Différents symboles associés à l’Irlande ont de longue date pris place dans l’imaginaire collectif. Il arrive, notamment à l’étranger, que ces éléments soient exploités jusqu’au paroxysme. C’est ce que les Irlandais appellent l’Oirishness (folklore artificiel).
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Trèfles
Le symbole irlandais le plus solidement ancré est le trèfle à trois feuilles, appelé seamróg en gaélique et shamrock en anglais. Selon la légende, quand saint Patrick tenta d’instruire au mystère de la Sainte-Trinité les chefs celtes récemment convertis au christianisme, il prit les trois feuilles de cette modeste plante comme illustration de la nature du Père, du Fils et du Saint-Esprit, à la fois séparés mais ne faisant qu’un. Voici pourquoi le trèfle est omniprésent lors des festivités associées au saint patron de l’Irlande.
Un peu partout où vous irez, vous apercevrez cette croix, inscrite dans un anneau. Ses origines ne répondent pas à une préoccupation esthétique mais relevaient d’une habile association entre les nouveaux enseignements chrétiens (la croix elle-même) et les croyances païennes établies – dans ce cas, le culte du Soleil (représenté par le cercle).
Avec près de mille ans d’occupation, une longue histoire d’oppression et d’exploitation, une famine dévastatrice, une émigration de masse… on peine à croire que les Irlandais soient plus chanceux que la moyenne. Ainsi l’expression “Luck of the Irish” (“la chance des Irlandais”), que l’on entend parfois dans les pays anglophones, est-elle fréquemment teintée d’ironie. Apparue aux États-Unis au milieu du XIXe siècle pendant la ruée vers l’or, elle serait à la fois synonyme de malchance et de courage dans l’adversité. De fait, les Irlandais – qui avaient fui la famine et la misère de leur pays – étaient surreprésentés dans les mines, et bien que beaucoup dont les affaires étaient pami les plus fructueuses aient été irlandais ou d’origine irlandaise, l’expression est restée. John Lennon l’a reprise à son compte en 1972, dans une chanson à charge contre la domination britannique en Irlande du Nord (“The Luck of the Irish”).
L’une des images les plus obstinément associées au pays est celle du leprechaun, un lutin chafouin, affairé à jalousement protéger son chaudron d’or des convoitises humaines. En dépit de sa connotation enfantine, cette légende remonterait au mythique peuple de la déesse Danu (Tuatha dé Danann) qui aurait dominé l’Irlande il y a 4 000 ans. Quand ces êtres d’essence divine eurent été vaincus par les ancêtres des premiers Irlandais, leur roi Lug (le père demi-dieu de Cúchulainn) fut exilé sous terre, d’où son nom de Lug Chromain, ou “petit Lug voûté” – l’origine du leprechaun.
Si personne, en Irlande, ne croit vraiment en l’existence de farfadets caractériels retranchés dans des forts féeriques, les habitants, en particulier dans les campagnes, n’ont pas spécialement envie de la battre en brèche. Ainsi est-il encore associé aux arbres et aux collines, entre autres éléments du paysage, auxquels nul ne s’aviserait de toucher.
Censée représenter l’immortalité de l’âme, la harpe celtique, ou clársach, est un symbole de l’Irlande depuis l’époque d’Henri VIII, qui la laissa figurer sur la monnaie locale. À la cour gaélique, elle conférait au musicien un statut à part, de nature honorifique. En temps de guerre, sa musique devait éveiller la bravoure dans le cœur des soldats partant au front.
Elle incarne la résistance irlandaise face au pouvoir anglais. Aussi les harpistes furent-ils un temps persécutés, car représentatifs de la rébellion contre la Couronne, et perpétuèrent-ils leur art dans la clandestinité. Elle n’en marqua pas moins le déclin dans la culture populaire de cet instrument, au profit d’autres, telle la mandoline. Elle a cependant conservé son statut de symbole de l’âme irlandaise.
C’est le plus célèbre de tous les bijoux irlandais. Signe de fidélité, il arbore deux mains (l’amitié) enserrant un cœur (l’amour), lequel est généralement surmonté d’une couronne (la loyauté). Cet anneau est fabriqué depuis le XVIIe siècle dans le village de pêcheurs de Claddagh (qui se fond désormais dans la ville de Galway). Son origine est bien antérieure et remonterait aux bagues dites mani in fede (ou “mains en confiance”) de l’époque romaine, associées au mariage. Toutefois, la popularité de l’anneau de Claddagh est assez récente et doit beaucoup à la coutume qu’ont les membres de la diaspora d’en porter pour montrer leur attachement à l’Irlande.