CHAPITRE 21
SEBASTIAN
Assise sur le rebord de mon lit, Mika se couvre le visage à l’aide de ses deux mains. J’entends le son de ses grandes inspirations depuis l’endroit où je me trouve, mais impossible pour moi de la rejoindre. Je suis tétanisé par les gestes que j’ai commis sur un parfait innocent. Que Lewis y survive ou non, Carlos va vouloir ma tête au bout d’une pique. Mais qu’est-ce qui m’a pris, merde ? Ce n’est pas moi d’agir impulsivement comme ça, et surtout aussi agressivement. Le bras droit des BB est un con de première, mais il ne méritait pas que je lui balance à la tronche toute ma hargne contenue depuis tant d’années. L’air de mon loft commence à me compresser la poitrine. Habillé d’un simple jeans, je cours en direction de la montagne de vêtements empilés près de mon lit pour saisir le premier t-shirt du lot. Mika ne bouge pas un seul instant lorsque je me cambre pour être à sa hauteur.
— Hey ? Mika ? Écoute-moi, s’il te plaît.
Je glisse délicatement ma main dans ses bouclettes pour finalement caresser ses épaules et son dos. Lorsqu’elle lève la tête pour trouver mon regard, je suis surpris de constater qu’elle ne pleure pas, mais bien qu’elle semble habitée par la même colère que moi. Ses iris d’un vert presque surnaturel me contemplent d’une façon que je ne saurais déchiffrer, comme si ses pensées étaient dangereuses.
— T… tu peux t’habiller, s’il te p… plaît ? bredouillé-je en examinant le seul bout de vêtement qu’elle porte.
— Pourquoi ?
— On doit sortir d’ici.
Non seulement j’ai besoin de respirer de l’air pur pour ma santé mentale, mais je dois absolument chasser la vision d’elle à moitié nue dans mon t-shirt à l’effigie du groupe Stone Sour. Depuis l’instant où mon frère a quitté le resto, j’ai peine à maîtriser l’érection dans mon pantalon lorsque je m’imagine ce que nous pourrions faire elle et moi. Et je crois sincèrement que ce n’est pas le bon moment pour aucun de nous deux.
Son regard ancré dans le mien, accompagné d’un demi-sourire, me prouve qu’elle me fait confiance. Elle saute sur ses deux pieds avant de partir trouver ce qui lui manque dans la même pile où j’ai récupéré mon chandail. Ses mains dénichent un legging noir qu’elle enfile aussitôt. La vue rapide de ses fesses nues fait pulser mon membre et je crains la fin lorsque je comprends qu’elle n’a aucune petite culotte en dessous.
— T… tiens, prends ça, dis-je en lui offrant mon sweat à capuche, il fait froid dehors.
— Merci. Où allons-nous ?
Je m’écarte d’elle pour chausser mes bottes que je laisse délacées, puis enfile ma vieille veste de cuir avant de passer mes doigts dans mes cheveux pour dompter les mèches rebelles.
— Pour l’instant, je ne sais pas.
Lorsque je la rejoins pour lui tendre ses baskets, je l’aperçois qui m’observe avec les yeux ronds et la bouche légèrement entrouverte.
— Mika ? Qu’y a-t-il ?
— Tu es… différent, réplique-t-elle timidement en saisissant ses chaussures.
— Différent comment ?
Pour toute réponse, je la vois hausser les épaules et se retourner comme si elle semblait gênée de ce qu’elle s’apprêtait à me dire. Une fois complètement prêt, je griffonne un mot rapide sur un bout de papier que j’abandonne sur le comptoir de ma cuisinette puisque mon portable est toujours en miettes ; je préfère que Wes ne se fasse pas d’idées sur notre absence.
Avec Mika sur les talons, je descends les marches jusqu’à la salle à manger, puis passe à vive allure devant l’endroit où j’ai tabassé Lewis un peu plus tôt ce matin. Maintenant à l’extérieur, je ferme les yeux avant d’inspirer profondément. Et si je l’avais tué ? Et si j’étais comme tous ceux qui foulent le seuil de mon restaurant ? Un meurtrier. La panique que je tente de repousser depuis le drame grandit en moi à mesure que les images refont surface. L’air me brûle la gorge, mon cœur bat intensément dans ma poitrine. J’attends le sommet de la crise lorsqu’une petite main chaude et rassurante se joint à la mienne. Surpris, j’écarquille les yeux puis tombe rapidement sur le regard tendre de Mika qui observe tout de ma faiblesse dans les moindres détails. Ouais, je suis loin d’être un homme solide. Impossible de faire semblant. Quand j’ouvre la bouche pour me confondre en excuses, la jeune femme pose aussitôt son majeur sur mes lèvres pour me faire taire.
— Amène-moi loin d’ici, dit-elle avec ce sourire qui réchauffe même les âmes les plus ténébreuses.
Comment fait-elle pour chasser tant de noirceur avec seulement quelques mots ? Je n’attends pas qu’une seconde vague de tourments m’accable pour refermer ma main autour de la sienne.
Le soleil, enfin haut perché, finit par nous réchauffer après plus de deux heures de marche dans le silence complet. Le doux vacarme de la ville se charge de combler ce manque à notre place. Cette petite Italie dans laquelle nous vivons depuis de nombreuses années, mon frère et moi, reste l’un des endroits les plus pittoresques que j’ai visités de ma vie. Elle donne l’impression de se trouver en plein cœur d’un Venise de pauvres, mais avec un certain cachet.
— Comme c’est beau, s’exclame Mika lorsque nous arrivons dans un cul-de-sac aménagé pour les touristes.
— Cet endroit s’appelle le Carrefour Amanti. Ou si tu préfères, le Carrefour des amants.
Je dois l’avouer, c’est magnifique. La fontaine qui meuble le centre de la place, entourée de bancs pour que l’on puisse l’admirer, confère un aspect romantique au milieu de tous ces vieux immeubles. Des gens, regroupés dans un coin, semblent patienter pour quelque chose.
— Que font-ils ? me demande la femme à mes côtés.
— Aucune idée.
C’est lorsque j’entends les premières notes d’un piano interprétant la Comptine d’un autre été de Yann Tiersen¯, tirée d’un film que je reconnais, que je comprends la raison de cet attroupement : c’est un public. Le son qui résonne contre les murs me donne des frissons. J’ai l’impression d’interrompre un moment important tant la pièce est jouée d’une manière personnelle, presque intime.
J’avance d’un pas en direction d’un banc pour nous reposer lorsque je sens que le corps de Mika ne me suit pas. En me retournant vers elle, je la vois, les yeux fermés, l’air de savourer chaque note de la mélodie qui danse partout autour de nous. Cette vision d’elle fait monter quelque chose d’incroyable en moi. Les coins de mes lèvres se retroussent, je souris. Mes joues me font mal tant je ne suis plus habitué de le faire. Ma main se blottit instinctivement contre sa mâchoire. Dès le premier contact, Mika ouvre les paupières et j’en profite pour entourer son visage comme pour capturer cet instant précieux pour le reste de mes jours. Une idée me vient alors à l’esprit.
— Tu peux m’attendre sur ce banc, s’il te plaît ? Je n’en ai pas pour très longtemps, lui dis-je en lui pointant le siège qui fait face à la petite foule plus loin.
Elle hoche la tête puis s’installe à l’endroit exact que je lui ai indiqué.
— Je ne serai pas long, d’accord ?
— Ça va, Seb, je te fais confiance.
Arrête ça tout de suite ! Tu vas lui faire croire que tu l’abandonnes, là. Ouais, bon, ce n’est pas faux. Je disparais entre les couples regroupés pour écouter le pianiste, me rendant enfin à lui. De mémoire, je sais qu’il termine bientôt sa pièce alors je m’approche de lui et attends qu’il joue la dernière note. Je remarque que la foule savoure la musique exactement comme le fait Mika. Ce public est tellement différent de ce que j’ai l’habitude de voir dans les bars que je me demande si mon idée n’en est pas plutôt une mauvaise. Des gens saouls, ça n’écoute pas vraiment ce que je fais sur scène, si ? Ceux-là sont parfaitement lucides… Alors pas question de chanter quoi que ce soit, surtout dans l’état qu’est ma voix après avoir craché ma rage à Lewis. Pas de guitare, pas de chant, simplement un instrument qui ne m’appartient pas. Qu’est-ce que ça va donner ? Je vais peut-être me ridiculiser, si ça se trouve.
Le musicien finit tout juste la dernière montée de la pièce quand je pose ma main sur son épaule. L’homme, beaucoup plus jeune que je ne le pensais, se retourne vers moi en souriant. Ce même sourire qui semble pouvoir atteindre la lune lorsque je lui fais part de mon plan. En discutant quelques instants avec ce type, je comprends que le piano n’est pas à lui, qu’il est là simplement pour le grand bonheur des passants. Il me cède donc gentiment sa place sans broncher.
Pendant que nous bavardions, les gens autour de nous se sont dissipés, alors quand le temps de m’asseoir devant les touches blanches et noires arrive, je peux voir du coin de l’œil Mika qui observe attentivement chacun de mes gestes.
Je me racle la gorge avant de poser mes doigts sur les notes en chassant les pensées angoissantes qui me viennent à l’esprit lorsque je me souviens que je vais jouer Truman Sleeps de Philip Glass et Valentina Lisitsa¯juste pour elle. Je ferme les yeux puis laisse la musique m’envahir comme Mika le fait si bien chaque fois. Cette chanson me parle depuis de nombreuses années. Elle est sombre, mais possède ce fond d’espoir que j’affectionne particulièrement. Je n’ai pas réfléchi longtemps pour la choisir dans mon minuscule répertoire, comme si elle avait été écrite exactement pour ce moment. Mes mains bougent lentement au rythme de la mélancolie de la pièce et je sens le public qui s’est à nouveau regroupé autour de la place. Je le fais uniquement pour elle. Pour la seule personne sur Terre qui me donne envie de sourire même quand tout va mal.
Dans la noirceur de ma vision, je m’imagine les sublimes iris brillants de cette femme qui illuminent l’instrument, sa bouche chaude et généreuse qui me murmure à l’oreille les notes que je dois jouer, sa peau aussi douce que de la soie sous mes doigts à la place des touches en ivoire. Mika est partout dans ma tête. Elle habite chacune de mes pensées. Elle chasse mon éternelle dépression par sa seule présence. Elle apaise mes crises d’angoisse par le simple contact de sa main dans la mienne. Une évidence me vient alors de plein fouet. J’ai besoin d’elle. Est-ce de l’amour ? Après si peu de temps ? N’est-ce pas plutôt mon esprit qui la considère comme une sorte de bouée de sauvetage ? Comme un remède à tout le mal qui m’habite ? Et, finalement, dès qu’elle retrouvera la mémoire, elle retournera auprès des siens, me laissant derrière avec une nouvelle blessure dont je ne crois pas pouvoir me remettre.
— Il joue si bien, murmure une voix d’homme derrière moi.
— C’est triste et joyeux à la fois, ajoute une autre.
Et c’est exactement la façon dont je me sens à cet instant précis. Déguste chaque moment avec elle comme si c’était le dernier. J’entrouvre les paupières pour la chercher du regard sans jamais abandonner la musique. Dès que je tourne la tête sur ma gauche, une silhouette sombre apparaît à mes côtés. Mika est là, tout juste au coin du vieux piano, à m’observer jouer avec cette lueur magique dans les yeux. L’effet de la pièce que j’ai choisie pour elle me fait sourire. Si elle connaissait l’étendue de tout ce que ça veut dire pour moi, je crois qu’elle partirait en un clin d’œil. Je la vois hisser sa main près de sa joue pour chasser une larme solitaire, signe qu’elle paraît plus touchée que je le pensais.
— C’est magnifique, prononce-t-elle tout bas.
L’énorme sourire sur mon visage répond à ma place. Elle couvre sa bouche de ses doigts comme pour retenir un sanglot. Pour un mec qui n’a pas joué depuis des années, ça sonne plutôt bien. Et curieusement, je me sens zen. La timidité ne s’est jamais pointée face à ce public totalement étranger. Approchant la fin de la chanson, j’observe mes doigts parfaitement à l’aise sur l’instrument. Les nouvelles blessures sur mes phalanges sont encore luisantes, mais aucune douleur n’est apparue, pas même le souvenir pas si lointain de leur raison d’exister. Cette impression que le bonheur est à portée de main va me rendre fou au milieu de ma vie complètement déjantée. Impossible de ne pas perdre la tête dans ces montagnes russes d’émotions.
— Il doit être pianiste, chuchote une dame âgée.
— Aucune idée, mais il va me faire pleurer, c’est sûr, répond sa voisine.
— Tu crois qu’il joue cette chanson pour la demoiselle près de lui ?
— Comme ce serait romantique…
Tiens, c’est nouveau ça ! Moi, romantique ? Ce mot n’avait jamais fait partie de mon vocabulaire avant…
Voilà que je pose mes doigts sur les dernières notes fatidiques que je laisse résonner longtemps pour mon propre plaisir. Les gens autour de moi se mettent à applaudir, tandis que je me lève lentement, presque étourdi d’avoir libéré autant d’énergie néfaste en jouant avec mes tripes.
— Bravo, monsieur, c’était sublime, me dit une vieille dame.
Je lui fais gentiment un signe de tête avant de saisir la main de Mika pour nous éloigner de là.
— Attends, Seb ! lance-t-elle derrière moi.
Dès l’instant où je pivote pour lui demander ce qui ne va pas, Mika saute sur moi en bloquant ses bras derrière ma nuque et pose délicatement ses lèvres contre les miennes. La douleur dans mon épaule est vive, mais rapidement chassée lorsque la magnifique latina ouvre la bouche pour trouver ma langue de la sienne. Mes mains caressent avidement son dos, ses fesses et ses cheveux alors que j’entends les gens curieux s’exclamer que nous sommes beaux à voir. Putain, dispersez-vous que je l’embrasse comme elle mérite de l’être ! Mika met fin abruptement à ce moment en éloignant légèrement sa tête, puis pose un regard affamé sur moi.
— Rentrons vite chez toi, je t’en prie.
Je crois que le sourire qui s’affiche sur mon visage va finir par le fendre en deux.
Ce trajet infernal en taxi m’a semblé durer des heures alors que la devanture de mon restaurant apparaît au loin. Même en me concentrant sur la ville qui défile, la pression dans mon pantalon ne diminue pas. Dès l’instant où Mika a posé délicatement sa main sur ma cuisse, tout le sang de mon corps m’a quitté pour s’amasser à un endroit en particulier.
Enfin, dès que le véhicule arrête devant la porte du Double Barrel, je lance un billet de cinquante dollars au chauffeur pour m’éclipser comme si j’avais le feu au cul.
— Que Dieu vous bénisse, me crie-t-il avant de partir sur les chapeaux de roues.
Premier constat lorsque j’atteins la porte du resto : elle est bien fermée à clé. Deuxième constat : aucun signe du frangin en vue. Je fais d’abord entrer Mika, puis je verrouille derrière nous. Calme-toi, Seb, sinon elle va penser que tu es un maniaque sexuel et… J’ai à peine tourné les talons que Mika accroche ses bras à mon cou tout en coinçant ses jambes autour de ma taille. Ses lèvres dévorent les miennes comme un SDF engloutit son premier repas de la semaine. Quelle surprise de la voir aussi affamée de moi que je le suis d’elle ! Je ne suis pas le plus musclé ni le plus costaud, mais avec son petit corps contre le mien, j’ai l’impression d’être un géant.
Sans jamais défaire l’emprise de ses jambes autour de moi, Mika enlève rapidement le sweat qu’elle portait en le passant au-dessus de sa tête, créant une vague de parfum enivrant de mon odeur mélangée à la sienne. J’avance lentement en direction de la cuisine quand le téléphone accroché près du bar sonne. Ni elle ni moi ne nous laissons interrompre. Au contraire, comme si ça devenait encore plus urgent, la sublime femme dans mes bras commence à retirer ma veste prestement pour l’abandonner à mes pieds. Aussitôt fait, elle enfouit ses doigts dans mes cheveux et plaque à nouveau sa bouche contre la mienne. Je l’embrasse jusqu’à n’avoir plus une goutte d’air dans les poumons, jusqu’à ce que les étoiles apparaissent dans mon champ de vision.
— T… tu devrais peut-être répondre, dit-elle entre deux respirations.
Voilà que le téléphone reprend de plus belle avec cette sonnerie affreusement désagréable.
— Hum… grogné-je en agrippant maintenant le t-shirt qui recouvre sa peau parfaite.
— C’est peut-être important ?
Mika recule légèrement son corps du mien pour jeter un regard aussi sérieux que sensuel sur moi. Elle a raison, mais… non, elle a vraiment raison.
Un énorme soupir s’échappe de ma bouche lorsque je finis par abdiquer et déposer la sublime femme sur ses deux pieds. Le petit sourire espiègle qu’elle m’offre me fait littéralement fondre de l’intérieur. Un grondement de perdant est sur le point de sortir de ma gorge quand je saisis le combiné violemment.
— QUOI !? hurlé-je à la personne à l’autre bout du fil.
— Putain, mais tu manges quoi ces jours-ci pour être aussi frustré ? lance Wesley, encore plus colérique que moi.
— Tu veux quoi, Wes ? Je suis occupé, merde.
En disant son nom, je remarque l’expression sur le visage de Mika changer avant qu’elle parte en direction de la cuisine. Si mon frangin vient de ruiner le plus beau moment de ma vie, je le trucide, le décapite et irai faire de la taule avec plaisir.
— T’es pas le seul sur Terre. Si tu crois que je ne suis pas occupé moi avec mon t…
— Viens-en au fait, le coupé-je brusquement. Si tu m’appelles pour chialer sur ton existence, t’as qu’à demander à Beryl de changer de place avec toi !
— Tu t’entends, là ? Putain ce que t’es lourd ! J’veux juste bien faire, moi, en te prévenant qu’il y a une soirée organisée entre les BB et les Blacks, et toi tu me gueules dessus comme un mal baisé.
— T’as qu’à m’écrire un texto, comme tout le monde.
— Tu me prends pour un con, Seb ? T’as explosé ton portable contre le mur, tu te rappelles ? Et ça fait une heure que je tente de te joindre. J’étais à deux doigts d’expédier une équipe chez toi. T’étais où ?
— Ailleurs. Merci de m’avoir avisé.
Je coupe raide la communication en pressant le bouton arrêt et en abandonnant le combiné sur le comptoir du bar. J’imagine d’ici l’expression enragée sur son visage. Qu’est-ce que ça fait du bien de l’envoyer promener. Mais je dois avouer qu’il a bien fait de me prévenir. Les Bloody Bears et les Blacks, ensemble, ne sont pas très reposants. Je prends quelques secondes pour appeler Anne afin de lui demander de contacter le petit aide-cuisinier pour qu’il se pointe également.
— Je vais faire ça avec plaisir, me dit-elle avec une gaieté propre à elle dans la voix. On se voit à 17 h ?
— Oui, merci Anne.
Je raccroche aussitôt sans oublier de déposer le combiné loin de son socle. L’heure sur la vieille horloge au mur affiche 13 h 45, ce qui me laisse très peu de temps pour… Mika.
Un sourire de débile grandit sur mon visage lorsque je franchis le seuil de la cuisine. La trouvant vide, je cours dans l’escalier en colimaçon pour gagner mon loft. Avec l’étrange regard que la douce jeune femme m’a lancé avant de quitter la pièce, je crains presque de la retrouver en position fœtale dans un coin de mon appart. Mon cœur est sur le point de flancher tant je suis nerveux. En voyant la porte entrebâillée, je me rappelle y avoir frappé pour y entrer un peu plus tôt cette semaine et je me dis que si je fais la même erreur à nouveau, c’est clair : je passe pour un débile. Alors je n’hésite plus et…
Oh ! Putain de… est-ce que je rêve ? Je suis mort et au paradis ? Là, au beau milieu de l’aire ouverte, se trouve Mika complètement nue qui me tourne le dos, me laissant admirer les courbes parfaites de ses fesses. Le soleil qui pénètre la pièce se reflète sur cette sublime teinte dorée sur le corps de la latina. J’avance d’un pas, ne pouvant plus endurer l’espace qui me sépare d’elle. Dès mon premier mouvement, Mika pivote légèrement sa tête sur sa droite pour m’observer du coin de l’œil. La scène qui s’offre à moi est digne des peintures des plus grands artistes qui règnent dans les musées du monde entier, parce que c’est elle la plus belle de toutes les muses. J’en ai le souffle coupé à la contempler ainsi.
— Sebastian, murmure-t-elle à mon oreille, je dois te dire quelque chose.
Au point où j’en suis, elle pourrait m’annoncer qu’elle est prostituée, ou même ma sœur que j’aurais toujours envie d’elle. Ne pouvant plus attendre, je retire mon t-shirt en l’abandonnant au sol où il rejoint celui qu’elle portait un peu plus tôt. J’approche lentement d’elle et colle mon corps contre le sien. Surprise, Mika relève les épaules pour finalement poser l’arrière de sa tête contre ma poitrine. La chaleur de son derme réchauffe mon sang glacé alors qu’elle presse ses fesses sur mon sexe déjà prêt.
— C’est important, ajoute-t-elle lorsque j’appuie mes lèvres sur sa clavicule suivant la courbe jusqu’à son cou.
Une fois près de son oreille, j’approche ma bouche et lui souffle délicatement :
— En as-tu envie ?
Sa respiration se bloque dans sa gorge comme si elle était troublée par ma question. Lentement, je laisse la pulpe de mes doigts effleurer sa peau recouverte d’une chair de poule jusqu’à atteindre le galbe de son sein.
— En as-tu envie ? répété-je aussi langoureusement que la première fois.
La pointe de ses mamelons a complètement durci, alors je décide d’en pincer un légèrement pour lui montrer mon impatience. Le petit cri de surprise qui siffle entre ses lèvres fait pulser ma verge où je sens mon cœur battre à un rythme effréné.
— O… oui, déclare-t-elle d’un ton incertain, mais…
Donc, c’est affirmatif ; peu importe ce que voulait dire ce « mais », j’ai le feu vert.
En suivant la courbe de son ventre jusqu’à atteindre son pubis pour caresser son sexe, sa respiration de plus en plus rapide est sur le point de me faire flancher.
— Tu me désires autant que je te désire, alors rien n’a plus d’importance que cet instant.
De mon index, j’explore sa fente déjà bien humide pour trouver cette zone sensible qui la fait aussitôt pousser des couinements irrésistibles. J’effectue des petits cercles en crescendo alors qu’elle se cramponne fortement à moi, me donnant l’impression qu’elle peut s’écrouler à tout moment. Et c’est exactement ce qui lui arrive quand ses cuisses se referment sur ma main, créant de faibles secousses sur tout son corps. Je la veux tellement au point où ça me fait mal en dedans. J’ai besoin d’elle…
— Tiens-toi bien, dis-je en passant un bras sous ses genoux pour la hisser contre moi.
Accrochée à mon cou, Mika se laisse porter jusqu’à ma commode où j’attrape les enveloppes de préservatifs et me dirige finalement vers le lit pour y installer la sublime créature qui s’offre à moi. Le regard qu’elle pose sur ma personne est complètement dément. Ne pouvant attendre plus longtemps, je défais mon pantalon rapidement, libérant mon érection sous les yeux curieux et impressionnés de la jeune femme, puis fonce sur elle en couvrant son corps du mien. Nos baisers plus assoiffés encore semblent impatients. Je dévore sa bouche pulpeuse, sa langue, pendant qu’elle caresse mon dos jusqu’à mes fesses. Le poids que je mets sur mon bras blessé freine mes ardeurs. Si je vais trop vite, je risque de ne jamais terminer ce que j’ai commencé et ce serait la honte…
— Ça va ? Tu as mal ? me demande-t-elle en écartant légèrement son visage du mien comme si elle devinait mes pensées.
Son regard à cet instant est pénétrant, à deux doigts de me faire changer d’avis tant je veux bien faire les choses avec cette femme. Elle en a envie, mec…
— Viens-là ! lui dis-je en logeant l’une de mes mains derrière son dos pour la relever.
Je la hisse sur mes cuisses en plaçant ses jambes de chaque côté de mes hanches. Dans cette position, sa poitrine m’est généreusement offerte ainsi que l’entrée de son sexe. Mika enfouit ses doigts dans mes cheveux en tirant légèrement vers l’arrière pour me faire remonter la tête. Si j’avais un doute un peu plus tôt sur ses intentions, il est rapidement chassé lorsque je rencontre l’expression sur son visage. Inutile d’attendre plus longtemps, c’est ce qu’on souhaite tous les deux. Je laisse glisser ma main de son dos jusqu’à son derrière arrondi en arrêtant ma course à l’orée de son vagin tout exposé, avant d’y insérer lentement mon index jusqu’au bout. Mika grogne dans un souffle chaud contre ma joue et se cramponne à moi plus solidement. De ma main complètement plaquée contre elle, j’effectue des petits va-et-vient en prenant soin de flatter ma paume contre toutes ses zones sensibles. Sans jamais interrompre les mouvements, je joins un deuxième doigt à la partie. La pression se fait insoutenable dans tout mon corps lorsque Mika pousse ce petit cri de surprise. Les préliminaires auront raison de moi. Je n’en peux plus d’attendre.
De ma main libre, j’attrape le chapelet d’enveloppes et déchire la première à l’aide de mes dents. Sous les yeux attentifs de la déesse latine, j’enfile la capote sans jamais arrêter de la stimuler.
— Te quiero a ti, adelante9, murmure-t-elle contre mon oreille.
Putain, cette voix gorgée de sensualité me donne l’impression qu’elle me supplie. Mika s’écarte de mon cou en fixant son regard brillant dans le mien. Ce que j’y découvre est quelque chose de complètement nouveau, plus intense que la passion encore. Je retire un à un mes doigts de son orifice totalement détrempé, puis y approche mon membre déjà prêt depuis longtemps. La voir se lécher les lèvres comme si elle avait faim de moi me fait sourire tel un gamin devant une vitrine remplie de jouets. Je caresse mon gland sur l’intégralité de son sexe jusqu’au moment où je décide de l’insérer. Nous poussons à l’unisson ce souffle de satisfaction alors que je remarque ses paupières se révulser de plaisir. Mes mains sur ses hanches, je les tire lentement pour que ma verge puisse entrer jusqu’à la garde. Enfin, me crie ma pensée. C’est aussi bon que je me l’étais imaginé ; le corps de Mika répond à chacun de mes mouvements. En me relevant sur les genoux, ma partenaire se cramponne à mon cou, alors que j’attrape ses fesses pour la faire aller et venir sur ma puissante érection. Je ne peux plus me retenir ; terminé la douceur, la délicatesse, ma patience est complètement épuisée. Tandis que je l’embrasse sauvagement en goûtant chacun de ses cris de jouissance, j’accélère la cadence en faisant frapper son sexe contre le mien.
Et là, pendant je ne sais combien de temps, nous faisons l’amour comme je ne l’ai jamais fait par le passé. Parce qu’elle est aussi précieuse, je vénère chaque millimètre de son corps en savourant ses orgasmes les uns après les autres. Ma libido gênante d’adolescent me permet de recommencer autant que je le souhaite, et ce, toujours sous le regard étonné de Mika qui m’observe changer de capote en douce. Ce n’est que lorsque j’entends les clochettes de la porte de mon restaurant que je comprends que c’est la fin de ce parfait moment.
— C’était quoi ça ? demande Mika à quatre pattes avec le cul qui frappe un dernier coup contre ma queue.
— Les ennuis… dis-je en me retirant délicatement.
— Seb, t’es làààà ? C’est moi ! aboie Anne en bas.
— Oh non ! lance Mika avant de se sauver à la salle de bain.
Ouais, c’est le cas de le dire : le moment est terminé, et pas qu’un peu. J’imagine que c’était le maximum de bonheur auquel j’avais droit…