1963. La grève des mineurs


Après le refus de la direction des Charbonnages de France d’accepter une augmentation des salaires de 11 % demandée par les syndicats, les mineurs déclenchent une grève le 1er mars 1963. Ce mouvement social provoque une vague de solidarité qui se manifeste notamment par des débrayages chez d’autres catégories socioprofessionnelles. L’épiscopat lui-même appuie les revendications des mineurs parmi lesquels la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) est fort bien représentée, surtout dans les mines de Lorraine. Dans le rapport qu’il prononce au nom du Bureau confédéral, lors du 34e congrès de la CGT, le 12 mai 1963, le secrétaire général, Benoît Frachon (1893-1975), tire les leçons du mouvement.

 

Pour poursuivre notre action générale, nous pouvons tirer des enseignements extrêmement importants de la grève des mineurs. Elle a traduit, non seulement le mécontentement et la colère des mineurs, mais elle est une expression typique du mécontentement général de la classe ouvrière et de sa volonté d’obtenir des changements.

En dépit de toutes les tentatives du pouvoir pour discréditer le mouvement, pendant toute sa durée les mineurs ont été l’objet de la sympathie et de la solidarité de très larges couches de la population.

Il ne faut pas voir dans ce fait seulement un soutien sentimental, qui existait évidemment, mais aussi l’expression plus ou moins claire d’un mécontentement de gens qui trouvaient l’occasion de l’exprimer en prenant position pour les grévistes contre le pouvoir.

Les mineurs ont lutté d’une façon exemplaire. Ils ont fait preuve d’une fermeté et d’une résistance qui ont eu des répercussions profondes parmi la classe ouvrière et qui auront inévitablement des suites dans le déroulement des luttes ultérieures.

Le grand mérite des mineurs est d’avoir porté un coup très dur à la pratique de la réquisition, qu’essayait d’implanter le pouvoir en s’orientant vers la liquidation de fait du droit de grève par son usage systématique1.

La grève et le succès par lequel elle s’est terminée ont aidé considérablement les autres travailleurs de l’État à faire admettre quelques-unes de leurs revendications urgentes.

On lui doit le succès rapide et à une grande échelle de la quatrième semaine de congés payés2.

Elle a eu de grands retentissements à l’échelle internationale où la solidarité s’est affirmée très largement, a fait avancer l’internationalisme prolétarien et donné plus de valeur au courant vers l’unité ouvrière internationale.

Mais la chose la plus importante est qu’elle a révélé au grand jour le profond désir d’unité qui existe chez tous les travailleurs de notre pays.

L’union, fermement maintenue durant tout le conflit, entre les travailleurs et les organisations syndicales est un exemple remarquable qui aura des suites heureuses.

Nous avons, au Bureau confédéral, suivi cette grève au jour le jour et je puis vous dire que les dirigeants de notre Fédération qui, dans des conditions parfois difficiles et mouvantes, ont su rester fermes et lucides ont mérité les félicitations que je leur adresse.

Je veux aussi, en votre nom a tous et au nom de tous les travailleurs de France, adresser à tous les mineurs, le témoignage de notre admiration et nos remerciements pour le service immense qu’ils ont rendu à la classe ouvrière.

Je remercie également les travailleurs de tous les pays qui ont apporté aux mineurs leur solidarité matérielle et morale. Je m’adresse plus particulièrement aux représentants des syndicats de l’URSS et de la Pologne, qui sont ici présents et les prie de transmettre aux travailleurs et syndicats de leur pays nos remerciements et notre reconnaissance pour avoir porté leur solidarité à un niveau élevé en arrêtant tout envoi de charbon vers la France. Nous leur demandons de remercier les gouvernements de leurs pays qui ont approuvé et soutenu cette décision.

Achille Blondeau, 1963, quand toute la mine se lève, Paris, Messidor, 1991, p. 136-137.


1.

Le 2 mars 1963, le général de Gaulle réquisitionne le personnel des Houillères. Les mineurs refusent d’obéir.

2.

En décembre 1962, la Régie Renault accorde une quatrième semaine de congés payés à ses salariés. Les mineurs l’obtiennent, à leur tour, à l’issue de leur grève.