En 1906, les rapports entre le syndicalisme et la SFIO sont à l’ordre du jour. Certains, comme Victor Renard, secrétaire général de la Fédération du textile, préconisent une collaboration entre la SFIO et la CGT que rejettent d’autres syndicalistes, Victor Griffuelhes ou Alphonse Merrheim notamment. Adoptée le 13 octobre 1906 lors du 9e congrès de la CGT, la Charte d’Amiens, fébrilement rédigée au buffet de la gare par quelques délégués, porte la signature de Merrheim, Pouget, Yvetot… Elle marque leur victoire puisqu’elle est adoptée par 834 voix contre 8 et une abstention, les délégués guesdistes refusant pour leur part de voter.
Le Congrès confédéral d’Amiens confirme l’article 2, constitutif de la CGT1.
La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat… ;
Le Congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe qui oppose, sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière ;
Le Congrès précise, par les points suivants, cette affirmation théorique :
Dans l’œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc. ;
Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’œuvre du syndicalisme ; il prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale ;
Le Congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d’avenir, découle de la situation des salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait de tous les travailleurs quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, un devoir d’appartenir au groupement essentiel qu’est le syndicat ;
Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l’entière liberté pour le syndiqué, de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au-dehors ;
En ce qui concerne les organisations, le Congrès décide qu’afin que le syndicalisme atteigne son maximum d’effet l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté, la transformation sociale.
Cousteau ; Menard ; Chazeaud ; Bruon ; Ferrier ; É. David, B.d.T. Grenoble ; Latapie ; Médard ; Merrheim ; Delesalle ; Bled ; Pouget ; E. Tabard ; A. Bousquet ; Monclard ; Mazau ; Braun ; Garnery ; Luquet ; Dret ; Merzet ; Lévy ; G. Thil ; Ader ; Yvetot ; Delzant ; H. Galantus ; H. Turpin ; J. Samay, Bourse de Paris ; Robert ; Bornet ; P. Hervier, Bourse du Travail de Bourges ; Dhooghe, Textile de Reims ; Roullier, Bourse du Travail de Brest ; Richer, Bourse du Travail du Mans ; Laurent, Bourse du Travail de Cherbourg ; Devilar, Courtiers de Paris ; Bastien, Textile d’Amiens ; Henriot, Allumettiers ; L. Morel, de Nice ; Sauvage ; Gauthier.
L’article 2 précise : « La CGT a exclusivement pour objet d’unir sur le terrain économique et dans des liens d’étroite solidarité les travailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale. Les éléments constituant la CGT devront se tenir en dehors de toutes les écoles politiques. » La citation renvoie donc en fait au deuxième alinéa de l’article 1er adopté en septembre 1902 au congrès de Montpellier.