La parèdre ou épouse mystique

Le soutien d’une parèdre choisie est considéré comme très important pour la découverte des enseignements cachés, et c’est la raison pour laquelle les lamas destinés à devenir des tertöns étaient généralement des chefs de famille et non des moines. La félicité de sagesse générée par l’union avec une compagne agit comme une aide à la révélation des termas et peut accroître la longévité du lama. Quelquefois, les dakinis se manifestent sous une forme humaine pour permettre à un tertön masculin de trouver son trésor. Inversement, pour un tertön féminin, un partenaire masculin est nécessaire.

La ou le parèdre n’est donc pas considéré(e) dans le sens ordinaire comme une source de ravissement sensoriel mais comme un moyen de produire l’union de félicité et vacuité, sans attachement. Terdag Lingpa, par exemple, fut à même de recevoir les instructions concernant le terma du « Destructeur de l’arrogance », Yamantaka, grâce à son union avec une dakini. Elle lui apparut en rêve sous forme d’une magnifique jeune femme parée de soieries colorées et portant de précieux bijoux, « qui lui montrait l’expression et les indications de la grande félicité. En s’unissant à elle, il fut libéré au sein de l’espace sans élaborations, la nature des expériences de l’exquise grande félicité [160] ». Elle déposa son anneau dans sa tasse. Quand il se réveilla, l’anneau s’était transformé en rouleau de papier rouge pâle couvert de petits symboles : c’était le guide du terma.

Il arrive parfois que la parèdre soit un personnage inattendu. Elle n’est pas toujours jeune et belle ! Un lama nyingma dont il avait été prédit qu’il serait un découvreur de trésors pria toute une semaine pour que sa parèdre se manifeste. Lorsqu’elle le fit, ce fut sous la forme d’une effroyable vieille femme en guenilles, aveugle d’un œil, qui coupait du bois. Il la reconnut fort heureusement comme une émanation de la farouche protectrice du dzogchen à un œil, Ekajati, et sut qu’elle était la dakini qui était apparue en réponse à ses prières ! Elle devint son épouse mystique, comme prévu, et il vécut pour découvrir d’innombrables enseignements-trésors cachés. À une autre occasion, une vieille femme handicapée, incapable de marcher, fut le soutien d’un jeune tertön et lui permit de révéler un enseignement caché. La parèdre de Mingyur Dorjé, tertön célèbre, était muette. Elle ne pouvait pas communiquer, et ce n’est qu’en portant sa bague qu’il put écrire son terma. Sans elle, il ne pouvait écrire !

Si un tertön ne parvient pas à rencontrer la parèdre appropriée il se peut que sa vie soit abrégée ou son terma non propagé. Karma Lingpa (1327-1387) fut un découvreur de trésors qui mourut jeune parce qu’il manqua de la connexion favorable avec la parèdre qui lui avait été prophétisée.

Plus récemment, Dilgo Khyentsé Rinpoché (1911-1991), incarnation du grand tertön du dix-neuvième siècle Jamyang Khyentsé Wangpo, tomba « gravement malade alors que, jeune homme, il faisait une retraite dans un lieu appelé le ‘Bosquet blanc’. Khyentsé Chökyi Lodrö et de nombreux autres lamas étaient d’avis unanime que le temps était venu pour lui de prendre femme, car cela lui était nécessaire en tant que tertön (...) Il épousa donc Lhamo, une jeune fille simple d’une famille ordinaire de fermiers. Dès ce moment, sa santé s’améliora ; il eut un grand nombre de profondes visions et révéla plusieurs trésors de l’Esprit [161] ». Il n’avait montré aucun intérêt pour le mariage, mais ses lamas lui avaient dit de se marier sans quoi il mourrait. Sa femme, Khandro Lhamo, lui fut amenée par les lamas. Elle se souvient de leur rencontre :

 

« Rinpoché était très malade et son teint était sombre. J’étais inquiète de le voir si mal et je pensai qu’il allait mourir. Mais après mon arrivée, sa santé sembla s’améliorer. Un jour, il se leva, dans sa robe blanche, et me demanda de venir manger avec lui… Dans certains textes, il était prédit que Rinpoché devait m’épouser pour garantir le fait que ses activités pour le Bouddha-Dharma deviennent très vastes. [162] »