Entre mai 1898 et décembre 1899, le socialisme français, très divisé, commence une longue marche à l’unité sous la pression conjointe de la base et de la volonté politique de quelques leaders, au premier rang desquels se place Jaurès. En octobre 1898, un Comité de vigilance est créé dans le climat perturbé de l’affaire Dreyfus. En janvier 1899, un Comité d’entente, qui permet aux différentes organisations socialistes de se rencontrer, marque le temps d’une nouvelle ébauche d’unification. En décembre, enfin, un Congrès général des organisations socialistes se réunit à Paris, salle Japy, et charpente une organisation unitaire, par le biais de plusieurs résolutions, en dépit des graves divisions suscitées par la participation ministérielle d’Alexandre Millerand. Un parti socialiste unifié est né.
RÉSOLUTION
CONSTITUTION DU PARTI
Le Parti socialiste est fondé sur les bases des principes inscrits dans les formules de convocation au congrès ; il se compose :
1° Des cinq1 organisations nationalement constituées ;
2° Des fédérations régionales et départementales autonomes ;
3° Des groupes qui demanderont au Comité général du parti, tel qu’il sera défini ci-après, leur inscription au parti, à condition que ces groupes aient au moins un an d’existence et cinquante membres cotisants, et qu’il n’existe pas de fédération dans leur département. Ces groupes seront rayés du parti, si, dans le délai d’une année, ils n’ont pas institué une fédération départementale.
Les groupes ne pourront être admis que du consentement unanime des membres du Comité général ;
4° Des syndicats ouvriers qui adhèrent explicitement à la formule du principe socialiste qui a servi de base à la convocation du premier congrès général du parti ;
5° Des coopératives, qui adhèrent à ces principes, et consacrent à la propagande socialiste une part de leurs bénéfices.
Le parti se réunira tous les ans en un congrès général ; chaque congrès déterminera le lieu du congrès suivant ; mais il est entendu que, sauf exception pour l’année prochaine à raison de l’Exposition universelle, le congrès siégera chaque année dans une région différente.
CONSTITUTION DU COMITÉ GÉNÉRAL
Il sera constitué dans un délai maximum de huit jours un Comité général du parti dont les pouvoirs dureront jusqu’au congrès suivant : chacune des organisations sera représentée au Comité général par des délégués désignés par elle et en proportion avec le nombre des mandats qu’elle a apportés au congrès, à raison d’un délégué par cinquante mandats et fraction de cinquante.
Les fédérations autonomes cesseront d’être considérées, pour leur représentation au Comité, comme une organisation unique ; elles formeront sept organisations distinctes (Ardennes, Côte-d’Or, Doubs, Bretagne, Bouches-du-Rhône, Seine-et-Oise, Saône-et-Loire) régies par les règles ci-dessous. Elles n’ont donc pas en fait un délégué chacune.
Il en est de même de l’Alliance communiste2.
Pour rétablir l’équilibre, chacune des organisations représentées au congrès recevra un délégué supplémentaire.
Les décisions du Comité général seront prises à la majorité des voix. Chacune des organisations sera tenue de verser au Comité général une somme à fixer par le Comité général et proportionnellement au nombre de mandats de chacune.
CONTRÔLE DE LA PRESSE
Le congrès déclare qu’aucun des journaux socialistes n’est, dans l’état actuel des choses, l’organe officiel du parti ; mais tous les journaux qui se réclament du socialisme ont des obligations définies, qui grandissent avec l’importance du journal et le concours que lui ont prêté, dans tous les pays, les militants.
La liberté de discussion est entière pour toutes les questions de doctrine et de méthode. Mais, pour l’action, les journaux devront se conformer strictement aux décisions du congrès interprétées par le Comité général. De plus les journaux s’abstiendront de toute polémique et de toute communication de nature à blesser une des organisations.
Les journaux seront tenus d’insérer les communications du Comité général et celle des organisations adhérentes.
Si le Comité général estime que tel journal viole les décisions du parti et cause un préjudice au prolétariat, il appellera devant lui les rédacteurs responsables. Ceux-ci étant entendus, le Comité général leur signifie, s’il y a lieu, par un avertissement public, qu’il demandera contre eux qu’un blâme ou l’exclusion du parti ou la mise en interdit du journal lui-même. Ces mesures seront renvoyées au congrès suivant.
CONTRÔLE DES ÉLUS
Il sera procédé à la Chambre, sur les bases théoriques de la convocation du congrès, à la constitution d’un groupe parlementaire unique placé sous le contrôle direct du Comité général, qui aura à rappeler aux élus les décisions du congrès et à les amener autant que possible à l’unité du vote.
Nul né pourra être considéré comme candidat socialiste s’il ne rappelle dans ses professions de foi les principes qui ont servi de base à la convocation du présent congrès.
En période électorale, le Comité général ne devra jamais donner d’investiture quelconque à un candidat ; s’il y a conflit au deuxième tour de scrutin, il sera naturellement arbitre.
Adopté à l’unanimité.
Congrès général des organisations socialistes françaises, Paris, Société nouvelle de librairie et d’édition, 1900, p. 410-413.
Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF) de Paul Brousse, Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) de Jean Allemane, Parti ouvrier français (POF) de Jules Guesde, Parti socialiste révolutionnaire (PSR) d’Édouard Vaillant, Fédération des « indépendants » d’Alexandre Millerand.
L’Alliance communiste provient d’une scission du POSR qui s’est produite en 1896.