En 1878, le plan Freycinet se propose d’améliorer les infrastructures françaises dans le domaine des transports, le réseau ferré notamment. Dans un rapport du 8 juin 1878, une commission parlementaire justifie que l’État entreprenne la construction de nouvelles lignes — confiées jusque lors à des compagnies privées.
Dans le texte de la loi de finances de 1877, la Chambre des députés avait introduit une disposition législative ainsi conçue :
« Le ministre des Travaux publics est autorisé à entreprendre, par voie d’adjudication, les travaux de construction des chemins de fer énoncés à l’article 1er de la loi du 16 décembre 1875, et aux articles 1er et 3 de la loi du 31 décembre 1875.
» En dehors des dépenses prévues par la loi du 11 juin 1842, sont autorisées celles des travaux de superstructure, l’achat du matériel roulant excepté. »
Sans discuter les avantages ou les inconvénients de cette dernière disposition, le Sénat a pensé qu’elle devait faire l’objet d’une loi spéciale, et elle n’a pas été insérée dans le texte définitif de la loi de finances.
Le Gouvernement juge que le moment est aujourd’hui venu de la reproduire et de demander aux Chambres l’autorisation d’entreprendre la superstructure des lignes non concédées au fur et à mesure de l’achèvement de l’infrastructure, afin de ne pas laisser les premiers travaux improductifs et de ne pas retarder l’ouverture de l’exploitation.
Il a donc repris la disposition insérée par la Chambre, en 1876, dans la loi de finances, pour formuler l’article 1er du projet de loi déposé en mars sur le bureau du Sénat.
Voici en quels termes l’exposé des motifs justifie cette proposition :
« Jusqu’à ce jour, l’État n’avait été chargé que des travaux d’infrastructure dans les conditions prévues par les lois du 11 juin 1842 et du 19 juillet 18451. Il y a un véritable intérêt à ce qu’il soit en outre autorisé à construire également la superstructure. Il pourra, d’ailleurs, le faire dans d’excellentes conditions. Le personnel expérimenté et dévoué, qui a commencé les travaux, les continuera avec le même succès. Il n’y aura aucune organisation nouvelle à faire, et les lignes pourront être rapidement achevées, de manière à donner satisfaction aux populations qui en attendent l’ouverture avec la plus grande impatience.
» On a objecté, il est vrai, que la superstructure d’un chemin de fer devait être faite par la compagnie même qui doit l’exploiter. Cette objection, qui a pu être fondée à une certaine époque, a cessé de l’être aujourd’hui. Tous les procédés de construction sont connus : tous les types ont été expérimentés, et les ingénieurs de l’État sont parfaitement au courant des progrès obtenus jusqu’à ce jour. »
Et plus loin :
« On fait remarquer que les grandes compagnies entretiennent auprès des établissements métallurgiques des agents spéciaux pour surveiller la confection des rails, lesquels offrent ainsi toutes les garanties. Rien n’empêchera l’administration d’en désigner également pour la même surveillance, et elle a, à cet effet, des ingénieurs qui ne le cèdent à aucun autre.
» L’État pourra ainsi construire entièrement les lignes non concédées, dans les meilleures conditions pour leur exploitation.
» Souvent même, il le fera plus économiquement ; car les ingénieurs pourront, dès leurs premiers travaux, trouver et mettre en réserve sur la ligne le ballast nécessaire à son achèvement. »
C’est ainsi que M. le ministre des Travaux publics entrait dans les vues de la Chambre des députés de 1876, qui peuvent se résumer dans une phrase du rapport sur le budget, insérée à la suite d’observations sur le danger d’étendre outre mesure le compte de la garantie d’intérêt :
« Votre commission, messieurs, souhaite vous voir inaugurer, pour des chemins de fer dont le rendement ne saurait être considérable, un système dans lequel le contrôle de l’État soit facile et où l’administration puisse exercer une action efficace pour réaliser de sérieuses économies de construction. »
Réduire, dans la mesure du possible, les dépenses de premier établissement et inscrire directement les charges d’intérêts au compte du Trésor, au lieu d’avoir à les rembourser, à titre de garantie, à des compagnies concessionnaires, telle était la pensée de la Chambre de 1876.
Dans le projet présenté au Sénat en mars 1878, M. le ministre des Travaux publics a restreint l’application du système et l’a limitée aux lignes comprises dans les lois de décembre « qui n’auraient pas été concédées avant l’achèvement des travaux d’infrastructure ».
Le projet qui nous est actuellement soumis après l’examen du Sénat a perdu tout caractère de généralité. Il ne s’agit plus de l’ensemble des chemins de fer décrétés et non concédés, mais d’un certain nombre de sections, d’une longueur limitée, choisies sur douze lignes désignées parmi les trente-quatre qui figurent dans les lois de 1875.
En résumé, nous avons l’honneur de demander à la Chambre d’adopter le projet de loi suivant.
PROJET DE LOI
Art. 1er. — Le ministre des Travaux publics est autorisé à entreprendre l’exécution des travaux de superstructure, l’achat du matériel roulant excepté, jusqu’à concurrence d’une longueur totale de 220 kilomètres, sur les chemins de fer désignés ci-après :
Caen à Dozulé ;
Échauffour à Bernay ;
Alençon à Domfront ;
Mamers à Mortagne ;
Mortagne à Mézidon ;
Gondrecourt à Neufchâteau ;
Saillat à Bussière-Galant ;
Limoges au Dorat ;
Vendôme à Romorantin ;
Limoges à Eymoutiers ;
Fontenay-le-Comte à Benêt ;
Avallon à Nuits-sous-Ravières.
Art. 2. — Les dépenses afférentes à l’exécution de ces travaux seront imputées sur les crédits du chapitre ouvert à la 2e section bis du budget du ministère des Travaux publics sous le titre : Travaux de chemins de fer décrétés et non concédés.
Art. 3. — Les travaux de superstructure seront exécutés suivant les types adoptés, avec approbation du ministre des Travaux publics, sur l’avis du Conseil général des ponts et chaussées, sur les lignes principales dont les lignes à construire sont les affluents.
Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi autorisant le ministre des Travaux publics à entreprendre l’exécution des travaux de superstructure de divers chemins de fer, 6 juin 1878, JO, juin 1878, annexe n° 804.
Ces lois fixent les conditions d’établissement du réseau ferré national.