Voyage en Anjou 1
Il est trois heures de l’après-midi. Le soleil est brûlant 2 . Ils sont deux. Ils portent d’énormes sac à dos. Ils marchent lentement sur la route des Perreyeux – c’est-à-dire la route des travail -leurs de la pierre –, celle qui mène de Trélazé 3 à Angers. Ils transpirent :
– Il fait chaud...
– Oui, même très chaud, le soleil est brûlant. Je suis fatigué.
– Moi aussi... Mon sac à dos est lourd, très lourd.
– Mais qu’est-ce que tu as dedans ?
– Trop de choses, tous mes secrets !
Ils ont chacun une fillette de rosé. Une fillette ? Oui, c’est une petite bouteille de rosé d’Anjou qu’on appelle ainsi. C’est un cadeau précieux 4 ! Elle n’est sûrement plus très fraîche mais justement, il faut la boire vite !
– Dis, on s’arrête ? Je n’en peux plus. On cherche un arbre pour se mettre à l’ombre ? Il y a trop de soleil.
Ils ne trouvent qu’un petit arbre, il est maigre mais il n’y a pas de gros arbres ici.
– C’est mieux que rien, allons-y, en plus, ici, personne ne nous connaît, dit Daniel, le plus petit des deux. Viens, on s’installe sur une grosse pierre d’ardoise 5 .
Je trouve les toits 6 jolis ici avec cette ardoise bleue.
– L’ardoise ici, c’est typique, tu sais, dit Alain, c’est la pierre qu’on met sur les toits des maisons dans l’Ouest de la France, en Bretagne, en Anjou...
– Bon, ça va, ça va. On n’est plus à l’école.
– Ça te dérange d’apprendre ? dit Alain.
– Non, non, mais... répond Daniel.
– Je transpire et j’ai mal aux pieds, on marche trop...
– Enlève 7 tes chaussures.
– Mais malheureusement, je ne peux pas les enlever car la pierre est brûlante et on ne peut pas marcher dessus avec les pieds nus. J’ai peur des vipères 8 sous les ardoises, dit Alain.
– Mais pourquoi ? interroge Daniel.
– Elles sont dangereuses, maintenant en début d’été, leur venin 9 est particulièrement concentré. Alain sait toujours beaucoup de choses !
Daniel pose son sac et cherche son outil préféré 10 : un tire-bouchon pour ouvrir sa bouteille. Alain a faim. Il sort du pain, du jambon et des rillettes de porc 11 . C’est le paquet repas préparé par la viticultrice 12 – elle fait un vin excellent – « un sandwich avec des spécialités de la région » leur a-t-elle dit avec un grand sourire.
Ils ont travaillé tous les deux comme saisonniers 13 quelques jours dans le « vin d’Anjou», c’est-à-dire le vignoble angevin, chez des viticulteurs qui font du vin « bio -logique ». Ils ne sont pas restés longtemps, ils n’ont pas envie de travailler.
– Il fait tout simplement trop chaud ici.
– Oui... et le travail est fatigant, on ne peut pas travailler comme ça toute l’année.
– L’été, c’est fait pour les vacances, pour se relaxer, pour se baigner. En Loire 14 , c’est impossible, c’est même interdit parce que c’est trop dangereux... mais dans la Maine ? Oui, mais c’est loin. Il y a encore 5 km jus -qu’à Angers et jusqu’au lac 15 de Maine...
– Oh ! N’y pensons plus, dit Alain qui se masse les pieds, c’est le bout du monde 16 ! Les distances, c’est important quand on est à pied mais ce n’est pas dramatique, on a le temps.
Dans la vie d’un vagabond, il y a cinq grands problèmes : la faim, la soif, le froid, la chaleur et la nuit. Pour aujourd’hui, la faim et la soif sont réglées mais la chaleur et la nuit ?
– Dis, je voudrais visiter le château d’Angers. Il y a un terrain de camping, en ville ? demande Daniel.
– Oui, mais malheureusement, il est fermé. Les autres terrains sont en bord de Loire et ce n’est pas notre direction. En plus, on peut rencontrer quelqu’un qui nous reconnaît. Alors, on campe 17 comme ça... ou alors on demande une petite place dans un jardin 18 , chez un habitant gentil, répond Alain qui connaît tout.
– Viens, on y va. On verra 19 !