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La méditation, un regard différent sur la vie

Chacun peut pratiquer la méditation, à des niveaux différents et de diverses manières. En effet, tout le monde peut bénéficier des bienfaits d’une pratique de méditation, en dehors d’une voie spirituelle de rituels et de dévotions, car les techniques sont suffisamment variées pour cela.

La pensée occidentale et, par voie de conséquence, notre manière de fonctionner s’articulent sur une pensée dualiste. On se situe essentiellement en termes de blanc et de noir, oubliant souvent toutes les nuances de gris intermédiaires. Même si nous avons des engagements, des choix à faire, la manière de les aborder peut être différente en fonction du regard que nous portons sur la vie et sur notre possibilité à gérer les événements.

Nous tronquons notre existence en différentes parties, comme des morceaux qui n’auraient pas de liens les uns avec les autres et cela nous éloigne de notre centre, de notre être profond.

Chacun est le maître de son destin, c’est à nous de créer les causes du bonheur. Il en va de notre responsabilité et de celle de personne d’autre.

Sa Sainteté le XIVe dalaï-lama

MÉDiter ?

Étymologiquement « méditer » signifie réfléchir profondément, s’exercer, se laisser conduire vers le centre. Si ce principe semble très simple, il est cependant difficile à appliquer, surtout dans le cadre d’une vie trépidante. La méditation va nous conduire vers ce centre grâce à l’état d’unité que l’on va atteindre.

Le retour à notre centre va nous permettre d’envisager notre vie comme une globalité et d’appréhender nos expériences d’un autre œil.

Au fil de votre pratique, vous découvrirez que toute situation du quotidien peut être une occasion pour méditer et vous accroîtrez votre capacité à vous recentrer même en dehors de la pratique.

Donner du sens à notre vie

Nous cherchons à avancer et nous regardons souvent notre passé en termes d’échecs. Or, si aller de l’avant nécessite de ne pas se complaire dans des regrets, il ne s’agit pas non plus de renier nos expériences, ce que nous avons fait, mais de les regarder autrement.

Nos expériences nous construisent, ce que nous considérons comme nos erreurs également, et savoir les accepter est enrichissant. Si nous savons introduire du sens dans notre vie, nous serons capables de gérer différemment les moments difficiles.

En ayant un regard critique, un jugement négatif, nous retranchons quelque chose à notre histoire et créons des tensions. L’événement incriminé a existé et nous ne pouvons le nier. La méditation nous permet de porter ce regard enrichissant sur notre vie et de doter notre existence de sens.

Que se passe-t-il en réalité ? Il y a confusion entre l’événement et la souffrance qu’il a provoquée en nous. Nous la confondons avec l’événement lui-même.

Nous allons chercher à éviter que ne se reproduise ce type d’événement et nous installons une lutte, un conflit entre nous et l’extérieur. Le monde de nos émotions nous envahit.

La méditation va nous permettre de prendre conscience de cela, d’élargir notre regard, notre conscience, de prendre du recul, de répondre différemment aux événements et de transformer nos émotions. Nous allons discerner les liens qui existent entre les divers éléments de ce que nous vivons.

À SAVOIR

La méditation nous enseigne, par sa pratique, qu’il y a toujours une solution à tout. Elle n’est pas une réponse toute prête. C’est dans l’exercice de l’attention, de l’accueil, que va émerger cet espace où nous allons nous situer autrement.

Découvrir un chemin vers le bonheur

Maladroitement, nous recherchons le bonheur en dehors de nous-même, alors qu’il est essentiellement un état intérieur. S’il trouvait sa source au-dehors, il serait à jamais hors d’atteinte.

Matthieu Ricard

Ce regard partiel et partial que nous portons sur nous-même, nous le portons également sur le monde et sur les autres. Nous accordons beaucoup d’importance aux différences au lieu de nous attacher à ce qui peut nous rapprocher. La méditation nous enseigne que nous sommes tous très différents, mais aussi semblables.

Chacun de nous, avec sa culture, son histoire, sa personnalité, aspire au bonheur et au bien-être. Le chemin de la méditation nous enseigne qu’accéder au bonheur est possible. Il nous enseigne que le bonheur ce n’est pas tout avoir tout de suite, ce n’est pas réaliser tous nos désirs – qui parfois sont des fuites en avant. La méditation nous permet d’aller à l’essentiel en discernant nos besoins profonds. Elle nous enseigne que le bonheur se construit et qu’il commence parfois en posant un regard autre sur nous et autour de nous.

Nous déléguons notre bonheur à un futur hypothétique. Quand nous aurons construit notre maison, quand nous aurons rencontré l’âme sœur, quand nous aurons accompli telle ou telle chose... Nous sommes loin de notre centre, de nous, de l’instant présent. La méditation nous enseigne à savoir nous arrêter, à découvrir l’instant présent et à y puiser le bien-être.

La pratique de l’attention à l’instant présent nous relie à la source intarissable de créativité en nous. Faire fructifier la vie qui coule en nous nous appartient, c’est l’un des enseignements que nous apporte la méditation.

Dans cette quête extérieure du bonheur, nous oublions de regarder ce qui contribue déjà à notre bien-être. Nous recherchons l’accomplissement de nos désirs sans voir la simplicité de ces petites choses qui nous entourent. La méditation est un outil pour inscrire le bonheur dans sa vie en cultivant l’instant présent et en réajustant toutes les dimensions de notre être.

EXERCICE

Mes petits bonheurs

Je vous propose dans cet exercice de lister tout ce qui constitue vos petits bonheurs du quotidien. Ces petites choses qui nous apportent du bien-être, mais dont nous ne sommes pas toujours conscients. Celles que l’on fait, sans forcément s’apercevoir qu’elles contribuent à notre bonheur, et celles que l’on aimerait faire, mais que l’on ne fait pas par manque de temps. Ce peut être arroser ses plantes, déguster un carré de chocolat avec son café, aller au marché...

Une fois listées, distinguez celles que vous aimeriez vraiment réaliser et décidez de vous y mettre.

Reconnaître ses petits bonheurs, savoir les entretenir, c’est poser un regard plus positif sur sa vie, reconnaître que la vie coule en nous et pas toujours de manière négative.

Développer la connaissance de soi

Notre regard est un regard de surface, rapide le plus souvent, attaché à l’apparence immédiate. La méditation va nous apprendre à aller en profondeur et à nous découvrir, elle développe la lucidité. Elle va nous apprendre aussi que plus nous nous connaîtrons, plus notre regard sur l’extérieur sera différent et porteur de tolérance.

La connaissance de soi ne consiste pas à cultiver l’égoïsme ou le nombrilisme, elle ne consiste pas à se juger ou se culpabiliser, mais elle permet de « voir », tout simplement. Voir ce qui nous est agréable, ce que nous considérons comme positif, et ce qui nous est désagréable et que nous envisageons comme négatif.

La connaissance de soi nous replace dans notre condition humaine, imparfaite, certes, mais elle nous permet de cultiver la conscience et de trouver le chemin vers l’amélioration, vers ce qui, en nous, peut nous procurer du bien-être.

EN PRATIQUE

Le retour vers notre centre est une voie d’ouverture. Plus nous sommes conscient de notre territoire intérieur, de son fonctionnement, plus nous pouvons nous ouvrir à l’autre car nous aurons su voir en nous ce qui nous dérangeait.

La méditation nous permet d’accepter tous ces aspects. Elle nous permet de comprendre que la compassion envers l’autre passe par l’acceptation de soi. S’accepter permet de s’engager et d’agir sur notre propre terrain, contre ce qui ne nous convient pas.

Nous perdons beaucoup de temps à vouloir changer les autres, à attendre qu’ils changent, qu’ils soient tels que nous aimerions qu’ils soient. La méditation nous permet de lâcher prise. Paradoxalement, c’est dans le lâcher prise que nous pourrons puiser notre capacité à agir et à prendre conscience de tout le potentiel qui est en nous.

Accéder à un îlot intérieur de calme et de paix

Vous pensez que quand vous subirez moins de stress, de bruit, quand les autres et vos activités n’envahiront plus votre vie, vous aurez du temps pour méditer... Et vous continuez à courir dans votre tête et dans votre vie.

La méditation nous conduit vers le calme et le silence. Là où l’on se précipitait, elle nous fait découvrir la patience, le geste et la parole justes.

Au plan physiologique, elle provoque un changement de l’amplitude des ondes cérébrales et une augmentation des endorphines, entraînant bien-être et calme. Elle nous permet d’accéder à un îlot intérieur de calme et à une vision différente de la vie.

CALME

Nous vivons encombrés par ce qui nous vient de l’extérieur, mais aussi par toutes les perturbations intérieures telles les émotions. On a l’impression que seule cette émotion existe puisqu’elle envahit notre champ de conscience, on s’identifie à elle. La méditation va nous apprendre à ne pas nourrir ces perturbations, mais à les voir comme une bulle qui monte à la surface de l’eau et disparaît.

Grâce au calme qui s’installe, nous découvrons notre espace intérieur. Certaines personnes sont angoissées par ce qui constitue leur monde intérieur.

On va prendre conscience que notre monde intérieur n’est pas uniquement constitué de ces perturbations et que celles-ci ne sont pas permanentes. C’est comme un puzzle dont chaque pièce est une partie, mais non la totalité.

Le monde tourne depuis la nuit des temps, il y a la pluie et le soleil, les jours et les nuits, l’été succède à l’hiver et l’hiver à l’été. Le monde tourne depuis la nuit des temps dans le grand cycle de la Vie. Le grand cycle de la Vie avec la naissance et la mort balaie le temps de l’humanité. Au milieu de ce temps, la méditation nous enseigne à prendre le temps de nous arrêter pour nous rencontrer comme un être humain. Au milieu de ce temps, la méditation nous conduit au cœur de nous-même, au cœur de la Vie.

Au cœur de notre vie, elle peut tout changer grâce à la paix intérieure qu’elle nous procure.

EN PRATIQUE

La méditation permet de poser son corps grâce à la posture, de calmer son esprit grâce au processus d’attention.

Précisions sur quelques notions propres à la méditation

À savoir

Vous rencontrerez régulièrement dans cet ouvrage certains termes qui baliseront votre pratique de la méditation.

On leur prête souvent des significations qui induisent une confusion. C’est pourquoi préciser ces notions est indispensable pour une pratique claire et sereine.

L’ACCEPTATION

On confond souvent acceptation et résignation. Or l’acceptation n’est pas la résignation. Nous résigner nous entraîne dans un no man’s land où nous sommes ballottés par les événements et où nous nous sentons dépourvus de toute possibilité d’action. La résignation nous met en position de victime où évolution et transformation ne peuvent pas être envisagées.

L’acceptation – de ce qui est agréable ou non – induit le fait de voir ce qui est, de voir que nous sommes touchés de manière positive ou négative, de reconnaître les composantes de ce qui a eu lieu. C’est une sorte de constat, d’état des lieux sans poser de jugement ou entretenir de culpabilité.

L’acceptation, et en particulier quand c’est difficile, nous sort d’un déni, d’une lutte. Accepter nous permet de voir ce qui se passe avec lucidité, de voir également que ce n’est pas la totalité de notre vie, même si ce qui advient est très désagréable. L’accepter lui donne une dimension gérable et permet au reste de continuer à exister sans être occulté. Dans l’acceptation, ensuite, va pouvoir émerger une autre dimension.

En termes de psychologie, l’acceptation autorise l’émergence d’un espace créatif de transformation. Elle nous permet d’être dans la conscience. L’acceptation d’une situation, d’une pensée, d’une émotion la replace au sein d’une totalité et l’on ne gaspille plus d’énergie en luttant contre.

Si accepter ses pensées est un processus relativement aisé, il est parfois des événements auxquels nous sommes confrontés dont l’acceptation est difficile parce que douloureuse. Le processus de l’acceptation nous demande de voir, d’accueillir tous les paramètres en cause. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est le début de la voie de la libération, même si elle doit prendre parfois du temps.

Face à des événements douloureux, certaines personnes disent : « Comment veux-tu que j’accepte ? » Il s’agit d’accepter que cela se soit passé, que l’on n’y peut rien, que l’on souffre, à accepter nos émotions, tout ce qui se présente.

LE DÉTACHEMENT

Lorsque nous nous sentons responsable,
concerné, engagé, cela nous amène
à ressentir une profonde émotion,
un grand courage.

Sa Sainteté le XIVe dalaï-lama

On confond détachement et désintérêt. On craint de ne plus être investi, de perdre notre capacité à réagir.

Le détachement est ce qui nous permet de nous défaire des liens entravants qui nous emprisonnent, qui nous rendent dépendants et nous font perdre notre liberté intérieure. Le détachement nous conduit paradoxalement à pouvoir poser des choix, à pouvoir nous engager. C’est un travail qui s’inscrit dans le temps grâce à des prises de conscience progressives, à l’observation des différents processus et de leur interdépendance.

Il va concerner autant le plan matériel qu’émotionnel. Dans le domaine émotionnel, c’est d’abord prendre conscience des émotions qui nous empoisonnent, nous entravent, les accepter pour que, ensuite, le détachement puisse se faire. C’est un travail subtil qui demande en premier lieu la reconnaissance de ce qui est et la patience. En outre, le détachement favorise la confiance en soi, développe le courage et la sagesse.

Au plan matériel, le détachement ne signifie pas que l’on doive vivre dans le dénuement, débarrassé de tout, mais que l’on donne leur juste place aux choses matérielles.

C’est un retour vers l’essentiel en soi et pour soi.

ALLER VERS NOTRE VRAIE NATURE

Nous répondons à des comportements, à des manières d’être que notre histoire et la société ont favorisés. Nous sommes mus « par l’extérieur » et avons oublié qui nous sommes réellement.

La méditation va nous conduire vers la profondeur de notre être, vers ce que le bouddhisme appelle « notre vraie nature ». Il s’agit en d’autres termes d’un retour au niveau ontologique de l’être, dimension que nous laissons de côté.

Certaines personnes pensent que se tourner vers sa nature profonde va effacer tout ce qui ne va pas dans leur vie ou bien les déconnecter de la réalité. Il ne s’agit pas de tout rejeter, de se rebeller, ni de rompre nos repères.

C’est une connaissance de soi, en profondeur, dans nos différentes dimensions, qui nous conduit à être plus juste envers nous-même et envers les autres et qui permet de développer la compassion. Elle développe la voie du cœur.