1985. L’idéologie sécuritaire


L’aggravation de la petite délinquance et plusieurs attentats terroristes retentissants au cours de la première moitié des années 1980 ont contribué à remettre au centre du débat politique le thème de la sécurité des biens et des personnes. Le Front national, en outre, grignote une partie de l’électoral traditionnel de la droite par l’exploitation de ses peurs. Charles Pasqua (né en 1927), figure de proue du groupe RPR au Sénat, ancien responsable du SAC, se fait le chantre d’un discours musclé qui s’en prend à la politique jugée trop libérale mise en place par les socialistes en matière de sécurité publique.

 

On m’excusera de faire une fois de plus allusion à une de mes propositions de loi, mais elles posent quelques jalons sur la route qu’il sera urgent de suivre, demain, pour restaurer des conditions de vie et de sécurité décentes dans ce pays. Celle-ci suggère que l’identité de toute personne puisse être contrôlée, en toute circonstance et dans tous lieux publics, par les agents et officiers de police judiciaire : « Nul ne peut refuser de se soumettre à un contrôle d’identité. L’identité doit être justifiée par la production de documents administratifs en règle. »

Qui donc, à part les malfaiteurs, pourrait avoir à se plaindre d’une telle mesure ? Nous sommes arrivés aujourd’hui à ce paradoxe que les membres des forces de l’ordre peuvent demander ses papiers à n’importe quel automobiliste, mais pas à un poseur de bombes !

Pour que l’insécurité passe enfin dans le camp des terroristes, il faut donner à la police les moyens de la prévention et de la recherche des coupables. A cet égard, nous pouvons utiliser avec profit les méthodes mises au point par la police italienne et le BKA allemand1, à qui elles ont permis de prévenir de nombreux attentats et de démanteler les organisations terroristes. En France, nous avons laissé ces organisations installer au fil des années des sanctuaires à partir desquels elles lancent leurs opérations de déstabilisation. A notre tour de les déstabiliser, en supprimant peu à peu tous leurs soutiens logistiques : caches, faux papiers, armes, relais. Pour y parvenir, il faut exercer une surveillance systématique des milieux sympathisants susceptibles de leur apporter une aide conjoncturelle, ainsi que certains milieux diplomatiques dans lesquels les réseaux activistes trouvent trop souvent des complicités.

Le rôle du renseignement est, bien entendu, primordial : c’est grâce aux informateurs et à l’échange de renseignements avec des services étrangers que la police reconstitue le plus souvent les filières terroristes et l’identité de leurs agents.

Une fois ces données obtenues, il reste sans perdre un instant à arrêter les coupables et à sévir. Pour éviter de le faire, M. Badinter2 prétextait naguère que l’on risquait de « faire des martyrs ». Belle excuse ! Si l’on ne veut pas de martyrs, que l’on s’abstienne de les parer d’avance d’auréoles. L’État a le droit et le devoir de mener une lutte sans merci contre toute forme de terrorisme, d’où qu’il vienne et quels que soient ses alibis idéologiques. Il doit soumettre ceux qui se rendent coupables d’actes terroristes à toutes les rigueurs de la loi, au lieu de les relâcher ou de les reconduire à la frontière, fût-ce celle du Burundi. Dans la lutte contre ces groupes armés qui sont les ennemis jurés de la France et de la démocratie, il n’y a pas de place pour les états d’âme.

Charles Pasqua, L’Ardeur nouvelle, Paris, Albin Michel, 1985, p. 176-178.


1.

Services de police de la République fédérale d’Allemagne.

2.

Avocat, Robert Badinter est garde des Sceaux depuis juin 1981.