17
ou And That’s What Hurts
J’ai tourné la page, pour la retourner à nouveau et relire l’histoire.

 

« “J’ai vraiment fait passer cette annonce à tout hasard”, confie James Ward. L’annonce en question, parue dans List, le gratuit écossais, concernait une jeune femme qu’il avait aperçue dans une librairie spécialisée dans le voyage.
“Je n’avais jamais cru au coup de foudre, mais c’était bien de ça qu’il s’agissait, ajoute M. Ward, un laborantin spécialisé dans la numération cellulaire à l’université d’Edimbourg. Elle était grande, brune avec des cheveux courts, de grands yeux bleus et un adorable sourire.”
La semaine suivante, dans List, le message de M. Ward était le suivant : Vous consultiez un livre sur le Perthshire ; j’étais derrière vous, avec deux cafés. Je regrette de ne pas vous en avoir offert un. Peut-être n’est-il pas trop tard ?
C’était il y a quatre ans et demi. James et Jenni sont aujourd’hui mariés, et ont un fils de dix-huit mois, Henry.
“J’ai toujours pensé que si on ne saisit pas sa chance quand elle passe, au final, on se retrouve avec les mains vides”, conclut M. Ward. »
— Petit déj’ ! a crié Abbey depuis le salon.
J’ai saisi ma chance.

 

La veille, dans mon lit, j’avais contemplé le plafond en songeant à ce qu’Abbey avait dit concernant l’ambition. Cette fille ne semblait pas du genre à n’avoir pas de rêves. Elle semblait plutôt du genre à en avoir un bon million. Et je ne veux pas dire par là qu’elle était frivole, ou écervelée – même si le hasard voulait qu’elle soit l’un et l’autre. Simplement, je trouvais peu crédible que quelqu’un débordant à ce point d’énergie et de joie de vivre puisse manquer à ce point de rêves.
Personnellement, le mot « ambition » ne m’était pas étranger. Sarah et moi avions eu des ambitions. Au début, elles étaient immenses, vastes, et pourtant elles nous paraissaient totalement réalisables. Nous allions nous tuer à la tâche pendant un an ou deux. J’allais me hisser au rang de responsable de département ; elle deviendrait analyste senior. Nous ferions des économies, Sarah réaliserait tous ses objectifs fixés par sa hiérarchie, nous ne dépenserions les primes que pour nous offrir des fantaisies qui nous tenaient vraiment à cœur – une escapade dans les Cotswolds, ou un week-end à New York. Nous allions faire une bonne opération en acquérant la petite maison que nous louions à Fulham, nous allions la repeindre tout en blanc, changer le carrelage de la salle de bains et réaliser une plus-value de soixante mille livres. A la suite de quoi nous prendrions une année sabbatique, nous nous envolerions pour la Thaïlande, nous achèterions un vieux combi Volkswagen jaune canari tout bringuebalant et nous sillonnerions l’Asie du Sud-Est, en nous nourrissant de riz, et sans débronzer pendant un an.
Ensuite : étape numéro deux, le retour en Angleterre, bien reposés et pleins de sagesse. La boîte de Sarah la supplierait de revenir travailler, elle serait nommée associée, et pendant qu’elle dispenserait ses toutes nouvelles connaissances en matière de philosophie orientale à des conseils d’administration médusés et des clients impressionnés, je mettrais en forme mon journal de voyage, décrocherais un contrat pour trois livres chez un éditeur et contribuerais occasionnellement à un magazine de voyage, au titre chic et éthéré.
Mais vous savez quoi ? Des grains de sable se sont glissés dans la machine. Le pot d’échappement de la voiture nous a lâchés. Une nuit, le bruit de ferraille que nous avions attribué à un cambrioleur faisant traîner son pied-de-biche sur notre balustrade était en réalité la lettre de suicide attentionnée d’une chaudière au bout du rouleau. A l’école, je me suis retrouvé à devoir assister à toujours plus de réunions, les responsabilités se sont accumulées sur mes épaules, j’ai vu mes rêves s’éloigner avant même qu’ils se soient rapprochés, nous sommes partis en week-end à Whitstable mais jamais à New York. C’était comme si nous attendions le dernier épisode d’une saison de Mad Men, mais que le présentateur continuait à nous dire, semaine après semaine, qu’auparavant nous devions d’abord regarder encore une fois The One Show43.
Nous avons donc décidé de nous concentrer pendant un petit moment sur un projet réalisable : la maison. Mais juste à ce moment-là, Mme Lampeter est tombée malade, son fils a repris les affaires en main, et l’a convaincue de vendre. Et sans doute avait-il vu le même épisode de Help ! My House Is Falling Down44 que nous, parce que, quatre mois plus tard, la maison avait des murs blancs, un nouveau carrelage dans la salle de bains, des planchers flottants et elle était en vente à soixante mille livres de plus que sa valeur.
Donc, nous avons déménagé dans le nord de Londres. Sarah n’a pas réalisé ses objectifs, et moi j’ai échoué à me hisser au rang de responsable du département.
Et puis, un jour, Sarah a fait une fausse couche.
Je sais.
Je suis désolé.
Je n’en ai jamais parlé jusque-là. Je ne voulais pas obscurcir votre jugement ou jouer sur vos bons sentiments. Compte tenu de tout ce que vous connaissez des circonstances, je ne tenais pas à ce que vous sachiez ce que nous avions perdu. Parce que vous n’auriez plus pensé qu’à ça ; vous n’auriez plus vu que ça.
Ce que j’ai fait à Sarah est-il pire, sachant qu’elle avait fait une fausse couche un an plus tôt ? Oui. Evidemment que oui. S’il me faut être entièrement sincère, ici, c’est même pour cette raison que j’ai passé jusque-là cette information sous silence. Mais maintenant que nous jouons cartes sur table, je vais vous dire ce qui a été le plus dur, le plus éprouvant, le plus détestable pour moi : quelque part, j’ai éprouvé du soulagement.
C’est égoïste, impardonnable, atroce, je sais. D’ailleurs, je me sens atrocement mal du seul fait de l’écrire. Mais j’ai aussi le sentiment de me montrer franc et honnête, et j’espère que vous en tiendrez compte.
C’était un accident. Du jour au lendemain, nous avons découvert qu’elle était enceinte. A une semaine de panique, de hauts et de bas, en a succédé une autre à tirer des plans sur la comète.
Et puis, presque immédiatement, et de nouveau du jour au lendemain : plus rien.
Pour Sarah, cela a tout changé, irrévocablement. Elle a arrêté de s’éparpiller, elle a compris ce qu’elle voulait, ce qu’elle avait failli avoir, et combien nous avions un mode de vie égoïste. Les premiers temps, elle était à terre, désemparée, et j’avais été étrangement jaloux de cette connexion instantanée qu’elle avait établie avec une chose qui n’avait même jamais existé ; jaloux qu’elle puisse imaginer, sur la base d’un événement à ce point éphémère, qu’il existait un avenir plus radieux et épanouissant que les humbles ambitions que nous avions partagées et cajolées depuis le premier jour. Je m’imaginais qu’elle me haïssait de ne pas partager ses regrets, et avec la même force, mais je n’étais capable que de songer à la façon dont ma vie avait failli changer. Au peu de contrôle que j’avais sur ma propre destinée. Au fait que j’étais malheureux de mon incapacité à… faire quelque chose.
Bref.
Et aujourd’hui, Sarah se fiançait. Elle se dirigeait vers là où elle voulait être. Elle était en route.
Et tout ce que j’avais à faire, c’était me montrer à sa fête et lui souhaiter le meilleur.
Ça, je pouvais le faire.

 

— Qu’as-tu apporté ? ai-je demandé d’un ton soupçonneux. Ça pue !
Quoi que ce fût, c’était par chance emmailloté dans un sac en plastique.
— Pamela m’en a dit le plus grand bien, a expliqué Dev en tenant son paquet à bout de bras. C’est un genre de fromage.
— Pamela ? ai-je relevé avec un sourire. Alors comme ça, tu es passé voir Pamela ?
— Elle a un copain, Jason.
— Ils ne verront pas d’inconvénient à ma présence, n’est-ce pas ? a demandé Abbey en se débattant avec les bretelles de son sac à dos tandis que nous descendions du bus. Je me suis un peu imposée hier soir, pas vrai ?
— Je suis content que tu sois là, ai-je dit, ce qui était la vérité.
Certes, ce qui aurait été adulte, ç’aurait été d’y aller seul, de converser poliment avec de vagues connaissances et des parents que je n’avais jamais rencontrés, et qui se seraient sentis mal à l’aise en découvrant qui j’étais. « Ah, oui, Jason… », auraient-ils dit, avec des sourires feints et nerveux, tout en amorçant un mouvement de recul. Mieux valait pour toutes les parties concernées que j’arrive avec ma propre équipe.

 

La fête avait lieu dans la salle à l’étage du Queen & Artichoke, à deux pas de Great Portland Street.
La première personne que j’ai vue en entrant, rétroéclairée par un soleil aveuglant et enveloppée d’un halo de poussière en suspension, ç’a été Anna.
— C’est un signe de maturité de ta part d’être venu, a-t-elle approuvé sans pour autant me regarder en face. Bon, en même temps, c’est un pub
— Content de te voir, Anna.
— Et je vois que tu as amené ta call-girl.
Abbey, dans un coin de la pièce, étudiait le plafond d’un air perplexe.
— Elle plaisantait, tu sais, ai-je dit, un peu inutilement. Je ne suis pas du genre à pleurer et à manger des tourtes.
Anna m’a toisé.
— En ce qui concerne les tourtes, je n’en mettrais pas ma main à couper, a-t-elle remarqué en souriant.
Je lui ai laissé cette petite victoire.
— Tiens, j’ai apporté du fromage, lui a annoncé Dev, tout heureux de pouvoir lui fourrer son paquet entre les mains. Tout le plaisir est pour moi.
Tandis qu’Anna s’écartait précipitamment, j’ai regardé qui était déjà là. Tiens, Ben. Et Chloe. Et pas mal d’autres têtes que je n’avais pas revues depuis un bout de temps. Je m’étais terré, après notre rupture. J’avais renoncé à mes amis, pour les laisser à Sarah. Je voulais avant tout ne pas lui compliquer la vie, et me compliquer encore moins la mienne. En clair, cela voulait dire éviter toute confrontation. Pourquoi était-ce si dur de revoir nos amis ? Etait-ce simplement la honte, ou le fait que les revoir était l’aveu de la couardise dont j’avais fait preuve ?
J’ai attrapé un vol-au-vent sur le plateau d’une serveuse qui passait par là. Tout ce qui pouvait me donner un air affairé était bon à prendre.
— Sympa, les petites mousses, a déclaré Dev, la bouche pleine.
Et puis Gary est arrivé.
— Jason Priestley ! s’est-il exclamé sans la moindre discrétion en posant ostensiblement la main sur mon épaule. Pas celui de la série, évidemment ! C’est sympa d’être venu. Sarah m’a dit qu’elle t’avait invité. Je lui ai répondu qu’elle avait bien fait.
A ce moment-là, il a remarqué Abbey, qui photographiait une plante en pot avec son téléphone rose bonbon.
— Est-ce que c’est ton… amie ? Je ne me souviens plus de son visage. Tu avais une photo d’elle – à Whitby ?
— Non… c’est une autre amie.
Il m’a décoché un clin d’œil.
— Bien joué.
— Non, non. C’est vraiment une amie.
Il m’a refait le coup du clin d’œil.
— Pigé.
— Non, c’est vrai.
— Oui, j’ai compris.
Et là, troisième clin d’œil.
— Alors, comment ça se passe avec… ai-je commencé.
Mais Gary venait de sortir un papier de sa poche et il a placé son doigt sur ses lèvres.
— Le discours, a-t-il expliqué. Mieux vaudrait que je m’entraîne.
Il s’est éloigné et, dans l’angle de la salle, j’ai découvert la fiancée de Gary, rayonnante, irradiant de bonheur. Entourée de ses amis, elle bavardait avec animation, mais au bout d’un moment elle a dû se sentir observée car elle a tourné légèrement la tête ; elle m’a vu, elle m’a souri et elle a levé son verre pour me souhaiter la bienvenue.
Dev venait de réapparaître, avec une assiette de vol-au-vent et deux pintes coincées contre son torse.
— Voilà pour toi, a-t-il dit tandis que je le débarrassais d’un verre. Où est Abbey ?
Elle n’était nulle part en vue. Sans doute avait-elle été distraite par la trajectoire d’une mouche et l’avait-elle suivie jusque dans la rue.
— C’est un peu plan-plan, cette fête, non ? a lâché Dev.
— Il n’est que 15 heures. Je ne suis pas certain que l’idée soit de faire une bringue à tout casser.
— Ben, on fait quoi, alors ? On reste plantés là en attendant que ça passe ?
— C’est exactement ça. On reste plantés là. Ce qui compte, c’est qu’on nous voie. Nous sommes venus ici pour être vus, parce que notre présence est le signe de notre soutien.
— Oh, a fait Dev, déçu. Alors, il n’y aura pas de… demoiselles d’honneur, par exemple ?
— A des fiançailles, en général, non.
— Donc, c’est juste des gens déguisés en pasteurs et autres, comme dans Bridget Jones ?
— Si ça peut aider, oui.
Dev a contemplé la salle en hochant la tête.
J’imagine que j’aurais dû commencer à me mêler aux invités mais, pour tout dire, je n’avais pas le sentiment d’en avoir le droit. On pouvait venir vers moi, mais pas l’inverse.
Anna se tenait dans un coin de la salle et je devinais à ses hochements de tête pleins de commisération et ses regards en coin qu’elle s’activait déjà pour propager un maximum de ragots. Elle avait déjà dû raconter à tout le monde qu’elle m’avait croisé par hasard en compagnie d’Abbey, que cette fille était très jeune, que c’était une preuve supplémentaire de mon immaturité, qu’elle avait compris depuis le début que j’avais de graves problèmes, que Sarah avait une chance folle d’avoir rencontré Gary, qu’elle avait toujours su qu’il y avait du bon dans tout malheur. Il y a des gens qui ont l’art de déguiser leur négativité en l’enrobant d’un souci altruiste de l’épaisseur d’un film étirable.
— Ça va ? a demandé Abbey en se matérialisant à mes côtés, à l’instant où une autre serveuse glissait devant moi avec une assiette de mini-muffins prétentieux.
— Où étais-tu ?
— Dans la cuisine. Quoi de neuf ? Est-ce que ça a commencé à draguer ?
J’ai consulté ma montre.
— Non, ce qui est étonnant, d’ailleurs, vu qu’il est déjà 15 h 05.
Abbey a gloussé, tout en regardant ailleurs. J’ai suivi la trajectoire de ses yeux, mais je n’ai pas compris.
— Qu’y a-t-il ?
— Rien, a-t-elle répondu avant de glousser de nouveau.
— Dis-moi !
— Non, pas encore. J’ai eu une idée. Je te raconterai plus tard.

 

Doux Jésus, quelle pie, ce Gary !
— J’emmène Sarah en Floride, le mois prochain. Elle a dit : « Réservons la Floride pour notre lune de miel ! », mais je lui ai répondu : « Le monde est là pour voyager. » N’ai-je pas raison ? Pour la lune de miel, on choisira tout bêtement une destination encore plus chouette.
J’ai été saisi d’un désir puéril d’entrer en compétition.
— Je vais faire de la montgolfière, bientôt. Et je vais également à Silverstone. Mais d’abord, je vais monter en montgolfière, et boire du champagne dans le ciel.
Gary m’a regardé comme on regarderait un évadé de l’asile.
— Et aussi, je vais disputer un match de paintball contre le Commando d’intervention spéciale de l’armée britannique.
Il a poursuivi :
— Le problème de la Floride, c’est qu’on n’est jamais sûr du temps. Mes parents vont partir s’installer là-bas, donc nous pourrons y aller tous les ans – avec le petit bout de chou.
J’ai souri. Je me suis balancé sur les talons, j’ai hoché la tête. Gary a marqué une pause et m’a contemplé avec tristesse.
— Vous n’aviez jamais envisagé d’avoir des enfants, tous les deux ?
Oh non, Gary, s’il te plaît, pas ça.
— Non, ai-je répondu, d’un ton aussi dégagé que possible. Ce n’était jamais le bon moment.
Sarah ne lui avait rien dit. Pourquoi l’aurait-elle fait ? C’était le passé. Ce jour-là, seul l’avenir comptait.
— Ah, mais il n’y a jamais un « bon moment » pour les gosses, Jason !
Il a éclaté de rire, comme s’il venait d’inventer cette remarque, ou avait déjà une centaine de rejetons.
— Jusqu’à ce que ça arrive. A ce moment-là, c’est le bon moment.
— Tout à fait.
— Ça commence à se voir, a-t-il repris d’un ton rêveur.
Nous avons tous les deux tourné la tête vers Sarah, resplendissante de bonheur.
Ça commençait effectivement à se voir. Et sur le coup, c’était vraiment trop.
Ce que je ne lui avais jamais dit, et que j’aurais tant aimé lui dire sans en être capable, c’est que, moi aussi, j’avais voulu cet enfant. Une fois le choc de la nouvelle dissipé, une fois dompté le maelström de pensées égoïstes, j’avais fait mien son désir. Et une fois que j’ai eu tout gâché, quand Sarah est partie, m’a quitté, et que j’ai été obligé de faire le dos rond, de me convaincre que tout allait bien, que si je continuais à avancer, même péniblement, je m’en remettrais… j’ai eu le sentiment d’avoir perdu non pas une, mais deux personnes. D’avoir perdu une famille, car c’était ça que nous aurions pu être – que nous avions failli être : une famille.
C’était toute une autre vie que j’avais perdue.
— Elle est magnifique, Gary. Tu as vraiment de la chance, ai-je ajouté non pour sacrifier à un lieu commun de circonstance mais parce que sincèrement, douloureusement, je le pensais.

 

J’étais dehors, assis à côté des poubelles, en train de jouer avec mon téléphone.
Ça allait – franchement. J’avais juste besoin de prendre l’air. Devoir admettre sans me voiler la face que j’avais fait du surplace dans un endroit qui n’avait rien de génial pendant que les autres allaient de l’avant était déjà assez rude. Alors découvrir quelle distance ils avaient déjà parcourue, c’était un pur moment de torture.
Et puis Sarah est venue me rejoindre et s’est assise à côté de moi.
— C’est généreux de ta part d’être venu, Jason.
Il y a eu un silence. Des hochements de tête. Je regardais droit devant moi ; elle a fait tinter les glaçons dans son verre. Bizarrement, le bruit des glaçons dominait le grondement des bus, des voitures et des motos.
— Je suis un con, ai-je dit, trop abattu pour inventer quelque mensonge plus convaincant que la vérité. J’avais besoin de prendre l’air. Il fait chaud là-dedans et…
— Ce dont tu dois te souvenir, c’est que tu ne voulais rien de tout ça. Alors n’en porte pas le deuil.
— Je n’en porte pas le deuil. J’en célèbre la perte.
En réalité, j’étais bel et bien en deuil. C’est une réaction typique des égoïstes. Ils pleurent ce qu’ils ont, et ce qu’ils ont perdu lorsqu’ils s’aperçoivent qu’ils ne sont plus au centre de l’attention, ou même tout simplement qu’ils ne participent plus à l’histoire.
— A notre façon, nous nous sommes toujours aimés, a-t-elle repris. Nous faisions chacun partie de la vie de l’autre. Nous pouvons toujours en faire partie.
J’ai esquissé un pauvre sourire. Etait-ce vrai ? Etait-ce vraiment vrai ? La situation avait changé, et changerait bientôt encore plus.
— Tu sais que je voulais des enfants, un jour. Je l’ai toujours voulu, a-t-elle ajouté. C’est arrivé plus tôt que je ne le pensais, mais tu peux toujours choisir d’être heureux pour moi.
— Je suis heureux pour toi, Sarah. Franchement.
— Tu n’as jamais voulu d’enfants.
— Je n’ai jamais su ce que je voulais. Je ne le découvre que maintenant. Et de toute façon, nous n’en parlions jamais. Comment sais-tu ce que je voulais ?
— Je le voyais. Tu crois qu’une fille ne le voit pas, si son copain voudra des enfants un jour ? Ecoute… Lorsque nous avons failli avoir ce que nous avons failli avoir…
C’était toujours en ces termes que nous avions évoqué l’événement. La réalité demeurait trop crue, trop dure, pour s’y attaquer frontalement. Lorsque nous avons failli avoir ce que nous avons failli avoir… c’était notre façon de l’envelopper, de créer une certaine distance entre la douleur et le présent.
— … à ce moment-là, c’était assez évident, Jase. Je voyais bien ce que tu éprouvais. Ça te laissait froid.
— Tu ne m’as jamais demandé ce que j’éprouvais.
— Tu n’en as jamais parlé. Tu n’en avais pas besoin. Et ensuite, tu as fait ce que tu as fait, et tout est devenu clair.
« Et ensuite, tu as fait ce que tu as fait. » Notre autre formule pour endiguer la souffrance. Tous les couples développent-ils ce genre de métalangage ? Ces petites astuces pour gérer l’horreur de certaines situations ?
— Quand j’ai fait ce que j’ai fait… ça n’avait rien à voir avec ce que nous avions failli avoir. Je voulais moi aussi ce que nous avions failli avoir. Simplement, il m’a fallu un petit moment pour le comprendre.
— Mais, Jason, tu ne peux pas dire que tu n’as pas fait ce que tu as fait.
Elle me parlait avec tendresse, maintenant, comme si j’étais fragile, précieux.
— Et tu as fait ce que tu as fait en dépit de ce que nous avions failli avoir. Tu l’as fait en dépit de tout ce que nous avions déjà. Tu l’as fait. Et ça m’a brisé le cœur. Pas pour toujours, mais pour un petit moment, parce que, aussi bête que ça paraisse, je t’aimais.
Alors seulement je l’ai regardée. Ses yeux étaient embués. Mon cœur a fait une embardée. J’avais envie de la prendre dans mes bras. Mais pour qui serais-je passé ? Pour l’ex-petit ami diabolique qui fait une dernière avance à la fiancée enceinte d’un autre ? Sarah l’a compris, parce qu’elle comprenait toujours tout, et elle a ébauché un sourire.
— Je suis affreusement désolé, Sarah, ai-je dit, sentant moi aussi des larmes me picoter les yeux.

 

Je n’avais pas plus tôt reposé un pied dans la salle que Dev m’est tombé dessus, tel un tigre sur sa proie.
— J’ai trouvé un nom génial pour un groupe ! Là, à l’instant. Si on fondait un groupe ?
— Quoi ? Non, ai-je dit en regardant Sarah qui, de retour dans l’angle de la pièce, riait aux éclats comme si de rien n’était.
Nous étions rentrés séparément, pour des raisons évidentes, et j’avais attrapé le premier verre qui passait à portée de ma main. Je l’avais quasiment vidé cul sec.
— Pourquoi ? ai-je repris. C’est quoi, ton nom génial pour un groupe ?
— C’est « Un Nom Génial Pour Un Groupe » ! Comme ça, tout le monde pourrait dire : « C’est Un Nom Génial Pour Un Groupe ! »
— Ouais, bon, d’accord, super. Formons un groupe.
— Qui forme un groupe ? a demandé Abbey en réapparaissant soudainement.
— Jason et moi, a répondu Dev en se rengorgeant. Tu veux en être ?
— Moi ? Oh, mon Dieu, non. Je n’ai pas beaucoup de talent, pour ne pas dire zéro.
J’ai battu des paupières en me souvenant du CD qui la veille dépassait malicieusement d’une poche de son sac. Abbey’s Songs.
— Où avais-tu disparu ? lui a reproché Dev. Je me suis fait alpaguer par ce type tout maigre. Il ne me lâchait plus.
— Je papotais avec Gary.
Elle m’a fait face avec un grand sourire.
— Et Anna.
Elle continuait à me sourire. De toute évidence, elle attendait que je dise quelque chose – mais quoi ?
— Et… c’était sympa ? ai-je tenté.
Elle souriait toujours.
Du coup, j’ai tourné la tête et cherché Gary des yeux. Maintenant, c’était lui qui discutait avec le maigrichon, tout en tenant en équilibre sur son poignet une petite assiette en carton. Jusque-là, tout était normal.
Et puis j’ai légèrement blêmi.
— Putain, Abbey ! ai-je sifflé. Qu’est-ce que tu as fait ?
Le sourire s’est agrandi. Je voyais bien qu’elle jubilait.
— Oh, Seigneur, Abbey, explique-toi.
Mais je l’ai plantée là sans lui laisser le temps de répondre pour m’avancer vers Gary. Dans ma vision périphérique, j’ai remarqué que Sarah m’observait avec inquiétude, comme si, après avoir cru qu’elle avait réussi à me raisonner, elle comprenait qu’il n’en était rien et que j’étais déterminé à faire un esclandre. J’ai ralenti, instinctivement, mais tandis que je me rapprochais de Gary…
— La vache ! Ça, c’est ce que j’appelle un gâteau. Jason ! Ça gaze ?
— Ça gaze, ai-je répété – ce que je ne retenterai pas. Qu’est-ce que euh… alors, c’est quoi ce gâteau-là ?
Par-dessus son épaule, j’ai aperçu Anna, qui elle aussi tenait un gâteau, qu’elle examinait avec un brin de suspicion, mais mangeait néanmoins de bon appétit.
Sentant une main tirer sur le pan arrière de ma chemise, j’ai pivoté sur mes talons. J’ai dévisagé Abbey, en état de choc.
Elle souriait d’anticipation, les yeux étincelants comme si elle était sur le point de pleurer de rire ; Dev, à ses côtés, avait l’air égaré. Lentement, je me suis retourné vers Gary.
— C’est un cake au thé, je crois, a-t-il dit. Un peu sec. Mais délicieux.
Doux Jésus.
J’ai empoigné Abbey pour l’attirer dans un coin, pile au moment où Gary demandait à Dev des nouvelles de « son brave vieux vaisseau de Nissan Cherry ».
— Abbey, qu’est-ce que tu as fait ?
Elle a éclaté de rire. Et une seconde après, le barrage a cédé.
Elle a ri, d’un rire incontrôlable, qui l’a obligée à se cramponner à un palmier à rotin de presque deux mètres pour assurer son équilibre, et lorsque la plante a commencé à osciller dangereusement, Abbey a ri encore plus fort. Je l’ai entraînée de force dans le couloir.
— Tu es défoncée ? ai-je demandé en retrouvant subitement, et Dieu seul sait où, ma voix de prof.
— Nooon ! a-t-elle crachoté.
Elle s’est remise à rire de plus belle et j’ai bien cru qu’elle allait exploser.
— Quelle connerie as-tu faite ? Tu sais à quel point c’est dangereux ? Tu réalises à quel point tu es irresponsable ?
— Arrête ! On rigole. On rigole ! Tu es aux fiançailles de ton ex, qui va épouser le mec le plus chiant de la terre, et qui fait partie des gens ici présents convaincus que tu as un souci avec l’alcool, pendant que les autres passent leur temps à te traiter avec condescendance. Comment pensais-tu t’amuser sans ça ?
— Je ne suis pas venu pour m’amuser ! Mais pour montrer que j’avais mûri et que j’étais devenu adulte ! Et toi, tu distribues des gâteaux au shit à Gary et Anna !
Abbey a médité ces paroles de légitime colère. Et, sans doute en pensant à celui qui allait porter le chapeau, elle a explosé de rire à nouveau.
Anna est venue glisser son museau sévère à la porte, et a dit, d’un ton exsudant le jugement et le mépris :
— Jason, si Svetlana et toi êtes prêts, nous aimerions commencer les discours. Mais surtout prenez votre temps. Cette journée est la vôtre, après tout.
J’ai regardé Abbey, j’ai secoué la tête comme je l’avais fait tant de fois lorsque j’étais prof, puis j’ai inspiré un grand coup et regagné la salle.

 

Oh, mon Dieu – c’était un cauchemar.
J’étais dans la position de celui qui sait qu’il y a une bombe à retardement dans la salle, mais qui ne peut pas agir parce que le protocole de cérémonie ne l’autorise pas à donner l’alerte.
Vingt minutes plus tard, pris en sandwich entre Abbey et Dev au milieu de quarante personnes environ, j’avais les nerfs en loques et l’esprit en boucle : Par pitié, faites qu’ils soient faiblement dosés. Par pitié, faites que les effets passent inaperçus. Qu’Abbey se soit fait arnaquer. Qu’elle soit infichue de suivre une recette, même ultra-simple. Voire même qu’elle soit une pâtissière archi-nulle. Par pitié. Par pitié.
Je transpirais. Dev ne s’apercevait de rien. Abbey continuait à pouffer et quand elle se penchait contre moi pour assurer son équilibre, je sentais que son corps était parcouru de spasmes nerveux.
J’avais envie de vomir.
Sarah s’est levée la première. Commence les discours ! me disais-je. Ou annule-les ! Annulez les discours !
J’ai cherché à apercevoir Gary, mais je ne distinguais que le sommet de sa tête. Quant à Anna, elle était adossée à un mur. Est-ce ce que les gens font ? me suis-je demandé, paniqué. Est-ce que s’appuyer contre un mur est le symptôme avant-coureur des effets dévastateurs d’un space-cake ?
— Quelques mots rapides, pour vous remercier tous d’être venus, a commencé Sarah. Cela compte énormément pour Gary et pour moi. Mince, il serait temps que je m’habitue à dire « mon fiancé » !
Quelques rires polis et bien intentionnés ont fusé. Une diversion idéale pour regarder autour de moi et faire le point.
O désespoir ! Anna s’attaquait à son troisième gâteau.
— Anna en est au troisième, ai-je sifflé entre mes dents. Combien lui en as-tu donnés ?
Abbey a éclaté de rire.
— Trois. T’inquiète pas ! Elle n’en mangera pas plus. Je lui ai raconté que c’était ma grand-mère qui les avait faits. Elle a dit : « Comme c’est gentil », mais avec dédain, comme si je n’avais pas les moyens d’en acheter chez Waitrose, alors ça m’a donné envie de me montrer généreuse.
— ARRÊTE !
Oui, j’avais parlé un peu fort. J’ai grimacé des excuses à la dizaine de personnes qui se sont retournées pour nous dévisager, et Sarah a poursuivi son discours.
— Nom de Dieu, Abbey, ai-je chuchoté. Je suis entièrement pour les esprits libres, tant qu’ils ne dépassent pas des limites raisonnables. Les esprits libres doivent être encadrés par des règles.
— … car c’est très important à nos yeux d’avoir parmi nous aujourd’hui non seulement certains de nos amis rencontrés récemment – en tant que couple – mais également des gens qui font partie de nos vies depuis bien plus longtemps…
Ça, c’était moi. Sarah était en train de parler de moi. Je me suis senti rougir.
— … nos familles, par exemple.
Ah !
— … ainsi que d’autres personnes.
Elle m’a regardé et a esquissé un sourire, assez long pour montrer qu’elle était sincère, et assez bref pour ne pas manquer de respect à Gary.
— Souvent, dans la vie, nous sommes amenés à tourner une page. C’est tout naturel. Mais on ne peut pas effacer un vrai ami.
Dans l’assistance, quelqu’un a lâché un « Aaaaaah ».
— Et sur ces bonnes paroles, je laisse la parole à mon fiancé !
L’assistance s’est mise à applaudir et j’ai sauté sur l’occasion pour murmurer :
— On pourrait y aller maintenant. On devrait y aller maintenant.
— Les discours, c’est le meilleur moment ! a protesté Dev, sans faire mine de bouger.
Les applaudissements ont faibli, puis on a entendu quelques gloussements débonnaires car Gary était introuvable. Oh, merde. Sarah s’est avancée une nouvelle fois au centre de la pièce.
— Euh… je vais le refaire ! Et maintenant, je laisse la parole à mon fiancé !
D’autres gloussements, mais toujours pas de Gary.
— Gary ! C’est à toi ! a crié quelqu’un au fond de la salle.
Et il est arrivé, en tenant une petite assiette sur laquelle trônait un empilement de nourriture. On aurait dit qu’il avait essayé de jouer au Jenga.
— Le buffeeeeeet ! a-t-il lancé. Allez vous servir ! Servez-vous ! Il y a plein à manger.
Il a posé l’assiette sur une table à côté de lui, puis il l’a reprise.
— Bien. Absolument ! Voyons voir.
Il a cherché à extraire son papier de sa poche, mais il ne semblait pas disposé à se débarrasser de son assiette. J’ai tourné la tête vers Abbey. Elle contemplait le spectacle bouche bée et les yeux ronds. Elle se régalait.
— Bien ! a répété Gary.
Comme il bataillait pour déplier sa feuille, il a fini par reposer l’assiette mais, n’arrivant pas à déplier la feuille pour autant, il l’a reprise, pour finalement poser la feuille et annoncer :
— Je vais laisser parler mon cœur.
Ce n’est pas bon, ça. Ce n’est pas bon du tout.
— Les amis ! a-t-il entonné. Sont comme des fleurs !
La même femme que précédemment a refait « Aaaaaaah ».
— Il faut arroser les fleurs ! Mais également leur offrir du soleil !
Ne croyez pas que c’est moi qui rajoute ici des points d’exclamation. Gary était dans une veine résolument exclamative.
— Vous êtes nos fleurs ! Et nous sommes en train de vous arroser.
— Oui, ici, ici ! a braillé un type paillard en brandissant sa chope.
Sa femme l’a fait taire et l’a obligé à baisser le bras.
— Ah ah ah ! s’est esclaffé Gary. C’est exactement ça. Ici, ici, ici… ici, et là… et partout. Sont. Nos amis !
Telle semblait être sa conclusion. Une invitée, pensant sans doute que c’était là une sorte de haïku, a commencé à applaudir. Mais Gary était loin d’en avoir terminé.
— Il est assez poète, ce Gary, non ? a chuchoté Dev, tandis que je regardais droit devant moi, sans rien voir.
Abbey n’arrêtait pas de me donner des coups de coude. Je la sentais trembler de rire à côté de moi. J’ai regardé les visages qui nous entouraient. Si la plupart des convives paraissaient largués, un ou deux, cependant, semblaient accrocher vraiment. J’ai aperçu Sarah, qui contemplait ses pieds, en se cachant le visage.
Et puis j’ai vu Anna.
Anna qui, le visage fendu d’un sourire jusqu’aux oreilles, claquait des doigts en essayant de se caler sur le tempo des phrases de Gary.
— C’est peut-être le moment d’y aller, ai-je dit, en m’arrachant à cette vision.
— C’est pas banal, a fait Dev.
Abbey a essuyé ses larmes.
Nous nous sommes éclipsés au moment où Gary commençait à expliquer la seconde raison (sur un total de six annoncées) qui l’avait poussé à préférer une Lexus à une Porsche Cayenne.

 

— Que s’est-il passé, là ? a demandé Dev une fois dehors, tandis qu’Abbey piquait une crise de fou rire. C’était quoi, ça ?
— Jason, tu n’as pas besoin de ces gens, a asséné Abbey une fois qu’elle a été un peu calmée. Tu n’as rien à leur prouver. Je ne sais pas pourquoi tu étais aussi nerveux. Quand je suis entrée dans cette salle, j’ai pensé : C’est eux ? C’est eux dont il a si peur ? Mais qui se soucie de l’opinion de ces gens ?
— Abbey, on pourrait aller en prison !
Je l’ai regardée et j’avais beau vouloir la sermonner et jouer les rabat-joie collet monté, en voyant ce pétillement de culot, ces étincelles d’espièglerie, cette désinvolture vivifiante, stimulante, j’ai renoncé. Je n’en étais plus capable.
Elle a surpris le plus infime des rictus sur mes lèvres. C’est à ce moment-là que le barrage a cédé pour de bon, et qu’elle s’est mise à hululer de rire et à pleurer tout à la fois. Et le rire m’a gagné à mon tour.
J’ai ri parce que c’était plus simple que de pleurer, et tout est sorti d’un coup – les émotions, le désarroi, la tension, la colère, la solitude, le désespoir et le doux soulagement que tout cela soit fini.
Et quand notre fou rire s’est calmé et que nous nous sommes effondrés sur un banc, douloureusement vidés, les joues striées de larmes séchées, Dev a pris l’appareil jetable à bout de bras, il l’a braqué sur nous et il a lancé :
— Souriez !

 

Une heure plus tard, et alors que la culpabilité avait encore quelques kilomètres à parcourir pour me rattraper, j’ai eu l’idée de regarder mon téléphone. J’avais reçu un e-mail.
— Ce pourrait être l’occasion que tu attends ! s’est enthousiasmée Abbey un peu plus tard, à la gare routière. Tu es sur le point d’augmenter tes chances de réussite ! De réaliser tes ambitions.
— Peut-être, ai-je concédé. Peut-être.
— Il ne te reste plus qu’à m’en trouver quelques-unes pour moi, maintenant !
J’ai serré Abbey contre moi et réfléchi à mon agenda.
Premièrement : établir un plan de bataille pour ce lancement auquel Damien serait présent la semaine suivante.
Deuxièmement : sortir mon iPod de ma poche et écouter les titres que j’avais importés en douce, tard la veille, d’un CD enregistrable que j’avais piqué dans un sac à dos. Ça promettait d’être drôle.
La vie était belle !
Ça n’allait pas durer.

43. Magazine d’informations généralistes, sur BBC One.

44. « Au secours ! Ma maison s’écroule » ; magazine consacré au bricolage et à la décoration, sur Channel 4.