Scène 4
MONSIEUR FLEURANT, une seringue à la main ; ARGAN, BÉRALDE
ARGAN. – Ah ! mon frère, avec votre permission.
BÉRALDE. – Comment ? que voulez-vous faire ?
ARGAN. – Prendre ce petit lavement-là ; ce sera bientôt fait.
BÉRALDE. – Vous vous moquez. Est-ce que vous ne sauriez être un moment sans lavement ou sans médecine ? Remettez cela à une autre fois, et demeurez un peu en repos.
ARGAN. – Monsieur Fleurant, à ce soir, ou à demain au matin.
MONSIEUR FLEURANT, à Béralde. – De quoi vous mêlez-vous de vous opposer aux ordonnances de la médecine, et d'empêcher Monsieur de prendre mon clystère ? Vous êtes bien plaisant d'avoir cette hardiesse-là !
BÉRALDE. – Allez, Monsieur, on voit bien que vous n'avez pas accoutumé de parler à des visages1.
MONSIEUR FLEURANT. – On ne doit point ainsi se jouer des remèdes, et me faire perdre mon temps. Je ne suis venu ici que sur une bonne ordonnance, et je vais dire à Monsieur Purgon comme2 on m'a empêché d'exécuter ses ordres et de faire ma fonction. Vous verrez, vous verrez…
ARGAN. – Mon frère, vous serez cause ici de quelque malheur.
BÉRALDE. – Le grand malheur de ne pas prendre un lavement que Monsieur Purgon a ordonné. Encore un coup3, mon frère, est-il possible qu'il n'y ait pas moyen de vous guérir de la maladie des médecins, et que vous vouliez être, toute votre vie, enseveli dans leurs remèdes ?
ARGAN. – Mon Dieu ! mon frère, vous en parlez comme un homme qui se porte bien ; mais, si vous étiez à ma place, vous changeriez bien de langage. Il est aisé de parler contre la médecine quand on est en pleine santé.
BÉRALDE. – Mais quel mal avez-vous ?
ARGAN. – Vous me feriez enrager. Je voudrais que vous l'eussiez mon mal, pour voir si vous jaseriez tant. Ah ! voici Monsieur Purgon.