Entrée de ballet
Plusieurs tapissiers viennent préparer la salle et placer les bancs en cadence ; ensuite de quoi toute l'assemblée (composée de huit porte-seringues, six apothicaires, vingt-deux docteurs, celui qui se fait recevoir médecin, huit chirurgiens dansants, et deux chantants) entre, et prend ses places, selon les rangs.
PRÆSES
Sçavantissimi doctores,
Medicinae professores,
Qui hic assemblati estis,
Et vos, altri Messiores,
Sententiarum Facultatis
Fideles executores,
Chirurgiani et apothicari,
Atque tota compania aussi,
Salus, honor, et argentum,
Atque bonum appetitum.
Non possum, docti Confreri,
En moi satis admirari
Qualis bona inventio
Est medici professio,
Quam bella chosa est, et bene trovata,
Medicina illa benedicta,
Quae suo nomine solo,
Surprenanti miraculo,
Depuis si longo tempore,
Facit à gogo vivere
Tant de gens omni genere.
Per totam terram videmus
Grandam vogam ubi sumus,
Et quod grandes et petiti
Sunt de nobis infatuti.
Totus mundus, currens ad nostros remedios,
Nos regardat sicut Deos ;
Et nostris ordonnanciis
Principes et reges soumissos videtis.
Donque il est nostræ sapientiæ,
Boni sensus atque prudentiæ,
De fortement travaillare
A nos bene conservare
In tali credito, voga, et honore,
Et prandere gardam à non recevere
In nostro docto corpore
Quam personas capabiles,
Et totas dignas ramplire
Has plaças honorabiles.
C'est pour cela que nunc convocati estis :
Et credo quod trovabitis
Dignam matieram medici
In sçavanti homine que voici,
Lequel, in chosis omnibus,
Dono ad interrogandum,
Et à fond examinandum
Vostris capacitatibus.
[TRADUCTION]
LE PRÉSIDENT
Très savants docteurs,
Professeurs de médecine,
Qui êtes assemblés ici,
Et vous autres, Messieurs,
Des sentences de la Faculté
Fidèles exécuteurs,
Chirurgiens et apothicaires,
Et toute la compagnie aussi,
Salut, honneur, et argent,
Et bon appétit !
Je ne peux, doctes confrères,
En moi-même admirer assez
Quelle bonne invention
Est la profession de médecin,
Comme c'est une belle chose, et bien trouvée,
Cette médecine bénie
Qui, grâce à son seul nom,
Miracle surprenant,
Depuis si longtemps,
Fait vivre à gogo
Tant de gens de toute sorte.
Sur toute la terre nous voyons
La grande vogue où nous sommes,
Et que les grands et les petits
Sont de nous infatués.
Le monde entier, courant après nos remèdes,
Nous regarde comme des dieux ;
Et à nos ordonnances
Nous voyons soumis les princes et les rois.
Donc il est de notre sagesse,
De notre bon sens et de notre prudence,
De fortement travailler
À nous bien conserver
En tels crédit, vogue, et honneur
Et prendre garde à ne recevoir
Dans notre docte corporation
Que des personnes capables,
Et tout à fait dignes de remplir
Ces places honorables.
C'est pour cela que vous êtes à présent convoqués :
Et je crois que vous trouverez
matière à faire un bon médecin
Dans le savant homme que voici,
Lequel, sur toutes choses,
Je vous demande d'interroger,
Et d'examiner à fond
Grâce à vos capacités.
PRIMUS DOCTOR
Si mihi licenciam dat Dominus Præses,
Et tanti docti Doctores,
Et assistantes illustres,
Très sçavanti Bacheliero,
Quem estimo et honoro,
Domandabo causam et rationem quare
Opium facit dormire.
LE PREMIER DOCTEUR
Si me le permettent Monsieur le Président
Et tous les doctes docteurs,
Et leurs illustres assistants,
Au très savant bachelier,
Que j'estime et honore,
Je demanderai la cause et la raison qui font
Que l'opium fait dormir.
BACHELIERUS
Mihi a docto Doctore
Domandatur causam et rationem quare
Opium facit dormire :
A quoi respondeo,
Quia est in eo
Virtus dormitiva,
Cujus est natura
Sensus assoupire.
LE BACHELIER
À moi, le docte docteur
Demande la cause et la raison qui font
Que l'opium fait dormir :
À quoi je réponds,
Qu'il y a en lui
Une vertu dormitive,
Dont c'est la nature
D'endormir les sens.
CHORUS
Bene, bene, bene, bene respondere :
Dignus, dignus est entrare
In nostro docto corpore.
LE CHŒUR
Bien, bien, bien, bien répondu :
Il est digne, digne d'entrer
Dans notre docte corporation.
SECUNDUS DOCTOR
Cum permissione Domini Præsidis,
Doctissimæ Facultatis,
Et totius his nostris actis
Companiæ assistantis,
Domandabo tibi, docte Bacheliere,
Quæ sunt remedia
Quæ in maladia
Ditte hydropisia
Convenit facere.
LE SECOND DOCTEUR
Avec la permission de Monsieur le Président,
De la très docte Faculté,
Et de toute la compagnie
De ceux qui assistent à nos actes,
Je te demanderai, docte bachelier,
Quels sont les remèdes
Que pour la maladie
Qu'on nomme hydropisie
Il convient de donner.
BACHELIERUS
Clysterium donare,
Postea seignare,
Ensuitta purgare.
LE BACHELIER
Il faut clystère donner,
Après saigner,
Ensuite purger.
CHORUS
Bene, bene, bene, bene respondere.
Dignus, dignus est entrare
In nostro docto corpore.
LE CHŒUR
Bien, bien, bien, bien répondu.
Il est digne, digne d'entrer
Dans notre docte corporation.
TERTIUS DOCTOR
Si bonum semblatur Domino Præsidi,
Doctissimæ Facultati,
Et companiæ præsenti,
Domandabo tibi, docte Bacheliere,
Quæ remedia eticis,
Pulmonicis, atque asmaticis,
Trovas à propos facere.
LE TROISIÈME DOCTEUR
BACHELIERUS
Clysterium donare,
Postea seignare,
Ensuitta purgare.
LE BACHELIER
Il faut clystère donner,
Après saigner,
Ensuite purger.
CHORUS
Bene, bene, bene, bene respondere :
Dignus, dignus est entrare
In nostro docto corpore.
LE CHŒUR
Bien, bien, bien, bien répondu :
Il est digne, digne d'entrer
Dans notre docte corporation.
QUARTUS DOCTOR
Super illas maladias
Doctus Bachelierus dixit maravillas,
Mais si non ennuyo Dominum Præsidem,
Doctissimam Facultatem,
Et totam honorabilem
Companiam ecoutantem,
Faciam illi unam quæstionem.
De hiero maladus unus
Tombavit in meas manus :
Habet grandam fievram cum redoublamentis,
Grandam dolorem capitis,
Et grandum malum au costé,
Cum granda difficultate
Et pena de respirare :
Veillas mihi dire,
Docte Bacheliere,
Quid illi facere ?
LE QUATRIÈME DOCTEUR
Sur ces maladies,
Le docte bachelier a dit des merveilles,
Mais si je n'ennuie pas Monsieur le Président,
La très docte Faculté,
Et toute l'honorable
Compagnie des écoutants,
Je lui poserai une question :
Hier un malade
Tomba entre mes mains :
Il avait une grande fièvre qui ne faisait qu'augmenter,
Une grande douleur à la tête,
Et un grand mal au côté,
Avec grande difficulté
Et grande peine à respirer :
Veux-tu me dire,
Docte bachelier,
Le remède qu'il faut lui donner ?
BACHELIERUS
Clysterium donare,
Postea seignare,
Ensuitta purgare.
LE BACHELIER
Il faut clystère donner,
Après saigner,
Ensuite purger.
QUINTUS DOCTOR
Mais si maladia
Opiniatria
Non vult se garire,
Quid illi facere ?
LE CINQUIÈME DOCTEUR
Mais si la maladie
Obstinée
Ne veut pas se laisser guérir,
Quel remède faut-il donner ?
BACHELIERUS
Clysterium donare,
Postea seignare,
Ensuitta purgare.
LE BACHELIER
Il faut clystère donner,
Après saigner,
Ensuite purger.
CHORUS
Bene, bene, bene, bene respondere :
Dignus, dignus est entrare
In nostro docto corpore.
LE CHŒUR
Bien, bien, bien, bien répondu :
Il est digne, digne d'entrer
Dans notre docte corporation.
PRÆSES
Juras gardare statuta
Per Facultatem præscripta
Cum sensu et jugeamento ?
LE PRÉSIDENT
Tu jures d'observer les règles
Prescrites par la Faculté
Avec bon sens et jugement ?
BACHELIERUS
Juro.
LE BACHELIER
Je le jure.
PRÆSES
Essere, in omnibus
Consultationibus,
Ancieni aviso,
Aut bono,
Aut mauvaiso ?
LE PRÉSIDENT
D'être, dans toutes
Les consultations,
De l'avis d'un ancien
Qu'il soit bonou mauvais ?
BACHELIERUS
Juro.
LE BACHELIER
Je le jure.
PRÆSES
De non jamais te servire
De remediis aucunis
Quam de ceux seulement doctæ Facultatis,
Maladus dust-il crevare,
Et mori de suo malo ?
LE PRÉSIDENT
De ne jamais te servir
D'aucun autre remède
Que ceux seulement de la docte Faculté,
Le malade dût-il crever,
Et mourir de son mal ?
BACHELIERUS
Juro.
LE BACHELIER
Je le jure.
PRÆSES
Ego, cum isto boneto
Venerabili et docto,
Dono tibi et concedo
Virtutem et puissanciam
Medicandi,
Purgandi,
Seignandi,
Perçandi,
Taillandi,
Coupandi
Et occidendi
Impune per totam terram.
LE PRÉSIDENT
Moi, grâce à ce bonnet
Vénérable et docte,
Je te donne et te concède
La vertu et la puissance
D'exercer la médecine,
De purger,
De saigner,
De percer,
De tailler,
De couper,
Et de tuer,
En toute impunité, dans le monde entier.