Musique


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Musique folk et traditionnelle

Musique populaire

Scène contemporaine


La vie littéraire de Dublin a de quoi inspirer les intellectuels, mais c’est sa tradition musicale qui fera danser tous les autres. Dire que la musique fait, tout comme les pubs, intrinsèquement partie du mode de vie local, n’a rien d’un cliché. Certaines rues, comme Grafton St et Temple Bar, vivent à son rythme, et il n’est pas exclu que vous croisiez, à la faveur d’une soirée ou d’une romenade, quelque grand nom en devenir.

Musique folk et traditionnelle

La musique irlandaise – souvent qualifiée de “traditionnelle” – a conservé une vitalité peu commune dans l’Europe actuelle.

Les mélodies des chansons et morceaux de musique se transmettaient oralement entre musiciens, se perpétuant et évoluant de cette façon. Ce mode de transmission est un élément déterminant dans le dynamisme de la musique traditionnelle.

Sa résistance à l’épreuve de la modernité s’explique aussi sans doute par l’influence que la musique irlandaise a eue sur divers genres musicaux, en particulier le folk et la country en Amérique – une fusion, entre autres, entre le blues du delta du Mississippi et les mélodies traditionnelles irlandaises qui, combinée à d’autres inspirations comme le gospel, est à la base du rock and roll. Son succès actuel tient également à la volonté des artistes de faire évoluer leur jeu (ensembles de musiciens plutôt que les traditionnels groupes céilidh – qui jouent lors de soirée danse et de musique folklorique) et au développement des sessions live dans les pubs.


Musique Traditionnelle

Compendium: The Best of Patrick Street (2001) Patrick Street

Old Hag You Have Killed Me (1976) The Bothy Band

Paddy Keenan (1975) Paddy Keenan

De fait, découvrir cette musique dans un pub reste le meilleur moyen de l’écouter dans ce qu’elle a de plus authentique, et l’importante demande touristique vaut à des bœufs exceptionnels d’être joués dans des établissements partout en ville. Les meilleurs musiciens n’en ont pas moins également pris le chemin des studios. Voici quelques pistes d’enregistrements inoubliables : le violon de Tommy Peoples dans l’album The Quiet Glen (1998), la sublime cornemuse irlandaise de Paddy Keenan dans son album éponyme de 1975 ou l’incroyable guitare d’Andy Irvine dans des albums comme Compendium: The Best of Patrick Street (2000).


LES INSTRUMENTS DE LA MUSIQUE TRADITIONNELLE

En dépit d’une idée répandue, la harpe n’est pas très utilisée en musique traditionnelle. Le bodhrán (bow-rawn), un tambour en peau de chèvre, est beaucoup plus courant.

Les uilleann pipes, équivalent de la cornemuse, dont on joue en pressant un soufflet sous le coude, fournissent aussi des sonorités caractéristiques, mais on les voit rarement dans les pubs. Le violon (fiddle) n’est pas propre à l’Irlande, mais il s’agit d’un des principaux instruments de la musique traditionnelle, tout comme la flûte, la flûte irlandaise en métal (tin whistle), l’accordéon et le bouzouki (sorte de mandoline). La musique peut être classée en cinq catégories principales – la gigue (jig), le quadrille (reel), la matelote (hornpipes), la polka et les mélodies lentes (slow airs) –, tandis que la pratique ancienne consistant à chanter a capella des versions de ballades traditionnelles est appelée sean-nós.



LUKE KELLY : LE PREMIER DUBLINER

Reconnaissable à sa masse de cheveux roux et à sa voix, à la fois douce et puissante, Luke Kelly (1940-1984) fut peut-être le plus grand interprète de folk irlandais du XXe siècle. Il savait poser sa voix à la manière des chanteurs de blues américains qu’il admirait, pour exprimer son angoisse de se retrouver seul et empli d’effroi dans un monde qu’il n’avait jamais construit (pour paraphraser A. E. Housman).

Il fut un membre fondateur des Dubliners, aux côtés de Ronnie Drew (1934-2008), Barney McKenna (1939-2012) et Ciarán Bourke (1935-1988), mais tendait à considérer le plus célèbre groupe de folk de Dublin comme relevant d’une coopération temporaire. Il partageait le rôle de chanteur avec Ronnie Drew, sa voix singulière se prêtant très bien aux rengaines à boire classiques comme “Dirty Old Town” et aux textes rebelles comme “A Nation Once Again”, mais il se distinguait surtout par son incroyable maîtrise des ballades, plus introspectives. Son interprétation d’“On Raglan Road”, d’après un poème de Patrick Kavanagh que l’auteur lui-même voulait absolument qu’il chante, est ainsi la plus belle chanson sur Dublin que nous ayons jamais écoutée. Mais c’est sa version de “Scorn Not His Simplicity”, de Phil Coulter, qui lui valut son rang de légende. Phil Coulter écrivit cette chanson après la naissance de son fils trisomique, et même si elle devint l’une des chansons préférées de Kelly, celui-ci tenait ce texte en si grand respect qu’il ne le chanta qu’en quelques rares occasions.

Nous ne pouvons que vous recommander d’écouter Luke Kelly : The Collection.


Le groupe traditionnel le plus connu est The Chieftains, qui désormais joue surtout aux États-Unis, et a fêté son 50e anniversaire en 2012 avec l’ambitieux Voice of Ages, une collaboration avec des artistes comme Bon Iver et Paolo Nutini. Plus populaire que traditionnel, le groupe The Dubliners, fut fondé dans le pub O’Donoghue’s, dans Merrion Row, la même année que The Chieftains. Si la plupart de ses membres d’origine, dont le brillant Luke Kelly et le chanteur Ronnie Drew, sont décédés, cette formation continue de donner des concerts empreints de nostalgie. Son talent s’exprime assez bien dans l’album Live at Vicar St, sorti en 2006.

Autre groupe dont la carrière a été intimement liée à la vie dublinoise, The Fureys comprend quatre frères issus de la communauté irlandaise des gens du voyage (Travellers), ainsi que le guitariste Davey Arthur. Si vous appréciez les interprétations passionnées de chansons rebelles irlandaises, ne passez pas à côté des Wolfe Tones. L’Irlande compte pléthore de musiciens traditionnels de grand talent et nous vous conseillons fortement de passer un peu de temps dans une boutique spécialisée comme Claddagh Records, qui possède un magasin dans Cecilia St à Temple Bar.

Depuis les années 1970, plusieurs groupes ont tenté de mêler la musique traditionnelle à d’autres styles plus modernes, avec des résultats mitigés. Le premier à prendre ce chemin fut Moving Hearts, sous la houlette de Christy Moore, qui devint finalement un chanteur folk réputé.

Musique populaire

À partir des années 1960, Dublin est devenu une pépinière de musiciens rock et pop. La plupart des artistes sont aujourd’hui retombés dans l’anonymat, à l’exception de Thin Lizzy, mené par Phil Lynott (1949-1986), et du groupe de new wave de Bob Geldof, les Boomtown Rats, dont le plus grand succès est le tube I don’t like Mondays.

Cela dit, toutes ces formations font pâle figure à côté de U2, formé en 1976 dans le nord de Dublin, qui fut l’un des groupes de rock les plus connus au monde dès la fin des années 1980. Que dire qui n’ait déjà été dit ? Après 13 albums en studio, 22 Grammy Awards et 150 millions d’albums vendus, ils n’ont plus rien à prouver. Une maladresse commise en 2014, quand Apple a “donné” des copies de leur dernier album, Songs of Innocence, aux abonnés d’iTunes, même à ceux qui ne le souhaitaient pas, n’a même pas entaché leur popularité. Le Joshua Tree Tour, tournée effectuée en 2017 pour commémorer le 30e anniversaire de leur album le plus marquant, a été un immense succès commercial et a fait l’unanimité auprès de la critique.

De toutes les formations irlandaises qui ont émergé dans les années 1980 et au début des années 1990, quelques-unes ont réussi à s’affranchir de la comparaison avec U2. Avec leur mélange de punk et de musique traditionnelle, les Pogues ont ainsi mis tout le monde d’accord pendant un temps, mais la clé de leur succès tenait aux textes et à la gouaille de Shane MacGowan, dont le génie s’est depuis noyé dans l’alcool – il n’en a pas moins écrit la célébrissime “A Fairytale of New York”, chantée avec ferveur, dans le monde anglo-saxon, à la période de Noël. En plus d’avoir une voix sublime, Sinéad O’Connor a pris le parti d’être à l’exact opposé de U2 ; son album The Lion and the Cobra (1987) est empreint d’une émotion qui lui a gagné la faveur pérenne du public, même si l’artiste vit désormais un peu en marge. Citons aussi My Bloody Valentine, pionniers du shoegaze (sous-genre du rock caractérisé par des riffs distordus et des guitares saturées) à la fin des années 1980 : Loveless (1991) est l’un des meilleurs albums dublinois de tous les temps.


Chansons dublinoises

“Lay Me Down” (2001) The Frames

“One” (1991) U2

“Raglan Road” (1972) Luke Kelly and the Dubliners

“Still in Love with You” (1978) Thin Lizzy

Les années 1990 ont été largement dominées par les DJ, la dance et une nouvelle interprétation d’un genre ancien, le boys band. Les groupes irlandais qui ont eu le plus de succès (Boyzone et Westlife) sont des créations du producteur Louis Walsh, dont la sensibilité musicale semble se limiter au pan le plus guimauve du registre des années 1960.

Scène contemporaine

La musique alternative ne s’est jamais aussi bien portée en Irlande – et Dublin, en tant que plus grande ville du pays, en est l’épicentre. Parmi les groupes prometteurs à surveiller, citons les artistes de hip-hop de NEOMADiC et Bad Bones (qui intègre beaucoup d’électro dans ses morceaux), l’auteur-interprète Farah Elle et le groupe de noise pop Thumper, dont l’EP magnum opuss a été très bien reçu.

Tous espèrent rejoindre le cercle des artistes reconnus, lequel compte par exemple Damien Rice, qui a passé une bonne partie de l’année 2017 en tournée avec son album My Favourite Faded Fantasy, le groupe de rock alternatif Kodaline, dont le deuxième album Coming Up For Air (2015) a confirmé qu’il était l’un des meilleurs groupes irlandais du moment (ils enregistrent actuellement leur troisième disque) et Hozier, né à Bray, influencé par le blues et dont l’album éponyme, en 2015, a été salué par la critique mais n’a pas pu égaler l’incroyable succès planétaire du single de 2013, “Take Me to Church”. Bien qu’il passe désormais beaucoup de temps à New York, Glen Hansard (qui a aussi joué dans le film Once) est encore très apprécié en Irlande et reprend parfois la route avec son groupe historique, The Frames.

Surfant sur son succès fulgurant, le trio dublinois The Script a amené son pop rock mélodieux sur tous les plateaux de télévision, de 90210 à Made in Chelsea. En 2017, son single intitulé “Another War Child” a annoncé aux fans un nouvel album, Freedom Child, au contenu plus sérieux, qui fait suite à No Sound Without Silence, immense réussite en 2014. Même s’ils ne vendent pas autant de disques, les Villagers (en réalité, il s’agit seulement de Conor O’Brien entouré de quelques collaborateurs) doivent à leur indie-folk rock une reconnaissance mondiale – en 2016, leur dernier album, Darling Arithmetic, a obtenu un Ivor Novello Award.

Pour finir, revenons sur le phénomène boys band : si Boyzone et Westlife ont marqué leur époque, leur renommée n’a jamais atteint celle des One Direction, autre production de X Factory. Nous les mentionnons car l’un des membres, Niall Horan, est originaire de Mullingar, dans le comté de Westmeath (à environ 1 heure à l’ouest de Dublin) ; quand One Direction a joué au Croke Park en 2015, il était en quelque sorte de retour sur ses terres. Le groupe s’est séparé depuis, mais Niall Horan poursuit sa carrière en solo – en 2017, il a sorti son premier single, “This Town”, et son premier album, Flicker.


Albums dublinois

Boy (1980) U2

I Do Not Want What I Haven’t Got (1990) Sinéad O’Connor

Music in Mouth (2003) Bell X1

Loveless (1991) My Bloody Valentine

Becoming a Jackal (2010) Villagers

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