1968. Mai 68, côté gaulliste


Durant les événements de mai 68, le pouvoir gaullien semble quelque peu pris de court, un flottement dont la gauche entend profiter. Le 27 mai, un meeting réunit stade Charléty les organisations proches des gauchistes. Et le 28, François Mitterrand, invoquant la vacance du pouvoir, suggère la création d’un gouvernement provisoire et la tenue d’élections présidentielles anticipées auxquelles il entend se présenter. La réplique gaullienne ne tarde pas. Le 29 mai, le Général disparaît une journée durant pour se rendre à Baden-Baden auprès du général Massu. Le 30 mai enfin, il s’adresse aux Français lors d’une allocution radiodiffusée.

 

Françaises, Français,

Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j’ai envisagé, depuis vingt-quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir. J’ai pris mes résolutions.

Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J’ai un mandat du peuple, je le remplirai.

Je ne changerai pas le Premier ministre, dont la valeur, la solidité, la capacité, méritent l’hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraîtront utiles dans la composition du Gouvernement.

Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale1.

J’ai proposé au pays un référendum qui donnait aux citoyens l’occasion de prescrire une réforme profonde de notre économie et de notre Université et, en même temps, de dire s’ils me gardaient leur confiance, ou non, par la seule voie acceptable, celle de la démocratie2. Je constate que la situation actuelle empêche matériellement qu’il y soit procédé. C’est pourquoi j’en diffère la date. Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu’on entende bâillonner le peuple français tout entier, en l’empêchant de s’exprimer en même temps qu’on l’empêche de vivre, par les mêmes moyens qu’on empêche les étudiants d’étudier, les enseignants d’enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l’intimidation, l’intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main en conséquence et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s’il a déjà des rivaux à cet égard.

Si donc cette situation de force se maintient, je devrai pour maintenir la République prendre, conformément à la Constitution, d’autres voies que le scrutin immédiat du pays3. En tout cas, partout et tout de suite, il faut que s’organise l’action civique. Cela doit se faire pour aider le Gouvernement d’abord, puis localement les préfets, devenus ou redevenus commissaires de la République, dans leur tâche qui consiste à assurer autant que possible l’existence de la population et à empêcher la subversion à tout moment et en tous lieux.

La France, en effet, est menacée de dictature. On veut la contraindre à se résigner à un pouvoir qui s’imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait alors évidemment et essentiellement celui du vainqueur, c’est-à-dire celui du communisme totalitaire. Naturellement, on le colorerait, pour commencer, d’une apparence trompeuse en utilisant l’ambition et la haine de politiciens au rancart. Après quoi, ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids qui ne serait pas lourd.

Eh bien ! Non ! La République n’abdiquera pas. Le peuple se ressaisira. Le progrès, l’indépendance et la paix l’emporteront avec la liberté.

Vive la République !

Vive la France !

C. de Gaulle, allocution du 30 mai 1968, DM, tome 4, 1966-1969, Paris, Plon, 1970, p. 292-293.


1.

Les élections législatives sont fixées au 23 et au 30 juin.

2.

Le général de Gaulle propose un référendum le 24 mai.

3.

Allusion à la possible utilisation de l’article 16.