pouce levé pour la joie, le pouce vers le bas pour la tristesse, le poing fermé pour la colère, la main qui tremble pour la peur, etc.
Smileys : utilisez un support visuel avec des smileys que vous trouverez facilement sur internet. L’enfant peut désigner parmi les smileys à disposition celui qui correspond à l’émotion qu’il ressent.
Couleurs : associez une couleur à chaque émotion : le jaune pour la joie, le gris pour la tristesse, le rouge pour la colère, etc.
Personnage ou animal : se servir de l’imaginaire de l’enfant pour personnifier chaque émotion en associant un personnage ou un animal à chaque émotion (Idée 30).
Mots : pour les plus grands, vous pouvez créer des étiquettes ou des posters avec de nombreux mots pour exprimer des émotions et l’enfant peut là aussi vous montrer le mot correspondant à l’émotion qu’il ressent ou s’en servir comme support pour l’aider à trouver le bon mot.
Toutes ces idées sont données à titre d’exemple, laissez votre enfant choisir celle qui lui plaît le plus et laissez-le également décider de la météo, des gestes, des couleurs, des personnages, etc. qu’il associe à telle ou telle émotion.
9 . Llenas, A., & Antilogus, M. (2017). La couleur des émotions . Éditions Quatre Fleuves.
Chien Chow Chine, A. (2018). Gaston la licorne : Mes émotions . Hachette.
IDÉE
30
Réification des émotions
La « réification » revient à rendre concrète une chose abstraite . Par exemple, une sensation d’étranglement au niveau de la gorge peut être vue comme un étau qui nous serre ; un stress chronique comme un sac pesant sur nos épaules, etc.
Le fait de matérialiser et de rendre concrètes les émotions peut permettre de les percevoir différemment. Cette technique est fréquemment utilisée avec l’hypnose médicale, car il est encore plus simple de s’imaginer ces objets lorsque l’on est en état de transe hypnotique (Idées 99 à 104).
Vous pouvez également utiliser cette idée avec les enfants en leur proposant de dessiner leur émotion et leur problème sous forme de petit jeu. Prenons comme exemple un enfant qui a peur de dormir seul dans sa chambre :
Dessiner le problème, la situation qui l’embête. L’enfant va dessiner un monstre, une sorcière ou un fantôme… ou ce qui lui fait peur.
Ensuite, dessiner la solution : comment pourrait-il se débarrasser de cette situation problématique ?… L’enfant peut dessiner un super-héros, ou une bulle magique de protection…
Enfin, faire un troisième dessin : représenter la solution qu’il a trouvée face à ce qui lui fait peur, en contexte. L’enfant se dessine lui-même dans sa chambre, avec le super-héros au pied de son lit, et le monstre tout petit en dessous, écrasé par la force du super-héros !
Pour aller plus loin, vous pouvez (en fonction de l’âge de l’enfant) lui suggérer d’emporter le dessin n° 2 ou le n° 3 avec lui, afin qu’il lui donne des forces lorsqu’il sera de nouveau confronté à la situation qui l’effraie !
IDÉE
31
Valider les émotions
Cela peut paraître « simple » bien que parfois difficile à faire, mais valider les émotions de l’enfant est le principal levier permettant de l’aider à mieux identifier puis exprimer ce qu’il ressent.
Il est important de pouvoir exprimer à l’enfant qu’il a le droit de ressentir toutes les émotions . En effet, nous avons tendance à minimiser les émotions ressenties par nos enfants, souvent même en voulant les aider :
« Arrête de pleurer », chuchoté à l’oreille d’un bébé en le berçant.
« N’aie pas peur, cette araignée ne va pas te manger », dit en rigolant à un enfant de maternelle effrayé.
« Tu ne vas pas te mettre en colère pour ça », quand vous arrêtez la console de jeu de votre enfant.
Prenons un peu de distance et projetons-nous dans une situation similaire. Imaginez que vous rentrez du travail, un collègue vous a agacé toute la journée. Vous vous confiez à votre conjoint : « J’en peux plus, j’ai passé une mauvaise journée, tu sais pas ce que X a encore fait aujourd’hui. J’en ai marre. » Et votre conjoint vous répond : « Oh ça va, tu vas pas commencer à te plaindre, c’est pas si grave. » Imaginez alors ce que vous ressentiriez… Il est fort probable que votre état émotionnel empire. Vous aurez le sentiment de ne pas être soutenu ou compris.
Nous l’avons vu précédemment (Idée 4), chacun de nous peut ressentir des émotions très différentes face à une même situation. Ainsi, même si parfois nous ne comprenons pas l’émotion ressentie par notre enfant, nous ne pouvons pas lui interdire d’être en colère ou d’avoir peur par exemple.
Alors face aux situations décrites plus haut, nous pouvons par exemple dire à nos enfants :
« Je comprends que tu sois triste, tu es sans doute fatigué après ta journée à la crèche, mais je suis là tout près de toi », en berçant votre bébé.
« Je comprends que tu aies peur de cette araignée, elles peuvent parfois faire peur, mais tu es en sécurité, il n’y a pas de danger », en donnant la main à votre enfant.
« Je comprends ta déception d’arrêter ton jeu vidéo, je te propose que l’on aille jouer ensemble à un jeu de société », en dirigeant votre enfant par l’épaule vers sa chambre.
Le fait que vous verbalisiez l’émotion ressentie permet à l’enfant de mieux percevoir ce qu’il ressent, mais aussi de se sentir entendu et pris en compte.
Prenons un dernier exemple qui illustre l’importance de cette idée. Dire à quelqu’un d’apeuré « Enfin, n’aie pas peur, soit courageux… » revient plus ou moins à dire devant quelqu’un de très triste : « Mais enfin, sois heureux ! » Cet exemple vous montre combien cette remarque est déplacée. Certes, on est sincère, mais on oublie que dans les moments d’émotion forte, notre enfant a beaucoup de mal à contrôler son émotion. Il est probable que si l’on pouvait arrêter une crise de colère et se calmer par le simple fait de la volonté, on le ferait tous assez rapidement. Dire « calme-toi » ne fait que montrer à l’enfant qu’il n’arrive pas à se contrôler et que l’on souhaite qu’il se comporte différemment. À l’inverse, valider son émotion lui permet de se sentir entendu.
IDÉE
32
Remarques positives et remarques négatives
Prenez une feuille de papier, faites un trait vertical au milieu. Le soir, prenez un peu de temps avant de vous coucher pour vous remémorer et noter les remarques que vous avez faites à votre enfant. À gauche de la feuille, notez toutes les remarques positives que vous lui avez faites, même les plus simples ( exemples : « C’est bien », « Tu dessines bien », « J’aime bien discuter avec toi », « Elle te va bien cette casquette », « Tu vas vite en trottinette » ). À droite, vous notez les remarques négatives ( exemples : « Range tes chaussures », « Fais attention », « T’as encore oublié un cahier », « Accélère un peu », « Tu me fatigues » ).
Il est assez fréquent que la balance penche un peu trop vers les remarques négatives. Si c’est le cas, essayez de rééquilibrer les choses ! Repérez les qualités de votre enfant (Idée 48), ce qu’il arrive bien à faire, et FÉLICITEZ-LE , même si ce sont de toutes petites choses (Idée 49).
Si votre tableau est plutôt bien équilibré, ou penche vers les remarques positives, ne changez rien !
Les remarques négatives, lorsqu’elles sont trop nombreuses, peuvent avoir un impact fort sur l’estime de soi. L’enfant peut en arriver à se dire quelque chose comme : « Si l’on me fait toutes ces remarques négatives, c’est qu’au fond je suis peut-être quelqu’un de mauvais. » Ce type de pensées n’a jamais aidé les enfants à changer leur comportement…
Date, heure |
Remarques positives |
Remarques négatives |
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- - - |
- - - |
IDÉE
33
Le thermomètre émotionnel
Le thermomètre émotionnel permet à l’enfant de prendre conscience que l’émotion peut être ressentie de manière plus ou moins forte.
Si l’on prend l’exemple de la colère – illustrée ci-contre –, cela permet d’expliquer à l’enfant qu’il a le droit d’être en colère, mais qu’il est possible de mieux la gérer pour ne pas exploser et atteindre le haut du thermomètre de manière systématique.
Vous pouvez également l’utiliser quand vous voyez que votre enfant commence à s’énerver, en lui proposant de vous montrer où il se situe sur le thermomètre. Cela va l’aider à prendre conscience de ce qu’il ressent et vous pourrez vous appuyer sur sa réponse pour lui proposer des solutions pour calmer sa colère.
Vous pouvez enfin l’utiliser pour vous-même en indiquant à votre enfant lorsque vous êtes en colère, lorsque vous sentez que votre thermomètre est en train de monter et qu’il convient de faire quelque chose pour qu’il n’explose pas.
IDÉE
34
L’injustice
Nous connaissons tous cette sensation très désagréable. L’injustice est un sentiment qui peut facilement, s’il perdure, entraîner une augmentation des colères, et surtout une impression de blocage et envenimer la situation.
Une explication simple (pour ne pas dire simpliste !) : quand vous avez le sentiment que quelqu’un est injuste envers vous, vous n’avez pas vraiment envie de faire d’efforts ! Ceci explique pourquoi la situation est bloquée et le cercle vicieux bien enclenché.
Les petites phrases d’un enfant comme « c’est pas juste ! » ou « il en a plus que moi ! » en parlant de son frère ou sa sœur sont assez communes et ne doivent pas forcément alerter. En revanche, les pleurs récurrents à la suite de frustrations minimes ou l’expression répétée d’un sentiment d’injustice doivent alerter.
Les parents se retrouvent parfois coincés, à devoir tout compter (jusqu’au nombre de frites dans l’assiette de chaque enfant !).
On ne peut pas vraiment « prouver » à quelqu’un que l’on est juste envers lui, car c’est un sentiment, une impression subjective… Ne gaspillez donc pas votre temps à essayer de convaincre votre enfant que vous avez été juste envers lui.
Pour faire diminuer ce sentiment d’injustice, il ne faut pas s’y attaquer, mais plutôt augmenter le sentiment opposé par des moments de partage et de complicité avec son enfant. Cela renvoie aux Idées 48 à 53.
IDÉE
35
Formuler une demande
Formuler une demande qui puisse être acceptée et réalisée par son enfant n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Nous entendons régulièrement les parents nous dire en consultation : « Il ne fait jamais rien de ce que je lui demande »…
Comment faire ?
1. Déterminez l’objectif de votre demande : que souhaitez-vous qui soit fait ? Dans quel laps de temps ?
Par exemple , vous rentrez du marché et demandez à votre enfant de vous aider . Précisez votre demande : souhaitez-vous qu’il vous aide à porter les sacs que vous avez actuellement à la main ? Qu’il vide le cabas ? Qu’il vous aide à ranger les courses dans les placards ? etc. Et souhaitez-vous qu’il le fasse immédiatement ou peut-il le faire lorsqu’il aura fini ce qu’il est en train de faire ou encore avant ce soir ?
2. Après avoir répondu à toutes ces questions, assurez-vous que votre demande est réalisable par votre enfant en prenant en compte son âge, ses compétences, ses difficultés, etc.
3. Pour formuler votre demande, rapprochez-vous de votre enfant et assurez-vous qu’il vous entend et vous écoute .
Dans l’idéal, arrêtez l’activité que vous êtes en train d’accomplir et demandez-lui également de mettre en pause la sienne. Pour être sûr qu’il vous écoute, il est important qu’il vous regarde. Pour certains enfants, un contact physique comme une main sur l’épaule leur permettra également de mieux canaliser leur attention.
4. Énoncez clairement et de manière concise votre demande en commençant par « Je » .
Évitez de multiplier les demandes ou alors annoncez à votre enfant que vous allez lui demander plusieurs choses en commençant par une première demande et en lui indiquant que vous lui direz les autres choses à faire par la suite. Si la liste est longue et que c’est possible, vous pouvez aussi répartir vos demandes dans la journée. Enfin, vous pouvez faire une liste écrite qui permet à l’enfant de choisir l’ordre dans lequel il réalise les tâches et leur moment dans la journée.
Exemple de demande : « Dès que tu as fini ta partie, j’aimerais que tu m’aides en mettant la table pour qu’on puisse manger. » N.B. Pour les plus petits, on peut préciser les assiettes, les couverts et les verres.
5. Vérifiez que la demande est acceptée et bien comprise par l’enfant .
Si l’enfant ne répond pas, demandez-lui s’il vous a entendu, sinon reformulez. Demandez-lui de répéter la demande et précisez-la si vous voyez qu’une partie de l’information n’a pas été entendue, comprise ou mémorisée.
Toutes ces étapes peuvent paraître fastidieuses, surtout au début, quand nous n’avons pas l’habitude de les formuler ainsi. Mais à moyen terme, elles permettent de limiter les émotions négatives ressenties autant par les enfants que par leurs parents.
Cela permet de limiter la sensation d’injustice qu’un enfant peut ressentir lorsque vous le grondez, alors que votre demande était mal formulée.
En précisant vos demandes, vous augmentez vos chances que l’enfant les comprenne et les réalise bien, et vous limitez les situations épuisantes où vous devez vous répéter en éprouvant le sentiment que votre enfant ne vous écoute pas.
IDÉE
36
Formuler un refus
Il y a des situations durant lesquelles nous devons fixer des limites à nos enfants (Idées 62 et 63), et de ce fait formuler un refus.
Toutefois, gardons en tête que lorsque nous refusons quelque chose à quelqu’un, nous induisons forcément une émotion de frustration, de déception et donc parfois de colère (enfant comme adulte). Alors, comment formuler ces refus en prenant en compte l’émotion de l’autre et éviter que cela génère une vague d’émotion incontrôlable ?
Plusieurs exemples :
Un enfant dessine sur un mur. Ce que nous refusons, c’est l’endroit où il dessine et non l’activité en elle-même. Pour un jeune enfant, si nous disons juste : « Non, c’est interdit ! », il interprète l’interdit sur l’ensemble de son action et pas seulement sur l’endroit.
Un enfant plus grand demande à aller au skatepark avec son copain après l’école. Vous n’êtes pas d’accord pour qu’il y aille ce soir-là, car vous devez amener sa sœur aînée à la danse, mais vous êtes d’accord pour le lendemain. Encore une fois, si nous marquons simplement le refus : « Non, ce n’est pas possible, nous n’avons pas le temps », il interprète le refus comme un refus définitif, indépendamment du jour…
Parfois, pris dans nos vies, nos tâches domestiques, notre travail, nous ne prenons pas ou n’avons pas toujours le temps de réfléchir à pourquoi nous refusons certaines choses à nos enfants. Si nous prenons le temps de la réflexion, cela nous permet d’apporter une réponse plus acceptable pour l’enfant. Ainsi, nous évitons une « crise » qui pourrait finalement être encore plus longue à gérer.
Comment faire ?
1. Comme pour les demandes, déterminez clairement ce avec quoi vous n’êtes pas d’accord .
2. En premier lieu, formulez clairement votre refus : « Non », « Stop », « C’est interdit », « Ce n’est pas possible » et précisez ce qui est interdit : « de taper ton frère », « de monter debout sur la table », « de taper avec ton ballon contre la baie vitrée », etc .
3. Validez l’émotion de l’enfant : « Je comprends que tu sois déçu(e) », « Je comprends que tu aies envie de faire telle ou telle chose ».
4. Proposez une alternative pour trouver un accord : « Je te propose de… » .
Reprenons les exemples précédents :
« Stop ! Il est interdit de dessiner sur le mur. Je comprends que tu aies envie de dessiner. Viens, je vais te donner une feuille. » Nous reviendrons plus loin sur la manière dont nous pouvons réagir face à la « bêtise » de l’enfant (Idées 40 et 65).
« Ce n’est pas possible d’aller au skatepark aujourd’hui. Je comprends que tu sois déçu. Je te propose d’y aller demain. Viens, allons demander à la maman de ton copain si c’est possible pour lui. »
IDÉE
37
Formuler une critique
Sans forcément nous en rendre compte, nous formulons assez fréquemment des critiques à nos enfants : « Tu n’as toujours pas rangé ta chambre », « Tu as encore oublié tes affaires », « Tu ne t’appliques jamais », « Tu n’es vraiment pas gentil avec ta sœur » , etc. Ces critiques sont formulées face à un comportement qui génère chez nous une émotion négative : déception, frustration, colère, etc. L’objectif de la critique est un changement de comportement de la part de l’enfant : qu’il range sa chambre, qu’il n’oublie plus ses affaires, qu’il écrive mieux, qu’il joue davantage avec sa sœur , etc.
Comment faire ?
Parlez-lui seul à seul, sans témoin dans la mesure du possible.
Soyez concret, précis sur l’action qui vous dérange en commençant par « Je ».
Formulez une seule critique à la fois.
Évitez la négation, les généralités (encore, jamais, toujours) , ainsi que l’ironie ou les comparaisons blessantes.
Mettez-vous à l’écoute de la réponse de l’enfant, dans l’optique d’une recherche de solution réaliste convenable pour les deux parties, concrètes et vérifiables : « Je t’ai fait telle critique, cherchons une solution ensemble, as-tu quelque chose à me proposer ? » (Idée 83).
IDÉE
38
Rétablir le dialogue
Une fois le débordement émotionnel calmé chez l’enfant, mais aussi chez vous, il est indispensable de rétablir le dialogue et de ne pas faire comme si rien ne s’était passé.
Nous pouvons avoir tendance à éviter cette étape de peur que cela ne dégénère à nouveau. C’est l’exemple typique du parent qui passe juste la tête par la porte de la chambre de l’enfant et la crise repart . En effet, cela arrive généralement dans deux situations :
La première survient si l’une des personnes (parent et/ou enfant) n’est pas totalement calmée. Une petite astuce : prévoir un feu vert ou smiley à avoir chacun à disposition. Dans un endroit neutre, chacun pose son feu vert ou son smiley pour dire quand il est calmé. Tant que les deux ne sont pas posés, le dialogue ne peut pas recommencer.
La deuxième situation qui engendre généralement une reprise du conflit est liée au contenu des propos échangés. En effet, mettons-nous à nouveau à la place de nos enfants. Imaginez-vous vous être disputé avec votre mère lors du dernier repas de famille. Quelques jours après, vous l’appelez pour discuter de ce qui s’est passé et pour désamorcer ce conflit. À peine a-t-elle décroché qu’elle vous lance : « Tu te rends compte de ce que tu m’as dit. Tu n’as pas à me parler comme ça. De toute façon, c’est toujours pareil. Je n’ai plus envie de faire d’effort. Maintenant, c’est à toi de changer. » Quelle sera votre réaction ? Il est fort probable que vous vous énerviez à votre tour, que vous raccrochiez et surtout, il y a peu de chance que vous ayez envie de changer quoi que ce soit dans votre comportement.
Or, quand nous reparlons des conflits avec nos enfants, nous adoptons souvent cette posture de reproche et d’attente de changement de la part de l’enfant.
Comment faire ?
Nous vous proposons de changer de posture en basant à nouveau vos propos sur les émotions . Parlez de vos propres émotions en lien avec la situation. Utilisez le JE et non plus le TU . Par exemple : « Je suis triste quand tu te disputes avec ta sœur », « Je suis en colère quand tu me cries dessus » . Cette posture à un double avantage. Premièrement, cela montre à votre enfant comment exprimer à son tour ses propres émotions. Deuxièmement, cela laisse à l’enfant la responsabilité de modifier son comportement en prenant conscience que ses actions ont des conséquences sur autrui.
Nous verrons plus loin comment poursuivre le dialogue avec l’enfant après cette première étape (Idées 82 à 84).
CHAPITRE 5
Ces solutions qui n’en sont pas
Les idées qui suivent ne sont pas des idées de choses à mettre en place, mais des illustrations de comportements qui peuvent paraître être de bonnes solutions, mais qui, si on les analyse bien, ont tendance à augmenter les problèmes…
IDÉE
39
Quel est votre objectif ?
Nous fixons un cadre et des limites à nos enfants « pour leur bien ». Notre objectif est qu’ils soient de « bonnes personnes ».
L’OBJECTIF que nous avons est le bon. Parfois, ce sont les MOYENS que nous utilisons qui ne le sont pas.
Si nous utilisions une image, nous pourrions dire que nous cherchons à aller dans une direction donnée (bien-être, bonne éducation, bonheur), mais que parfois la route que nous empruntons n’est pas la40 bonne, et nous emmène dans une mauvaise direction. L’idée de ce livre est de vous permettre de trouver des itinéraires bis.
Dans cette partie, nous souhaitons réfléchir avec vous à toutes ces solutions que vous avez essayé de mettre en place, mais qui ne fonctionnent pas (voire qui aggravent la situation). L’idée n’est pas de vous juger négativement, mais plutôt d’essayer de repérer ce qui marche et ce qui ne marche pas, afin de concentrer votre énergie sur ce qui porte ses fruits.
IDÉE
40
Les punitions
Les punitions ont longtemps été au centre des stratégies éducatives classiques. L’enfant doit obéir, et s’il n’obéit pas, ou s’il fait une bêtise, il est puni.
Le principe de la punition est basé sur l’idée que l’enfant se « souviendra » d’avoir été puni, et ne recommencera pas ladite bêtise s’il se retrouve dans la même situation quelques jours plus tard. Le problème, c’est que de nombreuses « bêtises » sont faites de manière très impulsive par les enfants , ils n’ont alors pas le temps de se dire : « Il ne vaut mieux pas que je fasse cela, car il y a deux semaines j’ai été puni dans la même situation… »
Prenons un exemple :
Votre enfant adore sauter dans les flaques. Lors d’une sortie un jour de pluie, alors qu’il est très excité, il salit son pantalon en sautant dans une flaque un peu trop grosse. Vous le punissez : plus de trottinette pendant une semaine, car il n’a pas fait attention ! L’après-midi se finit tristement… Deux semaines plus tard, vous vous retrouvez dans la même situation (sortie sous la pluie, plein de flaques, plein d’énergie…). Il est plus que probable, si vous ne l’ANTICIPEZ pas (Idées 54, 55 et 56) , que le pantalon finisse dans le même état, et que votre enfant soit de nouveau puni…
Il existe alors un risque de CERCLE VICIEUX (Idée 17), car si de votre côté vous n’avez pas oublié ce qui s’était passé la première fois, vous aurez peut-être tendance à punir PLUS SÉVÈREMENT cette deuxième « bêtise » (sans malheureusement arriver à beaucoup plus d’efficacité).
Par ailleurs, chez certains enfants, les punitions fonctionnent parce qu’ils ont peur : l’enfant ne refait pas la bêtise, non pas parce qu’il a compris ce qui est interdit, mais plutôt par crainte de la réaction de son parent. La peur de son parent peut sembler efficace à court terme, mais c’est une situation « risquée » sur le long terme, qui peut très vite entraîner une escalade : que faites-vous si l’enfant en grandissant n’a plus peur de votre réaction ? Vous augmentez la pression ?
Vous l’aurez compris, nous préférons d’autres techniques qui contribuent à ce que les enfants respectent davantage les règles et s’opposent moins à leurs parents, notamment les techniques de renforcement positif (Idée 51) ou encore de réparation (Idée 65).
Si, selon vous, le comportement de votre enfant relève d’une punition, nous vous proposons quelques principes pour que les choses aient le moins de risque de se transformer en cercle vicieux :
1. Ne pas choisir la punition quand vous êtes en colère :
Vous risquez de vous emporter, et la punition peut être trop sévère. Exemple : Bien que vous lui ayez demandé trois fois d’arrêter, votre enfant joue avec son verre à table… Il finit par le faire tomber, il se casse. Et en essayant de le rattraper, il fait tomber un plat auquel vous tenez… Vous êtes très en colère, vous le punissez spontanément : interdiction d’écran pendant un mois !!
Vous voilà coincé : soit vous le laissez finalement regarder la télévision au bout d’une semaine (et vous donnez l’impression de ne pas tenir réellement les punitions), soit vous tenez sur la longueur, et votre enfant se sentira injustement traité (il aura d’ailleurs probablement oublié la cause première de la punition…). Laissez-vous le temps : « Je suis très en colère de ce que tu viens de faire. Tu seras puni. » Ainsi vous vous laissez le temps de penser à la punition à tête reposée.
2. Choisissez une punition courte (quelques jours, une semaine maximum).
3. Formulez-la comme un retrait de quelque chose : retrait des jeux vidéo, retrait de la planche de skate, etc.
4. Faites en sorte, si c’est possible, que la punition soit en rapport avec la bêtise . Exemple : Votre enfant rentre pour la troisième fois avec beaucoup de retard du skatepark. Eh bien, privez-le de skatepark le lendemain…
Enfin, si c’est possible, ANTICIPEZ et PRÉVENEZ-LE de l’imminence de la punition : « Attention, je compte jusqu’à 5… si tu n’arrêtes pas à 5, tu n’auras pas le droit de regarder la télé cet après-midi. » Cela laisse à votre enfant la possibilité de changer son comportement.
IDÉE
41
Attendre le déclic de l’enfant
Lorsque les enfants ont du mal à gérer une émotion ou présentent des troubles du comportement, en tant que parents, nous souhaitons de tout notre cœur que la situation « change ». Parfois, les parents nous disent : « Je voudrais qu’il comprenne, qu’il ait un déclic . »
Le déclic existe en chirurgie : il y a un problème, et suite à l’action du chirurgien, le problème est résolu. En psychologie développementale, cela n’existe pas vraiment. Des changements profonds sont possibles et auront lieu, mais cela peut prendre plus de temps et demande un effort plus soutenu sur la durée. Cela nécessite aussi que nous soyons les plus cohérents et constants possibles dans nos réactions. D’une manière générale, essayons de passer de la question « mais pourquoi agit-il comme ceci ? » ou « mais pourquoi ne change-t-il pas ? » à la question : « Que puis-je faire, en tant que parent, pour diminuer ce problème ? » Ainsi, nous sommes beaucoup plus focalisés sur notre propre comportement que sur celui de l’enfant.
Il est vrai que, parfois, des changements de comportement de l’enfant peuvent sembler « rapides ». Ce n’est pas qu’un déclic a eu lieu, c’est en réalité bien souvent une association de plusieurs facteurs qui ont permis ce changement.
IDÉE
42
Vouloir absolument qu’il « comprenne »
Lorsque vous mettez en place des règles et des interdits, vous le faites avec un objectif précis pour l’enfant. Par exemple : limiter les jeux vidéo, CAR on sait qu’à long terme et à haute fréquence, cela peut avoir tendance à fatiguer l’enfant et jouer sur ses capacités attentionnelles.
Parfois, quand vous fixez un interdit ou une règle à votre enfant et qu’il proteste, vous pouvez avoir tendance à EXPLIQUER ledit objectif, la RAISON pour laquelle vous lui interdisez de se coucher tard, ou vous ne voulez pas lui acheter la dernière console. C’est logique et totalement adapté d’expliquer à votre enfant vos décisions : il se rend compte que vous ne posez pas toutes ces règles juste pour l’embêter, et cela évite un sentiment d’injustice (Idée 34) ou d’incompréhension.
Mais il ne faut pas trop insister sur ces explications. Il n’est pas nécessaire que votre enfant TOMBE D’ACCORD avec vous. Vous aimeriez lorsque vous fixez un interdit entendre une réponse comme : « OK papa, maintenant que tu me dis ça, je comprends pourquoi tu ne veux pas que j’invite Théo demain, bien sûr il faut que je travaille mon contrôle… » Bien évidemment, ce type de réponse est rarissime, voire impossible à obtenir (et c’est normal, l’enfant défend son point de vue et doit gérer sa frustration…). Si vous multipliez les explications, vous donnerez l’impression de vous JUSTIFIER . Or vous n’avez pas à vous justifier.
De plus, ce moment de discussion risque de créer une escalade (Idée 74) et donc une crise. Il est par conséquent plutôt sain, après avoir bien expliqué sans s’y attarder la raison de votre décision, de clore le « débat » en disant une phrase comme « Écoute, je t’ai expliqué pourquoi j’avais fixé cette règle, maintenant je ne souhaite plus en parler, ma décision est prise » et de quitter la pièce (Idées 31 et 36). Il est probable que l’enfant cherche à relancer la discussion : « T’es vraiment injuste, je ne peux JAMAIS rien avoir, vous êtes des parents méchants. » Tenez bon et ne répondez pas à ses provocations, surtout si elles augmentent. Rappelez-vous qu’à ce moment-là, l’enfant cherche à vous faire réagir.
IDÉE
43
Culpabiliser
Souvent, en tant que parents, lorsque des difficultés comportementales ou émotionnelles apparaissent, la question que nous nous posons est « pourquoi ? ». Par exemple : « Pourquoi réagit-il comme cela ? Pourquoi est-il si timide ? Pourquoi fait-il ces colères ? » Et chacun des parents fera ses propres hypothèses. Parfois, vos proches, voire des inconnus, vous donneront aussi leurs avis sans que vous les ayez sollicités : « tu étais pareil quand tu étais petit », « vous le laissez trop faire », « vous travaillez trop » , etc. Finalement, la plupart des réponses entraînent de la culpabilité chez le parent.
Quelques remarques :
La culpabilité est une émotion. Comme nous l’avons vu à de nombreuses reprises, ressentir une émotion est quelque chose de tout à fait normal. Ressentir de la culpabilité en tant que parent est donc un processus naturel.
Dans certaines situations, cette émotion peut nous permettre de modifier notre comportement et ainsi d’améliorer la relation parent-enfant pour favoriser un accompagnement serein des émotions de nos enfants.
Mais attention, ruminer cette émotion négative en se posant des questions en permanence (auxquelles en réalité personne n’a de réponse) entraîne au contraire un déclin de la relation. Aux questions « pourquoi ? » posées précédemment, il y a généralement plusieurs réponses, qui évoluent dans le temps et dont certaines n’ont aucun lien avec les parents.
Trouver la cause d’un problème n’est pas toujours nécessaire et surtout non suffisant pour trouver des solutions.
La question que l’on doit se poser est « comment ? » modifier le comportement. Cette question est tournée vers l’avenir et permet de projeter un changement, alors que la question « pourquoi ? » est tournée vers le passé que l’on ne peut généralement pas changer.
IDÉE
44
Piéger l’enfant pour voir si l’on peut lui faire confiance
Dans certaines situations, nous souhaitons évaluer la confiance que nous pouvons accorder à notre enfant. Si l’idée est compréhensible, il faut bien y réfléchir, car elle peut être source de conflits ou d’incompréhensions.
Illustrons notre propos :
Le père d’un jeune de 12 ans attend son fils qui doit rentrer d’un entraînement de foot. L’adolescent tarde à arriver. Le téléphone sonne, c’est l’entraîneur qui confie au père que l’entraînement a été très compliqué et que l’adolescent s’est énervé.
Dix minutes plus tard, lorsque le jeune rentre à la maison, son père s’empresse de lui demander :
« Ça s’est bien passé l’entraînement ? »
L’enfant (qui n’est pas au courant que l’entraîneur a appelé) répond :
« Ouais ouais, nickel, ça va… » et fait mine d’aller dans sa chambre.
Le père se met alors en colère, disant que l’enfant lui a menti et qu’il ne peut pas lui faire confiance !
S’ensuivent une crise de colère et une dispute.
…
Analysons cet échange : à la place de « Ça s’est bien passé l’entraînement ? » , si le père avait dit d’emblée : « Ton entraîneur m’a appelé et m’a prévenu qu’il y a eu un problème, que s’est-il passé ? » , la crise de colère n’aurait probablement pas eu lieu.
Il est plutôt normal, pour un adolescent, de ne pas dire spontanément à ses parents s’il a fait des bêtises ou si quelque chose s’est mal passé.
Nous demandons souvent en consultation aux parents s’ils ont eux-mêmes déjà caché des choses à leurs parents pendant leur enfance. La réponse est oui, évidemment.
En ne révélant pas d’emblée qu’il est au courant de l’incident, le parent crée un deuxième problème en plus de celui de l’entraînement : il met l’adolescent dans une situation où il risque grandement de mentir et d’être piégé.
IDÉE
45
Céder face à une crise
Imaginez cette scène assez fréquente et pourtant si gênante :
Un parent et son enfant font la queue à la caisse d’un supermarché, après une bonne heure de courses.
L’enfant voit sur le présentoir devant le tapis roulant de magnifiques cartes de son héros favori, il interpelle aussitôt son parent :
Enfant : « On peut l’acheter ? Allez, s’il te plaît… »
Parent : « Non, tu en as déjà plein… »
Enfant : « Allleeeeeez, s’il te plaaaîîîîîîîît ! » (en haussant la voix)
Parent : « Arrête ! Cesse tes caprices… »
L’enfant commence à crier et fait mine de secouer le caddie®. Les gens autour dans la file d’attente commencent à s’intéresser à la situation…
Le parent finit par craquer et dit : « Booooon, OK, OK, prends-les, ça va pour cette fois… »
La crise s’arrête instantanément, l’enfant prend les cartes en souriant.
Comme vous pouvez l’imaginer, le fait que le parent ait cédé va avoir tendance à renforcer les crises. C’est comme si le cerveau de l’enfant se disait : « Tiens, quand je crie et que je fais une crise, j’obtiens ce que je veux. »
On parle dans cette situation de renforcement négatif .
Une des clés pour éviter ce risque réside dans l’anticipation (Idées 54, 55 et 56) et le fait de fixer un cadre bien précis (Idées 62 à 65).
IDÉE
46
Se laisser entraîner dans un cercle vicieux
« Une peur qu’on évite se transforme en panique, une peur qu’on affronte se transforme en courage. » Giorgio Nardone.
Les parents représentent une base de sécurité pour leur enfant. C’est donc tout à fait normal que quand il a peur, un enfant demande de l’aide ou du réconfort à ses parents. Les parents se retrouvent parfois dans une position d’équilibriste : ils font des choses pour que leur enfant n’ait plus peur, mais perdent parfois le contrôle, et des rituels peuvent s’installer dont on ne sait pas trop comment sortir…
Prenons un exemple :
Un enfant a peur dans sa chambre le soir et se met à pleurer. Le parent vient le rassurer et propose de rester 5 minutes. Le lendemain, au coucher, l’enfant demande au parent de venir d’emblée 5 minutes, car il pense qu’il va avoir peur. Le parent accepte. Quelques jours plus tard, lorsque le parent se lève pour quitter la chambre, l’enfant se met à pleurer en suppliant son parent de rester plus longtemps. Le parent rechigne, mais les pleurs redoublant, il finit par accepter…
À ce rythme-là, de nombreux parents se retrouvent contraints de rester dans la chambre jusqu’à ce que l’enfant s’endorme ! On voit bien ici qu’un cercle vicieux s’est installé, et que le parent a perdu le contrôle de la situation. De plus, on se rend compte que paradoxalement la présence du parent rassure l’enfant, mais ne l’aide pas à dépasser ses peurs.
Que faire ? Quelques pistes sont proposées aux Idées 86 à 90.
IDÉE
47
Rassurer, mais pas trop
Si l’on rassure trop, ou trop vite, l’enfant peut se sentir incompris.
Exemple de dialogue entre un parent et un enfant :
Enfant : « J’ai peur dans ma chambre… »
Parent (qui ne cherche pas à comprendre) : « Mais non, t’inquiète pas, il n’y a pas de raison d’avoir peur… »
Regardez les premiers mots de la réponse du parent : « MAIS NON ». Paradoxalement, parfois en voulant rassurer, c’est comme si l’on rejetait l’émotion de l’enfant, et celui-ci ne se sent ni compris ni entendu… Comme nous l’avons vu précédemment (Idée 31), il est plus efficace dans un premier temps de bien valider l’émotion de l’enfant et de comprendre (quand l’enfant arrive à l’exprimer) ce qui a entraîné cette émotion.
La réassurance passe aussi par le questionnement socratique, comme on le décrit dans le dialogue ci-dessous :
Enfant : « J’ai peur dans ma chambre… »
Parent : « Tu as peur ? Ouh là, mais de quoi tu as peur ? » (L’émotion ici est bien validée)
Enfant : « Dans le placard, il y a un bruit… »
Parent : « Il y a un bruit dans le placard. Tu penses que c’est quoi ? »
Enfant : « Je sais pas… Comme s’il y avait une bête ou quelque chose… »
Parent : « Tu as déjà vu une bête dans ce placard ? »
Enfant : « Non… »
Parent : « Moi non plus. C’est peut-être le voisin du dessus qui fait du bruit… Si tu veux, je laisse la porte un peu ouverte pour cette nuit, et demain on cherchera ensemble d’où peut venir ce bruit… »
CHAPITRE 6
Profiter des bons moments et les décupler
IDÉE
48
Les qualités de votre enfant
La question centrale de cette idée est la suivante : dites-vous souvent à votre enfant ce que vous vous trouvez positif en lui ? (Idée 32)
Comme évoqué précédemment, le fait de dire ce qui convient va dans le sens d’une diminution des débordements émotionnels.
Comment parle-t-on des qualités de son enfant ?
Tout simplement en utilisant la formule « je trouve que ».
Je trouve que tu es débrouillard.
Je trouve que tu es pleine d’énergie.
…
Et surtout, n’attendez rien en retour ! Parfois, les enfants réagissent paradoxalement quand on leur fait des compliments ou que l’on parle de leurs qualités. Vous ne dites pas ces choses pour AVOIR quelque chose en retour. Vous dites ces choses parce que vous les pensez.
N.B. Attention à rester sincère et à ne pas trop en faire non plus. Si la valorisation a des effets positifs, la survalorisation n’est pas recommandée, car elle peut avoir des conséquences négatives.
L’enfant devient orgueilleux, trop sûr de lui, hautain… Vos remarques répétées « tu es très fort » se sont transformées dans sa tête en « je suis le meilleur ».
Si vous réagissez trop positivement quand il réussit quelque chose, il va mettre une grande importance dans la réussite de tout ce qu’il entreprend… Le jour où il se trouve en difficulté ou en échec, cela devient insupportable pour lui.
Évitez aussi de nier l’échec, soit en l’imputant à des causes extérieures à l’enfant (erreur d’arbitrage, malchance, etc.), l’enfant finira par ne plus vous croire… Il sait bien qu’il a raté sa compétition de sport, et ce ne sont pas vos remarques, comme « Ouah ! moi je trouve que tu as été vraiment très fort », qui vont y changer grand-chose…
IDÉE
49
Des petites remarques et des petits gestes positifs
Comme évoqué à plusieurs reprises dans cet ouvrage, les émotions positives et les compliments sont des alliés très efficaces pour aider l’enfant à gérer ses émotions 10 . En lien avec l’idée 32, il s’agit ici de multiplier les « bons moments » et de garder toujours en tête l’envie de partager en faisant plaisir à l’enfant, de manière spontanée et non réfléchie.
Exemple : Vous rentrez de l’école avec votre enfant. C’est une journée comme les autres, mais :
Idée 1 : Vous proposez à votre enfant de passer chez le libraire acheter un petit livre.
Idée 2 : Vous proposez à votre enfant de faire un tour de manège (ou une partie de jeu vidéo sur une borne d’arcade dans une salle de jeux).
Idée 3 : Vous vous êtes organisé pour aller goûter au super skatepark qui plaît tant à votre enfant…
…
Une maman nous expliquait lors d’une prise en charge qu’elle avait bien compris le principe des remarques positives : elle envoyait, quand elle en avait envie , des petits SMS affectueux à sa fille adolescente, par exemple : « je pense à toi » ou encore « tu m’as trop fait rire hier » ou même le classique « je t’aime »… Elle avait pu nous confier que sa fille avait trouvé cela bizarre au début, mais qu’imperceptiblement, cela avait changé en bien leur relation. Et surtout, cette maman pouvait dire que cela lui faisait un bien fou à elle !
Les « règles » :
Être spontané.
Vouloir se faire plaisir et faire plaisir à son enfant.
Avoir de l’imagination.
Rester simple…
10 . Omer, H. (2017). La résistance non violente : une nouvelle approche des enfants violents et autodestructeurs. De Boeck Supérieur.
IDÉE
50
Comportements négatifs et positifs des enfants / Réactions des parents
Voici un petit exercice pour vous aider à prendre du recul face au comportement de vos enfants et à vos réactions.
Les objectifs sont multiples :
Repérer les comportements positifs des enfants, parfois cachés par leurs comportements négatifs.
Prendre conscience d’un potentiel déséquilibre entre vos réactions face aux comportements négatifs et aux comportements positifs.
Analyser vos réactions : leur constance, leur cohérence, leur proportion face aux comportements.
Comment faire ?
Prenez une feuille et divisez-la en 4 colonnes comme illustré sur le tableau ci-contre.
Remplissez les colonnes en pensant à la dernière journée ou au dernier après-midi que vous avez passé avec votre enfant.
Notez tous les comportements positifs, même minimes ( exemples : il a mis la table, elle a aidé son frère, vous avez fait une balade tous ensemble, etc. ).
Notez également les comportements qui vous ont dérangé ( exemples : il a râlé pour aller se laver, elle a claqué la porte de sa chambre, ils se sont bagarrés ).
En face de chaque comportement, notez votre réaction ou faites un trait si vous n’avez pas réagi ( exemples : j’ai crié, je l’ai puni, je l’ai remercié, je l’ai récompensé, etc. ).
Réactions parents |
Comportements positifs |
Comportements négatifs |
Réactions parents |
- - - |
- - - |
- - - |
- - - |
IDÉE
51
Le renforcement positif
L’idée générale du renforcement positif est de souligner ce que l’enfant fait de bien plutôt que de pointer ce que nous jugeons être des bêtises ou des erreurs . Ce mode de communication n’est pas habituel dans notre société, ni envers les enfants, ni même envers les adultes. Prenons un exemple dans notre vie quotidienne : lorsqu’une tâche ménagère n’est pas faite, contrairement à ce que l’on aurait souhaité par la personne avec laquelle on vit, nous ne manquerons pas de le lui faire remarquer. À l’inverse, lorsque cette tâche est réalisée, nous pensons rarement à remercier la personne ou simplement à lui dire que nous sommes contents. Pourtant, il y a de fortes chances pour qu’elle ait davantage envie de la faire si nous la remercions plutôt que si nous la réprimons . Il en est naturellement de même avec les enfants.
Quelques exemples de formulations positives
« Je suis contente que tu m’aides à faire la cuisine aujourd’hui » plutôt que « Tu ne m’aides que quand ça t’arrange ».
« Je suis ravi de voir que vous jouez ensemble avec ton frère » plutôt que « Ah ben, vous voyez que vous êtes capables de jouer ensemble quand vous voulez ».
« J’apprécie que l’on répare ensemble ton vélo » plutôt que « C’est quand même mieux que de passer la journée sur ton téléphone ».
« Tu as bien rangé tes petites voitures, tu veux que je t’aide pour trier tes jeux de construction ? » plutôt que « Ah ben, je croyais que tu avais fini de ranger ta chambre, tu m’as menti, il reste encore tes jeux de construction, dépêche-toi ! ».
« Tu t’es habillé tout seul aujourd’hui, il ne manque plus que tes chaussures » plutôt que « Tu n’es pas prêt encore ?! Vite, on part dans deux minutes ».
Le discours positif favorise la mise en action de l’enfant, car il insiste sur le comportement réalisé et non sur celui que l’on souhaite éviter.
Le renforcement positif est tourné vers l’AVENIR contrairement aux punitions tournées vers le PASSÉ (Idée 40). L’enfant trouvera un bénéfice à agir de manière positive. À moins d’avoir une machine à remonter le temps, il est plus facile d’adapter son comportement pour une situation à venir que de changer le passé !
Lorsqu’une consigne est donnée, la négation n’est pas un mode de communication optimale. Par exemple, si vous lisez ou que l’on vous dit : « Ne pensez pas à un éléphant ! », vous allez malgré tout forcément penser à un éléphant…
Comment faire ?
Notez les actions positives accomplies par votre enfant.
Exprimez votre émotion.
Indiquez dans un second temps et sans jugement ce qu’il reste à faire si l’action n’est pas totalement achevée.
Encouragez.
Évitez les négations.
Évitez les généralisations (jamais… encore… toujours… etc.) .
IDÉE
52
Tableau de récompenses
Parfois, compliments et renforcements positifs ne suffisent pas pour motiver les enfants. Dans certains cas, un tableau mettant en évidence les réussites de l’enfant et permettant l’obtention d’une récompense peut être un bon outil pour augmenter la motivation de l’enfant . Souvenez-vous des bons points précieusement gardés dans une boîte quand nous étions à l’école et que l’on pouvait échanger contre une récompense auprès de la maîtresse…
Comment faire ?
Expliquez à l’enfant que vous trouvez qu’il n’est pas assez récompensé pour les choses agréables qu’il fait, que vous voulez changer cela, que vous allez créer un tableau qui récompensera ses comportements positifs et ses efforts et qu’il recevra des récompenses.
Définissez entre 3 et 5 actions (en fonction de l’âge) permettant l’obtention des « bons points ». Il est important de limiter le nombre d’actions pour maintenir la motivation de l’enfant. Formuler des actions de manière précise et positive.
Exemples d’ actions à proscrire : « Ranger la chambre » (pas assez précis), « Ne pas répondre quand on te parle » (pas assez précis et formulé négativement), « Ne pas taper » (formulation négative et l’absence de comportement inacceptable ne justifie pas d’être récompensé).
Exemples d’ actions à proposer : « Mettre ses jouets dans les caisses de jouets à la fin de la journée », « Venir à table dans les 5 minutes après qu’on me l’a demandé », « Demander de l’aide à mes parents si je ne parviens pas à résoudre un conflit avec mon frère ou ma sœur ».
Les actions doivent être choisies avec l’enfant. Dans l’idéal, sur trois actions, une est choisie par le parent, une par l’enfant et une est l’objet d’un compromis. L’adhésion de l’enfant est indispensable.
3. Fixez la fréquence des récompenses . Celle-ci va dépendre de l’âge et de la motivation de l’enfant. Plus l’enfant est petit, plus il est difficile d’attendre de cumuler le nombre de points suffisant pour mériter la récompense. Selon l’enfant, cela peut être tous les jours, deux fois par semaine ou à la fin de la semaine. Les plus grands pourront choisir de cumuler leurs points tous les mois pour obtenir une récompense plus conséquente.
4. Mentionnez, en dessous du tableau, le nombre de « bons points » nécessaire pour obtenir la récompense et la nature de la récompense.
Commencez par un petit nombre de points. Exemple : sur une semaine avec 3 actions par jour, commencer par 6 points nécessaires au total pour obtenir la récompense. L’idée est de motiver l’enfant. S’il n’obtient pas de récompense la première semaine, il ne sera pas motivé pour la semaine suivante. Augmentez très progressivement. Exemple : 8 points la deuxième semaine, 10 la troisième, etc. Une fois qu’une action est réalisée tous les jours pendant deux semaines, il est possible de choisir une nouvelle action.
Les récompenses ne sont pas (forcément) des récompenses matérielles. Cela peut être une sortie (vélo, zoo, cinéma, etc.), un bon repas (plat préféré de l’enfant, gâteau, etc.), une activité appréciée par l’enfant (peinture, jeux de société), un dessin animé en famille, etc. Si la récompense est matérielle, cela peut être des petits objets : cartes Pokémon ® , billes, stylos-gommes, élastiques ou barrettes pour les cheveux, etc. Les récompenses financières ne sont pas conseillées.
Il est important que le tableau soit visible par l’enfant. Il est également préférable que ce soit le parent qui note le bon point dès que l’action est réalisée (sous forme de smileys, gommettes, points verts ou autres), et ce, en présence de l’enfant.
Attention : Lorsque l’action n’est pas réalisée, on ne note rien dans le tableau (pas de smiley qui fait la tête ou de point rouge). On n’enlève jamais un point obtenu. Et enfin, si l’objectif de points a été atteint, la récompense est TOUJOURS donnée (même si l’enfant a eu un comportement inapproprié juste avant).
Le parent peut choisir de donner (ponctuellement) un point bonus pour une action réalisée et non notée dans le tableau.
Ce type d’outils fonctionne généralement durant une certaine période puis ne fonctionne plus. La motivation de l’enfant baisse. Dans un premier temps, réévaluez les objectifs et les récompenses. Si cela ne fonctionne toujours pas, arrêtez-le puis réutilisez-le après quelques semaines de pause.
IDÉE
53
Moment spécial
Entre le travail, les tâches ménagères, les loisirs, etc., il nous paraît parfois difficile de trouver du temps… Du temps pour nous, notre couple, nos amis, nos enfants… Parallèlement, nous avons aussi le sentiment que nos enfants cherchent à attirer notre attention en permanence, sont tout le temps en demande, surtout lorsque nous ne sommes pas disponibles, et qu’ils ne jouent jamais seuls…
Arrêtons-nous un instant. Combien de temps avons-nous passé cette dernière semaine avec chacun de nos enfants ? Temps durant lequel nous avons partagé une activité qui LUI fait plaisir ? Temps durant lequel nous étions réellement et totalement disponibles (sans autre chose à faire, sans un autre enfant, sans notre téléphone, etc.) ? Temps durant lequel nous ne lui avons fait aucune remarque négative ?
Le moment spécial est une technique émanant du programme de Barkley 11 , construit à l’origine pour les enfants qui présentent un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
C’est un moment que l’on va pleinement consacrer à son enfant. Ces moments ne doivent pas forcément être longs, mais ils doivent être de qualité. Dans l’idéal, cela pourrait être 5 minutes tous les jours. Cela vous paraît trop compliqué ? Vous pouvez consacrer à votre enfant 20 minutes le mercredi et 20 minutes le week-end, ou même 1 heure par semaine. Bien entendu, il n’y a pas de règle immuable.
Comment faire ?
Indiquez à votre enfant que vous souhaitez mettre en place un moment spécial à deux que vous souhaitez partager avec lui. Il doit être d’accord sur le moment où a lieu ce temps partagé.
C’est l’enfant qui choisit l’activité (vous allez peut-être vous rendre compte que vous aimez les jeux vidéo !). Cela doit être une activité de partage telle qu’une activité créative ou en extérieur.
Libérez-vous de toute autre activité avant de commencer : pas de casserole sur le feu, de lessive à étendre, de coup de téléphone attendu, d’heure de départ trop rapprochée. Le moment spécial est un temps qui doit être pleinement consacré à l’enfant.
Laissez l’enfant jouer ou réaliser l’activité telle qu’il le souhaite.
Si l’enfant commence à se comporter de façon non adaptée , retournez-vous simplement et regardez ailleurs pendant quelques instants. Si ce comportement persiste, dites-lui que le moment spécial est terminé et quittez la pièce. Dites-lui que vous jouerez plus tard quand il se comportera de façon agréable.
11 . Saiag, M. C., Bioulac, S., & Bouvard, M. (2007). Comment aider mon enfant hyperactif. Odile Jacob.
CHAPITRE 7
Anticiper les situations difficiles