La compassion se définit sommairement comme un état d’esprit non violent, non offensif, non agressif. C’est une posture mentale qui va de pair avec le sens de l’engagement, de la responsabilité et du respect d’autrui. Tse-wa, compassion en tibétain, sous-entend que l’on se souhaite de bonnes choses à soi-même. Autrement dit, rien n’interdit de commencer par alimenter ce sentiment en se souhaitant d’être libre de toute souffrance, pour ensuite le cultiver, le renforcer et l’étendre au monde extérieur en y englobant les autres.
Sa Sainteté le XIVe dalaï-lama
Un des moyens pour développer la compassion envers autrui est de commencer par la développer envers soi-même. Il ne s’agit pas de cultiver un ego surdimensionné, mais de pouvoir nous reconnaître tel que nous sommes. Regardons au fond de nous et voyons comment nous acceptons ou n’acceptons pas ce qui nous dérange, ce que nous n’aimons pas.
Nous n’éprouvons pas de compassion envers nous-même. En développant ce sentiment, en acceptant nos travers sans chercher à lutter contre, nous allons commencer à développer un sentiment de respect, d’acceptation et d’amour envers nous-même. Notre cœur s’ouvre à la profondeur de notre être. Notre jugement, notre regard, va se modifier à la fois par rapport à nous-même, mais aussi envers autrui.
Nous allons développer l’altruisme et ressentir de la compassion pour les autres, pour leurs souffrances. Le développement de la compassion va également permettre de situer une action dans un contexte plus large et de comprendre, le cas échéant, l’état d’ignorance dans lequel se trouve la personne à qui nous pouvons reprocher quelque chose. Cela ne signifie pas cautionner les actes qui ont été commis, les excuser, mais comprendre que l’autre a agi dans l’ignorance.
Prenons pour exemple le cas d’une personne qui profère une parole blessante. Il y a la parole qui blesse de manière non intentionnelle, mais il y a aussi parfois des paroles blessantes intentionnelles. Dans ce cas, la personne se trouve dans la souffrance et dans l’ignorance. L’ignorance se situe à divers niveaux. Cette personne n’a aucune conscience de sa propre nature et de celle de l’autre. Elle n’a aucune conscience, non plus, de l’interdépendance des choses. Le concept d’ignorance s’enracine dans la profondeur de l’être humain, dans la non-conscience de la valeur de la vie et de l’individu. Cet état d’ignorance se répercute au niveau des pensées, des émotions et des actes, tant envers nous qu’envers les autres.
En termes de psychologie, on présente les choses ainsi : une personne qui ne se respecte pas ne peut pas respecter les autres.
Éprouver de la compassion envers elle ne lui ôtera pas sa responsabilité, mais c’est aussi envisager que, peu à peu, le voile de l’ignorance se lèvera pour elle.
La méditation nous permet d’avancer sur la voie de la compassion.
Je vous propose de commencer par développer la compassion pour vous-même.
EXERCICE
La compassion
Assis ou allongé, commencez par respirer tranquillement et rendre votre souffle calme. Laissez s’installer le calme intérieur... Puis laissez venir un aspect de vous qui vous dérange, quelque chose que vous n’aimez pas. Au début, vous allez percevoir tous les sentiments qui vous perturbent, prenez conscience de la manière dont vous avez tendance à les repousser pour faire disparaître cette souffrance. Accueillez cette souffrance, ce dérangement... Et visualisez une source lumineuse, au-dessus de vous ou en face de vous, qui laisse s’écouler lumière et amour vers cette partie de vous qui vous dérange. Puis respirez tranquillement en regardant cette partie, comme vous accueilleriez un enfant...
Variantes : à la place de la source lumineuse extérieure, vous pouvez laisser se développer au centre de la poitrine, dans l’espace du cœur, un sentiment d’amour émanant de la partie la plus lumineuse de votre être.
Vous pouvez également visualiser un nuage rose qui enveloppe la partie qui vous dérange et lui apporte considération et paix.
EN PRATIQUE
Vous n’éprouverez peut-être pas tout de suite un bien-être, mais procédez doucement, acceptez la difficulté, ne vous découragez pas. Quand vous découvrirez le pouvoir de la méditation de la compassion dans le processus de transformation et d’ouverture, vous aurez à cœur de l’utiliser dans votre démarche personnelle.
EXERCICE
La compassion envers tous les êtres
À partir de la méditation précédente, laissez irradier en vous et autour de vous le nuage rose... Puis, peu à peu, laissez-le envelopper les personnes de votre entourage (conjoint, famille, amis...), les personnes que vous appréciez, mais également celles avec lesquelles vous avez des difficultés.
Il n’est pas facile de laisser aller des pensées de paix vers des personnes que nous n’apprécions pas, avec qui nous avons un contentieux. Il ne s’agit pas de pratiquer cette partie de la méditation en se forçant. En revanche, parfois on ressent un état de calme intérieur très profond et une réelle ouverture du cœur, on peut profiter de cet état pour intégrer cette phase de la méditation. Vous verrez que quelque chose en vous se transforme et vous aide à porter un regard différent sur l’objet de ce contentieux.
Le mot karma signifie « action ». Il repose sur le principe que toute action entraîne des conséquences, positives ou négatives. Il s’applique autant à l’individu qu’à la nature (planter une graine qui donnera un arbre qui donnera des fruits...).
Replacée dans le contexte indo-tibétain, la notion de karma est étayée par des éléments très subtils que nous avons tendance, nous Occidentaux, à généraliser sous une forme culpabilisante et déterministe.
La notion de karma – liée à la loi de cause et d’effet – induit celle de responsabilité de l’individu et le place dans une vision spirituelle de la vie.
Cependant, en dehors des notions orientales de karma, on peut mettre en lien ce principe avec les valeurs personnelles que l’on développe pour soi et envers les autres. La méditation suivante repose sur ces principes.
C’est une méditation que vous pouvez faire en fin de journée, et à certains moments de votre processus de développement personnel.
Reposant à la fois sur les émotions, les pensées et la compassion, elle va accroître la conscience de soi et l’engagement que nous pouvons avoir dans notre vie tant par rapport à nous-même que par rapport aux autres.
Elle s’appuie sur le principe que toutes nos actions positives induisent le bonheur et ont un impact sur les autres personnes – et l’on se réjouira de telles actions – et que les actions négatives développent la souffrance – nous aurons du regret envers ces dernières.
EXERCICE
Le bilan
Assis ou allongé, vous vous recentrez sur votre respiration. Puis vous passez en revue les actions de votre journée. Voyez ce que vous avez fait de positif et réjouissez-vous de cela (non pas pour vous glorifier, mais parce que vous générez du bonheur pour les autres). Regardez les actions qui ont été négatives, dont vous n’êtes pas fier, et voyez le regret que vous en avez. Essayez de prendre conscience que cette action négative blesse autrui, mais vous également, en ce sens qu’elle vous rend malheureux car elle ne correspond sûrement pas à votre être profond.
Ne vous culpabilisez pas, simplement prenez la responsabilité d’avoir posé une action négative. Laissez couler la compassion en vous et essayez de trouver la manière qui peut vous aider à modifier cette façon d’être.
À savoir
Par action – positive ou négative – on entend tout ce qui est de l’acte, mais aussi de la parole et également de la pensée. Ce type de travail permet une compréhension profonde de soi.
On peut l’appliquer également à des moments de sa vie. Un accompagnement est nécessaire pour un développement en profondeur.
Le pardon est, à mon sens, un processus qui fonctionne avec la compassion.
Pardonner n’est pas oublier, n’est pas excuser et n’enlève rien à la responsabilité des personnes. Le pardon est un processus qui prend du temps et qui a pour but de nous conduire vers la libération intérieure. Le processus du pardon nous libère des émotions négatives qui nous empoisonnent. Cette libération ne peut s’accomplir que lorsque nous avons pleinement reconnu notre souffrance.
Il serait illusoire de penser qu’il suffit de s’asseoir pour méditer avec l’intention de pardonner pour que cela s’accomplisse.
On confond souvent pardonner et oublier et l’on s’installe dans un déni. Dire à quelqu’un « tu dois pardonner » est culpabilisant et la personne se sent niée dans sa souffrance.
La méditation, parce qu’elle va permettre de reconnaître sa souffrance, ses émotions, de cultiver la compassion, de développer le calme intérieur, est une aide dans le cheminement vers le pardon.
Il est préférable d’être accompagné dans ce cheminement par une personne expérimentée.