Sainte-Beuve le lui avait conseillé ; il s’y est mis : son prochain livre serait un « roman moderne », quoi que lui coûte la trivialité de son époque. Sa première idée, il la cherche dans la passion de son adolescence. Parler du « grand amour » de Flaubert pour Élisa Schlésinger comme d’une passion bravant les années est à la fois vrai et faux. Faux, car si l’adolescent Flaubert a pu être un moment submergé par cet amour impossible, la vie s’est chargée d’en casser les fibres. De son propre aveu, c’était fini à vingt ans(297). Vrai pourtant, si l’on veut bien admettre la rémanence des amours mortes qui habitent la mémoire. On n’aime plus, mais on n’a pas cessé de garder en soi-même le ressort d’une émotion toujours prête à réactiver le vieil enchantement. Chez Flaubert, les contingences de la vie ne sont pas seules en cause : il a cultivé le souvenir de ce premier amour, l’a embelli, pour en faire la scène primitive de son éducation sentimentale. À Louise Colet, à ses amis, il écrit : « On dit que c’est le premier amour le plus fort. Je me rappelle celui-là, quoi que ce soit de l’histoire bien ancienne, et que c’est si vieux qu’il me semble que ce n’est pas moi qu’il l’ait eu(298). »
Lorsqu’il apprend que « Madame Maurice » pourrait bien être à Mantes alors que son ami Bouilhet y a fait retraite, il s’enquiert auprès de lui s’il confirme sa présence, s’il l’a vue. Il n’y aura pas de suite à sa demande car Louis Bouilhet n’a pas rencontré Mme Schlésinger. Cette curiosité a éveillé l’attention de biographes désireux de broder sur une éventuelle entrevue entre Flaubert et Élisa à ce moment-là, des retrouvailles qui auraient inspiré l’avant-dernier chapitre de L’Éducation sentimentale, la grande scène pathétique entre Frédéric et Mme Arnoux : ils s’étaient aimés, ils n’avaient pu se donner l’un à l’autre, il était trop tard. Cette rencontre n’a eu lieu ni à Mantes ni ailleurs, puisque, pendant toute la période d’élaboration du roman, Flaubert n’a pas revu Mme Schlésinger(299).
Le « roman moderne » auquel Flaubert s’applique après Salammbô a donc pour point de départ l’amour impossible qu’il a conçu pour Élisa Foucault, épouse Schlésinger, sur la plage de Trouville, et dont l’image fluctuante, embellie par la séparation, ne s’est jamais effacée. Cependant, l’auteur de Madame Bovary n’est plus depuis longtemps le jeune romancier des Mémoires d’un fou, qui exaltaient son amour juvénile à travers la figure de Maria. Il a forgé une théorie de l’impersonnalité, dont Salammbô a été la plus claire illustration : « Rien de ce qui est de ma personne ne me tente(300) », déclarait-il à Louise Colet. Comment va-t-il pouvoir allier un projet autobiographique, qu’il exècre, avec les préceptes du regard froid qu’il s’est imposés ? Une des solutions sera pour lui l’emploi de l’ironie, qui permet la distanciation vis-à-vis de soi-même.
En 1863, alors qu’il s’occupe du Château des cœurs, Flaubert hésite encore sur le sujet de son prochain roman. Il fait des plans sur deux scénarios possibles, celui des Deux Commis ou des Deux Cloportes — futurs Bouvard et Pécuchet — et celui de L’Éducation sentimentale, titre qu’il reprend de son roman inédit de 1845. En mars 1863, d’après une lettre de Louis Bouilhet, la balance penche plutôt en faveur de l’Éducation : « Comme tu le dis une histoire sentimentale serait quelque chose de plus neuf et de plus heureux, de ta part, car on s’y attendrait moins […]. » En avril, il peut annoncer à Jules Duplan que son scénario de l’Éducation « commence à prendre forme », ajoutant : « Mais le dessin général est mauvais ! Ça ne fait pas la pyramide ! Je doute que j’arrive jamais à m’enthousiasmer pour cette idée. Je ne suis pas gai. » En octobre 1864, il annonce à Mlle Leroyer de Chantepie qu’il est lancé : « Me voilà maintenant depuis un mois à un roman qui se passera à Paris. Je veux faire l’histoire morale des hommes de ma génération ; “sentimentale” serait plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion ; mais de passion telle qu’elle peut exister maintenant, c’est-à-dire inactive. Le sujet, tel que je l’ai conçu est, je crois, profondément vrai, mais à cause de cela même, peu amusant probablement. »
Jusqu’en mai 1869, date à laquelle il finira la rédaction de son ouvrage, Flaubert se livre à un travail opiniâtre. L’action principale s’étendant de 1840 à la fin de 1851, et le roman d’amour étant étroitement encadré dans un roman d’histoire, il multiplie les lectures des historiens, des journaux de l’époque, des mémoires et, comme à son habitude, sollicite le réseau de ses amis et de ses connaissances, pour obtenir une référence, le détail précis, le petit fait vrai et souvent pour n’en tirer que quelques lignes : plus que jamais, il veut être « vrai ». Tour à tour, il s’adresse à Charles Edmond, à Charles de La Rounat, à Ernest Feydeau, à Maurice Schlésinger, à Jules Duplan, à George Sand, aux Goncourt… Il se documente sur le socialisme, lit Fourier, Proudhon, Louis Blanc, toute l’abondante littérature révolutionnaire des années 1830 et 1840. Il entre en relations avec Barbès, par l’intermédiaire de George Sand, pour s’enquérir sur ses conditions d’emprisonnement après son arrestation en 1839. Il se transporte à Sens, où son héros Frédéric a passé ses années de collège ; à Creil et Montataire, où il situe la fabrique de faïence de M. Arnoux ; à l’hôpital Sainte-Eugénie pour observer des enfants malades du croup, comme le fils de Marie Arnoux (« C’est abominable et j’en sors navré. Mais l’art avant tout ! ») ; il se rend au Jockey Club enquêter sur les courses à Paris ; il passe deux jours dans la forêt de Fontainebleau, pour repérer les lieux où Frédéric et Rosanette fileront quelques jours de parfait amour sylvestre. Il pousse le scrupule jusqu’à demander à son ami Jules Duplan quelle pouvait être la carte du très snob Café Anglais du boulevard des Italiens en 1847. Comme il l’écrit à Tourgueniev, il est venu à Paris « à la recherche des plus sots renseignements qu’on puisse imaginer : enterrements, cimetières et pompes funèbres d’une part, saisie mobilière et procédure de l’autre, etc., etc. », ajoutant : « Bref, je suis brisé de fatigue et d’ennui. Mon interminable roman m’écœure et m’assomme. » Cette quête de la précision l’amène à rectifier parfois son récit. Par exemple, lorsque Frédéric s’avise, aux nouvelles de Paris, de mettre brusquement fin à son escapade de Fontainebleau et à rentrer d’urgence, la première idée de Flaubert était de lui faire prendre le chemin de fer. Or il s’aperçoit que la ligne de Fontainebleau n’existait pas en 1848 : « Cela fait deux passages à démolir et à recommencer », écrit-il à Duplan, et de se renseigner comment on allait alors de Fontainebleau à Paris, quel tronçon du chemin de fer était déjà construit, quelles diligences on pouvait prendre, etc. Rien de ce qui est vérifiable ne doit être dispensé de vérification : le voilà historien du temps présent.
La documentation n’est pourtant pas ce qui lui prend le plus de temps. Comme pour ses précédents romans, il s’échine surtout à trouver le mot exact, l’ellipse qui donne du rythme, la couleur, la musique, la réussite longtemps introuvable d’une description. « Ah ! je les aurai connues, les Affres du Style », s’exclame-t-il dans une lettre à George Sand(301). D’où résultent ses « angoisses littéraires », que sa correspondante ne comprend pas bien, elle qui écrit si aisément. Aussi travaille-t-il la nuit et le jour. Quand George Sand le convie à Nohant pour le baptême (protestant) de ses petites-filles, malgré tout le plaisir que ce serait pour lui, il décline l’invitation : « Je me connais : si j’allais chez vous à Nohant, j’en aurais ensuite pour un mois de rêverie sur mon voyage. » Son amie est peinée : « Si c’était pour t’amuser mieux ailleurs, tu serais pardonné d’avance, mais c’est pour t’enfermer, pour te brûler le sang et encore pour un travail que tu maudis[…](302). » Le livre avance, stagne, repart, jusqu’au moment où Sisyphe pourra poser sa plume d’oie au sommet de ses cinq cents pages.
Quand Flaubert déclare à Mlle Leroyer qu’il va écrire l’histoire de sa génération, envisage-t-il un roman autobiographique ? Oui et non. Nous connaissons le carnet de travail où Flaubert, en 1863, a rédigé son premier scénario(303). Au folio 35 du carnet 19, nous lisons :
Me Moreau (roman)
Le mari, la femme, l’amant tous s’aimant, tous lâches.
— traversée sur le bateau de Montereau, un collégien.
— Me Sch. — Mr Sch. Moi.
— développt de l’adolescence — droit — obsession femme vertueuse et raisonnable escortée d’enfants.
— Le mari, bon, initiant aux Lorettes… — soirée bal paré chez la Présid. Coup. Paris… théâtre, champs élysées…
adultère mêlé de remords et de terreurs. Débine du mari et développem philosophiq de l’amant. fin en queue de rat. tous savent leur position réciproque et n’osent se la dire. — le sentiment finit de soi-même — on se sépare. Fin : on se revoit de temps à autre — puis on meurt.
Flaubert ne suivra pas exactement ce schéma. L’héroïne s’appellera non pas Mme Moreau mais Mme Arnoux ; Mme Moreau sera la mère de Frédéric. Mais retenons le principal : le point de départ de L’Éducation sentimentale est dans la réalité le trio Mme Schlésinger, son mari et Flaubert. Ce « moi » en dit long sur la dimension autobiographique de l’ouvrage. De fait, Frédéric, au début du roman, a l’âge de Gustave lorsque celui-ci part pour Paris faire des études de droit qui l’ennuieront ; il tombe amoureux comme lui d’une femme mariée, dont le physique a des traits communs avec l’héroïne du roman : bandeaux noirs, yeux de charbon, peau mate… Et la scène augurale de leur rencontre sur le bateau de Montereau, où l’on voit Frédéric rattraper le châle de l’inconnue, est une transposition de la scène de Trouville où Gustave avait, sur l’estran, éloigné de la marée montante le paletot de Mme Schlésinger. La vie parisienne de Frédéric ressemble à celle de Flaubert : la fréquentation des lorettes, les réceptions mondaines, les bals masqués. Il s’en faut pourtant que Flaubert se soit peint sous les traits de Frédéric. Dans ses carnets, il le juge assez durement : « Un défaut radical d’imagination, un goût excessif — trop de sensualité — pas de suite dans les idées — trop de rêveries l’ont empêché d’être un artiste. » Un dernier trait rédhibitoire dans son esprit. Dans le roman lui-même il est « homme de toutes les faiblesses » et si, comme Flaubert, Frédéric s’essaie à écrire un roman ou à vouloir se consacrer à la peinture ou à la musique, il n’est qu’un velléitaire. Entre l’auteur et son personnage, il existe bien des correspondances de situation mais non des homologies de caractère.
L’amour impossible
L’amour de Frédéric Moreau pour Mme Arnoux est l’axe de l’intrigue. Le « Ce fut comme une apparition » n’est qu’une promesse. Commencent alors les approches trop timides, trop encombrées d’obstacles, auprès d’une femme, malheureuse en ménage, certes, mais d’une vertu apparemment inébranlable. Lorsque Marie découvre qu’elle aime Frédéric, elle résistera à toutes ses avances, et, quand elle sera sur le point de céder, la brusque maladie de son fils, atteint du croup, lui interdira de se rendre au rendez-vous qu’elle avait accepté. Plus tard, il y aura encore un moment où tout semble basculer et permettre à Frédéric de devenir enfin l’amant de Mme Arnoux, mais surgira inopinément entre eux Rosanette, la maîtresse de Frédéric, pour les séparer. Car Flaubert a changé d’avis depuis son premier scénario : « Il serait plus fort, lit-on dans son carnet 19, de ne pas faire baiser M. Moreau qui chaste d’action se rongerait d’amour. — Elle aurait eu son moment de faiblesse que l’amant n’aurait pas vu, dont il n’aurait pas profité. » À vrai dire, dans le roman, s’il ne peut « en profiter », c’est que, telle une sanction du destin, il en est empêché par le surgissement d’une circonstance fortuite : la maladie d’un enfant. Et quand Mme Arnoux, des années plus tard, rend visite à Frédéric, c’est cette fois un interdit psychologique et moral qui rendra définitif l’impossible amour :
Frédéric soupçonna Mme Arnoux d’être venue pour s’offrir ; et il était repris par une convoitise plus forte que jamais, furieuse, enragée. Cependant, il sentait quelque chose d’inexprimable, une répulsion, et comme l’effroi d’un inceste. Une autre crainte l’arrêta, celle d’en avoir dégoût plus tard. D’ailleurs quel embarras ce serait ! — et tout à la fois par prudence et pour ne pas dégrader son idéal, il tourna sur ses talons et se mit à faire une cigarette.
L’amour inaccessible est un des grands thèmes du romantisme. Flaubert, du reste, craint quelquefois qu’on prête trop de similitudes entre son roman et Le Lys dans la vallée de Balzac. Mme de Mortsauf vit un même amour partagé et impossible avec Félix de Vandenesse. L’une comme l’autre sont bonnes chrétiennes, un peu superstitieuses aussi, et voient dans la maladie de leurs enfants « un avertissement de la Providence ». Cela dit, la manière qu’a Flaubert de peindre le grand amour de Frédéric, l’ironie dont il se sert, éloigne l’Éducation du mysticisme sentimental du Lys dans la vallée. Flaubert, on le sait, a été dans sa jeunesse une âme romantique, mais, si son roman se coule dans le lit du romantisme, c’est pour en montrer l’illusion.
André Vial a attiré l’attention sur une autre similitude, cette fois entre l’Éducation et Volupté de Sainte-Beuve(304). On voyait aussi dans ce dernier roman un jeune homme velléitaire, Amaury, dont la vie sentimentale s’étirait entre quatre femmes, dont l’une, Mme de Couaën, est comme Mme Arnoux la femme idéale pour laquelle on se consume en rêves. Amaury, il est vrai, finira par trouver la paix sur la voie de Dieu, là où Frédéric ne sera jamais sauvé de sa morne existence.
De tous les personnages de L’Éducation sentimentale, Mme Arnoux est sans doute celui qui a le moins de consistance. Elle parle très peu, surtout en style indirect. Ses apparitions sont rares beaucoup plus que celles de son mari qui, lui, est presque omniprésent. Frédéric, du reste, se raccroche à lui, pour se sentir plus près de sa femme ; il est son ami, son bienfaiteur, son intercesseur. Faire parler l’icône eût été l’abaisser au vulgaire ; elle n’a pas de grandes idées sur l’art ou sur la politique, et sa conversation, rare, très vite échoue sur l’« éternel sujet de plainte : Arnoux ». Raffinée comme une essence, elle est élevée par Frédéric, « par la force de ses rêves […] en dehors des conditions humaines ». N’était-ce pas la place d’Élisa dans la mémoire de Gustave ?
L’amour vénal
On peut lire dans le premier scénario de L’Éducation sentimentale, à propos de Frédéric : « N’osant déclarer son amour, il se rejette sur les Lorettes. » Dans le roman, il s’agit de Rosanette — surnommée la Maréchale, tout comme Aglaé Sabatier avait pour surnom la Présidente. D’autres femmes légères ont fourni à Flaubert des traits de caractère, telles Suzanne Lagier, l’actrice, Ludovica, la femme de Pradier, sans doute Eulalie Foucaud. La lorette est un type social bien caractérisé, Baudelaire nous l’a définie : « Gavarni a créé la Lorette. Elle existait bien un peu avant lui, mais il l’a complétée. Je crois même que c’est lui qui a inventé le mot. La Lorette, on l’a déjà dit, n’est pas la fille entretenue, cette chose de l’Empire, condamnée à vivre en tête à tête funèbre avec le cadavre métallique dont elle vivait, général ou banquier. La Lorette est une personne libre. Elle va et elle vient. Elle tient maison ouverte. Elle n’a pas de maître ; elle fréquente les artistes et les journalistes. Elle fait ce qu’elle peut pour avoir de l’esprit. J’ai dit que Gavarni l’avait complétée ; et, en effet, entraîné par son imagination littéraire, il invente au moins autant qu’il voit et, pour cette raison, il a beaucoup agi sur les mœurs(305). » Alors que la grisette travaille, modiste ou couturière, la lorette, elle, vit uniquement de ses charmes, mais, quand elle atteint à un certain niveau de réputation, elle peut se permettre de choisir ses amants, éconduire ceux dont elle se lasse, mener plusieurs commerces galants simultanément. Telle est Rosanette qui, lorsque Frédéric fait sa connaissance, est entretenue par le vieux Oudry, puis par un comte russe, est la maîtresse d’Arnoux et ne se refuse aucun caprice. Gavarni a peint ses mœurs dans Le Charivari. Dans un de ses dessins de 1841, on voit une lorette aux mains de sa coiffeuse, et sa bonne qui lui annonce : « C’est le petit frisé, je lui ai dit : “Madame n’y est pas”… Il attend. » À quoi la lorette, qui ne veut pas voir le petit frisé ce jour-là, répond : « Dis-lui que Monsieur y est. » L’origine du mot renvoie au quartier de Notre-Dame-de-Lorette, où nombre de ces demoiselles avaient leur appartement. Le rêve, rarement réalisé, est de se faire épouser par l’un des généreux bienfaiteurs ; c’est ce qu’obtiendra finalement Rose-Annette Bon, dite Rosanette.
Fille de canuts de la Croix-Rousse (avec une mère ivrogne), elle est quasiment vendue par ses parents à un vieux roquentin. Elle fait une assez jolie carrière, grâce à sa beauté, vit dans le luxe, sort beaucoup, a de la repartie, est amusante, gaie en général, primesautière, parfois sotte et un peu vulgaire, ignare mais désireuse d’apprendre. Elle est l’incarnation d’un amour sensuel, physique, à l’antipode de l’amour éthéré qu’inspire Mme Arnoux. Frédéric, morfondu par la position inexpugnable de Marie, jette son dévolu sur la jolie fille, entrant ainsi en compétition avec son ami Arnoux. Rosanette fait la coquette avec lui, lui résiste, le fait marcher, et tombe finalement dans ses bras comme dans ceux d’un brave repreneur qui, depuis son héritage, mène la grande vie. Elle s’attache à lui, devient encombrante, jusqu’au jour où elle est enceinte et le lui annonce à l’heure même où il avait décidé de la quitter. Comme il n’est pas un mufle, il reste avec elle jusqu’à la naissance de l’enfant. Ici se produit une étonnante faille chronologique qui a échappé à Flaubert. Rosanette, en effet, lui déclare qu’elle est enceinte en 1848 et elle n’accouchera qu’en… 1851. Une de ces bourdes assez rares chez lui, si méticuleux, mais que n’a pas pointée son correcteur, pourtant pointilleux, Maxime Du Camp.
L’intrigue amoureuse de Frédéric avec Rosanette entraîne le lecteur dans le monde des plaisirs, que Flaubert connaît bien. Les années 1840 sont la belle époque des bals costumés, qui attirent les foules, et où se retrouvent les filles, les rapins, les cabotins, les actrices, les « lionnes », les « vésuviennes », les grisettes, les lorettes, les chasseurs de bonne aventure. Le jeune provincial arrivé de Nogent-sur-Seine est ébloui par ce rutilement de couleurs, cette profusion de rires, cette musique trépidante. « C’était, nous dit un observateur, un pêle-mêle de fous, une sarabande de gens ivres, sautant, se démenant, criant, hurlant, au bruit d’une musique de cuivre stridente et tapageuse(306). »
Dans ce bal travesti de chez Rosanette, où Frédéric débarque, il rencontre un artiste peintre, un veuf qui laisse ses trois garçons « sans culottes » et « passe sa vie au club », une ancienne actrice, maîtresse d’un comte, un capitaine retraité, qui « sert d’oncle aux grisettes dans les solennités », « arrange les duels et dîne en ville », un médecin qui écrit des livres pornographiques, un poète, un fils de banquier, un vieux beau, un chanteur de bastringue devenu acteur, un plumitif sans emploi fixe, et, côté femmes, des entretenues, des émancipées, des bourgeoises même accompagnant leur mari. Un orchestre fait danser cette société dans un vacarme ahurissant, tout le monde parle à la fois. Mais les rires sont parfois factices, et Frédéric ressent de l’angoisse au cœur de ces fêtes galantes : « Alors, il frissonna, pris d’une tristesse glaciale, comme s’il avait aperçu des mondes entiers de misère et de désespoir. »
Les bals publics sont aussi très nombreux. Flaubert nous emmène à celui de l’Alhambra, institution éphémère des Champs-Élysées. C’est un bal cosmopolite où se rendent les filles en quête d’un protecteur, d’un amoureux, d’une « pièce » ou « simplement pour le plaisir de la danse ». Le Palais royal, lui, reste célèbre par ses restaurants : pour régaler ses amis, il faut les emmener aux Trois Frères Provençaux ou chez Véfour. Plus loin, les boulevards sont un autre pôle d’attraction : il est surtout fait écho dans l’Éducation de leurs théâtres (les Italiens, les Délassements, les Funambules, le Cirque national…) et de ses restaurants célèbres, dont le Café Anglais — où Delphine Nucingen soupait en compagnie de Rastignac —, où Frédéric emmènera Rosanette, qu’il se fera souffler par le vicomte de Cisy. Dans ces lieux de plaisir, il faut aussi mentionner l’hippodrome du Champ-de-Mars où, de concert, dandies, courtisanes, badauds, banquiers, commerçants, industriels se retrouvent aux côtés des graves messieurs du Jockey Club.
En Rosanette, Flaubert s’est ingénié à dégonfler un mythe romantique et balzacien, celui de la courtisane au grand cœur qui « conseille les diplomates » et est finalement rachetée par l’amour(307). On se souvient que dans Novembre apparaît justement une prostituée « au grand cœur », qui rachète sa chute par l’amour qu’elle voue au jeune héros. C’est fini : la courtisane a perdu sa splendeur. Il en avait parlé déjà à Louise Colet : « Je ne fais qu’un reproche à la prostitution, c’est que c’est un mythe(308). »
Rosanette aime Frédéric mais par-dessus tout elle veut devenir « une femme du monde » ; elle finit par avoir ses soirées, et rêve mariage. C’est alors que Frédéric se lasse : « Ses paroles, sa voix, son sourire, tout vint à lui déplaire, ses regards surtout, cet œil de femme éternellement limpide et inepte. » De surcroît, elle commet le crime de dénigrer Mme Arnoux, qu’elle croit être la maîtresse de Frédéric :
— Et tout cela pour Mme Arnoux !… s’écria Rosanette en pleurant.
Il reprit froidement :
— Je n’ai jamais aimé qu’elle !
À cette insulte, ses larmes s’arrêtèrent.
— Ça prouve ton bon goût ! Une personne d’un âge mûr, le teint couleur de réglisse, la taille épaisse, des yeux grands comme des soupiraux de cave, et vides comme eux ! Puisque ça te plaît, va la rejoindre !
Le congédiement, c’est finalement lui qui le prononcera. Cela nous fait penser à la fin de la liaison de Flaubert avec Louise Colet. Si L’Éducation sentimentale est un roman à clés, on notera la grande absence de Louise Colet, la femme écrivain, l’intellectuelle. S’il faut tout de même la retrouver quelque part dans le roman, c’est dans Rosanette, de loin la plus « sexy » des quatre femmes de Frédéric.
L’amour mondain
La troisième figure de femme qui compose l’univers sentimental de Frédéric Moreau est Mme Dambreuse. Cette fois, ni l’amour ni le désir ne motivent le jeune homme dans sa volonté de conquête. Nous sommes là dans le schéma balzacien : parvenir par les femmes. Épouse d’un grand brasseur d’affaires, elle est la proie idéale aux yeux de Deslauriers qui conseille son ami Frédéric : « Rien n’est utile comme de fréquenter une maison riche ! Puisque tu as un habit noir et des gants blancs, profites-en ! Il faut que tu ailles dans ce monde-là ! Tu m’y mèneras plus tard. Un homme à millions, pense donc ! Arrange-toi pour lui plaire, et à sa femme aussi. Deviens son amant ! »
Le conseil n’est pas suivi très vite par Frédéric, Rastignac en mie de pain, très éloigné du volontarisme de son ami et conseiller. C’est seulement après avoir hérité de son oncle que Frédéric, de retour à Paris, riche rentier, en attendant peut-être une place d’auditeur au Conseil d’État, pénètre dans « cette chose vague, miroitante et indéfinissable, qu’on appelle le monde ». Il rencontre alors Mme Dambreuse, qu’il n’avait aperçue que de loin lors de son premier séjour dans la capitale. Assise auprès du feu, entourée d’une douzaine de personnes, elle écoute avec grâce des inepties : « La misère des propos se trouvait comme renforcée par le luxe des choses ambiantes. » Frédéric n’est pas vraiment séduit par cette femme, encore jeune, très élégante, mais « d’une fraîcheur sans éclat, comme celle d’un fruit conservé ». Elle a cependant des cheveux « tirebouchonnés à l’anglaise […] plus fins que de la soie, [d]es yeux d’un azur brillant [et des] gestes délicats ».
Née Boutron, fille de préfet, de « fortune médiocre », elle avait été épousée par Dambreuse pour ses qualités décoratives. Des érudits flaubertistes nous ont appris que Flaubert, la mettant en scène, avait un modèle, celui de Mme Gabriel Delessert, qui avait été la maîtresse de Mérimée avant de tomber dans les bras de Maxime Du Camp, lequel allait lui présenter Flaubert. Celui-ci, dans sa correspondance, se moque de Du Camp « qui est enchanté d’être reçu chez Mme Delessert ». Gustave et Maxime avaient fait la connaissance du fils, Édouard Delessert, lors de leur voyage en Orient.
Comme son modèle, Mme Dambreuse est de vingt ans plus jeune que son époux, que, sous le masque d’une honnêteté affichée, elle trompe sans vergogne. Coquette avec distinction, elle sait attirer l’attention des jeunes gens sans heurter les bonnes manières. Habile maîtresse de maison, « il fallait la voir au milieu de vingt personnes qui causaient, n’en oubliant aucune, amenant les réponses qu’elle voulait, évitant les périlleuses ». À vrai dire, elle s’ennuie : les intrigues amoureuses lui permettent de jouer un rôle, de mettre un peu de piment dans une vie mondaine aussi barbifiante qu’élégante. Quand Frédéric fait sa connaissance, elle a pour amant un de ses camarades, Martinon, qui s’est introduit chez les Dambreuse grâce à son père, en relation d’affaires avec le financier. Pour ce Martinon, qui voit loin, Mme Dambreuse n’est qu’une introduction à la fortune : il ambitionne de se marier avec Cécile, la fille naturelle de Dambreuse, qui la fait passer pour sa nièce. En réussissant ce tour de force, il laissera la place libre à Frédéric.
Le portrait moral de la dame exécuté par Flaubert est impitoyable. Elle porte un masque : vertu, religion, amour conjugal, sous lequel elle dissimule son vrai visage : sécheresse, égoïsme, hypocrisie, âpreté. « Son spiritualisme, écrit Flaubert, ne l’empêchait pas de tenir sa caisse admirablement. » Et aussi : « Elle était hautaine avec ses gens ; ses yeux restaient secs devant les haillons des pauvres. » Et encore : « Elle aurait écouté derrière les portes, elle devait mentir à son confesseur. » À sa décharge, elle n’est pas une femme heureuse. Pour les jeunes gens qui frétillent autour de son canapé, elle ne sert que de marchepied à leur ambition sociale et politique. On aime en elle l’épouse de M. Dambreuse, baron de la nouvelle féodalité industrielle et financière. Elle dirige avec autorité les réceptions somptueuses qu’exige le prestige du banquier, mais, au fond, elle fait partie de l’hôtel Dambreuse au même titre que les autres meubles cossus et clinquants.
Dans l’impossibilité confirmée d’atteindre Mme Arnoux et dans l’irritation que provoque chez lui Rosanette, décidément trop fruste, Frédéric devient assidu dans ce salon de conservateurs, avides de revanche après la grande frayeur de 1848. Ses visites quotidiennes ne troublent nullement le mari, peu jaloux en apparence, mais, on le saura plus tard, qui réserve à sa femme une mauvaise surprise posthume. Frédéric fait une cour effrénée à la maîtresse de maison : « Il n’éprouvait pas à ses côtés ce ravissement de tout son être qui l’emportait vers Mme Arnoux, ni le désordre gai où l’avait mis d’abord Rosanette. Mais il la convoitait comme une chose anormale et difficile, parce qu’elle était noble, parce qu’elle était riche, parce qu’elle était dévote. » Finalement, il est surpris par la facilité de sa victoire. Ses intérêts étaient servis : elle s’engage à demander à son mari d’aider Frédéric à devenir député. Celui-ci devient un homme de confiance pour Dambreuse, et, quant à elle, elle le « traîne dans le monde ».
Tout de même, la ferveur de Frédéric n’est que feinte. « Il reconnut alors ce qu’il s’était caché, la désillusion de ses sens. Il n’en feignait pas moins de grandes ardeurs ; mais, pour les ressentir, il lui fallait évoquer l’image de Rosanette ou de Mme Arnoux. » Sur ces faits, Dambreuse meurt. Sans plus attendre sa veuve demande Frédéric en mariage — un mariage qui rapporterait des millions au jeune homme. Pas de chance : le banquier a laissé sa fortune à sa fille naturelle. Il reste tout de même à Mme Dambreuse une cassette personnelle qui n’en serait pas moins une jolie corbeille de mariage. Pourtant celui-ci n’aura pas lieu. Frédéric rompt avec Mme Dambreuse à la suite d’une indélicatesse de celle-ci : l’achat dans une vente d’un coffret qu’il reconnaît pour avoir appartenu à Mme Arnoux, et dont elle avait dû se défaire à cause de ses difficultés financières. Frédéric avait supplié sa maîtresse de s’abstenir ; elle s’était entêtée. Le sort en était jeté : il ne la reverra plus. « Il éprouva d’abord un sentiment de joie et d’indépendance reconquise. Il était fier d’avoir vengé Mme Arnoux en lui sacrifiant une fortune ; puis il fut étonné de son action, et une courbature infinie l’accabla. »
Dégonflement d’un autre mythe balzacien : le héros a conquis la grande dame, mais en vain. « L’Éducation sentimentale, écrit André Vial, est à elle seule, et intentionnellement, toute une comédie humaine. Mais elle veut être surtout un échec à La Comédie humaine, une sorte d’image en creux du monde balzacien(309). » Contrairement à Rastignac, Frédéric ne devient pas ministre. Il reste un bourgeois de petite envergure, qui pourrait même se résigner à un mariage conventionnel dans sa ville natale.
L’amour bourgeois
Toutes ces déceptions, Frédéric songe un moment à les surmonter en épousant Louise, fille unique de M. Roque, un voisin de Mme Moreau, régisseur de M. Dambreuse, et qui a du bien. Frédéric la prend pour une mouflette, mais il est touché par les effusions de la jeune fille, qui l’aime d’un amour naïf et débordant. En la retrouvant devenue une femme, lors d’un retour à Nogent-sur-Seine, il se dit en apercevant son émotion : « Tu m’aimeras, toi ! » Il fait la roue, l’éblouit en Parisien, se fait admirer. « Le lendemain, Mme Moreau s’étendit sur les qualités de Louise ; puis énuméra les bois, les fermes qu’elle posséderait. La fortune de M. Roque était considérable. » Le père Roque, de son côté, a de grandes ambitions pour sa fille, et spécule sur la carrière future de Frédéric, si bien introduit chez les Dambreuse. Mme Moreau était la fille d’un comte de Fouvens, « apparentée, d’ailleurs, aux plus vieilles familles champenoises ». Pareille honorabilité fascine Roque, fils d’un ancien domestique. Très vite, sans qu’il y eût le moindre engagement, la promesse de mariage entre Frédéric et Mlle Louise est scellée, la nouvelle se répand, et la jeune fille n’en doute plus. On se trouve ici dans tout ce que Flaubert n’a cessé d’exécrer : les mœurs bourgeoises, l’obsession de l’argent, le mariage. Rappelons-nous comment il parlait de son ami Chevalier : « Ce brave Ernest ! Le voilà donc marié, établi et toujours magistrat par-dessus le marché ! Quelle balle de bourgeois et de monsieur ! Comme il va bien plus que jamais défendre l’ordre et la propriété ! Il a du reste suivi la marche normale(310) ! »
Louise connaissait mal son Frédéric, toujours ballotté entre ses désirs, ses aspirations, ses regrets. Un soir, chez Mme Dambreuse, il tombe en présence de Mme Arnoux, invitée avec son mari, en même temps que le père Roque et sa fille Louise. Alors que le « vieil amour » se réveille, la vue de Mlle Roque le consterne : « Elle avait cru coquet de s’habiller en vert, couleur qui jurait grossièrement avec le ton de ses cheveux rouges. Sa boucle de ceinture était trop haute, sa collerette l’engonçait ; ce peu d’élégance avait contribué sans doute au froid abord de Frédéric. » Mme Dambreuse, qui n’est pas encore sa maîtresse, se moque de lui et de l’amour de cette jeune provinciale. Il s’en défend : « Est-ce croyable ! je vous le demande ! Un laideron pareil ! »
Après ses déboires et sa rupture avec Mme Dambreuse, l’idée de se marier avec Louise lui revient à l’esprit : la « marche normale », quoi ! Et puis c’est une femme qui l’aime ! Quelle bonne petite épouse elle ferait ! Trop tard, hélas ! En revenant une fois encore à Nogent, avec cette idée en tête, il passe devant l’église Saint-Laurent, les cloches sonnent pour un mariage… Eh quoi ? c’était celui — incroyable ! — de Louise en personne ! L’étonnement de Frédéric est porté à son comble, quand il découvre que l’heureux élu n’est autre que son vieux camarade Deslauriers. « Honteux, vaincu, écrasé, il retourna vers le chemin de fer, et s’en revint à Paris. »
Le roman aurait pu s’appeler, si le titre n’avait été déjà pris, Les Illusions perdues. Flaubert, pourtant, n’a pas voulu abandonner son pauvre héros au fond de sa misère morale. Le lecteur assiste, avec l’avant-dernier chapitre du livre, à une sorte d’épiphanie, la réapparition soudaine de l’icône invisible sous une forme vivante. Cela se passe en 1867, longtemps après qu’il a perdu de vue Marie Arnoux. L’émotion est immense de part et d’autre, car elle avoue avoir partagé secrètement l’amour de Frédéric. Du coup, « ses souffrances d’autrefois étaient payées ». Il gardera précieusement la boucle de cheveux blancs qu’elle coupe pour lui. Ils ne s’appartiendront jamais ; il la regarde partir, mélancolique. Il a raté cet amour-là comme il a raté sa vie. Du moins cette rencontre ultime lui aura révélé que lui et elle s’étaient aimés d’un amour vrai, profond, quoique impossible.
La « pyramide », comme Flaubert appelait la bonne construction d’un roman, était réalisée. Mais il s’agit d’une pyramide à deux pointes. Le chapitre épilogue en constituera la seconde, dérisoire celle-là, où l’on voit Frédéric, rescapé des orages, se remémorer avec Deslauriers — lequel a perdu Louise, partie avec un chanteur ! — leurs souvenirs d’adolescence, dont le meilleur scandalisera la critique : une visite de tous deux dans un bordel près de chez eux, et dont ils s’étaient enfuis, parce que Frédéric, qui avait l’argent, soudain saisi de panique, avait pris les jambes à son cou : « — C’est là ce que nous avons eu de meilleur ! dit Frédéric. — Oui, peut-être bien ? C’est là ce que nous avons eu de meilleur ! dit Deslauriers. »
Flaubert n’a pas voulu nous laisser sur une note d’attendrissement. La dérision d’une vie, de deux vies parallèles, c’était le sens de ce roman. La dimension autobiographique du récit reste donc limitée. Sans doute Flaubert a-t-il inscrit sa narration dans une séquence chronologique qui fut celle de sa jeunesse. Ensuite, le romancier a mobilisé, pour construire son intrigue, le « grand amour » qu’il a éprouvé pour Élisa Foucault-Schlésinger. Il a aussi convoqué sous sa plume ses propres souvenirs à Paris, le demi-monde et le grand monde. De sorte qu’il est difficile de reconnaître l’impersonnalité qu’il revendique. En même temps, entre lui et ses personnages, y compris le principal, Frédéric, Flaubert crée par l’ironie, par le refus de juger, par la volonté d’« imiter Dieu » dans sa création, « c’est-à-dire faire et se taire », une distanciation qui déconcertera nombre de ses lecteurs.
Si L’Éducation sentimentale est l’histoire d’un jeune homme qui a raté sa vie, le roman que Flaubert a voulu faire est plus encore celui d’une génération, la peinture d’un groupe au miroir de la destinée collective, allant jusqu’à avouer que « les personnages de l’histoire sont plus intéressants que ceux de la fiction(311) ». Les aventures de Frédéric seraient d’un intérêt limité sans leur ancrage dans la réalité sociale et politique.