« L’islamosphère entend contrôler toute parole sur la religion du Prophète pour l’exonérer de ses responsabilités dans les crimes djihadistes et les imputer aux seules nations occidentales, coupables par essence ». 1
Afin de réaliser les objectifs stratégiques les plus immédiats, analysés plus haut : la « réislamisation », le maintien dans l’islam strict, et la désassimilation des musulmans ayant quitté le dar al-islam , les grands pôles de l’islamisme (wahhabites-salafistes ; Frères-musulmans, Tabligh ; Jamaàt i-Islami, Confréries turques, Milli Görüs, souhaitent dans un premier temps encadrer les communautés musulmanes européennes issues de l’immigration, dont on doit empêcher l’intégration aux mœurs « impies » du dar al harb .
Pour mobiliser des troupes initialement fort peu motivées par l’obscurantisme religieux, puis justifier leur dessein communautariste de subversion-submersion, ces pôles islamistes ont élaboré, de manière plus ou moins concertée, une stratégie générale de mobilisation, un « programme commun minimum » de revendications communautaires et confessionnelles qui s’expriment habilement au nom des valeurs pluralistes des sociétés d’accueil, pourtant combattues par l’idéologie suprémaciste qui anime les islamistes.
Largement inspirées des consignes des organisations comme l’OCI, la Ligue Islamique Mondiale, l’ISESCO et les Frères musulmans, mentionnées précédemment, ces revendications sont grosso modo les suivantes :
multiplication des lieux de cultes et Grandes mosquées ;
demande de jours fériés musulmans officiels : le Fitr, qui marque la fin du jeûne du Ramadan, et l’Ahda, jour du sacrifice au cours du pèlerinage à La Mecque. Une demi-journée serait également chômée le vendredi ;
droit de prier pendant les heures de travail sans retenues de salaire : les deux ou trois prières journalières tombant pendant les heures travaillées ;
introduction de l’enseignement religieux islamique dans le cadre de l’Éducation nationale ou d’écoles privées sous contrat. Droit de créer des écoles libres islamiques entièrement privées et généralisation des aumôneries et lieux de prière islamiques dans les lieux publics. Plus d’imams dans les prisons, etc. ;
parmi les revendications en matière scolaire : lutte contre la mixité, demande de dispense de certains cours pour les filles, exclusion d’ouvrages « offensants envers l’islam » et droit au port du voile dans les lieux publics ;
introduction de quotas (« discrimination positive ») dans l’administration, les médias, les listes électorales, et pour l’embauche de musulmans, etc. ;
reconnaissance des règles islamiques en matière de statut personnel : mariage musulman, répudiation, polygamie, héritage (inéquitable pour les femmes), garde des enfants (qui reviennent au mari en cas de séparation), cimetières ou carrés musulmans séparés. La loi française devrait ainsi être mise en concurrence avec la charià pour permettre à la communauté musulmane de régler de façon indépendante la vie de ses membres ;
remise en question de la laïcité des États ou de leur caractère officiel chrétien, au profit d’une laïcité « aménagée », réceptive à la charià, via des statuts juridiques exorbitants du droit commun (immunités juridiques et territoriales) ;
reconnaissance institutionnelle et fiscale de l’islam. En France, l’islam devrait être reconnu comme « seconde religion nationale ». Les organisations et associations charitables, religieuses musulmanes devraient pouvoir recevoir des dons avec la possibilité de déductions fiscales. Puis introduction de l’aumône légale (zakat ) dans ce contexte.
création, à terme, de partis politiques et / ou grands lobbies islamiques visant à défendre les intérêts des communautés musulmanes.
Si certaines de ces revendications ne posent pas de problème majeur et apparaissent comme légitimes en vertu des libertés fondamentales et du droit à pratiquer sa religion, garantis dans toute société pluraliste (comme les carrés musulmans dans les cimetières), d’autres, propres à la nature théocratique de l’islamisme, sont en revanche en opposition totale avec les valeurs fondamentales des démocraties occidentales.
Conscients que les valeurs qu’ils défendent sont obscurantistes et suprémacistes (anti-occidentalisme ; judéophobie ; charià, antichristianisme, infériorité des incroyants, etc.), et que certaines de leurs revendications, a priori inacceptables (inégalité des femmes, polygamie, voiles islamiques intégraux, etc.), sont vouées à susciter une hostilité naturelle de la part des autochtones sécularisés et des pouvoirs publics, les grands pôles du totalitarisme islamiste ont opté pour une stratégie du faible au fort, subversive : déguiser leurs revendications liberticides et obscurantistes en doléances progressistes et multiculturalistes, voire « antiracistes ».
Pour parvenir à leurs fins et mobiliser le plus efficacement à la fois les musulmans, au départ naturellement réfractaires à l’islamisme radical et à la pratique religieuse stricte, puis les politiques et les médias, ils ont répandu depuis des années l’idée que les sociétés européennes « persécuteraient » les communautés musulmanes immigrées en leur refusant des accommodements. En vertu de cette stratégie victimaire, ils expliquent que la « haine anti-musulmans » s’exprimerait en premier lieu par le refus des signes extérieurs religieux comme le voile. En fait, cette revendication centrale des islamistes a toujours été le point de départ du programme d’intimidation et de réislamisation, en pays musulman comme en Occident, car le voile est la façon, corporelle et vestimentaire, la plus radicale pour déclencher un processus de désassimilation et de réislamisation via la polarisation communautaire.
Le fil rouge du présent essai est que même si elles font des choix tactiques divergeant, les forces islamistes (jihadistes minoritaires ou pôles institutionnels majoritaires) se nourrissent mutuellement. Nous avons vu plus haut que ces deux déclinaisons du totalitarisme théocratique à l’assaut de la Vieille Europe œuvrent chacune à sa manière à intimider, à faire plier, et surtout à polariser les communautés. Pour empêcher que les musulmans s’intègrent aux mœurs impies des non-musulmans, il convient donc de resserrer les liens en distillant un sentiment de persécution collective au sein des communautés musulmanes tout en diabolisant les « infidèles islamophobes ». Dans le cadre de cette stratégie d’intimidation, les « coupeurs de langues » ont besoin des « coupeurs de tête », car la violence terrifiante des seconds dissuade les « blasphémateurs » (pires ennemis) de combattre le suprémacisme subversif des premiers. Tout doit être fait pour que la peur, légale ou physique, dissuade les musulmans renégats et leurs soutiens « profanateurs » mécréants de faire tomber de leur pied d’estalles les lobbies islamiques qui encartent les musulmans.
Cette alliance objective entre islamistes terroristes et associations communautaristes n’a jamais été aussi manifeste qu’à l’occasion de l’affaire des Versets Sataniques , de Salman Rushdie , en 1989. Rappelons que le coup d’envoi de ce scandale planétaire fut donné par les antennes britanniques de l’organisation islamiste indo-pakistanaise Jamaà, notamment l’UK Islamic Mission et la Fondation islamique de Leicester (qui ont pignon sur rue dans ce pays et fanatisent des musulmans britanniques depuis des décennies). Celles-ci sautèrent sur l’occasion de dénoncer le « blasphème » du musulman indo-anglais « apostat » Salman Rushdie afin d’opérer une démonstration de force, un premier test de réactions de la société britannique. Ce test était destiné à renforcer l’emprise de l’islamisme radical sur les communautés musulmanes de Grande-Bretagne et d’Europe puis à resserrer les liens entre musulmans et les mouvances islamo-fondamentalistes face à l’ennemi commun « anti-musulmans ».
Manifestation exemplaire de l’existence d’une véritable stratégie de conquête commune aux différents pôles du totalitarisme islamiste, on a pu constater que toutes les mouvances ont coopéré entre elles pour faire pression sur les opinions publiques et les gouvernements afin de faire taire Salman Rushdie et surtout de dissuader les prochains candidats au blasphème. On se rappelle que c’est lorsque l’ayatollah Khomeiny lança sa fatwa de mort contre Rushdie, que l’affaire prit une tournure internationale. Cette fatwa sidéra l’Occident et motiva de nombreuses organisations islamiques sunnites à faire de même2 ou à hurler plus fort encore. Même les pôles islamiques les plus modérés opposés à la violence dénoncèrent de plus belle le « sacrilège » de Rushdie. Depuis lors, les fatwas de mort se sont multipliées, l’islam politique a poursuivi ses menées conquérantes et la révolution khomeyniste a fait école dans le monde entier, depuis le Hezbollah libanais jusqu’à Daech et Al-Qaïda, en passant par l’islamisme turc.
Du point de vue de la stratégie de conquête des organisations islamistes désireuses de « réislamiser » les fidèles musulmans, l’Affaire Rushdie sera un succès, dans la mesure où les organisateurs de cette affaire hautement médiatisée parviendront à déclencher chez nombre de musulmans anglais et européens, une réaction de « solidarité islamique » face à « l’islamophobie » présupposée des autochtones britanniques « chrétiens » solidaires de Rushdie et de son « blasphème ». Ainsi en fut-il par exemple du parcours personnel de l’un des organisateurs des toutes premières manifestations contre Salman Rushdie en Grande-Bretagne, Mirza Welayat Hussain. Membre du parti conservateur, cadre moyen dans une entreprise automobile, apparemment symbole parfait de l’intégration réussie d’un musulman de Grande Bretagne, Welayat Hussain était arrivé dans les années 1960 en Angleterre, en provenance du Cachemire, pour s’installer dans la banlieue Nord de Londres. Interrogé le 8 novembre 1988 peu après les premières manifestations contre l’auteur des Versets Sataniques , l’homme, pourtant réputé « musulman modéré », lança : « Dans sa situation actuelle, Rushdie est déjà un homme mort. C’est son plus grand châtiment »3 . Pour la communauté asiatique musulmane de Grande Bretagne, il y eut véritablement un avant et un après l’affaire Rushdie.
Conformément aux objectifs des organisations islamiques, les controverses ultra-médiatisés déclenchées à l’occasion du scandale des Versets Sataniques incitèrent nombre de musulmans britanniques à se retrancher dans leur forteresse communautaire et à se sentir soudain plus profondément musulmans face à une supposée « hostilité » anti-islamique des Occidentaux, « alliés » du blasphémateur honni. Cette réaction correspondait exactement aux objectifs poursuivis par les pôles islamistes mondiaux instigateurs de l’Affaire, qu’il s’agisse de ceux qui ont menacé de mort Salman Rushdie ou de ceux qui ont exigé qu’on l’interdise de parler et qu’on détruise son œuvre. Là aussi, la frontière entre « coupeurs de têtes » et « coupeurs de langue » était très mince4 . Rappelons que d’après les nombreuses enquêtes réalisées à l’époque, la moitié des musulmans de Grande Bretagne et nombre d’organisations islamiques ont soutenu la fatwa condamnant Salman Rushdie à mort. C’est également à cette occasion que la ville de Bradford, où 60 % des enfants musulmans quittent l’école sans diplôme et 30 % des Musulmans sont au chômage, est devenue le principal fief de l’islamisme britannique.
En France, la première réaction significative à la publication du livre de Salman Rushdie fut la création, en mars 1989, d’un comité de coordination ad hoc regroupant la Fédération nationale des Musulmans de France (FNMF), l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) et l’Association des Étudiants Islamiques de France (AEIF) – toutes deux proches des Frères-musulmans – ainsi que la Mosquée de Paris, réputée « modérée ». Ce comité décida de saisir la justice française afin de faire interdire la publication de la traduction française du roman jugé « blasphématoire et raciste » par le recteur d’alors de la Mosquée de Paris, cheikh Abbas Bencheikh Lhoussine. Ce dernier exprima, le 15 mars 1989, au ministère de l’intérieur, son indignation face à « l’insulte subie par les musulmans blessés dans leur foi »5 . Le fait qu’un pays terroriste et tant d’autres « coupeurs de têtes » veulent tuer Rushdie ne rendit pas les pôles musulmans institutionnels plus tolérants. Ils hurlèrent au contraire avec les loups tout en dénonçant la violence.
Rappelons que c’est aussi en 1989 que le voile islamique fit son apparition dans des écoles françaises. Mais l’affaire-test rebondit de façon récurrente, comme pour le voile, pendant plusieurs années. Ainsi, le 14 avril 1993, Dalil Boubakeur, le nouveau recteur de la Grande Mosquée, prit la tête d’une coordination anti-Rushdie regroupant toutes les tendances de l’islam de France – dont les pôles islamistes ainsi légitimés (FNMF, OUIF, Tabligh) – qui réclama devant les tribunaux l’interdiction de la diffusion des Versets Sataniques . Opposé à toute forme d’obscurantisme, le Grand Mufti de la mosquée de marseille, Souheib Bencheikh , qualifiera l’attitude liberticide de Boubakeur de « spectacle honteux »6 . Cela n’empêchera pas l’imam Boubakeur, peu avant l’invitation de Salman Rushdie à l’émission « Bouillon de Culture » de Bernard Pivot, d’envoyer au journal Le Monde une lettre sommant purement et simplement Pivot de déprogrammer l’émission sous prétexte que celle-ci « coïncidait avec la fin du ramadan », donc moment particulièrement susceptible de provoquer « l’indignation des Musulmans ».
La victoire de la stratégie islamiste d’intimidation fut autant politique que symbolique. L’Europe d’aujourd’hui continue de payer les conséquences de l’affaire Rushdie et de la fatwa de l’ayatollah Khomeiny. En étendant le « dar al-islam » – le domaine de l’islam – à la terre toute entière, et notamment à l’Europe, via sa fatwa, ce dernier bouleversa la situation juridique et politique des musulmans européens et il donna des idées à ses concurrents sunnites. Ceux-ci ont en effet pris le relais depuis que Téhéran a cessé de se mêler des affaires islamiques européennes.
En 1994, l’écrivain originaire du Sri Lanka, Taslima Nasjreen, fut également victime d’une campagne internationale de chasse au « blasphémateur » relayée par les grandes instances musulmanes de Grande-Bretagne et d’Europe. Tout commença en 1994, durant un Salon du livre du Bangladesh, lorsque, dédicaçant son roman Lajja (La Honte ), l’écrivaine fut attaquée par une foule d’islamistes enragés qui se mirent à tabasser tout le monde et à brûler ses livres sur place puis tentèrent de l’assassiner. Elle fut sauvée de justesse par les policiers. Son livre fut interdit dans le pays parce qu’elle avait osé critiquer la loi islamique et fait remarquer que les hindouistes victimes de pogroms et de tortures n’étaient jamais défendus par les pouvoirs publics puis que les femmes étaient victimes de la charià. Accusée de blasphème – crime suprême – elle fut poursuivie par l’État du Bengladesh lui-même, pressé de la faire pendre au plus vite par des millions de manifestants fondamentalistes. Après des années d’exil7 , en mars 2007, sa tête fut à nouveau mise à prix par un mouvement islamiste indien. Une « prime de décapitation » de 500 000 roupies (10 000 euros) fut offerte à celui qui réussirait à mettre la main sur elle.
Le cas de Taslima Nasjreen est révélateur, plus encore que celui de Rushdie, du processus de régression philosophique et de montée en puissance des idées islamistes radicales dans les pays musulmans et jusque dans nos « banlieues de l’islam ». Pour nombre d’associations islamistes européennes qui se sentent « offensées » dès qu’on associe islam et violence, mais qui ont soutenu sa condamnation comme « apostate » et donc indirectement donné raison à ceux qui ont émis une fatwa de mort contre elle, la situation était encore « plus grave » que celle de Rushdie8 . Car cette fois-ci, en raison du caractère bien plus populaire et accessible de ses romans féministes carrément anti-islam (à la différence de Rushdie), des « Infidèles » britanniques commençaient à soutenir et publier les livres et articles d’une écrivaine musulmane authentiquement athée et « apostate ». Celle-ci osait attaquer frontalement la charià et l’islam comme sources d’intolérance.
En réaction, la puissante association intégriste Mission Islamique du Royaume Uni organisa, le 28 août 1994 à Sheffield, une vaste réunion consacrée à la dénonciation de Taslima Nasjreen. Passible de la peine capitale au Bengladesh et au Pakistan, Nasreen fut visée par une fatwa de condamnation à mort pour avoir blasphémé et abjuré. Elle sera d’ailleurs menacée de mort en Europe même, où elle devra, comme Salman Rushdie , prendre des gardes du corps et errer de capitale en capitale entre l’Europe, l’Inde et les États-Unis, selon les risques. Lors de la réunion de Sheffield s’exprimeront contre elle les représentants des grandes organisations islamistes britanniques ainsi que des personnalités « respectables » du monde musulman : l’opposant islamiste tunisien Rachid Ghannouchi, Ghulam Azam, chef de la Jama’at-i-islamiyya du Bangladesh. Ce dernier réitéra les menaces de mort et la qualifia de « Rushdie en jupons ». Même l’ex-Président bosniaque Alija Izetbegovic , chouchou de l’Occident et de BHL, fut présent aux côtés de représentants de l’islamisme le plus radical qui la condamnèrent à mort, quelques jours à peine avant qu’il ne rencontre des intellectuels français défenseurs par ailleurs de Rushdie.
Concernant les raisons de la fatwa prononcée contre elle, Nasjreen raconte que « son objectif était d’expliquer ce qu’est véritablement la charià […]. J’ai fait l’objet d’une fatwa pour avoir […] démontré que maintes lois coraniques ne sont que des légitimations a posteriori des désirs personnels de Mahomet. […] et critiqué le voile islamique : cette obligation découle du fait que Mahomet fit voiler sa très jolie femme Aicha parce qu’il en était fort jaloux. Bref, je voulais prouver aux musulmans que les lois islamiques proviennent non pas de Dieu, mais qu’elles sont le reflet des actions personnelles de Mahomet. Résultat : mon livre a été censuré aussi bien par le gouvernement bengali que par le gouvernement indien »9 . A une question sur la résolution du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies du 27 mars 2008 limitant la liberté d’expression en cas d’islamophobie, Taslima Nasjreen répond : « c’est une très mauvaise nouvelle pour moi. En condamnant le ‘blasphème’ et en tentant d’assimiler la critique des religions à la ‘diffamation’ ou au ‘racisme’, ce texte signe purement et simplement l’arrêt de mort de la liberté d’expression […]. Les initiatives visant à pénaliser la « diffamation des religions » […] risquent de légitimer les États qui musellent la liberté d’expression et qui se dotent de lois anti-blasphème parfois sanctionnées par la peine capitale […]. Étonnamment, alors qu’il est permis critiquer le christianisme, le judaïsme, l’hindouisme, le bouddhisme et des centaines de « ismes », l’islam, lui, est intouchable ! Or sans liberté de blâmer, aucun progrès n’est possible dans les sociétés islamiques. On ne devrait ressentir aucune crainte à risquer d’être qualifié d’« islamophobe ». La critique de l’islam n’est pas uniquement nécessaire pour les non-musulmans ; elle l’est surtout pour les musulmans eux-mêmes. Tous ceux qui se proclament « pro-musulmans » ne devraient pas encourager les musulmans à adopter des lois anti-femmes fondées sur la religion […]. Nasjreen conclut son entretien, de façon pessimiste en abordant le cas de l’Europe : Hélas, en Occident, notamment en Grande-Bretagne, on commence à appliquer la loi islamique, et les initiatives visant à réprimer l’islamophobie constituent des débuts de limitation de la liberté d’expressio n »10 .
Les déboires encourus par Karl Lagerfeld , Claudia Schiffer et le P.D.G. de Chanel à propos d’un autre cas « d’offense à l’islam » méritent aussi d’être évoqués, car ils furent l’occasion pour la Mosquée de Paris, qui se targue d’être le pôle le plus « modéré » de l’islam français, de révéler l’ambivalence de ses orientations. Rappelons brièvement les faits. Début janvier 1994, lors de la présentation de la collection Chanel, le top model Claudia Schiffer était apparue avec des robes décorées de caractères arabes représentant des fragments de versets coraniques. Un ouléma d’Indonésie découvrit que le couturier Karl Lagerfeld avait fait dessiner sur des robes portées par Claudia Schiffer, non pas une simple strophe d’élégie arabe, mais un verset du Coran, blasphème suprême puisque porté par une « infidèle » de surcroît peu vêtue. Immédiatement, l’ensemble des organisations islamiques de France influencées par nombre de pays musulmans et les pôles fondamentalistes attachés à internationaliser l’affaire, crièrent au blasphème et appelèrent à boycotter les produits Chanel dans tout le dar al-islam . En France, l’Institut musulman de la Mosquée de Paris, à travers le recteur Dalil Boubaker, s’en émut, et dénonça vivement le sacrilège. Boubaker exigea « réparation » immédiate de la part de Chanel. Karl Lagerfeld se précipita alors à la mosquée de Paris, accompagné par le P.D.G. du groupe, Claude Eliette. Dans une contrition publque motivée, par la peur des représailles économiques ou autre, il pria le Recteur de « présenter ses profondes excuses à l’ensemble de la communauté musulmane », assurant « qu’en aucun cas son respect de la religion musulmane ne l’aurait porté à commettre un sacrilège ou à offenser la communauté musulmane ». Il s’engagea ensuite à défaire les calligraphies en cause, à détruire par incinération les trois robes concernées, en invitant de surcroît « tous les photographes et cameramen de la presse mondiale à renvoyer les négatifs des photos ou à s’engager à les détruire et à ne les reproduire en aucun cas »…. Acceptant de transmettre les excuses de M. Eliette à la communauté musulmane, le Recteur Dalil Boubakeur ajouta tout de même que « seul Dieu pardonne les erreurs humaines »…11 .
En Grande Bretagne, à la fin des années 1990, la direction de McDonald dût elle aussi céder à « l’islamiquement correct » afin de calmer la « colère » des imams et d’éviter un éventuel procès pour « racisme anti-islamique », nuisible à son image de marque worldwide . Sous la pression des puissants lobbies islamistes anglais, la compagnie accepta en effet de ne plus utiliser des emballages de couleur verte, lesquels évoquaient, d’après les censeurs islamistes, la couleur du drapeau du Prophète. De la même manière, afin de ne pas être boycottée dans le monde islamique suite aux déclarations antisionistes radicales du Grand Mufti de La Mecque, Oussama Ben Abdallah Khayat12 , qui avait dénoncé plusieurs compagnies occidentales « sionistes », la direction de Mc Donald’s jugea nécessaire, dès le déclenchement de la nouvelle Intifada « Al Aqsa » dans les territoires occupés, en septembre 2000, de faire savoir qu’elle allait consacrer un pourcentage sur chaque produit vendu au financement des hôpitaux et associations islamiques caritatives palestiniennes…
Après l’assassinat, le 7 mai 2002, par un militant extrémiste écologiste-immigrationniste, du populiste « islamophobe » Pim Fortuyn, qui qualifiait l’islam de « culture arriérée », puis celui, en 2004, du cinéaste Théo Van Gogh par un islamiste marocain proche d’Al-Qaïda, Mohamed Bouyeri, le combat public contre l’islamisme en Hollande devint très risqué. Il y a certes désormais consensus des principaux partis politiques pour freiner l’immigration et « résister » à l’islam politique. Mais les lois très strictes promulguées ces dernières années par les gouvernements en place, sous la pression du leader Geert Wilders , n’ont pas contribué à réduire dans la société néerlandaise, l’inquiétude, sensible. L’affaire de l’assassinat, le 2 novembre 2004, de Théo Van Gogh13 , constitua un tournant dans la stratégie d’intimidation islamiste. Rappelons les faits, Théo Van Gogh fut égorgé par un extrémiste islamiste qui lui reprochait d’avoir dénoncé, dans un film, Submission 14 , conçu avec l’écrivaine-politique musulmane « apostate » Ayaan Hirsi Ali, la soumission des femmes musulmanes. Le meurtrier avait laissé sur le corps de la victime une liste de personnes à qui il destinait le même sort, dont Ayaan Hirsi Ali, député du parti populaire aux Pays-Bas et d’origine somalienne. Elle aussi opposée à l’islamisme radical, Hirsi Ali vécut sous haute protection après cet assassinat, mais finit par quitter les Pays-Bas pour s’installer aux États-Unis, comme Taslima Nasjreen, Wafa Sultan ou Ibn Warraq , autres « apostats » qui ne se sentent plus en sécurité dans la vieille Europe gangrénée par l’islamisme menaçant. Preuve de la lâcheté croissante de nombreux dirigeants et intellectuels européens, le film de Van Gogh n’eut presque aucune distribution, excepté sur internet, et il ne reçut l’appui d’aucun gouvernement européen, car ce court-métrage de dix minutes levait un tabou essentiel de l’islam : la condition des femmes et l’hypocrisie de religieux musulmans vis-à-vis de leurs épouses, filles et proches en matière sexuelle. Il est clair que le fait qu’il n’y ait pas de risques physiques quand on dénonce ou moque le christianisme explique pourquoi les films anti-chrétiens ne rencontrent jamais de problèmes de distribution ou de censure.
Peu après l’assassinat de Théo Van Gogh, l’État néerlandais et surtout les forces politiques « progressistes », désireuses de donner des gages de « conformité islamique » (« Islamic compliance ») cédèrent de plus belle aux revendications communautaristes islamistes. Ainsi, à Rotterdam, les travaillistes, majoritaires au Conseil municipal, approuvèrent en 2006 un projet controversé de construction du premier hôpital islamique d’Europe. Avec des départements séparés pour hommes et femmes. À Utrecht, la Commission pour l’Egalite des Chances (CEC), pilier du communautarisme « antiraciste » hollandais, alla jusqu’à donner raison à une jeune musulmane, professeur d’économie, qui refusait de serrer la main des hommes. Le collège, qui avait voulu la renvoyer, fut qualifié de « trop ethnocentrique ». Par ailleurs, l’une des principales banques néerlandaises, la Rabobank, donna la possibilité de proposer des « prêts halal », sans intérêts, afin de satisfaire aux préceptes de l’islam. Une institution financière islamique, Bila Riba (« sans intérêts » en arabe), fut même créée à Leiden.
Le cas de Ayaan Hirsi Ali est également emblématique. Il rappelle à plusieurs égards ceux de Rushdie et Nasjreen, quoi que son engagement politique au sein de la « droite populiste » anti-immigration et « islamophobe » lui valut d’être totalement abandonnée par les médias et les milieux officiels et progressistes qui ont toute de même un peu défendu Nasjreen et Rushdie, plus politiquement corrects. Ex-Réfugiée somalienne, islamiste devenue athée puis naturalisée néerlandaise après s’être échappée de Somalie à la suite d’un mariage arrangé par ses proches 12 ans plus tôt, Ayaan Hirsi Ali parvint à s’intégrer parfaitement en Hollande jusqu’à réussir à être élue députée. Elle s’engagea alors dans la lutte contre l’islamisme aux côtés de Théo Van Gogh. Mais elle dut vivre en permanence sous protection de la police après avoir reçu de nombreuses menaces de mort comme « apostate » et « complice de Van Gogh » dans la production du court métrage Submission . Ce film racontait d’ailleurs en partie son passé d’ancienne femme islamiste battue, excisée et violée. Constatant la renonciation des autorités européennes et néerlandaises à résister concrètement à la montée du terrorisme intellectuel et aux menaces islamistes, Hirsi Ali décida finalement de quitter les Pays-Bas pour les États-Unis. « Je pars, mais les questions sur l’avenir de l’islam dans notre pays demeurent », lança-t-elle. Geert Wilders lui-même, ne peut circuler sans protection, du seul fait qu’il rejette le Coran. Il est clair que les nombreux hommes politiques européens anti-chrétiens qui rejettent la Bible et les Évangiles n’ont pas de problème de sécurité, et que le fait qu’ils ne risquent pas de déclencher des émeutes les rend plus fréquentables que Wilders. Là aussi, l’intimidation et la peur font la différence.
D’évidence, le « syndrome » Pym Fortuyn / Van Gogh, qui désigne le phénomène nouveau (depuis les années 2000) des menaces et mises à mort de « blasphémateurs / islamophobes » non-musulmans (alors que jusqu’à l’assassinat de Pym Fortuyn et Théo Van Gogh, il concernait les « musulmans apostats »), ne se limite plus aux Pays-Bas. On l’a constaté avec effroi lors des assassinats d’un traducteur de Salman Rushdie au Japon puis de caricaturistes de Jyllands Posten au Danemark, sans oublier les attentats meurtriers contre Charlie Hebdo en 2015 (voire infra ) qui ont incité maints « anti-religieux » à réfléchir à deux fois avant de se moquer de l’islam ou de blasphémer…
L’affaire dite des « caricatures » de Mahomet remonte à septembre 2005, lorsque la rédaction du journal danois Jyllands Posten apprit que l’auteur d’un livre pour enfants sur le Prophète Mahomet n’avait pu trouver un seul dessinateur acceptant d’illustrer l’ouvrage. Le 17 septembre, en effet, le journal danois Politiken avait publié un article intitulé « Dyb angst for kritik af islam » (« Peur profonde de la critique de l’islam »), expliquant l’incapacité pour l’auteur Kåre Bluitgen, de trouver des dessinateurs voulant illustrer son livre sur Mahomet. Face à cette autocensure, le plus grand quotidien (conservateur) du royaume, le Jyllands Posten , voulut tester la liberté d’expression, valeur fondamentale de la démocratie danoise, en proposant, en signe de refus de « l’islamiquement correct », à une quarantaine de caricaturistes de représenter des portraits du Prophète Mahomet. Douze seulement acceptèrent. Leurs dessins, signés (certains dessins critiques, d’autres non), parurent le 30 septembre 2005, sous le titre « Les Douze visages de Mahomet », c’est-à-dire cinq mois avant que l’affaire n’éclate dans le monde musulman et en Europe.
Initiateur de l’opération, Flemming Rose, chef de service culture du Jyllands-Posten , accompagna les caricatures d’un article alarmiste déplorant la frilosité grandissante des intellectuels danois, due à une campagne d’intimidation psychologique et physique orchestrée par les islamistes du Nord depuis l’assassinat de Théo Van Gogh. La même semaine en effet, une série d’évènement inquiétants avaient confirmé la naissance d’une autocensure islamique : l’anonymat exigé par les traducteurs de la parlementaire menacée de mort, Ayaan Hirsi Ali ; le retrait de l’un des tableaux d’une exposition par un musée inquiet des « réactions » des leaders musulmans ; ou les pressions exercées par un Imam sur un ministre afin que ce dernier exige des médias qu’ils donnent une « image plus positive de l’islam », etc. Flemming Rose conclut ainsi son article : « nous sommes sur une pente glissante, personne ne peut prédire où l’autocensure peut nous mener »15
La plus controversée des caricatures représentait le turban de Mahomet en forme de bombe à la mèche allumée, une autre Mahomet s’adressant à des kamikazes qui arrivent au paradis à la queue leu-leu : « Arrêtez-vous ! Arrêtez-vous ! Nous sommes à court de vierges ! »16 . Face à la publication des douze dessins, des associations musulmanes danoises manifestèrent leur indignation et se déclarèrent « insultées ».
Le 30 septembre 2005, un premier scandale de « faible intensité » éclata lorsque des responsables musulmans radicaux danois exigèrent le retrait immédiat des dessins. Le 9 octobre, la Société Islamique du Danemark, dirigé par l’imam Abu Laban, proche des Frères musulmans, exigea des « excuses » et le retrait des dessins. Le 14 octobre, 3 500 musulmans manifestèrent devant les bureaux du Jyllands-Posten à Copenhague. Toujours pas de retrait et d’excuses. Le lendemain, un jeune homme de 17 ans, interpellé, proféra des menaces de mort contre deux dessinateurs. Bashy Quraishy, président du Réseau européen contre le racisme, déclara qu’« aucun pays de l’UE n’est aussi islamophobe et xénophobe » que le Danemark. Fin octobre, 11 ambassadeurs de pays musulmans demandèrent, sans succès, à être reçus par le Premier ministre danois. Étonnamment, le 17 octobre, un journal égyptien publia les caricatures du Jyllands-Posten sans que cela ne déclenche de polémique dans le monde musulman, ceci en pleine période de Ramadan. Cette indifférence augmenta la colère des Islamistes danois, décidés à en rajouter et à tout faire pour mettre les États musulmans en porte-à-faux, notamment, via la saisine des autorités religieuses, mondiales (OCI, LIM, Ligue arabe, ISESCO, Congrès du Monde Musulman).
Entre novembre et décembre 2005, une délégation d’Imams et islamistes du Danemark proches des Frères musulmans égyptiens et palestiniens effectua une « tournée » des pays arabo-musulmans afin d’internationaliser une affaire interne, ceci dans le cadre d’une véritable stratégie d’intimidation, d’un plan d’attaque contre les démocraties européennes. La délégation d’Imams de La Société Islamique du Danemark (intégriste) se rendit en Égypte, au Liban, en Syrie et dans les territoires palestiniens, où leurs interlocuteurs furent scandalisés qu’au Danemark, la publication des caricatures et les protestations d’une dizaine d’ambassadeurs arabes avaient laissé de marbre le Premier Ministre, Anders Fogh Rasmussen. Emmenée par Imam Ahmad Abu Laban , Akhmad Akkari, Rais Huleyhel, la délégation d’imams danois entendit obtenir sa revanche au Caire, cœur des médias du monde arabe et pays qui abrite l’université Al-Azhar, l’une des plus grandes autorités mondiales du Sunnisme. Les Imams exhibèrent un terrifiant dossier de 43 pages présentant au public musulman les 12 caricatures du journal danois accompagnées de photos glauques et de dessins bien plus choquants et truqués17 . Trois croquis obscènes à forte connotation pédophile et zoophile furent même ajoutés au dossier, histoire de fanatiser les interlocuteurs horrifiés par la « décadence » occidentale.
Le 30 janvier 2006, face à l’ampleur grandissante du scandale, le rédacteur en chef du journal danois ayant publié les douze caricatures, Carsten Juste, dût faire son mea culpa, en terminant sa lettre d’excuses par : « Enfin, permettez-moi de présenter, au nom du journal, mes excuses pour ce qui s’est passé et d’exprimer ma condamnation de toute tentative de porter atteinte aux religions, valeurs ou peuples déterminés. Et qu’Allah agrée notre démarche ».
Par « solidarité » avec les lobbies islamiques mondiaux, le Royaume-Uni (en réalité vacciné depuis l’affaire Rushdie), interdit la publication des caricatures dans les médias, à l’exception d’un journal étudiant, dont les exemplaires furent vite mis au pilon avant même sa distribution. L’administration américaine et le premier ministre britannique, Tony Blair , prirent clairement position en faveur de « l’apaisement ». La Maison Blanche déclarait « comprendre » la colère des musulmans, et Bill Clinton lança depuis le Qatar : « Il y a cet exemple affreux en Europe du Nord, au Danemark (…) ces caricatures totalement offensantes pour l’islam . »
Les milieux économiques et industriels ne furent pas de reste. Des entreprises européennes (filiales ou affiliés) comme Carrefour ou Nestlé, par crainte de boycott, retirèrent les produits danois (Carrefour Égypte et ou Dubaï) et achetèrent des pages de publicité dans des journaux arabes pour expliquer que Nestlé « n’est pas une entreprise danoise et que ses produits ne sont pas “made in Danemark” »… Étonnamment, les voix les plus courageuses qui appelèrent à ne pas s’excuser et à résister à l’offensive islamiste liberticide, vinrent du monde musulman : Hamadi Redissi, professeur de sciences politiques à Tunis, cité dans une dépêche de l’AFP du 8 février 2006, déclara, indignée par les capitulations : « Vous ne devez pas renoncer. Si vous cédez, c’en sera fini. Tous les prétextes seront alors invoqués. Il n’y aura pas de limite. Qu’il soit interdit aux musulmans d’offenser le prophète est compréhensible. Mais dans ce cas, on cherche à étendre cet interdit à vous, Occidentaux. C’est une tentative d’imposer la charià, la loi islamique au monde ». Prémonitoire.
« L’affaire des caricatures » de Mahomet fut préparée savamment pendant des mois par les islamistes danois et les organisations islamiques mondiales dans l’objectif final de faire entrer dans le droit « international » et les législations nationales l’interdiction chariàtique de blasphémer. La stratégie adoptée et les buts poursuivis par les Imams et États islamiques « indignés » visait en fait, sous couvert de faire « respecter l’islam », à imposer leur vision totalitaire du religieux au reste de la planète et donc aux Infidèles. Les images effrayantes de foules vandalisant les consulats danois et européens dans le monde musulman et appelant à la guerre sainte étaient là pour faire comprendre le message.
Utilisant une rhétorique de guerre, le secrétaire général de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu , faux modéré, déclara qu’il pensait que l’affaire des caricatures était un « nouveau 11 septembre directement tourné contre le monde musulman »… extraordinaire inversion sémantique de la part de l’OCI dont l’idéologie salafiste-wahhabite de ses États phares (Arabie saoudite, Qatar, Pakistan) est la source réelle des attentats du 11 septembre… Le Secrétaire Général de l’OCI ne fut pas le seul à utiliser cette rhétorique subversive d’inversion des responsabilités à l’endroit des Européens. Son homologue de la Ligue arabe, Amr Moussa, présent dans tous les colloques euro-arabes, et dont les 22 dictatures membres de la Ligue persécutent les minorités chrétiennes et juives et nient la liberté religieuse, déclara que les caricatures faisaient partie « d’une guerre contre l’Islam ».18
Pour tenter de résoudre la crise et empêcher le « choc des Civilisations », deux pays islamiques majeurs qui condamnent tactiquement la violence : la Turquie et l’Arabie Saoudite, firent recevoir officiellement à Djeddah, au siège de l’OCI, le 11 février 2006, le Haut représentant de la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne (PESC), Javier Solana. Liant les graves évènements des banlieues en flamme en France et l’affaire des caricatures de Mahomet du Danemark, l’OCI proposa au « Monsieur PESC » une forme de marché-chantage : l’OCI ferait cesser les émeutes « spontanées » régulièrement provoquées dans les « banlieues de l’islam » d’Europe, soi-disant en « réaction » aux caricatures « blasphématoires », en appelant les musulmans à obéir aux forces de l’ordre, à condition que les pays européens restreignent la liberté de la presse, introduisent le délit de blasphème dans leur code pénal et que la France, forte de son droit de veto au Conseil de Sécurité, fasse voter par l’Assemblée Générale de ONU une loi réprimant le blasphème devant être incluse dans les législations nationales….
Lors de ses entretiens avec Ihsanoglu, secrétaire général de l’OCI, Javier Solana crut ainsi bon de transmettre à l’Organisation, dans un communiqué officiel au nom de l’UE, le message selon lequel l’Europe vouait un « profond respect à l’islam et aux sentiments des musulmans », plaidant en faveur du maintien de « relations fortes » avec le monde musulman, propos qu’il n’a jamais tenus en faveur des chrétiens, des animistes, des taoïstes des bouddhistes ou des hindouistes. M. Solana n’assortit donc aucunement ses paroles islamophiles et repentantes d’un souhait que ses interlocuteurs de l’OCI cessent de maltraiter leurs minorités juives, chrétiennes, bouddhistes, yézidis, etc. Aucun chef d’État européen, aucun responsable bruxellois, pas même M. Barroso, n’osèrent solliciter une réciprocité dans la tolérance et dans le traitement des minorités. Ce que venait de réclamer Ekmeleddin Ihsanoglu à Javier Solana signifiait, dans la terminologie de la diplomatie islamique de l’OCI, l’introduction et « l’européisation » des articles de la loi islamique (charià) dans les législations de l’Union au nom du « respect des religions » et en particulier du « droit de l’islam à être respecté par tous ».
Toujours dans le même esprit, le Secrétaire général de l’OCI suggéra à Javier Solana de faire adopter un « code de bonne conduite des Médias et de la Presse européenne », aux fins de « prendre en considération la sensibilité des musulmans »… Simultanément, Recep Tayyip Erdogan se permit de suggérer à la vieille Europe, selon lui trop « anticléricale » et « anti-religieuse », de « limiter la liberté d’expression dans le domaine des symboles religieux ». De la même manière, le 15 janvier 2015, peu après les terribles attentats islamistes commis contre l’hyper-casher et les journalistes de Charlie Hebdo , à Paris, Erdogan eut des mots bien plus durs envers les « provocateurs caricaturistes islamophobes » du journal satirique et contre la liberté de presse en Occident qu’envers les terroristes dont l’appartenance islamiste était une fois de plus niée et excusée pour cause de « blasphème »…19
Déjà, durant la troisième session extraordinaire de l’Organisation de la Conférence Islamique se déroula à La Mecque les 7-8 décembre 2005, l’Assemblée adopta un premier « programme d’action pour les 10 ans à venir dédié à lutter contre l’islamophobie ». Dans sa section VII, « Combattre l’islamophobie », il affirmait son intention d’agir dans le but d’adopter une résolution des Nations Unies pour bloquer et « lutter contre l’islamophobie » puis « inviter l’ensemble des États à promulguer des lois prévoyant des condamnations pénales dissuasives destinées à combattre l’islamophobie »…20
Rétrospectivement donc, on constate que la flambée de violence postérieure à la publication de caricatures du prophète musulman influença les travaux du Groupe de Haut niveau des Nations Unies sur « l’Alliance des civilisations » conçu par José Luis Rodriguez Zapatero et Recep Tayyip Erdogan, devenu une instance consultative influente aux Nations Unies, puis sur les structures analogues de « Dialogue » de l’Union européenne. Le groupe, qui tint encore plusieurs réunions à Doha, New York et Bruxelles, présenta des « mesures concrètes pour un dialogue interculturel ». Au cours de la rencontre de l’Alliance des Civilisations à Doha, au Qatar, en décembre 2006, les participants, secrétaire général de l’ONU en tête, exhortèrent à la « retenue » et au « dialogue » pour calmer les tensions nées de l’affaire des caricatures du prophète Mahomet. Dix-neuf pays dont la France et deux organisations régionales (la Ligue arabe et l’Organisation de la Conférence islamique) soutinrent tout naturellement l’initiative.
Dans le « Plan d’action pour combattre les divisions entre cultures », notamment entre le monde musulman et l’Occident, qui menacent de manière potentielle la paix dans le monde, les Sages onusiens abordaient d’une étrange manière l’affaire des caricatures, du blasphème et du droit à la Liberté d’expression : « Ce que je trouve très compliqué dans cette affaire [des caricatures de Mahomet], c’est d’essayer d’expliquer aux gens les perceptions des différentes communautés. D’un côté il y a la liberté de la presse. Mais il y a aussi la responsabilité qui va avec », soulignait l’un des Sages du Dialogue des Civilisations, Shamil Idriss, dans une conférence de presse donnée à la remise du rapport par l’Union européenne, l’ONU et l’Organisation de la Conférence islamique. Faisant allusion aux réactions violentes des musulmans face aux caricatures, il poursuivit, de façon fort complaisante : « il faut aider les gens à comprendre d’où vient cette réaction viscérale. Quel impact peuvent-avoir ces caricatures sur certaines populations. Après seulement, on peut se demander comment répondre à ce problème. C’est donc d’abord un problème d’éducation »… Quant à Kofi Annan , il déclarait : « Nous sommes profondément alarmés par les répercussions de la publication au Danemark, il y a de cela plusieurs mois, de caricatures insultantes du prophète Mahomet et de leur publication subséquente par plusieurs autres journaux européens, ainsi que par les actes de violence qui sont intervenus en réaction ». Annan mettait ainsi au même niveau un déferlement de violence barbare-liberticide ayant entraîné des dizaines de morts dans le monde (et des menaces sans précédents envers l’Union européenne) et l’usage de la liberté d’expression dans des journaux danois et français. D’autant que les caricaturistes n’auraient pas fait parler d’eux en dehors de leurs pays si des enragés n’avaient pas porté l’affaire auprès des gouvernements de la Ligue arabe et de l’OCI. « Nous soutenons pleinement le droit à la liberté d’expression. Mais nous comprenons les profondes blessures et l’indignation profonde ressentie dans le monde musulman », poursuivaient les trois signataires, dont l’UE, estimant que « la liberté de la presse comporte une responsabilité et exige une appréciation et devrait respecter les croyances et les piliers de toutes les religions ».
En France, quand Charlie-Hebdo décida de poursuivre la lutte anti-obscurantiste de Jyllands Posten en reproduisant les caricatures danoises, l’ex-président Jacques Chirac condamna la « provocation » en Conseil des ministres, le 8 février 2006, appelant à « l’esprit de responsabilité ». Son ancien Premier ministre, Alain Juppé , avait lui aussi jugé, sur France 2, « irresponsable » la publication de caricatures de Mahomet. Sur son blog, celui qui n’aurait jamais pris tant de gants avec l’Église catholique écrivait le 7 janvier 2015 : « l’islamophobie est un péril mortel. C’est un péril de guerre. Il ne faut pas laisser se développer ce mouvement détestable »21 , relayant en cela l’offensive du Conseil Français du culte musulman et de l’OCI.
En 2012, la publication de nouvelles caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo et un film « islamophobe » diffusé par un americano-égyptien inconnu sur le Net22 , entraînèrent la présentation d’excuses collectives de la part de dirigeants occidentaux, notamment du président américain Barak Obama, d’Hillary Clinton puis du président français, François Hollande , dont le gouvernement se désolidarisa totalement, au départ, de Charlie Hebdo , avant de se sentir obligé de le soutenir après les attentats de janvier 2015. Dans le pays de Voltaire, où le droit au blasphème s’exerce sans limites contre l’Église catholique et les autres religions sans jamais être dénoncé officiellement, le Premier ministre Jean Marc Ayrault et le Quai d’Orsay firent une exception pour l’islam en désavouant ouvertement les caricaturistes (ils reviendront certes sur cela par nécessité et pour des raisons électoralistes après l’attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015). Les grands médias et responsables politiques français et occidentaux renvoyèrent alors dos à dos les caricaturistes pacifiques et les islamistes terroristes, comme si les premiers étaient comparables à des fanatiques qui trouvent toujours un prétexte pour étancher leur soif de sang et atteindre leurs objectifs liberticides.
Ses contritions publiques furent lourdes de conséquences. Nombre de nos dirigeants ont en effet reconnu de facto, par leurs « excuses », le principe régressif de responsabilité collective et l’idée que la liberté d’expression doit être limitée. En condamnant, en 2012, certes avant l’attentat contre Charlie Hebdo du 7 janvier 2015, les journalistes ou scénaristes qui « provoqueraient » la colère des islamistes, les dirigeants occidentaux et nombre d’intellectuels incitèrent tout simplement les nouveaux censeurs islamiquement corrects à exiger encore plus. Ils apportèrent même du grain à moudre aux djihadistes qui assassinèrent les journalistes blasphémateurs, « récidivistes » de Charlie Hebdo , en janvier 2015, et qui recommencèrent de façon encore plus massive en novembre 2015 à Paris, en mars 2016 à Bruxelles, à Nice le 14 juillet 2016, à Barcelone et Cambrils (été 2017), pour ne mentionner qu’une partie des attentats. Et avec toujours le motif de la lutte paranoïaque contre les « ennemis de l’islam ».
En relayant les appels à la lutte contre « l’islamophobie » – parfois à coups de propagande médiatique d’État, comme on le vit avec le clip diffusé sur les chaînes publiques qui mettait en scène une femme voilée frappée par des gaullois « identitaires » anti-musulmans – nos dirigeants alimentèrent encore plus la stratégie d’intimidation des lobbies islamistes anti-« islamophobes » qui ne trouvent jamais les excuses et les démissions suffisantes23 .
Ainsi, en réaction aux caricatures à nouveau diffusées dans Charlie Hebdo en septembre 2012, Mahmoud Gozlan , le porte-parole des Frères musulmans égyptiens, jugea « insuffisantes » les critiques du gouvernement français d’alors envers la récidive de Charlie . Il invita la France à adopter « immédiatement » des lois pour « pénaliser l’islamophobie », dressant un parallèle avec les lois mémorielles qui condamnent le négationnisme et l’antisémitisme : « Quiconque doute de l’existence de l’Holocauste est emprisonné en France, mais si quelqu’un insulte le Prophète, ses compagnons ou l’islam, le maximum que fasse (la France) est de présenter ses excuses en deux mots ». Essam al Erian, haut responsable du Parti liberté et justice égyptien, PJD, proche des Frère musulmans, alors au pouvoir en Égypte (2012), déclara, quant à lui : « nous rejetons et condamnons les caricatures françaises qui déshonorent le Prophète et toute action qui diffame le sacré », puis exigea que la justice française « s’attaque au problème avec autant de fermeté que pour les photos seins nus de la duchesse de Cambridge, Kate Middleton »24 , publiées dans Closer .
Parfois, les pays occidentaux sont allés encore plus loin dans l’islamiquement correct que certains officiels et médias arabo-musulmans qui ont refusé – plus clairement que leurs confrères européens – d’analyser les violences obscurantistes comme des « réactions à l’offense »25 . Pétris de mauvaise conscience d’ex-colonisateurs, les médias, clergés et politiques européens sont tombés dans le double piège tendu par les islamistes : celui des fanatiques qui intimident en menaçant de tuer et terrifient en tuant ; et celui des interlocuteurs islamiques officiels, qui assortissent leur rejet des violences à la pénalisation de « l’islamophobie ».
Nombre de dirigeants occidentaux, y compris les plus hostiles à l’islamisme, tombèrent dans le piège qui consiste à abonder dans le sens des jihadistes face à la civilisation occidentale honnie, en redoublant de professions de foi « anti-islamophobes » : lorsque le gouvernement de François Hollande et Manuel Valls lança, juste après les attentats de novembre 2015, une vaste campagne médiatique contre l’islamophobie pour « apaiser » les « banlieues de l’islam » et réduire le ressentiment des militants pro-voile, en faisant diffuser sur les chaînes publiques un clip montrant des franchouillards « islamophobes » agresser une gentille jeune musulmane-arabe voilée, il fit en fait exactement ce que les professionnels de la propagande de Daech ou Al-Qaïda (à l’origine des attentats) voulaient qu’ils fassent : culpabiliser la victime pour les horreurs commis par ses bourreaux…26 Financés par l’État à hauteur de plusieurs millions d’euros, et dont le slogan était : « Ça commence par des mots. Ça finit par des crachats, des coups, du sang », des clips vidéos « anti-islamophobie », étaient une étrange réponse aux attentats. Ils dépeignaient des agresseurs français-chrétiens (habillés en skins heads) frappant une femme musulmane voilée ou des musulmans innocents. Ces scènes de bande de skins violents et de « ratonneurs », que l’on ne voit pourtant pratiquement plus depuis les années 1980 dans les rues de France, étaient présentées dans le clip comme étant « inspirées de faits réels », pourtant très difficiles à vérifier, à la différence des quotidiennes agressions de « petits-blancs », de juifs ou d’Asiatiques par des Blacks-Beurs musulmans dans les banlieues de l’islam ou même dans les quartiers comme Belleville ou La Chapelle, à Paris, où ce sont bien plus massivement et souvent des femmes blanches seules ou africaines, asiatiques et musulmanes non-voilées qui se plaignent d’insultes quotidiennes racistes-sexistes et d’attouchements imputables à des mâles souvent arabo-musulmans.
Il convient de ne pas oublier que les puissances et organisations islamiques mondiales ont comme objectifs stratégiques de conquérir et convertir à terme, l’Europe, par l’intimidation et la sidération. Dans cette perspective, l’un des buts de guerre privilégiés est l’Italie, l’un des grands États de l’Union, qui contient en son sein la capitale mondiale de l’Église catholique : le Saint-Siège. Il se trouve justement que l’ex-Pape Benoît XVI était considéré par les islamistes comme le Pape le plus hostile à la stratégie de pénétration islamique que l’Église n’ait jamais eu depuis la bataille européenne de Lépante contre l’empire turco-musulman des Ottomans (1571). Les réactions extrêmement violentes (suivies d’exigences d’excuses et de menaces de « détruire la Cité éternelle » et même de tuer le Pape), déclenchée en réaction au discours de Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne, le 12 septembre 2006, sur L’Islam, la foi, et la raison , confirmèrent cette haine particulière envers l’Évêque de Rome.
L’ensemble du monde islamique (États, sociétés civiles, groupes politiques et religieux, etc.) considéra ce discours comme une « déclaration de guerre » et une « offense » alors que le christianisme est insulté et dénoncé chaque jour en terre d’islam et de façon publique et impunie. Les mots de Benoît XVI sur la violence islamique, la raison et l’Occident séculier furent dénoncés dans le monde entier et par la plupart des chancelleries occidentales. On sait qu’ils furent largement caricaturés et même tronqués par les lobbies islamiques et les médias avides de sensationnel et de scandales.
Accusé d’avoir « offensé » l’islam et d’être un « néo-croisé », le Pape déchaîna la rage de millions de musulmans manipulés par des activistes haineux (comme lors de l’affaire du journal danois) et aussi de la majorité des Gouvernements et autorités religieuses du monde islamique. En vérité, les mots du Pape n’étaient pas tous consacrés à l’islam, loin de là, puisqu’ils critiquaient bien plus le manque de foi de l’Europe que l’intégrisme islamiste. Les seules passages sujets à controverses critiques vis-à-vis de l’islam n’étaient pas le fait du Pape mais concernaient les propos tenus des siècles plus tôt dans un contexte propre par l’Empereur byzantin Emmanuel II Paléologue, défini par Ratzinger lui-même comme « étonnement brutaux » et « graves ». Ratzinger avait seulement voulu dénoncer dans sa leçon magistrale la violence d’origine mahométane et coranique, soulignant que le Dieu des chrétiens divergeait de celui des musulmans orthodoxes, la foi islamique étant détachée de la Raison et contraire à la liberté religieuse. Benoît XVI osa, pour la première fois depuis le Concile Vatican II et la déclaration Nostra Aetate (1965), rompre le tabou de l’oecuménisme philo-islamique qui caractérisait jusqu’à peu tant l’Église que la classe dirigeante occidentale. En rompant « le pacte tacite qui existait entre les hommes politiques occidentaux et l’islam, conclu depuis le 11 septembre », explique le spécialiste italien des religions Massimo Introvigne27 , il provoqua une réaction disproportionnée de la part de l’ensemble du monde musulman, des modérés aux terroristes en passant par les officiels. Ce monde islamique choqué par l’association entre islam et violence répondit curieusement par un contre-message plein de violence, de haine anti-chrétienne, anti-juive et anti-occidentale. L’accusation miroir d’intolérance exprimée par le monde islamique témoigna d’une incapacité à procéder à quelque forme d’auto-critique que ce soit. Ainsi, le Grand Mufti de Turquie, Ali Bardakoglu (président des Affaires religieuses – Diyanet), la plus haute autorité de l’islam d’État en Turquie, envisagea de remettre en cause le voyage programmé du Pape à Istanbul, prévu en novembre 2006, et dénonça : « un discours très provocateur, hostile et préjudiciable ; nous attendons des excuses du Pape envers l’islam et qu’il retire ses paroles »28 . Recep Taiyyp Erdogan accusa Benoît XVI d’avoir prononcé des « paroles dégradantes et hors-propos envers l’islam », il exigea que le Pape « fasse un pas en arrière pour préserver la paix interreligieuse »29 . Plus inquiétante fut la réaction du journaliste-essayiste de renom Aytunc Al Tyndal, auteur d’un best-seller sur le Pape allemand30 , qui accusa Ratzinger d’avoir « offensé l’islam, puis insulté les Turcs », prévenant que « rien ne serait moins étonnant que le Pape soit assassiné lors de sa venue en Turquie », et conseillant à ce dernier de « renoncer à son déplacement » ; « Et il y a bien d’autres raisons pour lesquelles on pourrait attenter à sa vie ; (…), cela peut se produire ; mais il ne peut plus blasphémer la Turquie »31 . Le numéro deux du parti AKP (islamiste), Salih Kapusuz, se déchaîna contre le Souverain Pontife : « Benoît XVI auteur de déclarations tant insolentes et inopportunes, passera dans l’Histoire pour ses paroles, dans la catégorie des leaders comme Hitler ou Mussolini »…32
Le Saint Père fut menacé de mort par de nombreux groupes islamistes salafistes qui avertirent que le « voyage du Pape à Istanbul sera risqué »… Le même terroriste national-islamiste turc, Ali Agça, qui avait tenté d’assassiner le Pape Jean Paul II vingt-six ans plus tôt, en 1980, et qui avait pourtant reçu le pardon de « Papa Wojtyla » dans sa prison, promit une nouvelle fois qu’il tuerait lui-même, cette fois ci de façon sûre, le nouveau Pape croisé Ratzinger… Le site web du groupe armé irakien Jaeish al Mujahidin jura de « détruire leur croix en plein cœur de Rome », tandis que les Églises de Gaza, Nablus et Bassora, furent prises d’assaut. En Somalie, où l’islamisation radicale régnait par la Terreur des tribunaux religieux et des Chabbabs, une sœur italienne de 70 ans fut tuée et ainsi remerciée par trois balles dans le dos d’avoir soigné bénévolement pendant des années. Des dizaines d’Églises furent attaquées dans les pays musulmans. Le 18 septembre 2006, au Maroc, à Rabat, l’italien Alessandro Missir di Lusignano , Chef de la Section Affaires politiques de la Délégation de la Commission européenne au Maroc, descendant d’une grande famille de croisés, fut tué par égorgement avec sa femme dans des circonstances d’une rare barbarie, devant ses quatre enfants à l’intérieur même de sa maison et aux cris d’Allah ouakbar 33 .
Le Guide Spirituel des Frères Musulmans, Mohammed Mahdi Akef , influent en Égypte et dans tout le monde arabo-musulman, renchérit, dénonçant des termes qui « jettent de l’huile sur le feu », comme si cela n’avait pas été exactement le contraire… Les condamnations furent exprimées par les voix officielles du Yémen, de la Malaisie, de l’Iran, de l’Afghanistan, etc. La télévision islamiste du Qatar, Al-Jazira , parla de « caricatures sataniques » et ridiculisa le Pape. Nombre d’Imams, mufti, et ayatollah firent savoir que les excuses elles-mêmes « risquaient de ne pas être suffisantes ». Le Conseil de Coopération du Golfe, l’Arabie saoudite, les Émirats Arabes Unis, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et Oman, exigèrent des « excuses officielles du Pape ». Les membres du Parlement de la République islamique du Pakistan, majorité et opposition, approuvèrent à l’unanimité une résolution condamnant Benoît XVI pour avoir émis des « commentaires dépréciatifs sur l’islam » et exigea des « excuses officielles du Pontife au Gouvernement d’Islamabad », qui convoqua le Nonce apostolique Adolfo Yllana pour lui expliquer que les « paroles du Pape avaient dérangé profondément les musulmans du Monde entier à cause de la grande souffrance et de l’angoisse engendrée par ces calomnie s »…
La stratégie de l’intimidation fut une fois de plus très efficace. Le message fut parfaitement reçu par les autorités européennes politiques et religieuses et jusqu’au pourtant courageux Pape Benoît XVI lui-même. « Il est clair que le Pape fera attention avant de parler la prochaine fois… et il est même probable que par sécurité, il n’aborde même plus le sujet de l’islam », écrit l’éditorialiste de Il Giornale Ida Magli34 .
Après sa leçon magistrale donnée à l’Université de Ratisbonne 12 septembre 2006, le Saint-Père, coupable d’avoir évoqué la vérité historique de la propagation de l’islam par l’épée, fut très rapidement désavoué en Occident. A part l’ex-Président du Conseil Silvio Berlusconi , aucun dirigeant occidental ne défendit le droit du Saint Père à tenir les propos de Ratisbonne. Comme les caricaturistes danois, Taslima Nasreen ou Théo Van Gogh, Ratzinger fut lâché par tous : en Italie, le Juge médiatique Antonio Di Pietro, ex-président du parti Italia dei Valori, exigea que le Pape « s’excuse et donne des explications nécessaires », affirmant que « personne moins que le Pape ne peut se permettre de se laisser aller dans des affirmations relevant du défoulement qui peuvent alimenter une situation déjà explosive »35 . Aux États-Unis, la Maison Blanche ne dit mot, et le journal américain, The New York Times jugea les paroles du Pape Benoît XVI « tragiques et dangereuses ».
Au sein même de l’institution vaticane, un démenti à peine voilé présenté comme une « réaction d’apaisement » fut prônée par le cardinal Jean-Louis Tauran, ex-Président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, qui contraignit le Pape à se justifier à trois reprises auprès du monde musulman. Benoît XVI dut en effet assurer qu’il n’avait pas eu « l’intention d’offenser les musulmans », et durant son voyage à Istanbul, le 30 novembre 2006, il alla jusqu’à mettre la main sur le Coran en signe de respect et d’allégeance puis pria en direction de La Mecque dans la Mosquée Bleue d’Istanbul, en présence du Grand Mufti turc. Le 15 septembre 2006, le Président du Groupe de travail « lslam » pour la Suisse, Monseigneur Pierre Bürcher, se fit quant à lui le porte-parole des « musulmans blessés » par le discours de Benoît XVI à Ratisbonne, en soutenant le fait que « les musulmans de Suisse demandent une clarification », et en déclarant que « le respect et la tolérance ne sont pas à sens unique. Que chaque religion doit respecter l’autre. Et que la seule attitude à adopter est la règle d’or : « faites à autrui ce que vous désirez que l’on vous fasse », phrase qui était un comble lorsque l’on sait qu’aucun pays musulman n’offre aux non-musulmans le dixième de la liberté de parole et de prosélytisme dont jouissent les musulmans en Occident. Quant à l’actuel Pape, François, souvent présenté à raison comme l’antithèse psychologique et idéologique de son prédécesseur, il désavoua totalement Benoît XVI. Celui qui n’était encore que Mgr Bergoglio, cardinal de Buenos Aires, dénonça en effet, les propos du Pape Benoît XVI à Ratisbonne comme « malheureux », sans même avoir lu et compris la complexité et l’équilibre du discours de son prédécesseur (Daily Telegraph) . D’où la bonne réception par l’ensemble du monde musulman de sa nomination dix ans plus tard comme Pape François .
Ayant parfaitement compris la leçon, François adopta une position exactement contraire à celle de son prédécesseur en allant jusqu’à louer les musulmans dans leur ensemble, sans opérer la distinction de Benoît XVI (qui avait choqué) entre les modérés et ceux qui ont renoncé à la raison, et il affirme régulièrement non seulement que « chrétiens et musulmans adorent le même Dieux unique, vivant et miséricordieux »36 , mais que l’islamisation partielle en cours de la vieille Europe doit être acceptée par les chrétiens européens appelés à renoncer à exercer tout prosélytisme en direction des musulmans… une nouvelle victoire pour les adeptes de la stratégie de l’intimidation.
Après les scandales des caricatures de Mahomet et les déboires de Benoît XVI, la stratégie d’intimidation islamique ayant pour but d’introduire une nouvelle forme de censure gagna en efficacité : en effet, après la publication d’un article critique sur l’islam dans Le Figaro du 19 octobre 2006, écrit par le professeur de philosophie Robert Redeker , une semaine à peine après la « leçon » universitaire donnée par la Pape Benoît XVI, Redecker fut menacé de mort, comme Théo Van Gogh, Rushdie ou Nasreen. Rappelons que l’affaire éclata à l’instigation de Youssouf al-Qardaoui qui, dans une de ses émissions hebdomadaires diffusées sur Al-Jazira , en septembre, dénonça vivement les propos du Pape Benoît XVI sur l’islam et condamna dans la foulée plusieurs journaux européens, coupables à ses yeux d’avoir publié des articles « hostiles à l’islam », et parmi ceux-ci Le Figaro accusé d’avoir donné la parole à « l’islamophobe » Robert Redeker, auquel Qardaoui reprochait d’avoir comparé le Prophète à un « bandit de grand chemin ».
Après les réactions du monde musulman et l’interdiction de parution du Figaro dans plusieurs pays islamiques, y compris réputés modérés comme la Tunisie, Redecker fut abandonné par tous les gouvernements européens, et bien sûr par le gouvernement français. Même le journal où il écrivit son article choc, Le Figaro , l’abandonna un temps, sous les pressions, notamment lorsque son directeur de l’époque, interrogé sur France 2, affirma avoir « tout fait » pour qu’« un tel article ne soit pas publié ». « Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? », s’interrogeait justement le philosophe dans son article. La réponse qui lui fut donnée fut éloquente. Loin de prendre la défense du professeur menacé de mort, le ministre de l’Éducation nationale, Gilles de Robien, estima ainsi qu’en tant que fonctionnaire, Redecker avait « manqué à son devoir de réserve » en critiquant l’islam, tandis que plusieurs élèves du lycée de Toulouse dans lequel il enseignait, justifièrent implicitement la fatwa contre lui, déclarant aux journalistes qu’il avait « été trop loin ». Preuve une fois de plus que ceux qui menacent de couper les têtes donnent le ton et peuvent convaincre ceux qui appellent, par souci « d’apaisement », à couper les langues…
Plus de vingt ans séparent l’affaire Redeker des affaires Rushdie / Nasreen / Van Gogh / Hirsi Ali / Benoît XVI. Dans ces six cas apparemment différents, une personnalité « islamo-récalcitrante » a été jetée en pâture, menacée, frappée par une « fatwa de mort », clouée au pilori ou tuée, puis abandonné par les siens pour avoir exprimé des idées iconoclastes sur l’islam. Seuls les aveugles et les malhonnêtes se refusent à constater que la stratégie de la Terreur est efficace, car la peur physique imprimée par les « coupeurs de tête » permet de rendre bien plus « crédibles » et « persuasives » les exigences des « coupeurs de langue ». Ceux-ci ont réussi à convaincre la plupart des dirigeants occidentaux que la lutte contre « l’islamophobie » serait la meilleure façon de « calmer la colère » des terroristes, ce qui est en fait le contraire, puisque plus on cède aux oukases et caprices des totalitaires, plus ils y voient de la faiblesse et plus ils accroissent leurs exigences.
Il est donc clair qu’à l’intérieur du Monde libre et de l’Occident, c’est en Europe que l’islamisme a marqué le plus de points depuis l’affaire Rushdie. La stratégie du test d’intimidation et de la terreur psychologique assortie de culpabilisation, a fonctionné. « L’exemple » a servi de leçon. Il a dissuadé plus d’un éditeur et nombre de comiques, animateurs télévisuels et penseurs de se frotter aux forces du suprémacisme islamique. Ceux-ci ont compris le message en décourageant de nouveaux Salman Rushdie , de nouveaux Théo Van Gogh, de nouvelles Nasreen, et de nouveaux Charlie Hebdo . A chaque menace et scandale portés contre pareils « blasphémateurs », des émissions sont déprogrammées pour raison de « sécurité ». Et à chaque attentat islamiste sanglant ultra-médiatisé, suivi d’une campagne corrélative de « lutte contre l’amalgame » et « l’islamophobie », la plupart des anti-religieux et blasphémateurs anticléricaux comprend aisément qu’il est moins risqué d’insulter et caricaturer l’Église catholique, ses prêtes et son Messie, que l’islam et son envoyé (Nabi) Mahomet…
Certes, après les attentats de Charlie Hebdo de 2015, un front de la solidarité et de la résistance a semblé émerger lors des vastes manifestations et messages « Je suis Charlie ». Mais ceci ne fut qu’une illusion, car la plupart des dirigeants et responsables musulmans venus défiler à Paris ont dénoncé et continuent plus que jamais de dénoncer le blasphème et d’exiger que l’on combatte la liberté de moquer la religion. Mais surtout, la preuve de la victoire des intimidateurs est que plus personne n’ose refaire ce que firent le journal danois et Charlie Hebdo dans les mêmes proportions. Dans les pays anglo-saxons, les desseins de caricatures sont carrément bannis dans les médias. Et pareille autocensure se vérifie jusqu’en Russie où les blasphémateurs sont punis par la loi pour assurer une bonne entente avec les musulmans que Poutine veut neutraliser, notamment en Tchétchénie.
Revenons à l’année 2006, décidemment très chargée. Le 27 septembre 2006, le domaine de la culture fut la cible du « test des réactions » poursuivie par les lobbies islamistes. Pour la première fois, un opéra fut retiré en Allemagne par « peur » de réactions islamiques37 . Rappelons la chronologie des faits : en 2003, la scène finale d’Idoménée, opéra de Mozart joué au Deutsche Oper de Berlin, avait suscité un début de polémique, car à l’issue de la dernière note, Idoménée, le roi de Crète, revenait sur scène avec un sac ensanglanté. Contrairement au livret, le personnage ne sortait pas la tête de son fils, réclamée par Poséidon pour pouvoir retourner sur son île, mais celles du « Dieu de la mer, de Jésus, de Bouddha et de Mahomet ». Trois années plus tard, après une incubation de polémique en « islamophobie », la scène, imaginée par le metteur en scène, Hans Neuenfels, valut l’annulation des représentations de l’œuvre qui devait être rejouée en novembre 2006. Au nom du principe de « précaution », la direction du Deutsche Oper, l’une des trois salles d’opéra de Berlin, décida en effet, lundi 25 septembre, de déprogrammer Idoménée et de proposer à la place Les Noces de Figaro et La Traviata. Il en va de « la sécurité du public et des collaborateurs de l’opéra », plaida la directrice de l’établissement, Kirsten Harms. Il est vrai que la police régionale de Berlin avait mis en garde la direction de l’opéra contre « d’éventuelles réactions inopportunes » de la part de « musulmans offensés ». La police affirma avoir reçu, en juin 2006, un appel téléphonique anonyme d’une personne ayant vu Idoménée et s’inquiétant de l’impact de la scène finale. Certains politiques dénoncèrent un « acte d’autocensure ». La directrice du Deutsche Oper, Mme Harns, soutint que si un incident avait eu lieu lors des quatre représentations prévues, on lui aurait reproché de « ne pas avoir tenu compte des avertissements de la police et du contexte tendu autour du thème religieux ». Ali Kizilkaya, le président du Conseil de l’Islam, une des organisations représentant trois millions de musulmans d’Allemagne – en grande majorité des Turcs, approuva totalement la décision et déclara même qu’il aurait souhaité qu’Idoménée, dans la mise en scène d’Hans Neuenfels, n’eût jamais eu lieu38 .
La leçon de cet évènement est particulièrement instructive : cette fois-ci, la censure ne venait point des autorités islamiques mondiales et locales, qui n’ont fait que se réjouir et approuver, mais de non-musulmans autochtones qui n’avaient pourtant rien à se reprocher, mais escomptaient ici anticipet les « réactions éventuelles » d’indignation, par principe de précaution. Ce phénomène se rapproche de la définition même du « syndrome de Stockholm antérograde », effet justement recherché par les pôles de l’islamisme mondial.
Dans la même logique d’anticipation craintive et de soumission volontaire ex ante, cette nouvelle « auto-censure » islamiquement correcte a commencé à toucher, durant les mêmes années 2000-2010, les fêtes traditionnelles et cérémonies de pays du sud de l’Europe marqués par la Reconquista . Ainsi, et sans même que des autorités islamiques mondiales radicales n’exercent de pressions ou de menaces, des forces « progressistes » espagnoles soucieuses de « ne pas offenser les musulmans » s’en sont pris aux fêtes traditionnelles de la province de Valence, (Alcoi), en Espagne, dites des Maures et des Chrétiens, (« Los Moros y los crtistianos »), qui célèbrent la Reconquista sur les royaumes maures, et qui se terminent parfois avec la destruction symbolique d’une marionnette appelée « la Mahoma »39 . Afin de ne pas paraître « islamophobe », cette fête a été « réformée » dans plusieurs communes du Levant depuis l’arrivée de M. Zapatero à la tête de l’exécutif espagnol, et surtout depuis 2006. Les maires d’Alcoi, Boicarent, Banyeres, Ontenient ou Beneixama ont ainsi interdit que les fêtes des marionnettes se terminent avec la destruction de celle qui représenterait, selon certains, le Prophète musulman. Le but étant de « ne pas risquer d’offenser les musulmans qui vivent chez nous », expliquait le maire de Ontenient, Antonio Valdes…40
Le 26 octobre 2004, non contente de cette délicatesse, mais considérant que cela n’allait pas assez loin, la Fédération espagnole des entités religieuses islamiques (FEERI), composée de convertis espagnols issus des rangs de la gauche radicale pro-palestinienne, publia une déclaration exigeant que les fêtes dites des « Moros y Cristianos » soient carrément supprimées ».
En 2006, le président de la FEERI, l’imam de la mosquée de La Union de Malaga, Félix Herrero, exigea publiquement au nom des musulmans d’Espagne, que les fêtes fussent supprimées « à cause de l’image négative donnée du peuple musulman » et déclarant que cela « n’a pas sa place en Espagne démocratique »41 . Herrero se demandait « ce qui se produirait si des fêtes célébraient ainsi l’entrée dans certaines villes des troupes de Franco […]. Ces célébrations de conquêtes doivent disparaître ». Autre illustration de la complicité objective entre « coupeurs de tête et coupeurs de langue », le directeur de la Communauté islamique d’Espagne appela ensuite la société à réfléchir sur la nécessité de « ne pas toucher certains aspects qui génèrent des réactions viscérales dans certains groupes », menace à peine voilée de ne pas pouvoir contenir des violences éventuelles, certes tout en assurant : « nous ne justifierons jamais des actions violentes, mais nous voulons que l’on comprenne ce que représente pour nous le prophète Mahomet, vision qui ne peut pas être prise à la légère, car cela peut conduire à des éléments de discorde »42 . Les menaces de Cosa Nostra, polies, et souvent indirectes au départ, étaient formulées souvent sur ce ton.
Cette requête d’interdiction, réitérée depuis plus d’une décennie, mais sans trop de succès – étant donné que les puissances et lobbies islamiques mondiaux n’ont pas encore jugé utile d’utiliser l’artillerie lourde – a été renouvelée en avril 2016 par le « cercle des musulmans du parti Podemos »43 , et plus généralement par l’alliance de gauche tripartite (Podemos, PSOE et gauche radicale) à la tête de la région de Valence. Le Gouvernement de Valence a ainsi proposé de suspendre, à terme, les fêtes des Maures et les chrétiens à cause de « l’image négative donnée des musulmans »44 .
Dans la même logique, on se rappelle qu’en 2007, le FC Barcelone, très dépendant des capitaux du Qatar, pays parrain des Frères musulmans, avait fait disparaitre la croix de Saint Jordi, rouge sur fond blanc, en haut à gauche du blason, pour tous les maillots à destination de l’Arabie Saoudite, afin de ne pas « offenser les musulmans »45 . Mieux, son rival, l’équipe de football la plus célèbre d’Espagne, le Real Madrid, fit quant à lui enlever la croix qui figurait sur son emblème après un accord commercial avec l’émirat du Golfe d’Abu Dhabi. Ce symbole chrétien a été rapidement abandonné pour plaire aux sponsors islamiques du Golfe, lesquels n’avaient pourtant rien demandé, d’autant qu’ils ont même accepté d’exposer sur le sol même des Émirats, fin novembre 2017, des œuvres du Louvre dont des statues de la Sainte vierge non couvertes.
En Italie du Sud, spécialement en Sicile (dominée durant deux siècles dans l’Ouest de l’île), qui connut elle aussi sa Reconquista , notamment avec l’arrivée des Normands au X e siècle venus chasser les envahisseurs arabes, ce nouveau « syndrome de Stockholm soft » et anticipatoire qui pousse à changer l’Histoire et réhabiliter les ex-envahisseurs en critiquant des fêtes traditionnelles véhiculant la reconquête sur les Maures, est également devenu une mode depuis le début des années 2000. Là aussi, cette tendance à l’auto-censure n’est pas le fruit de menaces et des pressions de la part des forces islamistes, mais d’une stratégie d’anticipation et de soumission volontaire sur fond de culpabilisation et de peur. A l’issue de nombreuses rencontres officielles avec des intellectuels et dirigeants politiques de l’île, plus particulièrement situés à Gauche et au Centre Gauche, l’auteur de ces lignes a pu constater à quel point le « syndrome Zapatero-Podemos » a gagné cet autre ancien territoire européen « musulman » présenté lui aussi comme l’un des hauts-lieux de l’Age d’Or de « l’islam des Lumières », avec Cordoue et Bagdad. C’est ainsi que certains hommes politiques et intellectuels de gauche comme le maire de Palerme, Leo Luca Orlando , puis des intellectuels connus, comme Gaetano Basile, ont demandé que des spectacles traditionnels siciliens, comme le théâtre des Puppi, qui célèbre la victoire des reconquistadors normands de Sicile sur les Arabes vaincus (et qui se terminent comme à Valencia avec l’assassinat symbolique de l’ennemi Maure), cessent « d’offenser les musulmans », de plus en plus présents dans l’île. L’idée est de changer le final de la représentation populaire des Puppi en éliminant la phase terminale « islamophobe ».46
En France, le même phénomène s’observe de plus en plus. Le 3 octobre 2012, les organisateurs du Printemps de septembre, festival de création contemporaine de Toulouse, et l’artiste marocain Mounir Fatmi, durent par exemple se résigner à l’arrêt de la présentation d’une des œuvres de celui-ci qui consistait à projeter, sur le sol du Pont-Neuf de Toulouse, une vidéo, Technologia, montrant des cercles – inspirés des « rotoreliefs » de Marcel Duchamp – tournoyant avec à l’intérieur des versets calligraphiés du Coran et des ahadith de Mahomet. Le 2 octobre au soir, alors qu’elle ne devait être lancée que durant deux week-ends, l’installation fut déclenchée par inadvertance, et le dispositif prévu pour empêcher de marcher sur l’œuvre n’a donc pas fonctionné. Des piétons la piétinèrent donc et des dizaines de musulmans scandalisés se rassemblèrent pour empêcher les piétons, nombreux sur ce pont, de fouler les projections de lumière. Une jeune femme aurait même été giflée pour avoir mis le pied sur les versets. Mounir Fatmi, Marocain « d’origine musulmane », comme il le précise, se défendit de toute provocation et dut suspendre la représentation en rappelant en passant que l’œuvre contestée n’avait aucunement choqué les Émirats arabes unis, « à quelques kilomètres de l’Arabie saoudite. Que ça choque à Toulouse, je suis consterné, je ne comprends pas vraiment », déclara Mounir Fatmi48 .
Une semaine plus tard, Fatmi fut une nouvelle fois censuré à Paris, lorsque sa vidéo-hommage à l’écrivain indo-anglais Salman Rushdie fut retirée de l’exposition de l’Institut du Monde Arabe qui l’obligea à retirer une œuvre jugée trop sensible » vis-à-vis du monde musulman. Elle était pourtant au programme de l’exposition « Vingt-cinq ans de créativité arabe ». « Ce qui me gêne énormément, c’est que cela se passe en France, et non au Maghreb ou en Arabie Saoudite », lâche l’artiste, qui vit entre Tanger, Paris et Los Angeles et a fui le Maroc pour « pouvoir s’exprimer », dit-il. Intitulée Sleep, l’installation vidéo avait pourtant été projetée sans problèmes à Charleroi, ville belge qui abrite une importante population musulmane. Préparée pendant 6 années, la vidéo s’inspirait d’Andy Warhol qui avait monté, en 1963, le même plan du poète John Giorno en train de dormir mais que Mounir Fatmi a remplacé par celui de Salman Rushdie. « J’ai été scandalisé par le silence des intellectuels arabes sur le sort de Rushdie et son combat pour la liberté de créer. Alors j’ai imaginé ce film comme un hommage », confia-t-il. En revanche, lorsque Mounir Fatmi, dont le travail désacralise d’autres textes religieux, en 2006, à Venise, diffusa l’œuvre éphémère, Glaçons d’eau bénite , qu’il avait « récupérée un peu partout dans les églises », œuvre perçue comme très anticatholique par beaucoup, il reçut certes des lettres d’insultes, mais aucune menace de mort, et la représentation ne fut jamais annulée par les autorités. Le message est le même que celui décrit plus haut : on a bien plus tendance à ménager scrupuleusement les susceptibilités de ceux que l’on craint et qui risquent d’être violents que ceux qui ne le sont pas et qui n’inspirent pas la crainte. Telle est en substance l’esprit de la stratégie de l’intimidation des « coupeurs de tête » et des « coupeurs de langue ».
Le 18 août 2017, le chroniqueur et journaliste allemand de renom, Michael Stürzenberger, fut condamné pour « islamophobie » et « diffusion de moyen de propagande d’organisations anticonstitutionnelles » pour avoir osé publier sur Facebook une photo pourtant souvent diffusée et historique dépeignant le Grand Mufti de Jérusalem Al-Husseini aux côtés d’un dignitaire du IIIe Reich portant un brassard à croix gammée. Stürzenberger écopa d’une peine de six mois de prison avec sursis assortie d’une prestation de cent heures de travail social après que la juge eût estimé que la publication de cette photo constituait une « diffamation des musulmans »49 .
Déjà, en août 2009, Philippa Ebéné, directrice du Centre multiculturel (Werkstatt der Kulturen) de Berlin, qui bénéficie d’un financement public, avait dû retirer trois panneaux relatifs à l’alliance du grand mufti al-Husseini avec les Nazis lors de l’exposition Le tiers-monde durant la Seconde Guerre mondiale . L’interdiction présentée par le commissaire pour l’intégration et la migration de la ville de Berlin, Günter Piening, fut motivée par le souci de ne pas « stigmatiser les musulmans » et d’empêcher les troubles à l’ordre public éventuels, sachant que le Centre est situé dans un quartier à forte population arabe et turque50 . Cette interdiction islamiquement correcte suscita l’indignation de la communauté juive berlinoise, mais aussi de Karl Rössler, le directeur de l’exposition. Toutefois, le tabou reste puissant, et si l’Allemagne passe son temps à battre sa coupe pour l’adhésion passée de millions d’Allemands au nazisme, il convient toujours de taire celle de millions de musulmans au nazisme hier et à la judéophobie nazifiante aujourd’hui.
Parfois la censure islamiquement correcte frappe des victimes du terrorisme elles-mêmes, sommées de ne pas dire ce qu’elles pensent de leurs bourreaux malgré leur traumatisme. C’est ainsi que les Eagles of Death Metal – le groupe américain qui se produisit au Bataclan à Paris lorsque les terroristes ayant fait allégeance à Daech y assassinèrent quatre-vingt-neuf innocents, le 13 novembre 2015 – furent déprogrammés et interdits dans deux festivals de musique : Rock en Seine et Cabaret Vert sous prétexte que Jesse Hughes , le leader du groupe, avait accordé un entretien jugé islamiquement incorrect51 dans lequel il préconisait notamment le port d’armes pour contrer les terroristes : « Est-ce que le contrôle des armes français a empêché une seule foutue personne de mourir au Bataclan ? Je ne pense pas, je pense que la seule chose qui l’en a empêché ça a été des hommes parmi les plus courageux que j’ai jamais vus qui ont foncé, la tête la première, face à la mort avec leurs armes à feu »…, déclarait-il52 .
De la même manière, après le massacre djihadiste survenu à Orlando (au night-club gay Orlando’s Pulse), aux États-Unis, le 12 juin 2006, Facebook appliqua une censure islamiquement correcte en faisant interdire la page du magazine Gaystream , qui osa commettre un texte critiquant l’islam et l’homophobie issue de la charià. Le directeur de la rédaction de Gaystream , David Berger , avait également commis la faute impardonnable de renverser le postulat politiquement correct lorsqu’il avait ouvertement critiqué le directeur du Musée Gay de Cologne, Birgit Bosold , qui avait déclaré aux médias allemands que les gays devraient plus avoir peur d’hommes fanatiques blancs que d’extrémistes islamiques. Quant à Jim Hoft , un autre journaliste gay créateur du blog populaire, Gateway Pundit blog , il fut suspendu par YouTube, cependant que Twitter, qui fut pourtant si laxiste durant des années face aux webjihadistes et à l’islamosphère radicale, supprima carrément le compte de Milo Yiannopoulos, célèbre opposant au totalitarisme islamiste. Pendant ce temps, nombre de comptes islamistes homophobes, ouvertement antisémites ou anti-occidentaux, étaient maintenus ouverts53 .
Autre exemple de victimes des attentats terroristes frappées par la censure islamiquement correcte : deux lectures-spectacles de La Lettre aux Escrocs de l’islamophobie , le livre posthume de Charb , furent refusées ou déprogrammées à Lille et à Avignon en 2015, l’année même des attentats de Charlie Hebdo . Après Avignon, la lecture-spectacle de la Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes , qui devait être jouée à l’Antre 2, salle de l’université de Lille, fut en effet tout bonnement déprogrammée. Le spectacle devait être suivi d’un débat auquel devait participer Marika Bret , DRH de Charlie Hebdo, à l’origine de la publication du livre de Charb peu après les attentats de janvier 2015. Mais le président de l’université, Xavier Vandendriessche , qui craignait des « débordements », et « troubles à l’ordre public », le fit annuler54 . « Drôle de climat », commenta alors La Voix du Nord , suite à cette déprogrammation pourtant pas exigée par des musulmans « scandalisés » ou des islamistes menaçants, mais par auto-censure. « Charb on ne l’entend plus. Il a été tué. Si on n’entend plus ses mots, il sera mort deux fois », lanceront Marika Bret, Directrice du personnel de Charlie Hebdo , et Gérald Dumont, le metteur en scène. Plus de deux ans après la mort de Charb et de onze autres de ses collègues lors de l’attentat du 7 janvier 2015 (dont 7 autres collaborateurs de l’hebdomadaire), Marika Bret et Gérald Dumont décidèrent d’adresser une lettre ouverte à plusieurs élus, (Xavier Bertrand, Martine Aubry , Anne Hidalgo entre autres…) et à plusieurs directeurs d’établissements pour dénoncer la situation. En vain.
Désireux d’accompagner ce mouvement d’autocensure, six sénateurs de Belgique55 déposèrent pour la première fois, en 2013, une proposition de résolution visant à criminaliser l’islamophobie (SPA-Spirit, Écolo / Grœn, PS, MR)56 . Le projet fut abandonné, mais en 2014, la lutte contre l’islamophobie fut inscrite dans la Déclaration de Politique générale bruxelloise (coalition PS, CDH, FDF, Open VLD, SP. A, CD & V)57 , aux côtés du racisme et de l’antisémitisme.
En France, l’idée de rétablir le délit de blasphème est théoriquement impossible, du fait de la nature laïque et républicaine de la constitution et de l’histoire récente postrévolutionnaire du pays, fondés sur des principes hérités des Lumières. Ceci n’a pas empêché des initiatives parlementaires de voir le jour depuis le début des années 2000, notamment en 2006, lorsque l’ancien député-maire du Raincy et ministre de la Ville, Eric Raoult, proche de Jacques Chirac et membre de l’UMP, écrivit au président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, afin de lui demander de créer une mission d’information sur l’islamophobie, et d’en faire « une véritable cause nationale ». Dans un communiqué, le député UMP de Seine-Saint-Denis rappela que « des événements récurrents qui deviennent inquiétants posent la question de l’islamophobie en France », Raoult mentionnant entre autres des « profanations de tombes musulmanes » et des « agressions avec usage d’armes à feu contre des lieux de prière et de recueillement ». Il précisa que « si la France est l’un des pays qui détiennent l’arsenal juridique le plus strict d’Europe pour sanctionner le racisme, la recrudescence de ces actes rappelle que l’islamophobie s’est incrustée dans une partie de la société française »58 . Lorsque l’auteur de ces lignes – qui connut et apprécia humainement cet élu – lui demanda pourquoi, en tant que voltairien et libéral-républicain attaché à la liberté d’expression, il avait été jusqu’à proposer une loi punissant l’islamophobie, Raoult répliqua assez honnêtement qu’en raison de ses prises de positions pro-israéliennes et de sa proximité avec les milieux juifs communautaires, puis afin surtout de préserver son mandat, n’ayant pas d’autres sources de revenus que la politique, il avait dû « équilibrer les choses » et répondre à la demande des associations musulmanes qui constituent aussi une réserve de voix et représentent ses administrés, même si le Ministre avoua que la proposition n’avait « aucune chance d’aboutir »…
Le 24 mars 2017, une nouvelle étape, cette fois-ci décisive, dans la soumission en cours de l’Occident à l’islamiquement correct, fut franchie lorsque la Chambre des communes du Canada adopta la motion « M-103 », présentée par la députée de Mississauga-Erin Mills (en Ontario), Iqra Khalid. La résolution, appuyée par le député de Pierrefonds-Dollard, Frank Baylis et par le premier Ministre Trudeau lui-même, grand adepte du politiquement correct, demandait à la Chambre des communes de condamner explicitement « l’islamophobie » au détriment des autres « phobies » susceptibles de frapper les autres religions ou minorités. Les opposants conservateurs soutenaient que le mot « islamophobie » était dangereux pour la liberté d’expression, puisque non seulement il ne concernant qu’une seule religion, mais aussi parce qu’il risquait de viser-pénaliser toute critique de la seule religion musulmane et même, indirectement, de l’islamisme.
Forts de leurs percées médiatiques enregistrées à la faveur des différents scandales liés à « l’islamophobie » et de multiples revendications communautaristes, les islamistes se sont sentis encouragés à pousser toujours plus loin leurs exigences. Étape suivante : l’application progressive ou partielle de la charià, la loi islamique, dans les sociétés européennes.
En 1979, l’Union des Organisations Musulmanes du Royaume Uni et de la République d’Irlande (UMO) fut l’une des premières structures islamistes européennes qui défendit l’idée d’appliquer la loi islamique en Europe, organisant notamment à Birmingham un colloque portant sur le thème de la « reconnaissance par les autorités britanniques de la législation familiale de la charià ». L’argumentation des associations musulmanes pour cette requête, fondée sur la subversion des valeurs pluralistes, fut formulée dès 1975 par un imam égyptien diplômé d’Al-Azhar, le cheikh Syed A. Darsh, responsable de la Mosquée intégriste de Regent Park à Londres. Se référant aux dispositions de la charià en matière de droit de la famille, celui-ci écrivait : « Quand un Musulman ne peut pas obéir à cette Loi, il a conscience de ne pas remplir un devoir religieux. Il ne se sentira pas en paix avec la conscience et avec l’ambiance dans laquelle il vit […]. Les Musulmans croient fermement que la société britannique, avec sa riche expérience des cultures diverses, particulièrement du mode de vie islamique qu’elle était habituée à voir en Inde, en Malaisie, au Nigéria et dans tant d’autres nations islamiques, unie à son respect pour la liberté de l’individu et de la communauté, accordera aux immigrés musulmans la réalisation de leur essence dans le cadre de la liberté de la société britannique »59 .
Comme on le voit, les fondamentalistes n’hésitent pas à invoquer en Occident, à des fins de prosélytisme, ce même droit à la liberté individuelle en matière de religion qu’ils nient dans leurs propres conceptions théocratiques du monde et dans leurs pays d’origine, détournant ainsi les valeurs fondamentales des démocraties occidentales au profit d’un projet de conquête théocratique directement tourné contre ces mêmes valeurs pluralistes « impies ». En octobre 1997, le leader d’une école coranique à Manningham (district de Bradford), cheikh Ali Muhammad, expliquait de la sorte aux auditeurs de Radio British comment il apprenait aux jeunes musulmans à réagir lorsque les impératifs islamiques sont en opposition avec les lois britanniques : « je leur explique que les lois britanniques sont obligatoires pour nous tant qu’elles ne se heurtent pas à nos croyances de base »60 .
Plus récemment, en 2016, une polémique a éclaté au Royaume-Unis lorsque la presse a révélé que dans le contexte du « multiculturalisme » et des « accommodements raisonnables », la Grande-Bretagne a légalisé les tribunaux islamiques depuis 1982. Ces tribunaux sont souvent associés à des mosquées et liées à des imams membres de grandes associations en majorité indo-pakistanaises. Des dizaines de milliers de sentences ont ainsi été rendues sur la base de la charià relativement aux questions du droit de la famille, de la propriété, du divorce et du mariage. Profitant de la souplesse et de l’évolutivité de la common law , le droit anglais fondé sur la jurisprudence et non sur un code fixe de style romain comme en France, des imams improvisés « juges islamiques (qadi) » infligent ainsi aux citoyens musulmans des sanctions qui violent les lois de l’État britannique. Les principales victimes sont les femmes, puisqu’en cas de divorce, celle-ci sont lésées et elles perdent la garde des enfants s’ils ont moins de 7 ans, en vertu du fait que dans le Coran et dans le Fiqh (droit musulman), la femme est mineure, son témoignage ne vaut que pour la moitié d’un homme, et elle hérite donc de la moitié de l’homme. De plus, ce dernier peut épouser jusqu’à quatre femmes et peut répudier celle qu’il veut sur simple volonté unilatérale. Il a par ailleurs le droit de les battre si elles transgressent ses « ordres ». Quand elles prennent l’initiative du divorce, ce sont les femmes qui perdent la dot en même temps que la garde des enfants.
En Angleterre, une centaine de tribunaux islamiques approuve ainsi chaque jour la polygamie, les mutilations génitales (excision), la répudiation de l’épouse, l’interdiction des mariages de femmes musulmanes avec des non-musulmans, et même la violence conjugale. Ces tribunaux sont tolérés grâce à la British Arbitration Act, qui les classe comme des « tribunaux arbitraux », considérés officiellement comme une des formes d’Alternative Dispute Resolution (ADR), conformément à la loi de 1996 qui avalise ce genre de « solutions pratiques » pour régler les conflits de voisinage, domestiques ou commerciaux. La Grande-Bretagne a ainsi accepté la mise en place « d’accommodations transformatives » permettant aux cours islamiques d’être saisies et de rendre des avis « conformes à la charià » dans ces domaines. Les décisions sont sanctionnées par la High Court. Ces « tribunaux arbitraux islamiques » (Muslim Arbitration Tribunal, MAT) sont contrôlés par le Hedjaz College Islamic University à Nuneaton dont le président est Faisal Aqtab Siddiqi, un juriste anglo-somalien61 . Certes, les tribunaux islamiques ne peuvent émettre de décisions d’ordre pénal, de sorte que les flagellations, les amputations, et les lapidations ne sont pas autorisées. Mais si ces cas extrêmes de justice chariàtique expéditive sont évités, l’omertà des quartiers et la stratégie de quadrillage territorial et d’intimidation (parfois physique) opérée par les puissants lobbies islamiques, font que nombre de décisions défavorables aux femmes et contraires à la loi anglaise, sont exécutives dans les « charià controlled zones » de certaines villes où la police et les juges britanniques ne sont plus en mesure de faire appliquer la loi « normale ».
D’après une étude réalisée par l’universitaire Denis MacEoin pour le Think Tank anglais Civitas, les cours chariàtiques rendent par conséquent chaque jour des décisions contraires aux normes anglaises et européennes en matière de droit de la personne et ne tiennent pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le rapport affirme que les fatwas publiées sur les sites internet des mosquées britanniques sont souvent « illégales et opposées aux normes en matière de droits de l’homme appliquées par les tribunaux britanniques 62 ». L’étude cite l’exemple d’un tribunal qui a émis une décision interdisant à toute femme musulmane d’épouser un « mécréant » non-converti à l’islam et ordonnant de retirer l’enfant à toute musulmane qui le ferait jusqu’à ce qu’elle se marie avec un musulman. Le directeur du think tank, David Green, conclut que : « les tribunaux de la charià s’inscrivent dans une atmosphère d’intimidation institutionnalisée appuyée par la sanction ultime d’une menace de mort »63 .
En plus de ces tribunaux parallèles reconnus par l’État, il existe un vaste réseau de « conseils » islamiques informels opérant en dehors des mosquées et bien plus radicaux encore. En 2013, le doyen des tribunaux islamiques, Suhaib Hasan, filmé secrètement par la BBC, a déclaré : « La charià est largement appliquée en Grande-Bretagne tous les jours ». En 2014, la Law Society (qui représente les avocats anglais), a même publié sur son site un « guide de la charià » pour que les avocats rédigent leurs actes liés à la loi islamique de façon « parfaite ». De ce fait, dans la société islamique parallèle qui progresse en Grande-Bretagne, nombre de femmes musulmanes sont « corrigées » et obligées de supporter la polygamie de leur mari sans que l’État britannique s’en mêle, tant qu’il n’y a « pas de vagues ». Certes, le Premier ministre Theresa May a déclaré, après les attentats terroristes perpétrés à Londres et Manchester en 2017, que la justice chariàtique ne serait plus tolérée. Et une loi allant dans ce sens a même été présentée depuis par les conservateurs. Toutefois, dans les faits, rien n’a été entrepris concrètement pour que les imams et qadi plus ou moins illégaux cessent de rendre une justice islamique. La stratégie de l’intimidation fonctionne à plein dans les quartiers « sous contrôle » où les forces de l’ordre « composent ».
Sous couvert de multiculturalisme et de pluralisme, les revendications des organisations islamiques relatives à l’introduction, certes partielle, de la charià, sont de plus en plus fréquentes en Europe. Elles constituent, si elles sont satisfaites, une véritable offensive victorieuse du suprémacisme islamiste contre les sociétés sécularisées occidentales. Un retour insidieux de la théocratie sur la terre de naissance de la laïcité, bref, une remise en question pure et simple de l’édifice philosophico-politique et constitutionnel qui est à l’origine des sociétés démocratiques européennes.
Pour les grands pôles mondiaux du totalitarisme islamiste, il s’agit de reconstituer, au sein d’enclaves islamiques de plus en plus incontrôlables, en rupture identitaire avec l’ordre « impie », une parcelle de la Oumma, c’est-à-dire l’équivalent d’un « millet » comme à l’époque califale. En turc, le millet , qui vient de l’arabe milla (nation-communauté), renvoie à la société ou à la nation au sens confessionnel du terme, comme à l’époque du sultanat ottoman, lorsque l’empire islamique était constitué de différentes communautés religieuses en partie auto-gérées. Aujourd’hui, on utilise parfois ce terme pour désigner une nation-communauté qui revendique ou possède ses propres structures sociales, éducatives, culturelles et juridiques. A travers ce projet partitionniste larvé, les islamistes ambitionnent d’instaurer de véritables immunités territoriales, une sorte d’apartheid volontaire, phénomène que le géopolitologue célèbre Yves Lacoste a qualifié de « ghettos volontaire »64 .
Les premières exigences chariàtiques qui vont dans le sens de la logique du millet dans l’Europe moderne ont concerné les revendications liées au port du voile pour les filles et femmes musulmanes ainsi censées se distinguer des « mécréants » et signifier qu’elles appartiennent à leurs parents ou maris et à une communauté-nation distincte. Ce fut par exemple afin de se conformer à l’impératif de revendication du voile et des espaces séparés pour femmes et hommes que certains maires italiens comme celui de Francavilla al Mare (Chieti), Roberto Angelucci, ont demandé et obtenu ces dernières années de séparer les hommes des femmes dans certaines plages « réservées aux musulmans65 , la raison avancée en l’occurrence étant le « respect envers les cultures » et au nom de la « tolérance ». Ainsi, après l’expérience historique du « Bain communal » de Lanterna di Trieste66 , composé de zones distinctes et séparées – une pour les femmes et enfants jusqu’à 12 ans, l’autre pour les hommes – le maire de Francavilla voulut également suivre une logique commerciale, puisque beaucoup de touristes du lieu sont de riches ressortissants du Golfe qui viennent en vacance en Italie et y dépensent des millions d’euros par semaine. En fait, l’idée est née initialement à Riccione, lorsque la commune a accepté de protéger la vie privée des riches clients qui ne pouvaient pas retirer en public leurs voiles et vêtements.
Plus grave encore, dans son célèbre ouvrage – à l’usage des musulmans du monde entier, Al Hallal wal Haram , traduit dans toutes les langues et en français (Le Licite et l’Illicite en islam, éditions Al-Qalam, 2004), Youssouf Al-Qardaoui, la référence intellectuelle des Frères musulmans, explique comment l’on peut, au nom de la charià, « frapper et punir les femmes qui n’obéissent pas à leur mari et montrent des signes d’arrogance et d’insoumission ». L’ouvrage, qui explique aussi les trois raisons pour lesquelles on peut tuer quelqu’un (apostasie, blasphème et adultère), n’est pas interdit en France. On le trouve sur Amazon et dans les FNAC et bien sûr dans les librairies islamiques et nombre de mosquées en France67 . Il a contribué à façonner la conception du droit et de la foi de nombreux musulmans européens. Qardaoui fut longtemps (jusqu’à 2012) l’invité d’honneur du congrès musulman annuel du Bourget organisé par l’UOIF (Frères musulmans français). Le « cheikh », qui est l’une des plus grandes sommités islamiques du monde sunnite, préside le Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche (CEFR), instance juridico-politique qui donne des consignes de vie aux musulmans en Europe. L’existence même de ce conseil est un défi pour la république et la laïcité.
En Espagne, l’imam Mohamed Fuad Kamal Mostafa , président de la Communauté islamique Suhail (Fuengirona), et président de Majlis al-Fatwa, l’entité à laquelle doivent obéir les musulmans résidant en Espagne, a écrit lui aussi un livre, La Femme en islam (La Mujer en el islam ), qui s’inspire de celui de Youssouf al-Qardaoui, dans lequel il explique lui aussi les méthodes pour punir et corriger les femmes68 . Le Président de la plus haute organisation islamique espagnole, (FEERI), Mansur Escudero , a confirmé cette disposition de la charià lorsqu’il a défendu un autre livre du genre : les Jardins du Juste (Los Jardines del Justo 69 ), écrit par l’Imam Nawawi Riyad Salihim, lequel rappelait le hadith attribué à Mahomet : « il suffit de ne pas frapper le visage […], si elle a commis une faute trop grave, séparez-vous d’elle du lit et frappez-la, mais sans brutalité »70 . Le même Escudero, président de la Comision Islamica Espanola, demandait, en janvier 2005, au Premier Ministre José Luis Rodriguez Zapatero de « régulariser l’option matrimoniale de la Polygamie »71 .
En Europe, une autre conséquence de cette logique de ghetto volontaire, consiste, au nom de la « défense du droit des minorités à revendiquer, pour les membres de la Oumma désireux de ne pas être « contaminés », la constitution de partis politiques islamiques ou, si cela n’est pas encore applicable techniquement, des listes et programmes électoraux destinés à relayer les revendications communautaristes séparées.
Là aussi, les Britanniques ont été les pionniers en la matière. Depuis la fin des années 1970 déjà, de nombreux élus du parti de gouvernement travailliste Labour ou d’autres formations de gauche plus radicale ont courtisé les suffrages des islamistes. Les élus travaillistes au Parlement, soucieux de s’attirer les grâces des électeurs musulmans fondamentalistes, ont même parfois servi de relais aux thèses du FIS algérien, largement représenté en Angleterre, tandis que des courants trotskistes ont carrément fait alliance depuis les années 2000 avec les courants islamistes les plus radicaux (voir infra ).
Un premier parti islamique ayant comme unique programme la charià, l’« Islamic Party of Britain », a été créé au Royaume-Uni à la fin des années 1990. Toutefois, face à la stratégie concurrente, plus payante, visant à faire élire d’influents candidats musulmans au sein des partis traditionnels, il a cessé son activité en 2006, après 17 ans. Entre juin 2003 et janvier 2004, une nouvelle expérience, plus fructueuse, vit le jour lorsque des islamistes britanniques et des trotskistes anglais du SWP créèrent ensemble, en vue des élections locales et européennes, une coalition rouge-verte d’une rare radicalité : Respect72 . Celle-ci militait pour le droit au port du voile, le « respect de la religion musulmane » et contre les guerres en Afghanistan et en Irak, puis accusait les armées anglo-américaines d’être les « vrais terroristes » et « bourreaux des peuples ». Cette coalition islamo-troskiste intégrait des syndicalistes, des écologistes, des travaillistes en rupture de ban et la puissante et très intégriste Muslim Association of Britain (MAB, affiliée aux Frères musulmans)73 , souvent alliée aux représentants des Talibans en Europe, le mouvement Deobandi. Depuis, la stratégie des islamistes anglais consiste à infiltrer les partis de gauche et d’extrême-gauche afin d’élire plus efficacement des candidats islamistes, plutôt que de perdre du temps dans des partis islamistes groupusculaires et sous surveillance de la police.
En Finlande, depuis 2007, l’association « Finnish Islamic Party » (en finlandais : « Suomen islamilainen puolue ), cherche à se faire reconnaître comme parti politique. Dans son programme, on peut lire : « L’islam est à la fois une religion et une idéologie politique ». L’objectif est de créer une société finlandaise fondée sur la charià. L’un des points clefs du programme est l’abolition de l’alcool pour tous ; puis l’apprentissage du coran au lieu de la musique. « Nous voulons des écoles pour enseigner les valeurs islamiques de la famille aux enfants musulmans », peut-on lire dans le programme politique de cette association74 . Très engagé géopolitiquement en matière de « défense de la Oumma », le parti défend les droits des « Tatars islamiques en Crimée persécutés par les Russes » et des « Palestiniens qui devraient développer un état islamique efficace auquel Israël devrait se soumettre ». Ceux-ci devraient d’ailleurs « produire des roquettes précises et une véritable artillerie car elles pourraient avoir une réelle signification militaire ». Le site de présentation du parti conclut en précisant que « notre but est de promouvoir un bien-être matériel et spirituel sain en Finlande et ailleurs dans le monde selon la foi et les valeurs islamiques. Le parti veut avoir un effet sur la politique, la législation et l’éducation à travers les valeurs islamiques. […]. Nous protestons contre les choses dans la législation finlandaise qui ne sont pas islamiques et qui ne sont pas bonnes pour les Finlandais »75 .
En Autriche, un « parti des Immigrés musulmans » s’est présenté aux élections en 2016. Devenue le Nouveau Mouvement pour le Futur (NBZ), cette formation, dont le président-fondateur est Adnan Dincer, austro-turc originaire d’Anatolie, s’est déclarée prête à présenter des candidats dans toute l’Autriche pour les élections nationales dès la fin de l’année 2017. Le mouvement, essentiellement animé par des immigrés turcs de la ville de Voralburg, a également annoncé qu’il transfèrera bientôt son quartier général dans la capitale, Vienne, idée hautement symbolique qui n’a pas échappé aux commentateurs autrichiens. Côté irrédentiste « néo-ottoman » comme côté autrichien sceptique, ce choix de capitale autrichienne de l’islam politique, 334 ans après l’échec de la prise de Vienne par les Ottomans, ressemble à une revanche historique et géopolitique. Les conquérants turco-ottomans échouèrent en effet par trois fois à prendre la capitale du très catholique empire austro-hongrois, enjeu stratégique crucial dans la vision néo-ottomane d’Erdogan et de ses partisans islamistes d’Europe.
La Ligue arabo-européenne (LAE), constitue un cas d’école de la stratégie d’intimidation et de radicalisation de l’islamisme en Europe. Créée en Belgique en 2000 par un libanais membre du Hezbollah, Dyab Abu Jahjah (qui créera plus tard le Mouvement X), la LAE prétend « protéger » la communauté arabe et musulmane d’Europe des exactions racistes » en « surveillant les policiers » et en intervenant sur le terrain. Dans les années 2000, Jahjah avait défrayé la chronique en qualifiant les attaques du 11 septembre 2001 de « douce revanche ». Le 12 septembre 2001, Jahjah aurait même dit, juste après les attentats du World Trade Center, que ce jour-là, tous les musulmans ont éprouvé une « joie et une sublime sensation de revanche ». Quelques années plus tard, invoquant la « liberté d’expression » et « en réponse » aux premières caricatures de Mahomet en 2005, la LAE et Jahjah publièrent des dessins ouvertement antisémites et négationnistes. Bien que le ceux-ci soient illégaux en Belgique, les autorités belges ne menèrent alors aucune action judiciaire dans le cadre d’une déjà ancienne « politique d’apaisement ». La LAE déclarait lutter pour trois revendications : « L’enseignement bilingue (arabe / français ou arabe / flamand) pour tous les enfants arabophones, le recrutement par quotas, afin de protéger les musulmans, et le droit de conserver leurs coutumes culturelles ».
Cas unique en Europe, la Ligue Arabe européenne était une véritable milice-parti, prônant violence politique et intimidation. Etonnement, elle bénéficia d’autorisations d’organiser des manifestations et fut longtemps tolérée par les autorités. En 2002, lors d’une manifestation de la LAE à Antwerp qui avait dégénéré en violences antisémites, la LAE avait exigé que « la communauté juive d’Antwerp cesse son soutien à l’État d’Israël et prenne ses distances avec lui. Sinon, des attentats à Antwerp ne pourront être prévenus »76 . Le 11 septembre 2007, jour d’anniversaire des attentats du World Trade center, la Ligue organisa une campagne qui incitait ses membres à manifester à Bruxelles le 11 septembre « contre l’islamophobie et le racisme en Europe ». L’évènement était en fait une démonstration de force du Hezbollah en Belgique, sous couvert de la LAE qui lui était liée. La manifestation fut autorisée bien que réunissant des personnalités radicales faisant l’apologie du Hezbollah, officiellement en « riposte » à la demande du mouvement européen « Stop the islamisation of Europe » (SIOE) d’organiser une autre manifestation, le 11 septembre, devant le bâtiment de l’Union Européenne (UE), à Bruxelles, pour protester contre l’introduction de la charià et de l’islamisme en Europe. En toute logique de pax islamica , la manifestation de SIOE avait été interdite par Freddy Thielemans, le maire de Bruxelles, qui l’accusait d’inciter « à la discrimination et à la haine » en dénonçant l’islamisme radical et la charià, bien que les statuts de la SIOE n’aient aucun caractère raciste, en revanche, la manifestation bien plus subversive et hostile aux valeurs belges de la Ligue fut autorisée77 . Loin de lâcher du lest, en 2017, la LAE récidiva dans la provocation anti-juive en « réagissant » à un attentat islamiste commis à Jérusalem contre des civils : au lieu de condamner l’acte, Jahjah déclara que pour que la Palestine devienne libre, il convient d’utiliser « tous les moyens possibles »78 . Comme Erdogan et en conformité avec les consignes de l’ISESCO et de l’OCI, il déclara également qu’il assimilait à un « viol culturel » l’idée d’« intégrer les musulmans en Occident ». Durant cette même année 2017, Dyab Abou Jahjah créa en Belgique néerlandophone un nouveau parti islamiste, le Mouvement X. Mais contrairement à ses premières expériences, ses provocations ne seront plus tolérées comme dans le passé, ceci dans le contexte du traumatisme des attentats terroristes de Bruxelles de mars 2016. En réaction à de nouvelles provocations verbales, le journal où il travaillait, le quotidien flamand De Standaard , décida finalement de le licencier.
En 2003 une coalition politico-électorale proche de la LAE, « Resist », qui évoque la coalition Respect de Londres (liste électorale islamiste-trotskiste précitée, voir supra ), fut créée. Fruit d’un accord entre le Parti des Travailleurs de Belgique et la LAE, Resist recueillit des scores insignifiants, mais fit beaucoup parler d’elle79 . Il est vrai qu’en Belgique, les islamistes sont conscients que la communauté musulmane représente un enjeu électoral considérable pour les politiques, notamment les élus locaux. Ils ont donc entrepris un quadrillage de certaines banlieues, souvent avec l’aide de jeunes reconvertis, afin d’être progressivement en mesure de « monnayer » cette représentativité électorale auprès des élus, le plus souvent mais non exclusivement situés à gauche. Tel est l’objectif du premier parti politique islamique belge, Nour (la lumière, en arabe), créé en novembre 1999 par Redouane Ahrouch . Les fameux 40 points du programme de Nour suscitèrent dès sa fondation une intense polémique, notamment le point 11, rétablissement de la peine de mort ; le point 15, visant à favoriser le mariage dès l’adolescence et une grande sévérité pour les divorces : le point 16, qui invite à revoir la mixité dans certains milieux publics (milieu scolaire, sportif, etc.) ; ou encore le point 36, qui dénonce l’homosexualité comme étant « aussi dangereuse que le racisme pour l’avenir de la société », etc. On peut également signaler un tract diffusé à la sortie des Mosquées et par internet dans toute la Belgique par le Secrétariat général du mouvement, intitulé : « Avis aux quelques 145 000 électeurs musulmans de Belgique : En réponse à un appel lancé par la communauté musulmane de Belgique qui représente plus de 400 000 membres, un mouvement islamique a été fondé en février 1999. […]. Pour les élections communales et provinciales du 8 octobre 2000, Nour reporte sa participation électorale en attente que notre mouvement islamique soit mieux compris et rejoint par l’ensemble des membres de la communauté musulmane. Nous conseillons à tous les électeurs de confession musulmane d’invalider leur voix en votant Blanc. Les votes blancs ne vont à aucun parti et cela est en conformité avec les préceptes islamiques dans la mesure où les membres de la communauté musulmane ne peuvent soutenir les formations politiques d’inspiration laïque … »80 .
Toujours en Belgique, un autre parti d’inspiration islamique, « ISLAM », a récemment été créé à partir de réseaux islamistes implantés dans les quartiers de Molenbeek et Anderklecht ainsi qu’à Bruxelles et à Liège, donc en milieu plus francophone. Présidé par Abdelhay Bakkali Tahiri , Islam a présenté des candidats durant les dernières élections municipales, notamment le converti Michel Dardenne, ancien militant PS, qui a avoué qu’il souhaitait que le scénario craint par Michel Houellebecq dans son roman Soumission devienne réalité. Cette formation, qui professe la charià comme programme politique, n’a pas réussi à faire élire de représentants en 2014, n’obtenant que 13 719 voix, soit 0.2 %, mais il a fait élire en 2012 deux conseillers communaux, dont un à Molenbeek, Redouane Ahrouch , ex leader du parti Noor, vrai leader d’Islam, qui avait obtenu dans le même quartier de Bruxelles le meilleur résultat du parti dans la capitale belge, soit 2 128 voix de préférence. A peine élu, Ahrouch, déclara au cours de sa conférence de presse : « Je pense que nous devons sensibiliser les personnes, leur faire comprendre les avantages d’être musulmans et de vivre sous la loi islamique. Et à ce moment, il sera absolument normal d’appliquer la loi islamique et la Belgique deviendra tout naturellement un pays musulman »81 . Suite aux attentats du mardi 22 mars 2016 à Bruxelles, Ahrouch ne publia aucune condamnation sur sa page Facebook, se limitant à citer un sondage donnant le parti Islam à 10,4 % lors des prochaines élections communales de 2018. Selon Ahrouch, l’objectif à terme du parti est tout bonnement de faire de la Belgique un État islamique. L’essentiel du programme est issu de celui du parti Noor, qui prévoit notamment le « rétablissement de la peine capitale pour les crimes odieux » ; « le mariage dès l’adolescence » ou encore « la pénalisation de l’avortement et de l’euthanasie »82 .
En France, un premier parti islamique, le Parti des Musulmans de France (PMF), fut créé en Alsace à la fin des années 1990-2000, à l’initiative de l’ancien vice-président de la Fédération Nationale des Musulmans de France, le Tunisien Mohamed Ennacer Latrèche, désireux de « faire entendre la voix des Musulmans » et candidat aux élections législatives et locales depuis 1997. Le PMF a connu son apogée médiatique avec le déclenchement de la seconde Intifada en septembre 2000, à l’occasion de manifestations qu’il organisait en faveur de la Palestine ou de communiqués de presse outranciers. On peut citer celui du soir du premier tour des élections présidentielles d’avril 2002, qui exprimait « sa satisfaction devant la défaite électorale du plus sûr allié de l’État sioniste en France (Lionel Jospin) dont la carrière se clôt ce soir »83 … Mouvement ouvertement anti-juif et négationniste, lié tant à l’extrême-droite qu’à l’extrême-gauche antisionistes, le PMF protégea des distributions de tracts des négationnistes français rouge-verts de la Vieille Taupe84 . Le 22 février au 4 mars 2003, désireux de « faire entendre la voix des Musulmans », Mohamed Ennacer Latrèche et le PMF organisèrent une opération de « boucliers humains » pour l’Irak avant « l’agression anglo-américaine ». 32 personnes décollèrent ainsi pour Damas85 …
Toujours en France, l’année 2015 a vu la création d’un parti islamique appuyé cette fois-ci par la Turquie, le Parti égalité justice (PEJ). Fondé à Strasbourg au sein de la diaspora turque86 , le PEJ a présenté pour la première fois au niveau national 68 candidats aux élections législatives sur tout le territoire français. De Valenciennes à Marseille, la formation a investi des candidats islamistes dont des candidates voilées. La revendication-phare est la refonte de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État au nom des « accommodements raisonnables ». Les propos du PEJ sur « le petit lobby influent d’homosexuels »87 en France ou sur la nécessité d’abolir les lois républicaines anti-voile islamique éclairent sur son idéologie. Sa rhétorique invoque continuellement « le vivre-ensemble », la « diversité » et la nécessaire « lutte contre l’islamophobie ». Le PEJ a ouvertement inscrit lors des élections départementales de 2015 « le communautarisme comme une priorité ». Parmi ses revendications figurent la demande de faire de l’Aïd « un jour férié » ; l’« abolition » de la loi de 2004 sur l’interdiction du voile islamique ; un « moratoire sur la laïcité », ou encore « la possibilité de menus de substitution dans les cantines ».
Le parti est assez habile pour ne pas mentionner explicitement l’AKP et Erdogan, de plus en plus discrédités depuis sa dérive dictatoriale, mais il plaide vigoureusement en faveur de l’intégration de la Turquie dans l’UE vue comme un « atout économique et stratégique » et surtout comme un dû et non comme le résultat de la conformité d’Ankara aux critères européens (« acquis communautaire ») que la Turquie viole pourtant de façon flagrante. L’idée-phare véhiculée dans la profession de foi du PEJ est qu’il convient de lutter contre la « rhétorique islamophobe » en « recréant la cohésion entre les quartiers populaires » tout en appelant à « introduire dans le programme l’enseignement scolaire de l’empire arabo-musulman »88 , de « l’empire asiatique » et même des « royaumes africains », afin de remplacer la vieille politique républicaine de l’assimilation à l’identité française par une « désassimilation » fondée sur le maintien des cultures d’origine auxquelles la France devrait s’adapter (« intégration à rebours »). Dans son manifeste de 2015, le PEJ dénonce tout particulièrement la loi de 2004 sur l’interdiction du port du voile à l’école, présentée comme « liberticide et anticonstitutionnelle », l’idée étant qu’il existerait une « islamophobie d’État ». De tendance « national-islamiste » turque, le PEJ nie, comme l’AKP en Turquie ou les Loups Gris, et jusqu’à Erdogan lui-même, le « soi-disant génocide arménien », qui n’aurait « jamais été prouvé jusqu’à présent », ainsi que l’a déclaré Şakir Çolak le 24 avril 2017, le président du PEJ dans une vidéo et au Figaro 89 .
D’après l’ex-adjointe au maire de Strasbourg, Mine Günbay, notamment chargée des droits des femmes, l’objectif réel du PEJ, très lié à la Turquie néo-islamiste d’Erdogan, est de faire de la capitale alsacienne un « laboratoire politique de l’AKP » et non de promouvoir l’intégration. Il est vrai que le Parti égalité justice est officiellement lié au Conseil pour la justice, l’égalité et la paix (Cojep), l’ONG internationale qui relaie partout officiellement l’action du parti au pouvoir à Ankara, l’AKP. Le Cojep, qui a aujourd’hui ses entrées à l’ONU, à l’OCDE et au Conseil de l’Europe, a été créé en 1992, à Belfort, avant de déménager à Strasbourg en 1996. Il est une émanation directe du mouvement politico-religieux Milli Görüş (Vision nationale), dont est indirectement issu le parti d’Erdogan (AKP), et qui est le pendant turc des Frères musulmans. Fondé en 1969 par l’ancien premier ministre turc Erbakan (ex-mentor d’Erdogan). Le Milli Görüş a donné naissance en 2001 à l’AKP et au parti de la Félicité (Saadet). Les dirigeants du PEJ n’ont pas pu nier leur proximité avec Ali Gedikoğlu, et son président, Şakir Çolak a reconnu dans un entretien au Figaro « une certaine connivence »90 .
Etonnement, le seul parti politique français qui a lancé un cri d’alarme a été le Parti communiste. Celui-ci a affirmé que « par l’intermédiaire du Parti égalité justice, le président Erdogan entend peser sur les élections législatives françaises afin de créer des groupes de pression pour relayer sa politique dictatoriale qui écrase les libertés et les droits humains dans son propre pays »91 . Le PCF appelle même le ministère de l’Intérieur à diligenter une enquête « pour défaire cette manœuvre contre la démocratie et la République ». Le président du PEJ, Şakir Çolak, a en retour accusé le PCF de « tenir des propos diffamatoires (…) qui mettent en danger les candidats », et menacé de porter plainte pour « diffamation »92 . Le phénomène de la présentation de candidats turcs binationaux aux élections ne se limite pas à la France. Au Pays-Bas, deux néerlandais d’origine turque ont fondé le DENK, qui a envoyé, en mars 2017, trois députés à la Chambre des représentants.
Depuis, le président du parti a dû refondre le PEJ et reformuler son programme après avoir soulevé une polémique. Il a même reconnu qu’il y avait peut-être « certaines personnes qui avaient une influence un peu sectaire concernant la société ». Certains ont notamment pointé du doigt Ali Gedikoğlu, influent co-fondateur et président-honoraire du PEJ, qui lui n’a jamais caché ses accointances avec le régime du président Erdogan, « un homme authentique grâce auquel le peuple turc a retrouvé une fierté », lançait-il en 2014 à Slate.fr93 . L’homme apparut également sur Facebook lors d’une manifestation pro-Erdogan organisée en mars 2016 place Kléber, à Strasbourg94 . « Où que vous les voyiez, crachez au visage de tous ceux qui éprouvent de la sympathie pour ces bâtards… !!! » écrivait-il au lendemain de la tentative de coup d’État en Turquie en juillet 2016, au sujet de tous ceux qui en Turquie et surtout en Europe ont soutenu les putschistes anti-Erdogan95 .
Lors des élections régionales françaises de 2016, un autre parti d’inspiration islamique s’est présenté : l’union des musulmans démocratiques de France (UDMF). Fondé en 2012 par Najib Azergui , l’UDMF compte 900 adhérents et 8 000 sympathisants, mais un seul élu à Bobigny (Seine St-Denis), bien qu’il ait obtenu des pourcentages significatifs dans d’autres communes. Lors d’une récente interview accordée au journal Linkiesta.it., le fondateur du parti a déclaré : « L’islam a servi à attirer les voix, surtout pour l’extrême-droite. Il était donc nécessaire d’avoir une prise de position critique à l’égard de ce que nous considérons comme une dérive de la laïcité et de l’esprit républicain ». L’UDMF avance trois grandes revendications : le halal , vu comme un marché très porteur qui pourrait « doper la croissance » ; la finance islamique, qui permet de bannir les intérêts et la spéculation afin de « moraliser le capitalisme », puis la question du voile islamique, dont l’interdiction dans les lieux publics par les lois de 2004 et 2010 est un prétexte pour dénoncer l’islamophobie. Dans les déclarations du parti, on peut lire qu’un « État dit démocratique et laïque, interdisant à une élève voilée d’avoir accès à la connaissance (…) est en totale contradiction avec nos valeurs présumées »96 . Sur France tv info , Najib Azergui déclare souhaiter ainsi « dénoncer les discriminations qui visent les mères de famille voilées qui ne peuvent pas rentrer dans les écoles ». Conformément à la « prophétie » de Michel Houllebecq qui prévoyait, dans son ouvrage Soumission , une alliance entre un futur parti islamique de France et un parti centriste opportuniste, l’UDMF a déjà réussi à faire élire à Bobigny (Seine-Saint-Denis) un candidat adoubé par l’UDI comme conseiller municipal UDMF : Hocine Hebbali , l’unique élu du parti pour l’instant. Surfant sur les lois mémorielles, le parti islamique propose de créer un « musée de la colonisation française » puis interpelle la République française sur certaines dispositions de la laïcité qu’il faudrait aménager. Il dénonce aussi le fait que de nombreuses écoles françaises portent le nom de Jules Ferry, « chantre de la colonisation vis-à-vis des races inférieures ». Fort habile, le leader du parti, Najib Azergui affirme que l’UDMF est « avant tout démocrate, républicaine, laïque » et que son parti peut concilier le fait d’être « démocrate et musulman », n’hésitant pas à citer Christine Boutin, fondatrice du Parti chrétien-démocrate que le parti de gouvernement allemand de la chancelière allemande Angela Merkel , la CDU que signifie en français « Union chrétienne-démocrate ».
Fidèles à la stratégie de paranoïsation des musulmans de France, Najib Azergui et Diala Mzalouat, son bras-droit, affirment que les musulmans sont stigmatisés et que l’on parle trop de l’islam et du terrorisme à chaque campagne électorale marquée par des « amalgames », en référence également à question du halal et aux « prières de rue ». Le fait de les dénoncer est assimilé à des « dérives républicaines » qui contribueraient au « morcellement » de la société. Cette inversion des rôles est particulièrement révélatrice d’un discours subversif lorsqu’on sait que la partition communautariste est justement l’objectif des suprémacistes islamistes qui essentialisent et victimisent une communauté contre la société mécréante. Diala Mzalouat a ainsi dénoncé le fait que dans les Hauts-de-Seine « beaucoup craignent de s’afficher publiquement comme musulmans », comme si on avait peur de se montrer musulman en France. Le parti a tout de même réussi à investir des candidats à Marseille, Bagneux (Hauts-de-Seine), Les Mureaux (Yvelines), Strasbourg (Bas-Rhin) et dans le Rhône. Enfin, Najib Azergui, qui n’a pas réussi à se présenter à l’élection de 2017 faute de soutiens suffisants, pronostique la victoire d’un « président musulman » en 2022.
Alors que l’Autriche a décidé depuis 2015 de reprendre en main la gestion de ses mosquées, centres islamiques et association éducatives musulmanes, la France a quant à elle laissé un homme de confiance de Recep Taiyyp Erdogan et l’État turc étendre leur emprise sur les communautés turques sunnites de France. Depuis juillet 2017, l’islam de France lui-même, via le Conseil Français du Culte musulman (CFCM), est en effet contrôlé par un fidèle militant pro-Erdogan proche du parti islamiste au pouvoir à Ankara, le franco-turc Ahmet Ogras, actuel président du CFCM. Également président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF)97 , militant hostile aux lois républicaines interdisant le voile et la burqa dans les lieux publics, il a succédé au déjà très conservateur franco-marocain Anouar Kbibech , lui-même homme de confiance de Rabat et du ministère marocain de la religion et du Habous. Rappelons qu’Ogras prône l’obligation pour les musulmanes de se voiler et a traité Manuel Valls de « malade » durant l’été 2016, lorsque l’ancien Premier-Ministre a dénoncé le voile islamique et la burka. Patron d’une agence de voyage spécialisée sur la Turquie, Ogras est marié à la cousine de l’épouse du président turc, et son beau-frère, Ali Hasal, est employé au palais présidentiel d’Ankara. Plus connu pour son nationalisme pro-Erdogan que pour ses compétences théologiques, Ahmet Ogras a été l’homme clef d’Erdogan en Europe au sein de l’Union des démocrates turcs européens (UETD), succursale de l’AKP au pouvoir à Ankara. Il n’a jamais cessé de faire publiquement l’apologie de Recep T. Erdogan, « grand démocrate », et a même tweeté : « nous sommes tous des soldats d’Erdogan »98 .
Outre la constitution de partis politiques « musulmans », comme dans les années 2000 les listes « euro-Palestine » et le PMF (années 2000) ou aujourd’hui le PEJ, l’idée des forces islamistes en France est avant tout de faire en sorte que la communauté musulmane ait un poids croissant dans la vie électorale et sociétale et qu’elle puisse constituer un lobby susceptible de faire évoluer les perceptions collectives et les gouvernements. La lutte contre « l’islamophobie » est le cheval de bataille le plus mobilisateur. Et la revendication de droits exceptionnels ainsi que la demande de dérogations au droit commun au profit des citoyens musulmans sont les premières priorités à moyen terme. « Beaucoup de propos insultants et mensongers touchant les musulmans de France peuvent être prononcés sans prendre trop de « risques électoraux », bien au contraire, des points peuvent être gagnés dans les sondages , explique Jamel El-Hamri99 , président-fondateur de l’Académie Française de la Pensée Islamique (AFPI). Les réactions du CFCM bien trop tièdes nous amènent à penser à la nécessité et, sans doute, à l’urgence de constituer un lobby musulman en France. L’objectif étant de défendre à la fois, et de manière parfaitement cohérente, les intérêts des musulmans et ceux de notre république menacée, entre autres, par les discours populistes […]. Le lobby musulman […] devra être un espace de solidarité et de compréhension mutuelle des aspirations spirituelles et philosophiques de chacun dans lequel, on verrait des musulmans, ne considérant pas le voile comme une prescription religieuse, défendre des femmes musulmanes qui le portent lorsqu’elles sont discriminées . » Dans le cadre de la lutte contre l’islamophobie, Hamri explique qu’il faudra « composer avec les structures existantes » comme « le CFCM, le CCIF et les mosquées ». Ce lobby pourrait […] bénéficier d’études et de chiffres (CCIF), de relais politiques (CFCM) et de relais communautaires (mosquées). […]. Un autre but essentiel est d’être « capable d’influencer les décisions politiques […]. Ce lobby sera au départ décrié, mais si nous sommes capables de nous assumer, sans aucun complexe, alors les regards, notamment ceux des politiques, changeront. […]. Un rapport de force fera toujours réfléchir les politiques et éveillera en eux le spectre d’une éventuelle défaite électorale. Après avoir fait circuler efficacement nos idées, chercher à influencer les partis politiques dans leurs décisions, nous devrons être en mesure selon nos intérêts de faire gagner un camp ou de faire perdre un camp. Montrer que les musulmans sont capables de sanctionner serait une première et le discours politique ambiant changerait inévitablement de nature car nos politiques « respectent » uniquement ceux qui votent. […]. Les musulmans sont une force électorale ».
L’étude de cet institut sur les musulmans en France réalisée en septembre 2016, intitulée Un islam français est possible 100 et rédigée par le consultant Hakim el-Karoui, ancien conseiller technique du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, mérite également l’attention. Basée sur un sondage réalisé par l’Ifop qui a interrogé 1 029 musulmans, l’étude d’El-Karoui montre que les musulmans de France se divisent en trois groupes différents : le premier, composé de « laïcs » (46 %), adhère globalement aux valeurs de la société française », même si nombre de ces « laïcs » se retrouvent dans les 70 % de musulmans qui ne consomment de la viande que si elle est halal (6 % seulement affirment ne jamais acheter de la viande halal) et ne s’opposent pas au voile islamique. Le second, dit des « conservateurs » (25 %), se dit « fier d’être musulman » et réclame une visibilité de l’islam dans l’espace public. Très pieux, favorable à la charià, sans que celle-ci passe avant la loi de la République », ce groupe fait du halal la norme de l’appartenance à la communauté musulmane, mais il rejette le niqab et la polygamie. Le troisième, nommé « les autoritaires » (28 %), soit près d’un tiers des musulmans de France, est en situation de sécession et de retrait par rapport à une société française et à une république jugée globalement « hostile et anti-musulmane », « islamophobe ». Majoritairement plus jeune, peu qualifiée et mal insérée dans le monde du travail et en pleine expansion, cette catégorie de musulmans en rupture communautaire vit essentiellement dans des ghettos urbains hors contrôles des forces de l’ordre et quadrillés par les mouvances islamistes radicales. Il constitue le terrain de recrutement idéal de la révolte vis-à-vis du reste de la société française, terreau sur lequel prospèrent autant les islamistes communautaristes « partitionnistes » que les islamistes jihadistes, qui attisent tous deux les clivages inter-communautaires. Ce troisième groupe réclame de pouvoir vivre sur les bases de la charià, vue comme réponse à tous les problèmes, et qui passerait devant les lois de la République. Il défend clairement la polygamie, le port du voile islamique, le niqab et même la burqa et le burkini. L’islam est perçu comme une partie intégrante de la Oumma, une identité qui se suffit à elle-même et qui revendique une séparation symbolique et communautaire d’avec la société mécréante. Il pousse à une véritable « sécession, sur fond de théorie conspirationniste et de judéophobie », a déclaré Hakim el Karoui au Journal du Dimanche 101 dans le cadre d’un entretien sur les conclusions de son étude Ifop-Institut Montaigne.
En Italie, l’initiative de constituer un parti islamiste ayant pour but explicite l’islamisation de la société et la défense des intérêts des musulmans, a été inaugurée au début des années 2000 par l’extrémiste très médiatique Adel Smith , alors Président de l’Union des Musulmans Italiens, à l’origine du Parti Islamique Italien (PII), lequel s’est fait notamment connaître pour ses manifestations en faveur du voile dans les lieux publics, sa lutte contre les œuvres de Dante, sa demande de retrait des crucifix des lieux publics, et ses appels à la conversion de Jean Paul II à l’islam et de toute l’Italie (aslama taslama). Répondant à une polémique concernant l’islamisation progressive de l’Italie, un autre représentant de l’islamisme des convertis italiens, Hamza Piccardo , membre de l’Union des Communautés et Organisations Islamiques d’Italie (UCOII = Frères musulmans), avait lancé devant l’auteur de ces lignes, en 2001 : « En 2025, nous, Musulmans, nous serons 5 ou 6 millions. Ce seront les Musulmans qui fabriqueront votre pain (…). Nous aurons notre parti politique et nos parlementaires »102 . Ces propos rappelaient ceux de l’ancien guide spirituel du Hezbollah libanais, Hussein Moussawi, qui avait déclaré, répondant à une question sur les perspectives d’islamisation de l’Europe : « Vous Français, vous ne connaîtrez peut-être pas dans votre génération la République islamique de France. Mais, c’est sûr, vos petits-fils ou encore vos arrière-petits-fils la connaîtront. Inch’Allah ! Car l’islam, c’est bon pour tout le monde »103 . Ou encore ceux de l’ex-Président de l’exécutif des Musulmans de Belgique, le converti Yacine Beyens, proche des Frères musulmans, qui déclarait dans L’Express du 18 février 1999 : « L’islamisation se fera progressivement […] Les Musulmans doivent faire preuve du plus grand pragmatisme […]. Le Coran dit qu’il faut procéder par étapes et tenir compte du context e ».
En fait, il faudra attendre le 21 janvier 2017 pour que la première étape vers la création d’un parti islamique italien soit franchie à l’initiative de Hamza Piccardo , qui a entre-temps quitté l’UCOII et dénoncé le « Pacte national pour l’islam italien » que l’organisation avait co-signé et que Hamza Piccardo jugeait trop minimaliste. Dans cette annonce, Piccardo jugeait « inadéquat le processus de 25 ans de dialogue avec l’État italien » (« Intesa »), d’où la réunion officielle, le 2 juillet 2017, à Milan, de « l’Assemblée constituante islamique » qui avait pour but de « donner une représentation démocratique à environ 2,6 millions de musulmans italiens » et qui a donné naissance au premier parti musulman italien. Le premier point du programme propose la signature d’un accord avec le gouvernement italien afin de « donner un cadre juridique aux musulmans », la première des revendications étant sans surprise la pénalisation du droit de critique de l’islam et des « sanctions spécifiques pour ceux qui expriment des opinions négatives ou contraires à la religion de Mahomet », bref le rétablissement du délit de blasphème. Les autres revendications sont des jours fériés spécifiques pour les musulmans, « si l’État prend en compte le respect du shabat […] il devrait au moins reconnaître les deux fêtes les plus importantes de l’islam »104 , déclare Piccardo, qui exige aussi la reconnaissance de la polygamie en Italie au nom du multiculturalisme : « Moi et des millions de personnes ne sommes pas d’accord avec le mariage homosexuel, et pourtant celui-ci est légalisé, et nous respectons ses acteurs, qui sont comme nous une minorité, de sorte que les polygames devraient être reconnus y compris par ceux qui ne partagent pas cette vision. La société tout entière peut les accepter »105 … En Italie la Constituante islamique est surtout implantée dans le Nord du Pays, essentiellement entre Milan et Turin. Mais des communautés islamiques importantes sont également en train de s’organiser à Naples, à Rome, à Bologne et en Sicile.106
En Suède, un reportage effectué par Judith Bergam pour le Think Tank américain Gatestone Institute, dans le cadre de la couverture des élections de 2018, a mis en évidence l’émergence d’un nouveau parti islamique, Jasin, fondé par l’islamiste iranien Mehdi Hosseini et dirigé par Sheijh Zoheir Eslami Gheraati , un imam de Teheran. En dépit de son radicalisme et de son projet communautariste et sécessionniste manifeste, Jasin se présente comme d’autres partis du même acabit comme une formation « multiculturelle, démocratique et pacifique », affirme vouloir « unir toutes les populations orientales et diverses sur le plan ethnique, linguistique, religieux ou de la couleur de peau » au nom de la « défense de la laïcité ». En réalité, Jasin n’est ni multiculturaliste ni laïque, et on peut lire sur son site qu’il « prônera et suivra d’abord exactement ce que dit le Coran, et ensuite ce que disent les imams chiites ». Jasin se déclare comme une « organisation non-jihadiste et missionnaire, qui répandra le visage réel de l’islam, lequel a été oublié puis assimilé à une religion belliqueuse… »107
Aux Pays-Bas, Tunahan Kuzu et Selçuk Öztürk, deux Turcs qui ont été élus députés depuis de nombreuses années dans les rangs du parti travailliste des Pays-Bas, ont fondé le parti Denk, par lequel ils escomptent faire obstacle au supposé « racisme » des Néerlandais et même créer, sur le mode de la Ligue arabe européenne en Belgique, une « Police de l’antiracisme », ceci alors que dans ce pays, le plus ouvert et tolérant de la planète, qui a accordé des droits extraordinaires aux minorités et où l’État finance le culte, y compris musulman, ce sont les hommes politiques néerlandais, Pim Fortuyn et Théo Van Gogh, tués par des islamistes ou pro-islamistes, ou Ayan Hirsi Ali et Geert Wilders , menacés de mort et condamnés par des fatwas, qui sont les cibles de la violence islamiste. Le Denk a réussi à obtenir un tiers des voix musulmanes du pays et trois sièges au Parlement hollandais. Le chef du parti, Tunahan Kuzu, a déclaré à ce propos qu’il s’agit là « du début d’un nouveau chapitre de notre histoire. Les nouveaux Pays-Bas se sont exprimés à la Chambre »108 . Denk défend ardemment la Turquie néo-islamiste d’Erdogan ; se présente comme une « plate-forme contre l’intégration des immigrants dans la société néerlandaise » et préconise, face à l’intégration-assimilation, une « acceptation mutuelle », euphémisme pour justifier – au nom du droit à la différence – une société musulmane parallèle. Comme le parti pro-Erdogan PEJ en France, Denk nie farouchement l’idée même qu’un génocide ait pu être commis en Turquie sous la fin de l’Empire ottoman contre les Arméniens et les chrétiens assyro-chaldéens. Il exige en revanche qu’en Hollande, les termes comme « immigrés » et « intégration » soient « bannis ».
En Allemagne, de nombreux Turcs d’origine se sont investis depuis des années dans les partis politiques traditionnels, majoritairement à gauche ou écologistes. Mais les candidats élus grâce à ces partis ayant accepté des Kurdes hostiles à Ankara et des Turcs « trop intégrés » ou anti-islamistes et hostiles au négationnisme du génocide arménien, Ankara tente d’influencer directement la politique allemande depuis l’extérieur. C’est ainsi qu’a été créée l’Allianz Deutscher Demokraten (« Alliance des démocrates allemands », ADD)109 , fondée en 2014 par Remzi Aru, en réaction à la reconnaissance par le Parlement allemand du génocide arménien. L’ADD est un relais du pouvoir islamo-nationaliste d’Erdogan dans le pays et il s’efforce de fédérer les communautés musulmanes susceptibles de voter afin de voir émerger un lobby « turco-musulman » en Allemagne. Ses dirigeants ont eu des difficultés pour réunir les 1 000 signatures nécessaires pour participer aux élections de mai 2017 en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Mais en parallèle, un autre parti musulman d’Allemagne, le Bündnis für Innovation und Gerechtigkeit (« Alliance pour l’innovation et la justice », BIG), a été créé en 2010. Il est vrai que la loi allemande interdit tout financement étranger des partis politiques, ce qui est d’ailleurs une importante pierre d’achoppement entre Erdogan et Angela Merkel ainsi qu’on l’a vu en mars-avril 2017, lorsque la chancelière allemande a fait interdire la venue de prédicateurs et hommes politique pro-Erdogan qui voulaient participer à des meetings en faveur du oui pour le référendum donnant les pleins pouvoir au président turc dans le cadre de la réforme de la constitution et de sa dérive autoritaire en « réaction » au coup d’État manqué de juillet 2016 contre lui.
En Autriche, des turco-musulmans ont également formé un nouveau parti, le NBZ (New Movement for the future), créé en janvier 2017110 . Selon son fondateur, Adnan Dincer, le NBZ n’est pas un parti islamique ou un parti turc, bien que composé principalement des musulmans turcs. Se plaignant de « l’exclusion » des musulmans en Autriche, Adnan Dinçer estime que « les acteurs politiques prennent des décisions concernant les minorités qui travaillent ici, mais nous ne sommes pas impliqués dans ce mécanisme décisionne l ». Le NBZ affiche son soutien total au président turc Erdogan et il a nettement condamné le « mouvement Gülen » que le gouvernement d’Ankara a accusé d’avoir fomenté un coup d’État en juillet 2016 contre le président turc T. Recep Erdogan111 .
En Bulgarie, où la population musulmane, en partie composée de Turcophones, de Pomaks, de chiites bulgares et de Roms, représente environ 7-8 % de la population totale, trois partis politiques musulmans – essentiellement animés par des Turcs – sont actifs. L’un d’entre eux est le Mouvement pour les droits et libertés (HÖH), fondé en 1990 par Ahmet Doğan. En 2014, le HÖH a envoyé 38 élus au Parlement (15 %) et a obtenu quatre sièges au Parlement européen (PE). Comme dans de nombreux pays européens, le HÖH est politiquement allié de la gauche multiculturaliste, en l’occurrence le Parti socialiste bulgare (BSP). Récemment, Erdogan, qui n’était pas satisfait du HÖH, car pas assez contrôlable selon lui, a cherché à aider d’autres partis pro-turcs en Bulgarie.
En Espagne, un parti islamique a été créé en mars 2015 : le parti Renacimiento y Union de España (Renaissance et Union en Espagne, PRUNE), qui vise à obtenir les voix des musulmans, soit environ 800 000 âmes sur 1,7 million d’individus. La majorité de la communauté musulmane réside actuellement en Andalousie, mais le parti ouvre aussi des antennes à Madrid, Valence, Ceuta et Melilla. Signe qui ne trompe pas et qui dévoile l’idéologie nostalgique du Califat islamique d’Espagne passé, le Siège national du parti est établi dans les Asturies, région qui fut le point de départ de la Reconquista , dans le Nord de l’’Espagne… Le second siège, tout aussi symbolique, est situé à Grenade, ancienne capitale de l’émirat arabo-islamique du même nom et joyau d’Al-Andalus reconquis par les rois catholiques en 1492. Le fondateur du parti PRUNE, Mustafá Bakkach, est un hispano-marrocain né près de Rabat qui réside en Espagne depuis 15 ans. Ancien journaliste, Bakkach a également été professeur d’arabe. Membre et trésorier de la Communauté musulmane d’Espagne, appelée Hijra (« émigration »), Mustafá Bakkach s’est beaucoup impliqué dans la défense et l’accueil des migrants marocains, ce qui lui a valu d’être honoré par la Cour de Mohamed VI.
Depuis 2017, son parti, de plus en plus actif dans la vie publique, les médias et les réseaux sociaux, ambitionne de représenter « tous les opprimés », les migrants, principalement musulmans, mais aussi les Gitans, et les exclus en général, sur les bases de la « justice sociale musulmane ». Son objectif est que les 700 000 Marocains en mesure de voter (sur 1,5 millions de migrants musulmans), d’ailleurs appelés « à tripler d’ici 25 ans », deviennent une force politique incontournable qui portera le message de « régénération de la politique, des coutumes et des valeurs » de l’Espagne par celles de l’islam. Ici, l’allusion aux « mœurs décadentes » espagnoles mécréantes et à la « renaissance de l’islam » dans la terre d’Al-Andalus est évidente.
L’objectif est que la future communauté musulmane d’Espagne puisse participer au gouvernement local de toutes les villes et provinces où les musulmans sont nombreux, s’il le faut grâce à une politique de quotas. D’où l’alliance avec les milieux multiculturalistes de gauche. PRUNE est par ailleurs conscient que les partis charnières peuvent parfois faire basculer la balance, comme on l’a vu avec les partis catalans, basques, andalous et galicien ou les nouveaux partis outsiders Podemos et Ciudadanos. Seul parti politique espagnol confessionnel, PRUNE ambitionne de percer à Madrid, Valence, Asturias, Tolède, Cádiz et, bien sûr, Ceuta et Melilla, les enclaves d’Espagne dans le Nord du Maroc, où la population musulmane dépasse 40 %. Le parti vise aussi Salt (Catalogne-Girona), Rosas et les alentours d’Alicante, Almeria et Algesiras, où existe aussi une forte concentration de Marocains, de Pakistanais et de Gitans112 . Afin d’attirer les électeurs non-musulmans andalous, PRUNE joue sur la fibre sensible de l’âge d’or arabo-musulman andalou, présenté comme « tolérant » et multiculturel, d’où le slogan du parti : « l’universel ». Son secrétaire général, Manuel Bugeiro, un espagnol converti à l’islam, prétend s’adresser à « toutes les minorités ethniques et religieuses » et affirme que son parti « lutte contre le racisme, la discrimination, et l’islamophobie ». Les slogans et crédos de PRUNE sont directement inspirés de l’islam : il demande par exemple à « Allah qu’il leur envoie sa Lumière ». L’objectif électoral le plus facile à atteindre dans le court terme sont les autonomies de Ceuta et Melilla, qui pourraient bientôt être dirigées par PRUNE sachant que la gauche, pour laquelle votaient jadis les musulmans, a perdu du terrain. Comme tous les autres partis islamistes européens, celui de Bakkach est opposé à l’intégration des musulmans et il préconise que ces derniers puissent « vivre en Espagne sous leurs lois et coutumes propres ».
Comme nous l’avons vu, l’objectif des lobbies panislamistes à l’assaut de la vieille Europe est d’empêcher l’intégration des citoyens musulmans aux mœurs et coutumes des « mécréants », vécue comme une acculturation et une destruction. Dans une logique opposée « d’inclusion », et comme le préconisent maints textes officiels du Conseil de l’Europe, de la Commission européenne, de l’OCI, de l’OSCE, de l’ISESCO ou de la Ligue islamique mondiale, c’est surtout à la société dite d’accueil de faire l’effort de s’adapter aux mœurs et cultures des minorités musulmanes issues de l’immigration.
D’après l’écrivain algérien Kamel Daoud , l’idée même de créer un parti islamiste dans une démocratie est, en soi « un piège ». Dans une tribune remarquée publiée dans le magazine Le Point , 2015, Daoud écrit : « Un parti islamique en France ? […]. Rien ne résume mieux le piège français pour l’étranger du Sud : […]. Un parti islamique est un parti islamiste par pente naturelle. Par définition. Son but est le monde, pas un mandat. Sa mécanique est déjà rodée dans nos pays au sud : il prend le pouvoir au nom de la démocratie, puis suspend la démocratie par usage du pouvoir. Au mieux. Au pis, il opte pour la démarche du crabe qui garde ses pinces derrière son dos : pas d’ambitions politiques affichées, mais une ambition millénaire dans la tête : convertir les habits, les corps, les liens, les arts, les crèches, les écoles, les chants, la culture, puis attendre que le fruit tombe dans le creux du turban. C’est la démarche horizontale, doctrine des colombes dans cette aire-là. Un parti islamiste est un piège ouvert : on ne peut pas le refuser au nom de la démocratie et c’est la démocratie qui le paiera en premier si on l’accepte. Si on le refuse, on bascule soi-même dans la dictature, mais si on l’accepte, on s’y soumet. La boucle est bouclée. L’auteur conclut que « dès qu’il fait irruption sur une scène politique, il provoque les mêmes conséquences qu’en Algérie, en Égypte, au Pakistan, au Sahel ou en Tunisie : il divise le pays entre éradicateurs (ceux qui veulent éradiquer les islamistes) et réconciliateurs (ceux qui prônent le dialogue avec le monologue des islamistes) et fatalistes (ceux qui attendent que cela passe) »113 .
Peu après les terribles événements survenus en Allemagne durant la nuit de la Saint Sylvestre (31 décembre 2016-janvier 2017) près de la gare de Cologne, lorsque des dizaines de femmes furent sexuellement agressées par de jeunes hommes originaires d’Afrique du Nord, la maire de la ville, Henriette Reker, déclara que pour que ce genre d’actes ne se reproduise pas, il fallait ériger un « code de conduite » pour que les femmes allemandes « adoptent des règles de comportement pour éviter les agressions », telles que « mieux s’adapter » aux situations notamment en se tenant « à distance de bras d’un potentiel agresseur » et en ne provoquant pas trop par des habits et attitudes pouvant susciter la concupiscence. Dans la même logique « d’apaisement » des « atténuants culturels », une note interne fut envoyée à la police par le ministère allemand de l’intérieur qui ordonnait aux policiers de ne pas mentionner le mot « viol » dans leurs rapports. Le Ministre fédéral allemand de la Justice Heiko Maas, préconisa même d’interdire tous les panneaux d’affichage sexy afin de ne « pas inciter les musulmans à commettre des viols ». Un débat houleux commença à diviser un peu plus la classe politique et le peuple allemands, entre ceux qui dénonçaient l’islamisme et les mœurs misogynes des arabo-musulmans et ceux qui jugeaient scandaleux de souligner l’origine culturelle des agresseurs et de faire des « amalgames ».
La polémique fut également vive au sein du mouvement féministe, littéralement coupé en deux camps opposés, les « culturalistes » qui dénoncent nommément le sexisme arabo-musulman, et les « égalitaristes » qui estiment au contraire que la défense des femmes européennes violées risque d’être instrumentalisée par les « islamophobes » et les racistes. Ce deuxième camp est à la mode et souvent plus jeune que le premier. Il a été très bien expliqué par la démographe Michèle Tribalat qui déplore que « le tiers-mondisme éclipse le féminisme car la condition féminine, bien que toujours fort porteuse, est devenue moins mobilisatrice et désormais considérée moins importante que l’exotisme et la défense des immigrés, quoi qu’ils fassent, puisqu’ils sont des victimes a priori »114 .
En France, l’affaire de Cologne fut largement relayée dans les médias et dénoncée par les défenseurs de la cause des femmes. Toutefois, ce qui déclencha le plus d’indignation ne furent pas les exactions misogynes et agressives » commises, mais le fait de révéler les origines islamo-maghrébines des violeurs. La « communauté académique » et les milieux progressistes s’indignèrent non pas des agressions sexistes elles-mêmes, mais de l’analyse sans concession de l’écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud 115 . Celui-ci avait en effet osé expliquer, dans une tribune au quotidien Le Monde (qui suscitera des réponses acerbes d’un « collectif »), que les viols collectifs de Cologne mettaient en évidence un problème religieux et civilisationnel, à savoir la misogynie inculquée aux populations arabo-musulmanes. Daoud y dénonçait « l’angélisme » de l’Occidental bienveillant qui « voit, dans le réfugié, son statut, pas sa culture ; il est la victime qui recueille la projection de l’Occidental ou son sentiment de devoir humaniste ou de culpabilité ». L’auteur rappelait cependant que « le réfugié ou l’immigré […] ne va pas négocier sa culture avec autant de facilité […] cela changera très, très lentement. […]. Il faut offrir l’asile au corps mais aussi convaincre l’âme de change r ». Bien qu’étant arabe et musulman lui-même, Daoud commit le péché de « culturalisme » et fut d’un coup rangé dans la catégorie des « islamophobes » : « Le sexe est la plus grande misère dans le ‘monde d’Allah’. A tel point qu’il a donné naissance à ce porno-islamisme dont font discours les prêcheurs islamistes pour recruter leurs « fidèles » : descriptions d’un paradis plus proche du bordel que de la récompense pour gens pieux, fantasme des vierges pour les kamikazes, chasse aux corps dans les espaces publics, puritanisme des dictatures, voile et burka. […] fermer les yeux sur le long travail d’accueil et d’aide, et ce que cela signifie comme travail sur soi et sur les autres, est aussi un angélisme qui va tuer […]. On ne comprend pas encore que l’asile ne soit pas seulement avoir des « papiers » mais accepter le contrat social d’une modernité »116 .
Dans un article au vitriol écrit par un « collectif » d’intellectuels et universitaires, notamment sociologues et historiens, intitulé « Nuit de Cologne : Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés »117 , l’écrivain algérien fut accusé de véhiculer les clichés « islamophobes » et culturalistes des orientalistes du XIX e siècle comme Ernest Renan ou Gustave Le Bon, que Daoud n’a pourtant pas évoqués. Pour son compatriote, l’écrivain algérien francophone Boualem Sansal , auteur de 2084 , roman politique-fiction qui décrit un monde néo-orwellien soumis au totalitarisme islamiste, le lynchage de Daoud met en lumière une fois de plus la convergence de vue et d’inimitiés qui unit les « lanceurs de fatwas » et les « censeurs les plus émérites ». L’attaque des intellectuels français « progressistes » contre Daoud sera pour lui un véritable coup de poignard dans le dos, la continuation du terrorisme par des moyens intellectuels, le but consistant à intimider les penseurs islamiquement incorrects, fussent-ils eux-mêmes musulmans comme Daoud et Sansal. Ce dernier défendra Daoud dans le quotidien Libération du 24 mars 2016 par cette remarque : « les attaques contre Kamel Daoud relèvent du terrorisme, tout comme ce qu’en Europe, on appelle le ‘politiquement correct’, le ‘pasdamalgame’ ou ‘la laïcité graduée […]. Les lanceurs de fatwas et les censeurs les plus émérites, mais aussi les seconds couteaux, les jaloux, les faux amis et les super-agents de la police de la pensée, tapis dans les hautes structures de la culture et de l’information, se mobilisent pour l’abattre ». L’auteur de Meursault, contre-enquête (Daoud) sera d’ailleurs tellement affecté par l’opprobre qu’il décidera de renoncer au journalisme. « Malheur sur nous, ils ont marqué un point », conclura Sansal.
Depuis le choc des viols massifs de la « nuit de la Saint-Sylvestre » à Cologne, la société et les médias allemands ont brutalement pris conscience de la gravité de la situation et du caractère civilisationnel des nouvelles formes de violence sur les personnes commises par des groupes qui perçoivent les femmes européennes comme des mécréantes « licites » au nom d’une vision islamique, tribale et misogyne des rapports hommes-femmes. C’est dans ce contexte qu’un document confidentiel du gouvernement allemand, publié dans Die Welt , a lancé la sonnette d’alarme : « Nous importons l’extrémisme islamique, l’antisémitisme arabe, les conflits nationaux et ethniques des autres nations, ainsi qu’une autre conception de la société et du droit. Les agences de sécurité allemandes ne parviennent pas à résoudre ces problèmes de sécurité importés ni la réaction corrélative de la population allemande »118 . Les conclusions du rapport, qui prend acte de l’échec du modèle multiculturel allemand, sont confirmées par une étude universitaire détaillée du Département de la religion et de la politique de l’Université de Munster, intitulé L’intégration et la religion du point de vue des Turcs vivant en Allemagne (intégration und Religion aus der Sicht von Türkeistämmigen in Deutschland 119 ) qui déplore que « près de la moitié des trois millions de Turcs vivant en Allemagne estime qu’il est plus important de respecter la loi de la charià islamique plutôt que la loi allemande, si elles se contredisent »120 . Cette enquête, qui corrobore celle effectuée en France par l’Institut Montaigne121 , repose sur une étude menée auprès des Turcs vivant en Allemagne depuis des décennies, et réfute ainsi les affirmations rassurantes formulées par les autorités allemandes depuis des années selon lesquelles les musulmans seraient majoritairement bien intégrés dans la société. Selon le document de l’Université de Münster, au contraire, il ressort que 47 % des personnes questionnées répondent être d’accord avec l’affirmation : « le respect des commandements de ma religion est pour moi plus important que les lois de l’État où je vis », 32 % des autres personnes interrogées préconise que « les musulmans devraient s’efforcer de revenir à un système de vie similaire à celui du temps de Muhammad » ; enfin, 36 % pensent que « seul l’islam est en mesure de résoudre les problèmes de notre temps » ; 20 % d’entre eux affirment que « la menace que pose l’Occident envers l’islam justifie la violence », et au final, 7 % pensent que « la violence est justifiée pour répandre l’islam ». Dans l’étude similaire réalisée par l’Institut Montaigne, le groupe partisan d’une désassimilation totale et d’une forme de partition sur les bases de la suprématie de la charià, s’élevait, rappelon-le, à 28 %
Conscient de cette réalité croissante, l’Office fédéral de la protection de la Constitution (BfV) allemande, nom donné à l’intelligence nationale, a averti, dans son rapport annuel 2017, des dangers d’un « déclenchement d’une spirale dangereuse de réactions incontrôlables qui pourraient conduire à une guerre ouverte entre gangs opposés dans les rues d’Allemagne ». Parmi ces gangs musulmans allemands qui prospèrent sur l’idée d’un séparatisme islamique et d’une nécessité de défendre les musulmans face à « l’islamophobie » des non-musulmans, l’un des derniers nés en mai 2017, est le mouvement des « Allemands musulmans », un groupe de motards de style Hells Angels qui, comme l’écrit Die Welt , s’est fixé comme objectif de « protéger les frères menacés par l’islamophobie croissante ». Le groupe, fondé par Marcel Kunst, un Allemand converti à l’islam, alias Salam Mahmud, a des bureaux à Mönchengladbach, Münster et Stuttgart, et il aspire à se répandre progressivement dans toute l’Allemagne. Sur la page Facebook du groupe, il est précisé que « Les Allemands musulmans » ont pour objectif de « favoriser la cœxistence pacifique entre musulmans et non-musulmans en Allemagne ». Cependant, la police allemande souligne que beaucoup de ses responsables sont connus des services comme militants salafistes radicaux, à commencer par son fondateur lui-même, Kunst. La montée inquiétante du phénomène salafiste en Allemagne a d’ailleurs été confirmée dans le rapport annuel du BfV du 4 juillet 2017, pour qui le « salafisme est le mouvement islamique qui connait la plus rapide croissance en Allemagne »122 .
Selon le BfV, « la menace potentielle de la violence salafiste reste dangereusement élevée. Une deuxième bande de motards d’Allah, aussi bien connus et actifs en Allemagne et ailleurs, sont les Osmanen Allemagne » ou « Allemagne ottomane », un groupe composé principalement d’Allemands d’origine turque, dont le nom est une référence explicite à l’Empire ottoman (qui avait été stoppé en 1683 aux portes de Vienne) et qui induit une vision irrédentiste et néo-impériale du monde qui pose comme but la conquête islamique de l’Allemagne et de l’Europe.
Officiellement, le Osmanen Allemagne se présente comme une association qui récupère les garçons dans la rue pour les mettre au sport dans des salles de boxe, mais selon la police allemande, le groupe serait une véritable association radicale nationaliste et islamique qui serait liée à l’extrême droite turque (Loups gris), au gouvernement d’Erdogan, et à des milieux mafieux de la drogue, de la prostitution et du trafic d’armes. Le groupe Osmanen a déjà des bases en Suisse, à Zurich et à Bâle. La naissance de ce type de gangs islamiques violents et armés au cœur de l’Europe constitue aujourd’hui la préoccupation croissante de l’intelligence européenne dans la perspective de conflits inter-ethniques entre groupes « islamophobes » et islamistes, sachant que ce spectre de guerre civile larvée correspond justement aux objectifs recherchés par Daech qui a même incité dans ses organes de presse les musulmans européens à monter ce genre de gangs violents comme on peut l’observer sur les réseaux sociaux. L’État islamique a en effet mis au point une campagne de propagande sophistiquée sur le web en vidéo et audio, dont le but est le recrutement plus massif de combattants dans des groupes organisés capables de lever leur propre financement par tous les moyens légaux et illégaux. Le e-book qui incite le plus à cette stratégie est intitulé, Gangs musulmans et son avis aux lecteurs commence ainsi : « Le but de ce livre est de donner les musulmans un point de départ sur la façon de faire leurs propres gangs et les faire grandir dans un mouvement djihadiste qui peut prendre et devenir une force de résistance à l’Ouest »123 .
1 . Pascal Bruckner ,)« Ils haïssent la France, non parce qu’elle les opprime, mais parce qu’elle les libère », Le Figaro-Magazine , 7 octobre 2017, pp. 54-55. Citons à ce sujet aussi les ouvrages de René Girard, Le bouc émissaire » et Des choses cachées depuis l’origine du monde , op. cit. ), bien qu’en l’occurrence, les lobbies musulmans victimaires renversent le paradigme girardien en se mettent dans la posture de la victime afin de couvrir leurs coreligionnaires bourreaux jihadistes…
2 . Gilles Kepel , A L’ouest d’Allah , Seuil, Paris, 1996.
3 . The Indépendant , 8 novembre 1988.
4 . Dans un sondage d’opinions effectué par l’institut Harris en juillet 1990, 42 % de Musulmans anglais appuyèrent la fatwa appelant à tuer Rushdie, contre 37 % opposés à la fatwa , le reste représentant les sans-opinions.
5 . Idem , p. 243.
6 . Souheib Bencheikh , Marianne et le Prophète , Grasset, 1998, p. 209.
7 . Menacée de mort et bannie dans son pays, elle va trouver refuge en Suède, où elle recevra du Parlement européen le prix Sakharov pour la liberté de pensée, puis en Allemagne, (1995-1996), puis à nouveau Stockholm (1997), New York (1998) et Paris (2008-2009) et Calcutta.
8 . « Comme le gouvernement tardait à me condamner , de gigantesques manifestations furent organisées à travers le pays pour réclamer ma lapidation. Au comble de la crise, un appel à la grève générale fut lancé ! Aucun bus et aucun train ne quitta le quai et aucun avion ne décolla pendant sept longues journées de grèves qui paralysèrent totalement le pays. Je vous rappelle qu’à la différence de Salman Rushdie , qui vivait en Grande-Bretagne, j’étais alors au milieu de millions de gens qui voulaient ma peau tandis que l’État central me recherchait pour m’enfermer derrière les barreaux… ». in, Alexandre del Valle, « Au nom de tous les opprimés, Entretien avec Taslima Nasjreen », Politique Internationale , no 124, été 2009.
9 . Alexandre del Valle, « Au nom de tous les opprimés, Entretien avec Taslima Nasjreen », Politique Internationale , no 124, été 2009.
10 . « Au nom de tous les opprimés. Entretien avec Taslima Nasjreen », conduit par Alexandre del Valle, Politique Internationale , no 124, été 2009.
11 . In Politis , no 17, mars-avril 1994.
12 . Voir Alexandre del Valle, « Intifada ou guerre sainte ? », Politique Internationale , juin 2001.
13 . 23/7/1957-2/11/2004.
14 . Ce film voulait montrer les conditions de vie et de la femme dans des régions soumises à un islam pur et dur. Théo Van Gogh fut assassiné par un fanatique appartenant à un réseau terroriste, au nom de l’interdiction de critique de l’islam. A la suite de sa mort, des voix se sont élevées pour limiter la liberté d’expression artistique en matière d’islam.
15 . « L’Affaire Mahomet, entretien avec Flemming Rose », L’Express , 9 février 2006.
16 . Une autre le dépeignant avec le croissant comme auréole : ange ou démon ? ; un autre encore dessinant Mahomet la barbe hirsute et les yeux masqués par une barre noire ; un autre enfin où Mahomet fait signe de s’arrêter à deux terroristes musulmans sur le point d’attaquer : « Du calme, mes amis, ce n’est qu’un dessin fait par un Danois incroyant … ». En 2010, l’auteur du dessin le plus controversé, Kurt Westergaard, démentira avoir voulu « représenter » Mahomet sous ce turban en forme de bombe : « Je n’ai jamais dit qu’il s’agissait de Mahomet […]. J’ai voulu montrer qu’il y avait des terroristes qui se servaient de l’islam et du Coran comme d’une façade. »
17 . Se retrouvaient pêle-mêle dans ce dossier des dessins de certains groupuscules danois trouvés sur internet et même la photo d’un Français barbu doté d’un groin et d’oreilles porcines en plastique, qui avait gagné un concours annuel d’imitation du cochon en Auvergne, mais qui sera présenté comme un blasphémateur islamophobe singeant le Prophète…
18 . Cité in Bat Yé’or, Eurabia, L’axe euro-arabe , Jean Cyril Godefroy, 2006, ibid . p. 22.
19 . Cf. « Erdogan – Turquie – Manifestations, Pakistan : Le président turc dénonce les provocations de Charlie Hebdo ». Huffington Post.fr, 16 janvier 2015, http://www.huffingtonpost.fr/2015/01/16/erdogan--turquie-charlie-hebdo-manifestations-pakistan-alger_n_6486504.html .
20 . www.oic-org / ex-summit / english / 10-years-plan.htm . Document donné aimablement par David Littman, représentant de l’Association for World Éducation.
21 . In, Alexandre del Valle, « L’OCI, cet ONU islamique qui a pour mission de protéger et élargir la Oumma dans le monde », Atlantico.fr, 16 octobre 2016, http://www.atlantico.fr/rdv/geopolitico-scanner/oci-cet-onu-loi-islamique-qui-pour-mission-proteger-et-elargir-oumma-dans-monde-partie-2-alexandre-del-valle-2848409.html .
22 . http://www.laicite-republique.org/caricature-de-tariq-ramadan-menaces-sur-charlie-hebdo-20minutes-fr-4-nov-17.html .
23 . Voir aussi le clip : « Le racisme, ça commence par des mots, du crachat, ça finit par du sang »… https://www.facebook.com/manuelvalls/videos/1014391765307834/ .
24 . Cf. Alexandre del Valle, « tensions sur le droit au blasphème », Atlantico, http://www.atlantico.fr/decryptage/tensions-droit-au-blaspheme-voit-on-assez-methodique-jihad-juridique-engage-depuis-plus-20-ans-partie-1-alexandre-del-valle-495315.html .
25 . Voir les éditos d’Al Sharq al Awsat, de L’Orient-le Jour, ou de Tahar Ben Jelloun, du tunisien Abdelwahhab Medeb, des Algériens Kamel Daoud et Boualem Sansal ou du célèbre poète Syrien Adonis.
26 . Cf. campagne gouvernementale « Tous unis contre le racisme » ; « Le racisme, ça commence par des mots, des crachats, du sang »… http://by-jipp.blogspot.fr/2016/03/le-racisme-ca-commence-par-des-mots-ca.html Cf. « Le racisme ça commence par des mots, par des crachats, ça finit par du sang »…. Dans l’un des spots, qui a couté trois millions d’euros, la propagande « anti-islamophobie » culmine avec la présentation d’une déclaration islamophobe attribuée aux Français « racistes » : « si on ne fait rien, dans vingt ans, la France sera musulmane ». Ces propos rejoignent l’idée force du livre de Michel Houellebecq , Soumission , puis les craintes de Boualem Sansal qui déclarait dans son ouvrage, 2084 , que « la France finira par devenir islamiste à force de céder aux fanatiques et aux terroristes ».
27 . 1. Massimo Introvigne, « Contro il Papa l’indifferenza dell’Occidente », Il Giornale , 19 septembre 2006.
28 . « L’Ira del mondo islamico, il Papa si deve scusare », La Stampa , vendredi 15 septembre 2006.
29 . Il Sole 24 ore , 17 settembre 2006.
30 . Pape Benoît XVI , Istambul 2006.
31 . Interview de Aytunc Al Tyndal, Marco Ansaldo, La Repubblica , 17 septembre 2006.
32 . « Le Vatican se soumet à l’islam », Gatestone Institute , https://fr.gatestoneinstitute.org/9158/vatican-soumet-islam .
33 . Le diplomate avait 39 ans. La lettre del l’European Strategic Intelligence & Security Center du 22 septembre affirme que les chefs de l’Unité de la Commission européenne interdisaient à leurs collaborateurs d’évoquer la possibilité d’un crime islamiste…
34 . Ida Magli, « Mandato d’arresto », Il Giornale , 19 agosto 2006.
35 . Il Giornale , 17 septembre 2006.
37 . « Un opéra de Mozart censuré à Berlin », La Croix, 27 septembre 2006.
38 . Antoine Jacob, Le Monde , 18 juillet 2006.
39 . Au centre de la polémique qui couve depuis le début des années 2000, la présence d’un « géant » ou « ninot » dans certains de ces fêtes, également appelé « La Mahoma » (« La Mahomet »), terme désignant non pas le prophète musulman mais la communauté musulmane mauresque d’Espagne. Les groupes islamiquement corrects ont utilisé cette appellation comme prétexte pour hurler à l’islamophobie des traditions incriminées et pour exiger leur suppression, interdiction relayée par le Maire de Valence, Ribo (membre du parti Podemos), qui a déclaré ne pas vouloir « offenser les musulmans ».
40 . « Mahomet disparaît des fêtes de la Reconquista », Diane Cambon, Le Figaro , 3 octobre 2006.
41 . « Musulmanes piden suprimir las fiestas de Moros y Cristianos ‘por no caber en la España », El Mundo, 10 mai 2006.
42 . « El Gobierno y los líderes islámicos se reúnen en La Moncloa, pero no tratan la Crisis de las caricaturas », El mundo , 15 février 2006.
43 . Les villages les plus visés sont ceux de Bocairent, Beneixama (Valencia), où les fêtes des Maures et Chrétiens se terminent par la reconquête d’un château du côté chrétien sur fonds de pétards et avec la destruction d’une effigie de trois mètres, appelée « la Mohama », gocios.com .
44 . « Ernesto Milá : La alcaldía de Valencia no quiere ofender a los musulmanes : La nueva parida del podemita Ribó : degollar la Fiesta de Moros y Cristianos ; La propuesta parte de un círculo de Podemos compuesto por una colonia musulmana », 13 avril 2016, « Moros y Cristianos » , Infokrisis , 1er juillet 2013.
46 . Entretiens de l’auteur avec Gaetano Basile et le Maire de Palerme Leo Luca Orlando , été 2006-2007.
47 . LeMonde.fr avec AFP , 4 octobre 2012.
48 . « Une œuvre jugée blasphématoire retirée du printemps de septembre à Toulouse », Le Monde , 10 avril 2012.
49 . http://lionelbaland.hautetfort.com/archive/2013/02/19/il-y-a-70-ans-hans-et-sophie-scholl-etaient-arretes.html .
50 . http://jforum.fr/wp-content/uploads/IMG/png/Shmuel_Trigano_La_fin_du_juda_C3_AFsme_en_terres_d_27islam.png
51 . Entretien de Olivia Blair avec Jesse Hughes , « Eagles of Death Metal : Frontman Jesse Hughes says ‘everyone should have access’ to guns » ; « The rock group are returning to Paris to perform this week », The Independent , 16 fevrier 2016.
52 . https://blogs.mediapart.fr/jean-louis-legalery/blog/190216/bataclan-une-replique-inattendue-et-douloureuse .
53 . « Relativisme religieux et légitimation de l’islam à Rome : Magdi Cristiano Allam quitte l’Église catholique », 25 mars 2013, « le discours islamiquement correct des évêques », « ces évêques intimidés, à genoux devant Allah ». https://www.tdg.ch/monde/Un-musulman-baptise-claque-la-porte-de-l-Eglise/story/26156744 .
54 . https://www.marianne.net/societe/lectures-du-livre-de-charb-censurees-la-campagne-du-charlie-oui-mais-est-de-retour
55 . Côté francophone, ces sénateurs sont Zakia Khattabi (Ecolo), Ahmed Laaouej (PS), Richard Miller (MR).
56 . Proposition de résolution relative à la lutte contre l’islamophobie – Sénat de Belgique – 21 février 2013 – Dans leur exposé des motifs, les sénateurs se fondent sur les huit critères du Runnymede Trust.
57 . Projet d’accord de majorité – 2014-2019 – be gov be.brussels – s.d. – p. 72.
58 . « Eric Raoult réclame une mission d’information sur l’islamophobie », Le Point, 11 mai 2010.
59 . Jorgen S. Nielsen, I Musulmani nelle società europea , Ed. Fondazione Agnelli, p. 80.
60 . I.S.I.C. Bulletin, op. cit .
61 . Tout cela est possible depuis l’Alternative Dispute Resolution (ADR) rendue en 1982 dans le cadre de réformes du système judiciaire britannique en matière de commerce, de questions matrimoniales, de violences conjugales ou de différends de voisinage.
63 . Idem.
64 . Entretien à Valeurs actuelles , 6 mai 1997.
65 . « Una spiaggia riservata alle donne cosi le islamiche possono nuotare », Il Giornale , 29 août 2006.
66 . . http://www.segnideitempi.org/la-strategia-di-conquista-delle-organizzazioni-islamiche-in-europa-iiiii-continua/cultura-e-societa/la-strategia-di-conquista-delle-organizzazioni-islamiche-in-europa-iiiii-continua/ .
67 . https://www.amazon.fr/Licite-lIllicite-Islam-4%C3%A8me-%C3%A9dition/dp/2904691820 ; https://livre.fnac.com/a1819120/Youssouf-Al-Qaradawi-Le-prophete-et-le-savoir
69 . Citato in Rosa Maria Rodriguez Magda , La España convertitda al islam , 2006, p. 89.
70 . Hadith fondé sur la Sourate du Coran, V ; 35.
71 . Converti d’origine marxiste et élève du négationniste français Roger Garaudy , lui-même à la tête d’une association de convertis à l’islam basée en Andalousie depuis 30 ans. Roger Garaudy a ainsi créé dans les années 1990 une Fondation « Pour le dialogue des cultures » à Cordoue, puis y a inauguré une bibliothèque qui offre les trésors du soufisme, où s’est tenu un colloque international sur Ibn Arabi, et où se multiplient conférences et expositions.
72 . RESPECT est l’anagramme de « Respect, égalité, socialisme, paix, environnement, communauté, Trade-unions ».
73 . Parmi les candidats victorieux de Respect et du SWP aux élections locales londoniennes de 2005 figuraient le député ex-travailliste George Galloway , expulsé du Labour Party pour ses positions pro-islamistes ; Salma Yaqoob (Birmingham Sparkbrook), militante pro-voile de Stop the War Coalition, au FSE ; Abul Khaliq Mian (East Ham) ; Lindsey German (West Ham) ; Oliur Rahman (Poplar et Canning Town).
77 . La charte du Hezbollah prévoit expressément l’extermination du peuple israélien, la destruction d’Israël. Dans la même logique. Thielemans donna son autorisation à une autre manifestation organisée à Bruxelles, le 9 septembre 2007, par « United for Truth » (UFT = « Unis pour la vérité »), un groupe qui affirme que les attentats du 11 septembre furent « organisés par le gouvernement américain ».
79 . Christophe Bourseiller, op. cit.
80 . « La création du parti musulman agite la classe politique », Le Figaro , 12 février 2015.
81 . « Le parti « Islam » espère que la Belgique deviendra un jour un état islamique », 29 octobre 2012, émission TV, entretien TV, https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-parti-islam-espere-que-la-belgique-devienne-un-jour-un-etat-islamique?id=7865358 .
83 . Le Figaro , 22 avril 2002.
84 . Ce qui lui valut les remerciements de Serge Thion, qui s’en explique dans Et Tajdid , journal islamiste marocain. Voir Didier Daenincks, « La vieille Taupe creuse son trou chez les islamistes radicaux », Enquêtes interdites, Amnistia.net , no 27.
85 . In Dernières nouvelles d’Alsace , 21 février 2003.Au sein de la délégation rendue en Irak : Hervé Van Laethem, un des dirigeants du mouvement d’extrême droite belge « Nation » et ex-dirigeant de l’Assaut, groupuscule nostalgique de l’Allemagne nazie !, Alexandre Vick, « Les liens de l’extrême droite belge avec l’islamisme radical, RésistanceS , 6 mars 2003.
86 . Fondé à Strasbourg par des Français d’origine turque, parmi lesquels Hikmet Hüseyinbas et Kadir Güzle, le PEJ a obtenu entre 1,38 % (Montbéliard) et 6,11 % des voix (Belfort). Pour ces élections législatives, le PEJ a présenté des candidats dans vingt-huit départements différents, surtout l’est de la France, où se concentrent entre 220 000 et 700 000 personnes. le parti, qui revendique « plus de 3 000 adhérents ».
87 . https://www.lexpress.fr/actualite/politique/egalite-et-justice-le-parti-communautariste-islamo-turc-qui-se-lance-aux-departementales_1658413.html .
88 . Cf. Alexandre Mendel, Partition : Chronique de la sécession islamiste en France, L’artilleur, 2017.
89 . « 24 avril 2017 Sakir Colak PEJ », interview diffusée sur le compte Facebook du Parti Egalité Justice (PEJ), diffusée le 24 avril 2017.
90 . Le Cojep était enfin propriétaire du site internet du PEJ et responsable de sa publication jusqu’au 1er juin, avant que les mentions légales du site ne soient modifiées pour retirer le nom du Cojep.
91 . Site du PCF, « Législatives : Halte à l’ingérence de la Turquie », http://www.pcf.fr/99467 .
93 . Ariane Bonzon « Municipales : les Franco-Turcs de Strasbourg font-ils de l’entrisme électoral ? », 23 mars 2014.
94 . « Strasbourg : Près de 700 personnes favorables au gouvernement turc défilent dans la ville » http://www.20minutes.fr/strasbourg/1800807-20160306-strasbourg-pres-700-personnes-favorables-gouvernement-turc-defilent-ville .
95 . In tweet repéré par Rue89. En réalité, les requêtes des islamistes turcs de Turquie ou des diasporas d’Europe qui revendiquent l’application de la charià ou du droit musulman en matière de statut personnel s’opposent non seulement aux ordres juridiques en vigueur dans l’Union européenne mais ont été clairement jugées illégales par des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Cette dernière a même condamné, en 2014, la persécution en Turquie des citoyens de confession Alévie, cf. CEDH 16 septembre 2014, Mansur Yalçın et autres c. Turquie ; CEDH 2 décembre 2014, Cumhuriyetçi Eğitim Ve Kültür Merkezi Vakfı c. Turquie et le dernier en date du 26 avril 2016 Izzettin Dogan et Autres c. Turquie.
96 . https://www.francetvinfo.fr/elections/departementales/peut-on-comparer-l-union-des-democrates-musulmans-francais-avec-la-fraternite-musulmane-imaginee-par-houellebecq_822853.html .
97 . En fait, Ogras a été placé à la tête du CCMTF par d’Ankara dans le cadre d’une stratégie offensive d’entrisme visant à écarter son prédécesseur, Haidar Demirhurek, jugé hostile à Erdogan. Depuis, il s’est imposé et est devenu le relais d’influence communautaire de la DITIB, la structure pilotée par le gouvernement turc chargée de gérer les communautés musulmanes turques en Europe.
98 . « Ahmet-Ogras, un militant franco-turc à la tête du CFCM, La Croix, 28 juin 2017.
99 . Jamel El Hamri, in http://www.alterinfo.net/Vers-la-constitution-d-un-lobby-musulman-en-France_a74196.html#PMAcEVwOFk5c3KJq.99 .
100 . Cf. Institut Montaigne, http://www.institutmontaigne.org/publications/un-islam-francais-est-possible .
101 . http://www.lejdd.fr/Societe/Religion/Hakim-El-Karoui-L-islam-est-le-support-de-la-revolte-de-certains-musulmans-810232 .
102 . Hamza Piccardo , cité in « Le richieste dei Musulmani, La nostra legge è il Corano », La Gente, 6 janvier 2001.
103 . Cité par Philippe Aziz, Le Paradoxe de Roubaix, Plon, 1996, p. 91.
104 . « Un partito islamico ? Abbiamo avuto la Dc per 50 anni, ma non è il nostro obiettivo », 20 giugno 2017.
105 . Entretien avec le journal online Today.it. Voir aussi Gianni Carotenuto, « Il Partito anti islam di Meluzzi e il Partito musulmano : due programmi a confronto », Il Giornale , 4 juillet 2017.
106 . « Partiti islamici alla conquista dell’Europa, con la benedizione UE », Vox, 1er octobre 2017, https://voxnews.info/2017/10/01/partiti-islamici-alla-conquista-delleuropa-con-la-benedizione-ue/#respond .
108 . https://www.express.co.uk/news/world/779891/dutch-election-turkish-dutch-party-denk-win-first-seats-netherlands-parliament .
109 . « Erdogan créée un réseau de partis politique à sa main en Europe », Gatestone Institute , 15 juin 2017, https://fr.gatestoneinstitute.org/10532/erdogan-politique-france .
111 . https://leblogalupus.com/2017/06/16/islamisation-erdogan-construit-un-reseau-de-partis-politiques-a-sa-main-en-europe/
112 . https://www.elconfidencial.com/espana/2015-03-15/el-primer-partido-musulman-de-espana-vuelve-a-la-carga-en-las-municipales_727843/ .
114 . Entretien avec Michèle Tribalat , 15 juin 2001.
115 . Kamel Daoud : « Cologne, lieu de fantasmes », Le Monde , 31 janvier 2016.
116 . Kamel Daoud , idem .
117 . « Les fantasmes de Kamel Daoud », Le Monde, 5 janvier 2016.
118 . Stefan Aust, Claus Christian Malzahn, « Sicherheitsexperten entsetzt über deutsche Politik », Die Welt, 25 octobre 2015. https://www.welt.de/politik/deutschland/article148000968/Sicherheitsexperten-entsetzt-ueber-deutsche-Politik.html .
119 . https://www.uni-muenster.de/imperia/md/content/religion_und_politik/aktuelles/2016/06_2016/studie_integration_und_religion_aus_sicht_t__rkeist__mmiger.pdf .
120 . Idem.
121 . Cf. Étude de l’Institut Montaigne sur les musulmans français, septembre 2016 publiée par l’Institut Montaigne et intitulée « Un islam français est possible », http://www.institutmontaigne.org/publications/un-islam-francais-est-possible .
122 . Les statistiques qui montrent que le nombre de salafistes ces dernières années est progressivement passé en Allemagne, de 3 800 en 2011 à 9 700 en 2016.
123 . Alexandre del Valle, « Extension du domaine de la peur : deux ans après les agressions sexuelles du nouvel an 2016 à Cologne, quel bilan ? », Atlantico.co/géopolitico-scanner, http://www.atlantico.fr/decryptage/extension-domaine-peur-deux-ans-apres-agressions-sexuelles-nouvel-2016-cologne-quel-bilan-3266232.html .