Dans la civilisation égyptienne, durant sa gestation, l’enfant en devenir est déjà placé sous la protection de multiples divinités tout en étant objet de diverses attentions. À sa naissance, sa fragilité naturelle nécessite des soins particuliers et une protection contre de nombreux dangers émanant à la fois du monde réel et de l’univers surnaturel. En effet, la mortalité néonatale est extrêmement élevée à cette époque. On estime qu’au minimum 20 % des enfants décèdent avant l’âge d’un an et que 30 % d’entre eux n’atteignent pas leur cinquième anniversaire195. À titre indicatif, je signalerai qu’en 1910, le taux de mortalité infantile en période périnatale évalué au Founding Hospital du Caire était de 376 ‰, soit plus d’un tiers des enfants196.
En raison de cette très forte mortalité, différents moyens, matériels et spirituels, sont mis en œuvre pour protéger l’enfant, de jour comme de nuit, quand il est malade mais également lorsqu’il est bien portant, de manière à ce qu’il reste dans cet état de relative bonne santé.
La première partie s’attachera à présenter les prédictions de naissance qui pèsent sur l’avenir du nouveau-né. En effet, les Égyptiens sont persuadés que le destin de chacun est établi et fixé dès le moment de sa naissance par les divinités Chaï, Meskhenet, Renenoutet, Reret ou encore par les Sept Hathor. La destinée de leur enfant ne leur étant, bien évidemment, pas directement communiquée, les Égyptiens ont mis au point des calendriers horoscopiques dont nous verrons en détail la portée.
La deuxième partie nous donnera l’occasion d’étudier les tests que les Égyptiens font passer aux nourrissons afin d’évaluer leur viabilité.
La troisième partie abordera la protection du nouveau-né à travers l’utilisation des ivoires magiques, le choix de son nom, les formules apotropaïques destinées à le protéger au quotidien ou lors de certains moments particuliers de son existence, les amulettes et autres talismans d’heureuse maternité.
Enfin, la dernière partie sera dédiée aux prescriptions iatromagiques visant à soigner l’enfant en bas âge de diverses maladies infantiles et autres maux menaçant sa santé, voire sa vie.
Les Égyptiens croient que le destin de chacun est scellé le jour même de sa naissance par les dieux. Quelques divinités spécifiques ont la possibilité de moduler à leur gré l’avenir du nouveau-né : Chaï, Meskhenet, Renenoutet ou encore Reret. À partir du Nouvel Empire, apparaissent les Sept Hathor, chargées d’annoncer le destin décidé par les dieux.
Si les prédictions de naissance rendues par les dieux sont individualisées dans les contes, celles auxquelles accède le commun des mortels sont bien plus impersonnelles puisqu’elles sont établies à partir d’un calendrier indiquant, jour après jour, quelle sera la mort de l’individu né à cette date, et éventuellement à quel moment prévoir l’échéance.
La science des médecins n’est pas en reste dans le domaine des prédictions de naissance et les praticiens ont mis au point des tests de viabilité destinés à prévoir la survie ou, au contraire, le décès prochain du nouveau-né.
Si l’ensemble des divinités du panthéon égyptien peut exercer, en théorie, un droit de regard sur la vie ou la mort de chaque individu, Chaï, Meskhenet, Renenoutet et Reret ont une prérogative plus forte qui leur permet, dès la naissance de l’enfant, de décider de sa destinée. Les Sept Hathor jouent le rôle de messagères des dieux.
À partir du Nouvel Empire, apparaît dans l’horizon religieux le dieu Chaï, personnification de la notion abstraite de destinée, dont le nom signifie « Celui qui détermine »197. Son rôle consistant à calculer le temps de vie des êtres humains, Chaï est présent à leur naissance ainsi qu’à leur mort198. Il n’est pas rare de voir, dans les Livres des Morts, le dieu assister à la pesée du cœur du défunt dont il a lui-même déterminé le temps de vie.
Chaï est très rarement évoqué ou représenté seul. La plupart du temps, il est accompagné de l’une ou de l’autre de ses parèdres, Meskhenet et Renenoutet, voire des deux.
La part active que joue la déesse Meskhenet au moment de l’accouchement et de la naissance a été soulignée à maintes reprises. Invoquée dans les incantations pour veiller sur la parturiente et protéger l’enfant à naître ou tout juste né, Meskhenet a un rôle fort dans la vie de l’Égyptien puisqu’elle fixe également son destin. Rappelons-nous que l’un des chapitres du papyrus Berlin 3027 livre un charme afin que « Meskhenet n’expose l’enfant à quelque mauvais sort » 199.
À l’époque ptolémaïque, Meskhenet apparaît sous la forme d’un collège de quatre déesses : Meskhenet-la-bonne, Meskhenet-la-puissante, Meskhenet-la-grande et Meskhenet-l’efficace.
Ainsi que nous l’avons observé à propos des briques de naissance200, le chiffre 4 évoque souvent les directions cardinales et exprime l’idée de totalité. Ici, la démultiplication de la déesse permet d’exploiter au mieux ses diverses facettes et de renforcer son pouvoir magique201.
Les épithètes des quatre Meskhenet rappellent respectivement celles d’autres puissantes déesses : ainsi, Meskhenet-la-bonne est-elle assimilée à Isis, Meskhenet-la-puissante à Tefnout, Meskhenet-la grande à Nout, et Meskhenet-l’efficace à Nephthys.
À l’époque ptolémaïque, leur rôle dépasse celui de la Meskhenet originelle : non seulement elles assistent à la naissance d’Horus et du pharaon, mais elles jouent également le rôle de nourrice divine et royale, et déterminent tout à la fois l’héritage, la royauté ainsi que la durée de vie du nouveau roi. Une inscription rédigée dans le temple d’Esna résume ainsi leurs attributions :
« Ce sont elles qui comptent le temps, qui conjurent le mal, qui embellissent les lieux de naissance sur les quatre briques de naissance. Elles (fixent) son destin auprès du maître du tour de potier [= Khnoum] pour créer ta famille dans […]. »202
L’évolution de Meskhenet au cours des siècles n’a en rien entamé l’ascendance que les Égyptiens lui prêtent au moment de la naissance ainsi qu’au jour du jugement du défunt puisqu’elle assiste également à la pesée de son cœur, généralement sous la forme d’une brique à tête humaine (pl. 31).
Renenoutet (également appelée Renenet) et Reret sont parfois confondues dans la littérature, toutefois, il s’agit bien de deux déesses distinctes. La preuve en est que, dans le temple d’Edfou, une liste de divinités fait état de quatre Meskhenet, suivies de quatre Renenet, elles-mêmes précédées de quatre Reret203.
Renenoutet est une déesse-cobra dont les attributions sont essentiellement agraires. Au Nouvel Empire, elle se dote de la fonction de nourrice royale. On la voit parfois représentée sur les parois des tombes thébaines en train d’allaiter un jeune prince (pl. 32). Progressivement, elle va apparaître aux côtés de Chaï et de Meskhenet comme personnification de la bonne fortune, tant à la naissance de l’enfant qu’au moment de sa mort.
Si Renenoutet est l’une des deux parèdres principales du dieu Chaï, sa présence est toutefois moins systématique à ses côtés que celle de Meskhenet.
À partir de l’époque ptolémaïque, on rencontre parfois des collèges de quatre Renenoutet qui, à l’instar des quatre Meskhenet, expriment les diverses facettes de la divinité.
Reret est une déesse-hippopotame volontiers associée, par son aspect, à Thouéris. Son nom signifie « truie » mais également « nourrice ». De ce fait, il n’est pas étonnant qu’elle ait remplacé la déesse Renenoutet avec laquelle elle partageait cette dernière fonction.
Reret apparaît au début du Nouvel Empire et sa présence est toujours attestée à la période gréco-romaine. Son nom se substitue souvent à celui de Renenoutet204.
À l’instar des déesses Meskhenet, Renenoutet et Reret, Hathor va également se démultiplier, au Nouvel Empire, en un collège de sept divinités qui passent pour annoncer la façon dont le nouveau-né mourra un jour.
Dans le conte des Deux Frères, les Sept Hathor prédisent que la seconde femme de Bata mourra par l’épée et dans le conte du Prince prédestiné, elles annoncent aux futurs parents que le fils que les dieux leur ont enfin accordé mourra par le crocodile, par le serpent ou par le chien. Le roi et la reine tentent de faire échouer la funeste prédiction en enfermant leur enfant dans une tour. Le récit raconte comment le crocodile par qui devait s’accomplir le destin, redevable envers le jeune prince, lui accorda la vie sauve et comment son épouse le sauva du serpent venu le tuer. La fin du conte n’est pas conservée. Le prince échappa-t-il au chien qu’il avait réclamé étant enfant et qui avait grandi avec lui ? On peut en douter, car le destin prédit par les Hathor s’accomplissait irrémédiablement. En revanche, il n’est pas impossible qu’il ait été tué par mégarde et non volontairement par son compagnon. L’intérêt de ce texte est du plus haut niveau. En premier lieu, il atteste que la haute naissance de l’enfant ne l’épargne pas pour autant d’une tragique destinée. Les enfants sont donc tous égaux de ce point de vue-là, quel que soit leur horizon social. En second lieu, l’histoire montre que les infortunés parents, loin de se laisser abattre par cette terrible fatalité qui les frappe, mettent tout en œuvre pour contrer le funeste sort prédit à leur fils, sort pourtant fixé par les dieux eux-mêmes.
En Égypte ancienne, on ne connaît pas la science de l’astrologie telle que nous la concevons aujourd’hui. Le tirage de l’horoscope apparaît à Babylone vers le Ve siècle avant notre ère. Et ce n’est que lorsque l’Égypte est conquise par les Perses que l’astrologie est introduite dans le pays. Elle est ensuite assidûment développée et popularisée durant la période hellénistique.
Les dires de Diodore de Sicile, auteur classique du Ier siècle avant notre ère, selon lequel « les Égyptiens observaient avec zèle l’influence de chaque astre errant sur la naissance des êtres vivants, afin de savoir si elle est favorable ou défavorable », ne valent donc que pour les périodes les plus tardives.
La forme purement égyptienne de l’horoscope consiste essentiellement en un calendrier très précis composé de jours fastes et néfastes. La journée est divisée en trois périodes auxquelles est attribué le qualificatif de « bon » ou « mauvais ». À de nombreuses occasions, la destinée des enfants nés ce jour-là est précisée. Elle se traduit par le moment auquel le décès de l’individu va survenir (à la naissance, dans sa jeunesse ou dans sa vieillesse) et/ou par la façon dont celui-ci va mourir.
Quelques papyrus du Moyen Empire205, du Nouvel Empire206 et peut-être aussi de la Troisième Période Intermédiaire207 ainsi que quelques ostraca du Nouvel Empire208 font état de ce calendrier ou en mentionnent quelques extraits :
« 3e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par le crocodile.
6e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra piétiné par un taureau.
11e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là ne vivra pas.
13e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par aveuglement.
16e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par le crocodile.
23e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là ne vivra pas.
24e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là ne vit pas209 (var. mourra de vieillesse)210.
4e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra d’éruption cutanée.
5e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra en copulant.
6e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra en étant saoul.
7e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra en terre étrangère.
9e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra à un âge avancé.
23e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par un crocodile.
27e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par un serpent.
29e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra comme un homme honorable parmi [ses gens].
14e jour du 3e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra de […]
20e jour du 3e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra dans l’année de contagion.
23e jour du 3e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra sur le fleuve.
3e jour du 4e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là, ses oreilles le feront mourir.
10e jour du 4e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là, mourra (ayant à la main) du pain et de la liqueur haq à la bouche, et l’œil dessus.
21e jour du 4e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là meurt aveugle.
4e jour du 1er mois de Peret : quiconque naît ce jour-là mourra comme un homme honorable parmi [ses gens].
20e jour211 (var. 23e jour212) du 1er mois de Peret : quiconque naît ce jour-là mourra à un âge avancé et riche de toute bonne chose.
[…] jour du troisième mois de Peret : quiconque naît ce jour-là mourra de noyade (?) pendant l’inondation du Nil.
22e jour du 4e mois de Peret : quiconque naît ce jour-là vit et meurt le même jour.
[…] jour du 1er mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là mourra […]
22e jour du 1er mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là mourra de vieillesse.
10e jour du 2e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là sera noble.
15e jour du 2e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là mourra grand en tant que magistrat parmi les gens.
23e jour du 2e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là ne vivra pas.
8e jour du 4e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là aura un honneur noble. »
L’étude de ces prophéties journalières, bien qu’incomplètes, nous permet d’établir plusieurs faits : tout d’abord, ce qui est inscrit est immuable d’une année à l’autre213 et concerne l’ensemble de la population sans distinction sociale, sexuelle ou géographique, ce qui interdit donc de parler d’un horoscope individualisé de l’enfant. Ensuite, lorsque le sort du nouveau-né est indiqué, ce qui n’est pas systématique, il est irrémédiablement fixé. Rien ne paraît pouvoir le conjurer.
Cette coutume d’établir l’horoscope de l’enfant est toujours en vigueur à la Basse Époque. Hérodote en témoigne ainsi :
« Voici d’autres choses dont la découverte remonte aux Égyptiens : à qui, parmi les divinités, appartient chaque mois et chaque jour ; ce qu’il adviendra à un homme d’après le jour de sa naissance, comment il mourra, quel il sera. »214
Nous ignorons dans quelles proportions les Égyptiens ont accès à ce calendrier et le consultent, ni même quel impact il a sur eux. On peut toutefois penser qu’ils ne se désintéressent pas du sort de leur enfant sur la seule base de la prophétie annoncée. D’une part, car ils ont dû se rendre compte au fil des années – puisque ce calendrier se répète d’une année sur l’autre – que les prédictions ne se révèlent pas toujours justes quant au jour ou type de décès, et d’autre part, car les Égyptiens ne sont pas de tempérament fataliste, comme nous le montre le conte du Prince prédestiné.
À une époque où la médecine est limitée, où les gens souffrent couramment de malnutrition et de sous-nutrition, et où le stress dans lequel évolue une grande partie de la population est important au point de marquer les os et les dents des individus en pleine croissance (cribra orbitalia au niveau des cavités orbitaires ; hypoplasie au niveau de l’émail dentaire ; hyperostose porotique au niveau de la voûte crânienne ou encore stries de Harris au niveau des os longs)215, l’espérance de vie des nouveau-nés est considérablement diminuée. Il est humain d’avoir voulu se préparer au mieux à la perte d’un être en lequel tant d’espoirs sont placés et d’avoir préféré voir dans sa mort la fatalité implacable des dieux plutôt que le libre arbitre et le hasard.
Le désir de posséder la connaissance de l’avenir se rencontre dans toutes les sociétés et le recours à des pratiques magiques divinatoires (examen des entrailles d’animaux, tirage du tarot, des runes et des oghams*, boule de voyance…) traduit ce souhait de connaître le futur pour mieux le maîtriser ou s’y préparer. Le calendrier égyptien des jours fastes et néfastes, principalement établis à partir de temps religieux forts, comme la naissance d’une divinité, exprime ce même désir : les prédictions fixées par les dieux étant bien évidemment inconnues des Égyptiens, ce calendrier leur permet de se raccrocher à cet espoir de connaissance de l’avenir. Loin de se résigner à la perte annoncée de leur enfant, les parents sollicitent, selon leurs moyens, l’aide des médecins, magiciens et prêtres et tous se battent pour sauver les plus petits membres de leur communauté. La vie des enfants n’est pas si aisément livrée à la maladie, aux revenants, aux mauvais esprits ou encore aux funestes prédictions de naissance.
Trois tests de viabilité nous sont parvenus. Si d’autres ont existé, nous n’en avons aucune connaissance à ce jour.
Le premier test se rencontre dans le papyrus Ebers, lequel invite le praticien à se baser sur la nature des cris de l’enfant pour établir son diagnostic :
« Autre : déterminer le sort d’un enfant le jour où il est mis au monde. S’il dit ny, cela veut dire qu’il vivra, s’il dit embi, cela veut dire qu’il mourra. »216
Aucun cri ni plainte de l’enfant à la naissance ne se rapproche de ce type de son d’après les dires des sages-femmes et médecins interrogés à ce sujet. Il faut donc voir dans ces critères une origine autre que médicale, peut-être un jeu de mots ayant une valeur forte pour les anciens Égyptiens : le son ny peut signifier, entre autres, la négation. Dans cette formule, il exprime peut-être le refus du nouveau-né de mourir.
Les symptômes évoqués sont courts et simples, de même que le pronostic vital qui s’y rattache.
Le deuxième examen suit immédiatement le premier test, toujours dans le papyrus Ebers :
« Autre détermination. Si on entend sa voix plaintive, cela veut dire qu’il mourra. S’il place son visage en direction du sol, cela veut dire encore qu’il mourra. »217
Cette observation cherche visiblement à établir si le nouveau-né présente une hypotonie des globes oculaires. Il s’agit de l’un des nombreux symptômes de la souffrance cérébrale qui empêche le bébé de fixer son regard. Si les enfants naissent quasiment aveugles, ils sont toutefois capables de fixer leur regard. Leur vision est surtout sensible à la lumière, ce qui ne les empêche pas de fixer un objet pour peu que plusieurs conditions soient réunies : distance correcte, mouvement, contraste et intensité de l’objet. Dans le cas d’un enfant dont le regard est systématiquement dirigé vers le bas, cela traduit un dérèglement cérébral pouvant entraîner de très lourdes séquelles et, éventuellement, la mort de l’enfant.
Le troisième test de viabilité se rencontre dans le papyrus Ramesseum IV :
« Autre chose qui lui est faite le jour où il est mis au monde : une boulette de son placenta, avec […]. (Ce) sera pilé dans du lait et lui sera donné dans un vase-henou pendant trois jours de suite. S’il vomit cela, cela veut dire qu’il mourra. S’il l’[avale], cela veut dire qu’il vivra. »218
Les progrès de la science nous permettent aujourd’hui d’affirmer que l’absorption d’un morceau de placenta par un nouveau-né comporte, en fait, de très hauts risques infectieux, d’autant plus que le nourrisson ne bénéficie pas encore de l’allaitement maternel et de ses vertus immunitaires. Un nouveau-né qui ingère un broyat placentaire a donc beaucoup plus de risques de mourir rapidement qu’un enfant qui le recrache ou le vomit. Étant donné qu’à ce stade-là, le bébé peut mourir de toutes sortes de maladies ou même d’une gastro-entérite distincte de l’ingurgitation du placenta, il est peu probable que les spécialistes médicaux de l’époque aient fait le lien entre l’absorption d’un morceau de placenta et le décès de l’enfant.
Nous avons vu précédemment l’importance que les Égyptiens accordent au placenta qu’ils recueillent volontiers pour l’enterrer soigneusement. Il n’est donc pas étonnant qu’ils voient dans le rejet de ce placenta par l’enfant un mauvais signe augurant de sa mort prochaine.
La magie étant indissociable de la médecine égyptienne, une telle pratique peut tout simplement relever d’un acte magique et non d’une prescription strictement médicale.
Deux de ces tests de viabilité montrent que les Égyptiens se fondent sur des signes physiologiques particuliers capables de les alerter sur des problèmes graves. Quant au troisième test, il relève d’une croyance populaire qui fait intervenir l’aura particulière du placenta dans un diagnostic vital n’ayant rien de médical. Dans les trois cas, le test se conclut simplement par le pronostic annonçant la survie ou le décès de l’enfant sans que l’échéance (jours, mois ou années) ne soit toutefois fixée. On remarquera également que le médecin ne propose aucun moyen de contourner ou contrer le funeste présage. Ces tests sont le pendant médical des prédictions inéluctables annoncées par les dieux et par le calendrier horoscopique égyptien.
La magie fait partie du quotidien des Égyptiens, quels que soient leurs origines sociales, leur âge, leur sexe, la région où ils habitent, ou encore, la période à laquelle ils vivent. Toutefois, selon ces divers critères, le recours à la magie prend différentes formes. L’utilisation d’amulettes et la puissante protection du nom semblent avoir été les deux seules formes de magie qui aient perduré au cours du temps, de la période prédynastique à l’époque romaine. Il est fort probable qu’il en ait été de même pour certaines incantations destinées à protéger les enfants mais la rareté des papyrus iatromagiques, connus à ce jour, et le fait que bon nombre de formules prophylactiques se soient transmises par oral plutôt que par écrit ne nous permettent pas de le savoir.
La première partie permettra d’étudier dans le détail le type de protection que les ivoires magiques offrent aux nouveau-nés, tandis que la partie suivante se penchera sur la grande diversité des noms censés protéger les enfants. Dans une troisième partie, seront présentées les incantations de protection visant le nouveau-né telles que livrées dans les papyrus magiques. Les deux dernières parties seront consacrées aux apotropaia, objets destinés à conjurer le mauvais sort et à détourner les formes maléfiques : les amulettes, dont on orne le cou mais aussi les poignets, les chevilles et parfois même les oreilles des nourrissons, ainsi que les talismans d’heureuse maternité.
Nous avons observé que les ivoires magiques (pl. 29 et 30) jouent un rôle particulièrement important au moment de l’accouchement, même si l’on ne peut évaluer dans quelle mesure les diverses couches de la population y ont recours ni même savoir qui manipule ce type d’objet.
Lorsque la naissance a eu lieu, le rôle de l’ivoire magique consiste, dès lors, à se focaliser sur le sujet le plus vulnérable, à savoir le nouveau-né. Sur certains ivoires magiques, le nom du nourrisson est gravé afin d’intensifier le pouvoir protecteur de l’objet à l’égard de l’enfant. Dans quelques cas, le nom est suivi d’une désignation généalogique qui est alors toujours celle de la mère :
« Paroles dites par ces nombreux protecteurs :
"Nous sommes venus afin de pouvoir protéger cet enfant Senebef-Osiris, vie, santé, prospérité". »219
« Paroles dites par les protecteurs :
"Nous sommes venus afin que nos protections puissent être étendues sur l’enfant bien portant Minhotep, vie, santé, prospérité, né de […] […] la noble dame Satsobek, vie, santé, prospérité". »220
« Paroles dites par ces dieux :
"Notre protection, vie, santé, prospérité, la protection de la nuit et la protection du jour, autour de cet enfant Nehy (né de) Peret". »221
« Paroles dites par Aha :
"Je suis venu pour étendre ma protection sur Senaouy-seseib né de Senebet-Ouhemet-Ânkhet". »222
Les paroles magiques inscrites sur ces objets sont censées émaner d’un ou de plusieurs dieux ou protecteurs sans nom, vraisemblablement les génies et animaux prophylactiques représentés sur les ivoires.
Parfois, la façon dont la protection magique est étendue sur l’enfant est détaillée :
« Paroles dites :
"Nous sommes venus pour déployer la protection autour (et) la protection derrière, pour Senebânkh". »223
La magie prophylactique entoure l’enfant afin de le défendre d’attaques pouvant survenir de toutes parts. Quant à la protection à l’arrière, elle doit certainement agir dans le dos de l’individu, c’est-à-dire dans une direction aveugle pour lui, le rendant, de ce fait, plus vulnérable encore. On retrouve un écho de cette protection par l’arrière dans une formule énoncée dans le papyrus Berlin 3027 et dans une incantation du papyrus médical de Londres destinée à soigner des yeux :
« La [protection] est derrière la protection, la protection vient ! »224
Dans d’autres cas, c’est la nature diurne et/ou nocturne de la protection magique qui est soulignée (pl. 29) :
Ces mentions font, elles aussi, écho à une formule magique du papyrus Berlin 3027 :
« Ta protection est la protection de la nuit, ta protection est la protection du jour. »227
Le pouvoir magique de l’ivoire passe donc par une protection à la fois spirituelle et physique, mise en action par plusieurs divinités, créatures fantastiques et animaux dangereux qui veillent sur la mère puis sur son enfant, de jour comme de nuit.
On constatera toutefois que les inscriptions sous-entendent un champ d’action limité dans le temps : les protecteurs n’indiquent pas qu’ils veillent de façon permanente sur la femme ou l’enfant, mais qu’ils sont venus pour le faire. Leur aide est donc temporaire et on peut supposer qu’elle se limitera à la période périnatale.
La protection de ces artefacts particuliers est effective à la fois via l’objet lui-même (forme, matériau) et grâce aux représentations faisant appel au pouvoir des divinités, génies, créatures fantastiques, animaux dangereux et autres symboles solaires, ainsi qu’aux éventuelles formules apotropaïques gravées dessus.
Le souci de protéger la femme enceinte et son enfant est une préoccupation de tous les instants. Rituels et objets magiques doivent s’assurer qu’aucun moment ne soit propice aux forces maléfiques tentées de s’en prendre à ces deux êtres faibles. Les ivoires sont utilisés dans le cadre d’un rituel bien précis mettant en œuvre des incantations spécifiques. Les divinités et génies figurés sur ces objets sont chargés de veiller à la naissance de l’enfant solaire et de se rassembler pour le protéger dès son arrivée dans le monde. Le procédé de la magie sympathique assimile l’enfant ou sa mère au dieu solaire, un concept que l’on retrouve fréquemment dans les formules magico-médicales. Nous ignorons malheureusement tout du fonctionnement manuel de l’ivoire magique et aucun texte ne vient pallier cette lacune de taille.
Un dernier point important reste à souligner : à ce jour, aucune des quelque 700 tombes d’enfants en bas âge que j’ai recensées dont le détail du mobilier funéraire fut publié ne recélait le moindre ivoire magique, entier ou fragmentaire. Peut-être faut-il y voir là le fait qu’ils appartiennent avant tout au magicien chargé de protéger la mère et son enfant ?
Les Égyptiens ont un très large éventail de noms à donner à leurs enfants pour la simple raison qu’il n’y a aucune limite aux motivations qui président à leur choix. En outre, les noms peuvent aussi bien renvoyer à un mot qu’à une épithète ou à une phrase entière, ce qui multiplie à l’infini les possibilités de nomination de l’enfant.
En 1935, Hermann Ranke réalisa une compilation de tous les noms égyptiens connus à son époque dans un ouvrage publié en pas moins de trois volumes228 !
Les noms donnés aux enfants peuvent être classés en douze catégories : les noms liés à la naissance, les noms faisant allusion à un dieu, au roi, à une qualité, à un métier, à un végétal, à un animal, à un objet ou à un lieu, les patronymes, les noms imprécatoires et enfin, les noms à consonance étrangère.
La catégorie des appellations déterminées au moment de la naissance rassemble très certainement le plus large éventail de noms qui soit. On rencontre ainsi des noms trahissant l’attente mais également l’angoisse, comme par exemple Nehy qui signifie « (Celui qui a été) demandé » ou Mesyt, « (Celle qui a été) engendrée ». D’autres traduisent l’inquiétude des parents quant à la viabilité de leur enfant, tels les noms Nenmetef « Il ne mourra pas » ou encore Cheri « (Il est) petit ». Il n’est pas impossible que les noms évoquant la petitesse du nouveau-né ou son extrême fragilité renvoient à des prématurés.
D’autres noms peuvent mentionner une circonstance particulière liée à l’accouchement, comme Herounefer qui signifie « Bon/beau jour » ou Nenmoutef, que l’on rend par « Il n’a pas de mère » et qui traduit vraisemblablement la perte tragique de la mère à la naissance ou dans un laps de temps relativement court consécutif à l’accouchement. En revanche, il paraît peu probable que le pendant masculin de ce nom, Nenitef, « Il n’a pas de père », ait été donné à l’enfant pour exprimer une circonstance similaire survenue au moment de l’accouchement. Peut-être ce nom faisait-il référence à la perte du géniteur dans les mois précédant la venue au monde du bébé.
Certains noms évoquent tout simplement un chiffre, par exemple Ouâti, « Le premier » ou Diounout « La cinquième ». Ces désignations ont été interprétées comme faisant référence à l’ordre d’apparition de l’enfant dans la famille.
Enfin, une dernière catégorie de noms, celle des onomatopées comme Teti, Bebi, Baba, Pepi, Papa ou encore Doudou, a été interprétée par certains égyptologues comme désignant les premiers balbutiements de l’enfance229. William Groff émet quelques réserves quant à cette interprétation et indique que ce type de noms n’a « aucun sens, du moins pour nous »230. Je suis d’avis de le rejoindre sur cette interprétation circonspecte, d’une part, car ces onomatopées ne reproduisent en rien les balbutiements que pourrait faire un nouveau-né, or le nom est donné dans la période périnatale, et d’autre part, ce n’est pas parce que nous ne saisissons pas immédiatement la portée de tels noms, à première vue intraduisibles, qu’ils n’ont pas un sens particulier pour les Égyptiens. Ainsi que nous l’avons vu dans la partie consacrée à la nomination de l’enfant en tant que rituel de passage231, le nom donné au nouveau-né passe pour être intimement lié à la puissance de l’individu. Il ne peut donc être envisagé que des parents aient donné à leur enfant un nom dénué de sens ou de symbolique. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas la connaissance parfaite des motifs ayant présidé au choix de ces noms qu’il faut en conclure que les noms égyptiens correspondent à tout et n’importe quoi.
Le nom a une telle importance aux yeux des Égyptiens que les mythes s’en font l’écho : pour devenir une déesse au pouvoir sans égal, la magicienne Isis complote contre le roi des dieux Rê afin de connaître son nom secret et posséder sa puissance. Quant à Amon, son nom signifie « Le caché » en témoignage du fait que le dieu préféra ne pas révéler sa réelle dénomination. C’est dans ce même esprit qu’il faut vraisemblablement comprendre des noms tels que Nenrenef que l’on traduit par « Il n’a pas de nom ». L’emprise que peuvent avoir des personnes malintentionnées, des esprits ou des revenants malveillants conduit certains parents à vouloir empêcher par tous les moyens que l’enfant attire leur attention. Cette attitude protectrice se rencontre toujours en Égypte où l’on ne montre le visage du nouveau-né qu’après une période de 40 jours. La crainte qu’une personne attire le mauvais œil sur l’enfant, involontairement ou intentionnellement, ou encore que les compliments sur la joliesse du bébé n’attirent les mauvais esprits, est encore très vivace de nos jours.
Ils font référence à certains dieux du panthéon égyptien et placent directement l’enfant sous leur protection. Celui-ci porte assez rarement le seul nom du dieu. En règle générale, son nom est constitué d’une courte phrase soulignant le pouvoir magique que le nom aura sur son porteur : ainsi Meryrê signifie-t-il « Aimé de Rê », Ramsès, « Rê l’a engendré », Niânkhkhnoum « La vie appartient à Khnoum », Bakenptah, « Serviteur de Ptah », Amenemipet, « Amon est dans le ciel », Inherkhâouy, « Onouris apparaît glorieusement », Sathâthor, « Fille d’Hathor », Ahmès, « engendré(e) par Iâh »…
D’autres noms peuvent aussi insister sur le rôle joué par une divinité dans la conception de l’enfant, comme Tadebastet qui signifie « Celle que Bastet m’a donnée » ou appeler sur le nouveau-né la protection divine, comme le nom Chedsoumout qui veut dire « Que Mout le sauve ».
Selon les périodes, certains noms théophores sont plus populaires qu’à d’autres : Ptahhetep (« Ptah est satisfait ») et Ptahchepses (« Ptah est noble ») sont très prisés à l’Ancien Empire tandis qu’Amenhotep (« Amon est satisfait ») ou Nebamon (« Amon, le maître ») sont plus fréquents au Nouvel Empire.
Les noms théophores comptent parmi les formes de nomination les plus populaires en Égypte ancienne, et ce, à toutes les époques. La protection des dieux est donc un élément non négligeable dans la détermination du nom chez les Égyptiens. La faveur particulière d’une divinité à une époque donnée (par exemple Amon au Nouvel Empire) ou dans un lieu particulier (par exemple Ptah, dieu tutélaire de Memphis) explique la popularité de leur présence dans les noms attribués.
À côté des noms clairement théophores, on rencontre également des noms exprimant des qualificatifs divins : Nebiounou qui signifie « Seigneur d’Iounou (= Héliopolis) », renvoie explicitement à Atoum, le dieu tutélaire de la cité ; Nebhepet, qui veut dire « Seigneur de la rame », fait allusion au dieu Rê et le nom Nebmehyt, « Maître du Vent du Nord », fait référence à Chou.
Dans d’autres cas, il est plus difficile de déterminer avec exactitude si le nom donné à l’enfant possède ou non un rapport avec une divinité et si oui, à quel dieu ou à quelle déesse il fait référence. Le recours aux périphrases, dans des noms comme Henetouret, signifiant « La grande dame » ou Henoutouâti, « La dame solitaire », renvoie peut-être à une déesse précise mais rien ne permet de l’affirmer.
Si les dénominations théophores sont chargées, plus que toute autre, d’une aura particulièrement magique, les noms de Pharaon ou ceux l’évoquant sont également courants et empreints d’un pouvoir associé cette fois à la personne royale. À l’instar de celui des dieux, le nom du souverain est censé protéger son porteur, d’où la profusion d’Amenemhât ou d’Amenhotep chez les Égyptiens. On peut également mettre en exergue le lien prophylactique unissant l’enfant à son roi en le soulignant de manière plus étroite, avec des noms tels que Meryteti, « Aimé de Teti » ou Nipepi, « (Celui qui) appartient à Pepi » (litt. (Celui) de Pepi).
Les noms expriment parfois des qualités que les parents souhaitent à leur enfant nouveau-né. Ces noms peuvent être la désignation d’un simple terme, comme Nedjemet « La douce », Ouser « Le puissant » ou Nakht « Le fort », ou l’association de deux mots comme les noms Tchaynefer, « L’homme bon/parfait », ou encore Nebounefer, « L’or parfait », en référence à la préciosité de ce matériau qui passe pour être la chair des dieux.
Il est malaisé d’établir dans quelle optique l’on donne aux enfants des noms comme Heqay, « Magicien », Sech, « Scribe », ou Kary, « Jardinier ». Ce métier est-il leur héritage familial ? Leur sert-il de protection (ce qui peut s’envisager pour le premier mais plus difficilement pour le deuxième) ? Indique-t-il la future fonction que l’on souhaite à son enfant ? Il n’est pas impossible que divers choix aient motivé ce type de dénomination.
Certains noms égyptiens peuvent évoquer des végétaux, comme certains prénoms modernes tels Olivier, Flora, Sylvie ou encore Rose. D’ailleurs, le prénom Suzanne vient de l’égyptien sechen (sSn) qui signifie « Lotus ». Il était déjà donné à des enfants dans l’Antiquité.
Le nom peut évoquer la plante seule, comme par exemple Chenedjou qui veut dire « Acacia » ou Nebes qui signifie « Jujubier », ou combiner le nom d’une plante et une valeur positive, comme c’est le cas pour les noms Nehitneferet que l’on traduit par « Joli sycomore » et Khetânkh qui exprime l’idée d’« Arbre (ou bois) vivant ».
On peut présumer que les qualités associées à ces végétaux (robustesse, joliesse…) aient certainement joué un rôle dans le choix de ces noms.
Les noms d’animaux peuvent également se rapporter à des êtres humains.
Si Mai, « Lion », est manifestement donné pour conférer à l’enfant la protection du puissant animal et éventuellement lui transmettre les qualités qu’on lui prête comme la force et le courage, il est plus difficile d’établir dans quelle optique les noms Ounech, « Chacal », ou Mesehet, « Crocodile femelle », sont donnés à un enfant. Sont-ils destinés à protéger l’Égyptien portant un tel nom de ces animaux ou sont-ils l’évocation d’une divinité (Anubis ou Oupouaout pour le chacal, et Sobek pour le crocodile) ? Difficile de se prononcer.
Cette catégorie de noms est plus ardue que d’autres à appréhender. En effet, il est difficile de percevoir, de prime abord, l’intérêt d’appeler un enfant Iken, dont le terme désigne le « Bol » en égyptien, ou Roudi, nom que l’on peut rendre par « (Celui) de l’escalier ». Il est manifeste que ces éléments matériels ont toutefois joué un rôle assez important pour que les parents de ces enfants décident de les affubler d’un tel nom. Peut-être sont-ils prédestinés par un rituel magique ou un songe lié à la naissance ou à l’enfant ? Ou peut-être ont-ils une autre signification qui nous échappe ?
Ces noms sont plus rares que les précédents et renvoient à deux concepts : soit il s’agit d’une désignation poétique d’une cité ou d’un lieu comme le nom Nedjembehedet qui signifie « Agréable est Behedet (= Edfou) »), soit il s’agit d’une épithète divine, comme le nom Nebetiounet que l’on traduit par « Maîtresse d’Iounet (= Dendérah) », évoquant la déesse Hathor, protectrice de la ville.
Dans tous les cas, les noms mentionnant un lieu expriment toujours des images positives et élégantes du site lui-même ou d’une personne patronyme.
Les noms patronymes revêtent une double symbolique : d’une part, leur signification même protège leur porteur, et d’autre part, le fait d’avoir un patronyme analogue à celui d’un membre de sa famille (parents, grands-parents ou arrière-grands-parents) exprime le maintien de la continuité familiale et peut-être le vœu que ce nom porte autant chance à son jeune destinataire qu’à son ancêtre. Enfin, la nomination d’un enfant renvoyant à un autre membre de la famille est très certainement un moyen efficace de montrer son désir de l’honorer.
Ces noms concernent tout autant les garçons que les fillettes. Toutefois, comme ces dernières sont bien moins représentées ou mentionnées sur les parois de tombe ou les stèles que les enfants de sexe mâle, on connaît bien moins l’étendue de cette coutume chez les fillettes. Je citerai en exemple le cas de la petite Neferiâh, figurée dans la tombe thébaine de Pouyemrê232 (TT 39), qui porte le même nom que son arrière-grand-mère, ou le cas du jeune Inherkhâouy, dénommé comme son grand-père, propriétaire d’une autre tombe creusée dans la montagne thébaine (TTT 359), aux côtés duquel il est figuré dans une scène233.
À l’Ancien Empire, une coutume qui tombera par la suite en désuétude consiste à faire suivre le nom de l’enfant (généralement de sexe masculin) du qualificatif nedjes (nDs) signifiant « le jeune » ou « le petit ». Dans ce cas, l’enfant porte alors systématiquement le nom de son père et non celui d’un autre membre de la famille. Cette appellation se situe complètement dans la lignée familiale où l’on conçoit l’enfant mâle comme la reproduction miniature du père et en qui on place de grands espoirs. Elle concerne très largement les aînés de la famille.
De manière générale, les noms exprimant la filiation de l’enfant reprennent plutôt le nom d’un membre de la famille (généralement le père). Lorsque l’on rencontre des termes de filiation, comme par exemple Ahmès fils d’Abana ou Amenhotep fils d’Hapou, il s’agit alors de surnom apposé à leur nom et non du nom complet.
Ce type de noms semble particulièrement populaire à la Basse Époque, période à laquelle les Égyptiens subissent le joug de la domination des Perses. Il a été démontré que des noms tels que Rourou, « Contre eux, contre eux ! », Iretrou, « Que l’Œil (soit) contre eux », Tahenetnakhtrou, « La Souveraine a prévalu contre eux » ou encore Tchabastetimou, « Que Bastet se saisisse d’eux ! », sont très clairement des noms insurrectionnels visant les envahisseurs234.
Les noms étrangers relèvent de deux types. Le premier est celui qui évoque l’étranger à travers son nom même, comme Aâmet signifiant « L’Asiatique » ou Nehesy que l’on traduit par « Le Nubien ». Le second est le nom à consonance étrangère. Si certains de ces derniers noms font sans doute allusion à des individus étrangers, certains furent bel et bien attribués à des personnes égyptiennes. À titre d’exemple, dans la tombe thébaine de Pached (TT 3), une petite fille dénommée Ournel (Wr-nl) est explicitement désignée comme la petite-fille du défunt235 alors que son nom est clairement étranger.
Leonard Lesko a proposé de voir dans ces noms des indices de mixage de la population égyptienne avec des étrangers. Le nom à consonance étrangère aurait alors été donné à l’enfant par l’un de ses parents lui-même immigré ou en souvenir d’un ancêtre récent qui l’était236. Les noms de ce type sont peu fréquents et les possibilités de connaître la généalogie détaillée de leur porteur trop rares pour qu’il puisse être possible de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse.
L’éventail des noms donnés aux enfants égyptiens est sans limites : il peut aussi bien comprendre un ou deux termes qu’une phrase entière et relève tout autant du monde matériel que de l’univers invisible. À l’instar des noms de couronnement que le pharaon prend lors de son accession au trône, certaines désignations sont de véritables programmes politiques, comme les noms imprécatoires. D’autres préfèrent cristalliser dans le nom de leur enfant tous leurs espoirs, leurs joies mais aussi leurs craintes quant à la viabilité du nouveau membre de la maisonnée.
La mythologie se fait l’écho de l’importance que les Égyptiens accordent au nom et même si, dans bien des cas, il n’est pas toujours aisé de comprendre les motifs qui les poussent à donner des noms qui nous semblent dénués de sens ou paraissant incongrus, il est évident qu’il y a une raison fondée à ces choix. Il est arrivé qu’au fil des années, certains Égyptiens décident de changer de nom, mais il est impossible d’établir combien de personnes ont acté cette décision ni même pour quels motifs.
Plusieurs formules des papyrus Berlin 3027 et Brooklyn 47.218.2 s’attachent plus particulièrement à défendre l’enfant en bas âge des esprits maléfiques qui peuvent le menacer.
Incantation visant à repousser des revenants
« Autre (sort) :
"Que s’éloigne celui qui est venu des ténèbres, celui qui entre en rampant, celui dont le nez est derrière lui, dont le visage est tourné en arrière, après qu’il ait échoué à ce pourquoi il est venu.
Que sorte dehors celle qui est venue des ténèbres, celle qui entre en rampant, celle dont le nez est derrière elle, dont le visage est tourné en arrière, après qu’elle ait échoué à ce pourquoi elle est venue.
Êtes-vous venus pour embrasser cet enfant ? Je ne vous laisserai pas l’embrasser !
Êtes-vous venus pour [le] calmer ? Je ne vous laisserai pas le calmer !
Êtes-vous venus pour lui nuire ? Je ne permettrai pas que tu lui nuises !
Êtes-vous venus pour le prendre ? Je ne vous laisserai me le prendre !
J’ai fait sa protection contre vous avec la plante-âfai, puisqu’elle constitue un obstacle (contre vous), de l’ail pour qu’il vous nuise, du miel doux aux gens, mais amer aux morts, de la sécrétion (?) du poisson-abdjou, de la mandibule de l’animal-meret (?) et la colonne vertébrale d’une perche du Nil". »237
Cette formule s’adresse frontalement à deux entités malfaisantes, l’une mâle, l’autre femelle, venues de l’au-delà pour s’emparer du jeune enfant. Outre l’incantation, la formule comporte un rituel magique destiné non pas à vaincre ces revenants mais à les repousser, ce qui en dit long sur le pouvoir de nuisance de ces deux êtres. Il est intéressant de relever que trois ingrédients – la plante-âfai, l’ail et le miel – sont spécifiquement employés en tant qu’excellents répulsifs de revenants.
Formule magique pour une femme rouge qui a accouché d’un (enfant) en devenir
« "Salut à vous, (les fils) qu’Isis a tissés et que Nephthys a enroulés en un (seul) fil, et dont elles ont fait des nœuds du fil divin avec sept nœuds.
Puisses-tu être ainsi protégé, (toi) enfant sain, P., né de NN., afin que tu restes en bonne santé et bien portant, afin que, pour toi, chaque dieu et chaque déesse soient satisfaits, pour que soient écartés l’ennemi, le voyageur, et l’ennemie, la voyageuse. Et que soit interdit le nom à celui qui se plaint à ton sujet, que la bouche soit fermée, comme fut muselée la gueule des soixante-dix-sept ânes dans le canal de Desdès. Si je les reconnais (= les ânes), je connaîtrai leurs noms. Celui qui rendra cet enfant malade ne peut pas les reconnaître et il continuera à en souffrir".
On doit réciter cette formule quatre fois sur sept perles en pierre-ibehti, sur sept (graines ?) en or et sept fils de lin, fabriqués par les deux tantes ; l’une est celle qui a tissé, l’autre, celle qui enroule les (fibres) en fil. On y fixe une amulette avec sept nœuds. On met le tout au cou de l’enfant. [C’est] la protection du corps [de] l’enfant (?). »238
Dans une étude consacrée à ce charme, Sylvie Donnat a établi qu’il ne fallait plus considérer la « femme rouge » comme une créature éprouvant des difficultés à procréer et à accoucher, victime du dieu Seth auquel cette couleur est souvent associée, mais comme la mère de l’astre solaire, de teinte jaune mais également rouge, auquel le nouveau-né est assimilé239. Une formule du papyrus Ramesseum XVI confirme d’ailleurs sa démonstration :
« [Incantation de la femme] rouge qui a mis au monde Khepri (= dieu du soleil levant). »240
En outre, l’évocation de cette couleur peut renvoyer au sang qui rougit les briques d’accouchement à la manière des montagnes rougeoyantes à l’aube, telles que figurées par le hiéroglyphe juste avant que l’enfant-soleil n’apparaisse .
Le texte, s’adressant aux fils de lin tissés et filés par Isis et Nephthys, implique un processus ritualiste. Celui-ci met en scène la fabrication d’une amulette, consistant en sept fils de lin tressés et noués, qui est ensuite passée au cou de l’enfant. Puis l’incantation est récitée à quatre reprises sur sept perles en pierre-ibehti, sur sept morceaux d’or, peut-être en forme de boulettes, et sur sept fibres de lin. On ne peut manquer de relever ici l’importance du chiffre 7, répété à cinq reprises et auquel s’ajoute le nombre 77. Le 7, chiffre magique par excellence dans de nombreuses sociétés, exprime, dans la sphère égyptienne, la vie au sens le plus large du terme.
Le rituel du nouage des fils, que l’on rencontre dans d’autres formules magiques, est tout aussi puissant. Les nœuds interviennent dans de nombreux domaines relatifs aux sphères religieuse, magique, mythologique et médicale, toutes étroitement imbriquées dans la conception égyptienne241. Selon leur destination, les nœuds n’ont pas la même symbolique. Certains peuvent être bénéfiques, d’autres, néfastes. Les amulettes à nœuds passent pour être des moyens de bloquer ou d’annihiler des forces nuisibles, chaque nœud formant alors un obstacle à franchir pour les mauvais esprits. Étant donné le pouvoir qu’on leur prête, il est tout à fait concevable que les Égyptiens pensent que les liens puissent capter, retenir et ancrer le pouvoir des charmes que l’on récite au-dessus d’eux242.
Outre l’ascendant des nœuds sur le rituel, l’incantation fait appel au pouvoir du chiffre 7 et à la magie sympathique : les fils destinés à réaliser l’amulette ne sont plus de simples brins confectionnés par une Égyptienne quelconque mais des fils réalisés par Isis et Nephthys. Enfin, et c’est là un aspect non des moindres du pouvoir de cette formule, le nouveau-né est assimilé au dieu-soleil renaissant. En effet, les ennemis évoqués dans l’incantation – outre les traditionnels revenants – sont les soixante-dix-sept ânes du canal de Desdès connus pour être les ennemis de Rê et de ses adjuvants. Le charme dont il est question ici établit donc un parallèle étroit entre les adversaires du nouveau-né et ceux du dieu solaire, induisant que l’enfant est lui-même le jeune soleil renaissant. Le nourrisson n’étant pas, cette fois, assimilé au dieu Horus, on comprendra mieux pourquoi Isis est reléguée au même plan que sa sœur Nephthys et la raison pour laquelle elles sont conjointement invoquées pour veiller sur la naissance de l’enfant-soleil. Leur rôle protecteur se retrouve en effet dans le Livre de la Nuit où les deux déesses accueillent le disque solaire mis au monde par Nout243, Nout qui n’est autre que leur mère, d’où le qualificatif des « deux tantes » de l’enfant dans le texte. Enfin, on se souviendra du pouvoir magique que les Égyptiens prêtent au nom et de l’ascendant que détient celui/celle qui connaît le vrai nom d’une personne, telle Isis qui devient une puissante déesse après avoir obtenu de Rê qu’il lui révèle son vrai nom. Le lecteur de l’incantation indique qu’il connaît les noms des soixante-dix-sept ânes de Desdès. Il a donc automatiquement un ascendant sur ces créatures séthiennes.
« Ma protection est la protection du ciel et la protection de la terre.
Ma protection est la protection de la nuit.
Ma protection est la protection du jour.
Ma protection est la protection de l’or.
Ma protection est la protection de la pierre-ibehti.
Ma protection est la protection de Rê.
Ma protection est la protection de ces sept dieux qui ont créé le pays, quand il n’y avait que désert, et qui ont mis (?) les cœurs à l’endroit correct.
Ton sommet est (celui de) Rê, tu es l’enfant sain,
ton occiput (est celui d’) Osiris,
ton front est (celui de) Satet, la maîtresse d’Éléphantine,
ta tempe est (celle de) Neith,
tes deux sourcils sont (ceux) du maître de l’orient,
tes deux yeux sont (ceux du) maître de l’univers,
ton nez est celui-ci qui nourrit les dieux,
tes oreilles sont (celles des) deux uraei,
tes épaules sont (celles des) faucons vivants,
ton bras-ci est (celui d’) Horus, l’autre, (celui de) Seth,
ton flanc est Sepedet, l’autre (celui de) Nout qui met les dieux au monde, la boîte pour prendre le pur (?) à Héliopolis où chaque déité se trouve.
ton cœur-ib est (celui de) Montou,
ton cœur-haty est (celui d’) Atoum,
tes poumons sont (ceux de) Min,
ta bile est comme (celle de) Nefertoum,
ta rate est (celle de) Sobek,
ton foie est (celui d’) [Harsaphès], maître d’Hérakléopolis,
tes intestins sont sains,
ton nombril est l’étoile unique,
ta jambe-ci est (celle d’) Isis, l’autre est (celle de) Nephthys,
tes deux pieds sont (ceux de) [Geb (?)] celui-ci te prend (?) […],
tes mollets sont deux vases-heset (?) […],
tes doigts de pied sont (ceux d’) un serpent élevé.
[…] font parce qu’on (?) affirme par serment une supplication en ton nom. Il n’y a aucun membre de ton corps qui est sans grand [dieu ?].
Chaque dieu est celui qui protégera ton (?) nom […]. Tout le lait que tu tètes, chaque bras dans lequel tu es placé, chaque giron sur lequel tu t’étires, les vêtements dont tu es habillé, chacun […….] dans lequel tu as passé le jour, chaque protection qui est faite pour toi, chaque protection (instrument ?) sur lequel tu es mis, <chaque nœud> qui est noué pour toi, chaque amulette qui est mise à ton cou, elle te protégera avec eux, elle te gardera sain et indemne, et te donnera la faveur de chaque dieu et chaque déesse. »244
Le texte se décline en trois parties. La première partie présente huit modes de protection offerts à l’enfant. Ceux-ci sont déclinés par paires complémentaires : le jeune Égyptien sera ainsi protégé aussi bien dans le ciel que sur terre, à comprendre par les dieux célestes et par la magie terrestre ; de nuit comme de jour, donc à chaque instant, et par l’or et la pierre-ibehti245, deux matériaux conjointement associés dans la sphère magico-religieuse246. Enfin, la protection du puissant Rê est complétée par celle d’un collège de sept démiurges. Le chiffre 7 passe pour contenir le principe divin, la création émanant de lui, et forme l’expression concrète de l’universalité cosmique, d’où l’extrême puissance du collège des démiurges évoqué.
La deuxième partie de la formule décrit chaque élément corporel constitutif de l’enfant en débutant par le sommet de son crâne et en terminant par ses orteils, une constante dans ce type d’évocation247. Les parties corporelles mentionnées sont aussi bien externes qu’internes (cœur, bile, poumons, rate, foie et intestins). La teneur de ce type de texte témoigne de la volonté de diviniser chaque partie de l’individu concerné afin de lui offrir une protection optimale. Les déesses et dieux évoqués ne sont toutefois pas toujours les mêmes dans ce type de texte et ils ne protègent pas systématiquement les mêmes parties corporelles.
La dernière partie réaffirme la providence des dieux sur le nom de l’enfant, pour chaque temps et moment importants de la journée, et sur son environnement quotidien.
Formule de protection du corps à réciter pour un enfant quand le soleil se lève
« Tu te lèves, Rê, tu te lèves.
Si tu as vu ce mort <et cette morte> venir vers P., né de NN., pour mettre à exécution leur plan de dérober <son enfant> de ses bras, prononce la formule : "Puisses-tu me sauver, mon maître Rê !" Ainsi dit P., né de NN.
"Je ne veux pas te donner, [je ne veux pas donner] la charge à la pilleuse et au brigand de l’Ouest. Ma main doit être sur toi, mon sceau doit être ta protection", dit Rê pendant qu’il se lève. "Puissiez-vous disparaître". C’est la protection. »248
Cette incantation est vraisemblablement couplée avec la formule ci-après, sollicitant la protection du dieu Rê en fin de journée, alors que sa barque solaire s’apprête à disparaître de l’horizon, annonçant ainsi l’arrivée imminente de la nuit :
« Tu pars, Rê, tu pars.
Si tu as vu ce mort et cette morte venir vers P., né de NN., pour mettre à exécution leur plan de dérober <son enfant> [de ses bras], prononce la formule : "Puisses-tu me sauver, Rê, mon maître !" Ainsi dit NN.
"Je ne veux pas te donner, je ne veux pas donner la charge à la pilleuse et au brigand. Ma main doit être sur toi, le sceau doit être ta protection", dit Rê pendant qu’il disparaît. "Vois, je suis celui qui te protège".
On doit réciter cette formule le soir, face à Rê, pendant qu’il disparaît de la vie. » 249
Deux formules quasiment similaires se rencontrent ailleurs dans le papyrus Berlin 3027250.
Une nouvelle fois, on constate que les incantations sont destinées à sauver le nourrisson de revenants mâle et femelle. C’est le dieu Rê en personne qui est invoqué par le biais d’une double formule destinée à veiller sur l’enfant tant de jour que de nuit. Il est intéressant de voir que pour les Égyptiens, il y a une très nette séparation entre les protections diurne et nocturne. Elles peuvent émaner de la même divinité mais sont quand même dédoublées. On relèvera enfin que malgré sa puissance, Rê ne semble pas avoir le pouvoir de détruire les deux entités malfaisantes puisqu’il se contente de leur ordonner de disparaître.
« Autre livre de repousser la crainte, l’effroi, le cri de tchiatit* et de détresse qui s’élève vers tout dieu et toute déesse : "Salut à vous les sept étoiles du ciel de Meskhetiou (= la Grande Ourse), qui se dressent à leur place quotidienne, leurs visages sont tournés vers Ouadj-Our (qui entoure le monde), aucun dieu, aucune déesse ne connaît vos noms et celui de l’enfant qui est à l’intérieur du lotus, venez et sauvez P. né(e) de NN. de toute chose mauvaise. Mais si vous n’écoutez pas mes propos, alors je prononcerai vos noms devant les autres, et je vous retiendrai vers l’ouest, comme les (autres) étoiles du ciel, et Osiris fera contre vous un châtiment". (Paroles à) réciter sur les images de ces divinités (litt. : ces divinités qui sont en dessin). Faire une amulette et la placer au cou de l’enfant. »251
L’incantation ne précise pas que l’enfant effrayé est un nourrisson mais étant donné qu’il fut consigné dans le papyrus Brooklyn 47.218.2 qui traite d’obstétrique et de la protection des plus jeunes, on peut le penser.
Une fois n’est pas coutume, le charme fait appel principalement aux sept étoiles de la constellation de la Grande Ourse, appelée Meskhetiou en égyptien. Dans la conception antique, les étoiles étaient des divinités placées sous le pouvoir du pharaon défunt. Elles pouvaient être anthropomorphisées, à l’image de l’étoile la plus brillante du ciel, Sepedet (Sirius chez les Romains et Sothis chez les Grecs). Il ne doit donc pas nous étonner que le texte parle de « leurs visages tournés vers l’océan ». De même, à l’instar des dieux et des hommes, leur nom, demeuré secret, préserve leur puissance. L’auteur du papyrus n’hésite pourtant pas à les menacer : il révélera leurs noms et Osiris les punira si les étoiles de Meskhetiou ne coopèrent pas ! On se souviendra que ce même auteur avait annoncé aux dieux de l’Ennéade un chaos généralisé s’ils ne venaient pas en aide à la femme mettant au monde des enfants mort-nés ou décédant en période néonatale252. On peut douter du fait que le praticien connaisse le nom des étoiles si même les dieux et déesses l’ignorent. Mais tout comme dans l’une des formules de protection du papyrus Berlin 3027 où le magicien se targue de pouvoir connaître le nom des soixante-dix-sept ânes du canal de Desdès253, le but de la manœuvre est de montrer son pouvoir et de faire pression par la puissance de l’écrit : tout ce qui est rédigé a potentiellement le pouvoir de se réaliser par la puissance de la magie. Toutefois, il est plutôt rare que la menace du praticien s’adresse aux adjuvants potentiels de l’enfant !
« Livre de chasser crainte et effroi d’une fillette : "Je suis Reret qui attaque au moyen de sa voix – sa voix mauvaise – le cri, mais qui protège celui qui est sorti de son corps (i.e. Horus), qui arrache le cœur d’un mort, d’une morte, l’action d’un dieu, [l’action d’une déesse], le fantôme d’un dieu, ceux qui sont dans son ba […] … la très crainte, qui se précipite furieuse [contre les enne]mis, le feu, la flamme [… qui] sort de sa gueule pour attaquer au moyen de [toute ?] gueule […] un mort, une morte, un adversaire, une adversaire, un revenant, une revenante, le feu, toute flamme, [tout] effroi, [tout] dieu, toute déesse, [toute] chose dommag[eable] qui est dans les membres de [P. née de] NN., la craignent. C’est à moi qu’appartient la déesse auguste dans son pouvoir [sur ?…] sur ses biens, [elle] chasse […] du fils, Horus, [elle] chasse […] la sorcière (?), [la truie], la dévoreuse [de l’Occident qu]i viennent contre P. née de NN. […]". »254
La déesse hippopotame Reret, outre ses capacités à influencer la destinée de l’enfant, pouvait également être mise en avant pour repousser le mal sous toutes ses formes. Dans un article où il présente cette formule demeurée jusque-là inédite, Ivan Guermeur rapproche très justement l’incantation d’un texte gravé sur une statuette figurant Thouéris et conservée aujourd’hui au Musée du Louvre :
« Je suis Rerit, celle qui attaque au moyen de sa voix, qui dévore, quand elle s’approche, celui qui élève la voix et qui pousse des cris, mais qui protège celui qui sort de son corps. »255
Reret, dont le nom égyptien signifie « nourrice », n’hésite pas à devenir agressive, à l’instar des hippopotames, dès lors que l’on touche ou que l’on s’attaque à ceux qu’elle aime et a en charge de protéger.
Ces sept formules magiques destinées à veiller sur les nourrissons font état d’un large éventail de protections offertes par de nombreuses divinités éventuellement associées à un rituel. On notera que nulle part n’est mentionné le fait que le mal, sous quelque forme que ce soit, s’en prendrait à la santé mentale de l’enfant. Le but recherché est visiblement toujours d’atteindre physiquement le jeune sujet.
En égyptien, les termes « amulette » et « protection » sont non seulement homonymes – ils s’écrivent tous deux qui se lit sa (sA) – mais également quasi synonymes. En effet, l’écriture de ces deux termes n’est pas toujours suivie du hiéroglyphe déterminatif permettant de les distinguer et de savoir à quel mot précisément le texte fait référence. Ce fait souligne étroitement l’association entre les deux termes et le rôle fondamental confié aux amulettes.
Si en français, le terme « amulette » se réfère à un objet spécifiquement doté d’une valeur magique, en Égypte ancienne, il est probable qu’il faille élargir l’utilisation de ce terme à toute la gamme des bijoux, comportant ou non des pendentifs en lesquels nous reconnaissons des amulettes. Dans l’Antiquité, les bijoux revêtent certes une fonction décorative indéniable, mais également apotropaïque. Leurs représentations, couleurs, matériaux et parfois leur nombre sont chargés de connotations symboliques et de valeurs magiques qui passent pour veiller sur la personne les portant. Les pendentifs ne sont donc pas les seuls à jouer un rôle prophylactique : les perles, les fils, les nœuds réalisés sur les colliers ou les bracelets, ou tout simplement les parures faites d’une seule pièce, tous ont vocation, à leur manière et peut-être avec des échelles de puissance diverses, à protéger leur détenteur.
Les textes qui constituent la base de notre connaissance sont les papyrus Berlin 3027 et Ramesseum IV. Ils recensent sept fabrications spécifiques d’amulettes destinées à la protection des enfants, dont trois qui s’attachent plus particulièrement à veiller sur les nourrissons.
L’un des chapitres du papyrus Ramesseum IV fait allusion à la fabrication d’un talisman qui doit être réalisé le jour même de la naissance de l’enfant. Le passage est malheureusement fort lacunaire :
« Fabriquer une amulette individuelle pour un enfant le jour où il est mis au monde : […] une boulette d’excréments là-dessus, dès qu’il (= l’enfant) est descendu du ventre […]. »256
Il est regrettable que le texte soit aussi incomplet car il nous empêche de savoir quel rôle joue la boulette d’excréments et si elle est, à un moment donné, en contact direct avec l’amulette ou le nouveau-né.
Si ce passage spécifie bien qu’un pendentif prophylactique doit être réalisé dès que l’enfant est né, d’autres sources nous apprennent qu’il est aussi possible de faire l’acquisition d’« amulettes de naissance », avant ou après l’accouchement. Un ostracon découvert dans le village des artisans de Deir el-Médineh fait ainsi allusion à une liste d’achats comprenant entre autres deux talismans de naissance257.
La deuxième mention se rencontre dans une autre formule du papyrus Berlin 3027 dont nous avons vu précédemment une variante258 :
Formule à réciter pour l’enfant le matin très tôt
« Tu te lèves, Rê, tu te lèves.
Si tu as vu ce mort et cette morte venir vers P., né(e) de NN, pour mettre à exécution leur plan de dérober [son enfant] de ses bras, prononce la formule : "Sauve-moi (?), Rê, mon maître !"
"Je ne veux pas te donner, je ne veux pas donner l’enfant à <ceux- ci (?)> qui agiront mal avec cet enfant. Ma main doit être sur toi, le sceau doit être ta protection. Vois, je suis celui-ci qui te protège".
On doit réciter cette formule sur un sceau avec une main : il sera fait une amulette, nouée avec sept nœuds. Un nœud, le matin, un autre le soir, jusqu’à ce que les sept nœuds soient terminés. »259
Le procédé de création de l’amulette doit se faire progressivement, au rythme d’un nœud le matin et d’un autre le soir, afin d’arriver aux sept nœuds. Soit un rituel de trois jours et demi. La protection de l’enfant n’est donc pas pleinement efficace avant l’accomplissement de ce rite. Comme il n’est pas indiqué que ce talisman est mis au cou de l’enfant, une fois son utilisation dans le rituel magique consommée, on peut penser que ce n’est pas le cas et qu’il existe vraisemblablement des amulettes destinées à la protection de l’enfant, mais qui ne sont pas réalisées pour être portées.
Le pouvoir apotropaïque du talisman est complété par le recours à un sceau figurant probablement la main de Rê, peut-être également considéré comme une amulette.
Dans la documentation archéologique funéraire, je n’ai recensé que sept tombes d’enfants en bas âge dans lesquelles furent retrouvées une ou plusieurs amulettes en forme de main260. Étant donné qu’aucun sceau n’a été mis au jour dans ces mêmes sépultures, il ne peut être acquis que ces amulettes en forme de main aient un lien avec le rituel susmentionné.
La dernière mention textuelle de pendentif prophylactique visant à protéger un enfant en bas âge a été précédemment évoquée dans la formule de protection absolue livrée par le papyrus Berlin 3027 :
« … chaque amulette qui est mise à ton cou te protégera avec eux, elle te gardera sain et indemne, et te donnera la faveur de chaque dieu et chaque déesse. »261
La forme initiale de l’amulette ne semble pas avoir joué un rôle primordial puisqu’elle bénéficie de toute manière de la bienveillance des dieux égyptiens.
Il semblerait qu’il y ait, en Égypte ancienne, deux types d’amulettes veillant sur les nouveau-nés et enfants en bas âge : d’une part, les talismans réalisés spécifiquement durant une cérémonie et selon un rite bien spécifique qui peuvent être destinés à être portés par l’enfant mais pas obligatoirement, et d’autre part, les pendentifs prophylactiques conçus pour être placés sur le jeune sujet. Parmi ces derniers, il existe une catégorie bien spécifique d’amulettes réalisées à l’occasion d’une naissance.
Dans l’iconographie égyptienne, les nourrissons sont rarement figurés avec des parures. Sur un ensemble de 251 jeunes sujets recensés, seuls 9 d’entre eux portent un bijou262. La chevelure de l’un d’eux est parée d’un anneau de cheveu, les hanches de deux autres, ornées d’une ceinture et les six derniers portent un collier. Une seule amulette, de forme circulaire et de couleur noire, est accrochée à l’un des colliers. Le nourrisson concerné est représenté sur un flacon anthropomorphe qui le figure contre la poitrine d’une femme. L’objet, appartenant à un collectionneur privé, date du Nouvel Empire263.
La coutume, souvent prêtée aux Égyptiens, de protéger le nourrisson en le couvrant d’amulettes en tout genre n’est en aucun cas reflétée dans l’iconographie. On relèvera également que, contrairement à une idée reçue véhiculée dans la littérature égyptologique264 indiquant que l’on accroche au cou des jeunes enfants une perle ou amulette circulaire de couleur bleue pour les protéger du « mauvais œil », nulle trace de ce supposé talisman n’a été décelée, tant dans l’iconographie que dans les sources épigraphiques ou même archéologiques, comme nous allons le voir. En réalité, cette erreur provient d’une confusion avec une coutume encore très répandue au début du XXe siècle en Égypte consistant à parer l’enfant nouveau-né d’une perle-amulette bleue appelée khamsah wé khémēsah, censée lui éviter le « mauvais œil »265. Cette coutume n’a toutefois rien à voir avec une tradition ancestrale.
À l’heure actuelle, le manque de données et les fortes lacunes documentaires ne permettent pas d’avoir une idée précise et étayée de la pratique consistant à déposer sur le petit défunt ou auprès de lui une ou plusieurs amulettes.
Le nombre de tombes d’enfants en bas âge aux données exploitables266 recensées à travers toute l’Égypte entre la période prédynastique et la fin du Nouvel Empire dépasse avec difficulté le millier, ce qui est extrêmement faible étant donné la période et l’aire géographique couvertes ainsi que les taux de mortalité particulièrement élevés chez cette population infantile. Il est donc impossible de faire la moindre généralité des résultats recueillis. Je signalerai donc simplement que 341 tombes comprenaient un ou plusieurs bijoux apotropaïques mais qu’une soixantaine seulement recélait des amulettes.
Si l’on s’attache à étudier le type de pendentifs prophylactiques mis au jour dans ces tombes, trois constatations peuvent être faites, en dépit du faible échantillonnage collecté.
En premier lieu, la coutume de déposer des amulettes auprès des nourrissons, mais également des enfants plus âgés, est fort peu courante avant l’Ancien Empire. Elle semble s’être ensuite ancrée dans les us et coutumes mais sans jamais devenir véritablement une mode funéraire.
Ensuite, l’étude des types d’amulettes retrouvées dans leurs sépultures révèle deux faits : il n’y a aucun talisman spécifique aux nourrissons, eu égard leur jeune âge, et ces derniers ne furent exclus d’aucune catégorie d’amulette, ainsi que le montre le tableau 2.
Tabl. 2. Types d’amulettes retrouvées auprès des enfants en bas âge |
|
Amulettes traditionnelles | 47 |
Divinités | 33 |
Animaux | 33 |
Humains ou parties de corps | 14 |
Emblèmes royaux | 1 |
Divers | 5 |
Indéfini/Pas de mention | 333 |
TOTAL | 466 |
Le très jeune âge des défunts n’a donc eu aucune incidence sur les types de talismans qui leur furent associés. En revanche, il semblerait qu’il ait eu une incidence sur la valeur économique des amulettes retrouvées. Les données sont bien trop minces pour que l’on puisse en faire des généralités absolues mais à ce jour, mon corpus archéologique n’a livré que quatre tombes d’enfants en bas âge pourvus de pendentifs de grande valeur économique267.
La confrontation des sources épigraphiques, iconographiques et archéologiques a permis de mettre en exergue un décalage entre l’idée que les enfants en bas âge doivent être protégés par toutes sortes d’amulettes et ce que les corpus archéologique et iconographique livrent comme données. Certes, l’échantillonnage de sépultures des plus petits est fort mince, et de ce fait, les résultats incomplets et imparfaits. Mais le corpus iconographique donne une image tellement tranchée sur ce point qu’il est nécessaire de se demander si l’on n’a pas fantasmé une surprotection prophylactique des enfants en bas âge.
Les talismans d’heureuse maternité sont des objets particulièrement populaires au début de la Basse Époque. Les quelque deux cents talismans à ce jour répertoriés268 furent principalement découverts dans des temples et des habitations à Tanis et à Tell Basta.
Les tailles de ces artefacts varient entre 1 et 42 cm. Cet écart très important tient au fait que certains d’entre eux sont des amulettes destinées à être portées par une personne, quand d’autres sont vraisemblablement réalisés pour être accrochés à des hampes ou à des meubles. Les bélières fixées au revers de ces talismans ou la présence d’orifices ménagés à la base attestent en effet que ces apotropaia sont réalisés pour être suspendus. Plusieurs de ces objets sont percés de trous, au niveau du visage, des oreilles, ou encore dans la coiffure. Les oreilles de certains nouveau-nés figurés sur ces objets sont encore ornées d’anneaux, ce qui laisse à penser que les trous découverts vides servaient peut-être à accueillir des boucles similaires. On peut présumer que certains de ces talismans, sinon tous, doivent être agités à la manière des sistres, afin d’écarter, par le son qu’ils produisent, les mauvais esprits. N’oublions pas que Bès lui-même repousse les forces du mal en agitant son tambourin ou en frappant ses armes l’une contre l’autre. Il est d’ailleurs l’un des principaux personnages à avoir été choisi comme motif de ces talismans.
Deux types principaux sont à distinguer : les formes de Bès allaitant un nouveau-né (pl. 33) et celles du dieu-musicien. Assez couramment, ce protecteur de la famille et des enfants est associé à des animaux (singe, antilope, oryx, ibex, grenouille ou encore lion), plus rarement à des nain(e)s. Un autre motif populaire consiste à représenter un cercopithèque, soit dans l’attitude du musicien, soit dans celle du protecteur. Parfois, on rencontre également associés à son image des petits Bès, des rosaces papyriformes ou des colonnes-ouadj. Moins fréquentes sont les figurines de chatte ou de chatte à tête humaine ainsi que les figurines humaines montrant généralement des musiciens ou des jeunes filles allaitant un nouveau-né ou un singe, portant un coffret ou un vase, ou entourées de chats et/ou chatons.
Quelle que soit la fonction première de ces talismans (pendentifs ou figurines), ils sont principalement utilisés dans le nord du pays et à une période relativement tardive de l’histoire égyptienne.
Les sources font état de multiples moyens tels que les ivoires magiques, les incantations aux dieux, les formules magiques de protection assorties de rituels, les bijoux et plus particulièrement les amulettes et les talismans d’heureuse maternité, pour conserver l’enfant en bonne santé ou éloigner de lui les revenants maléfiques.
Ces divers procédés magiques ne sont toutefois pas unilatéralement employés. D’un point de vue chronologique, les ivoires magiques ne font leur apparition sur le sol égyptien qu’à partir du Moyen Empire et tombent progressivement en désuétude à partir de la fin du Nouvel Empire. À l’inverse, les talismans d’heureuse maternité sont créés tardivement, à la Basse Époque, et demeurent limités dans le temps mais aussi géographiquement, puisqu’ils sont principalement utilisés dans le nord du pays. Les origines sociales doivent, par ailleurs, immanquablement jouer sur les dispositifs magiques auxquels les parents peuvent ou non accéder. Toutefois, la magie prend de tels aspects que tout le monde peut y recourir par des biais divers.
La croyance qu’un esprit malfaisant veuille s’emparer de la vie d’un enfant a perduré au fil des siècles. Aujourd’hui encore, de nombreuses croyances populaires en Égypte ou ailleurs évoquent cette malveillance sous l’expression « le mauvais œil » et mettent tout en œuvre pour écarter le danger de l’enfant : celui-ci peut être caché, déguisé en fille s’il s’agit d’un enfant mâle ou encore laissé sale pour que son odeur n’attire pas quelque mauvais démon.
Cette partie regroupe cinq affections spécifiques aux enfants en bas âge énoncées dans les papyrus iatromagiques.
La première concerne les bébés qui se refusent à téter le sein de leur mère ou de leur nourrice. La deuxième est la fièvre qui peut saisir le nourrisson en de multiples occasions et causer son décès si rien n’est fait pour la faire baisser. Les troisième et quatrième affections sont des maladies infantiles, appelées sesemy et bââ en égyptien. Enfin, la dernière pathologie est en rapport avec ce qui a été identifié comme un problème urinaire pouvant également se révéler fatal pour un très jeune malade.
Dans le papyrus Ramesseum III, les médecins conseillent une incantation destinée à redonner au bébé l’envie de téter le sein :
« Faire en sorte que l’enfant qui ne tète pas accepte (le sein). (Paroles à réciter :) "Horus ingurgitera et Seth mâchera […]". »269
En l’état, il est impossible de savoir si, outre l’invocation à Horus et Seth intervenant conjointement pour guérir l’enfant, un rituel magique et une ordonnance médicale la complètent.
Le refus de téter peut survenir notamment en cas d’infection du lait maternel qui lui donne alors un mauvais goût. Le papyrus Ebers se base sur l’odeur émise par le lait pour évaluer sa qualité :
« Examen d’un lait mauvais : tu devras examiner son odeur semblable à la puanteur du poisson. »270
« Examen d’un lait bon : son odeur est semblable à celle des râpures de rhizome de souchet comestible. C’est le moyen de trouver cela. »271
Si la comparaison avec l’odeur du poisson ou celle du souchet (plante de la famille du papyrus) peut faire sourire, elle n’en demeure pas moins un élément fiable pour établir si le lait est vicié ou non, car celui-ci émet effectivement une odeur particulière quand il est infecté (le lait est toujours stérile à son émission mais les crevasses et l’engorgement mammaires peuvent être, en revanche, sources d’infection).
Pour éviter que le bébé qui refuse de téter ne meure d’inanition, seules deux options prévalent : l’allaitement par une autre femme ou l’absorption de lait d’origine animale. Je discuterai de la possibilité de cette seconde option dans la partie consacrée à l’alimentation des enfants en bas âge272.
Le papyrus Berlin 3027 livre une formule magique visant à faire tomber la fièvre d’un jeune enfant :
Formule (à réciter) en mettant (une amulette) pour un enfant, un jeune oiseau
« "As-tu chaud [dans] le nid ? As-tu chaud dans les broussailles ? Ta mère n’est-elle pas avec toi ? Une sœur n’est-elle pas là, pauvre abandonné ? N’y a-t-il pas de nourrice pour préparer une amulette ?
Que l’on m’apporte une perle en or, une perle en grenat, un sceau avec un crocodile et une main, pour abattre et éliminer ce désir (?) de chauffer le corps, et abattre cet ennemi et cette ennemie de l’Ouest.
Disparais !
La protection/l’amulette est là".
On doit réciter cette formule sur une perle en or, une perle en grenat, un sceau avec un crocodile et une main. Elle est élaborée sur le fil le plus fin, (et) constitue une amulette qui est mise au cou de l’enfant. Bon. »273
Le lecteur du papyrus magique s’adresse tout d’abord à l’enfant, comparé à un oisillon, seul, sans défense et brûlant de fièvre, en le sondant sur la fièvre qui s’est saisie de lui. Puis il exhorte le responsable du mal, une fois encore un revenant, à quitter le corps de son jeune patient. Enfin, il s’adresse à un ou plusieurs destinataires inconnus en leur préconisant de réciter la formule magique sur des perles en or et en grenat, un sceau et un fil préalablement enchanté.
Attardons-nous un instant sur la symbolique du sceau figurant un crocodile et une main. Lorsque l’on prête attention aux sorts que l’on jette contre les revenants malintentionnés, on se rend compte que quelques-uns font intervenir des sauriens pour les maîtriser274. Le crocodile évoqué dans la présente formule magique est donc un adjuvant puissant, capable de terrasser le/la revenant(e) qui s’est attaqué(e) à l’enfant. Quant à la main protectrice, il s’agit peut-être de celle de Rê, évoquée à deux reprises dans le papyrus Berlin 3027, lorsque le dieu annonce solennellement : « Ma main doit être sur toi »275.
Le fait que l’auteur du passage indique tout à la fin « Bon » est un cas absolument unique pour l’ensemble de la documentation magico-médicale rapportée aux enfants. S’il arrive de rencontrer sporadiquement cette conclusion dans des prescriptions médicales se rapportant aux adultes, il est singulier de la trouver dans un contexte où seule la magie intervient pour secourir l’enfant.
Une prescription visant à débarrasser un enfant d’une affection dénommée sesemy (ssmjj) se rencontre dans l’un des chapitres du papyrus Berlin 3027. La formule comporte une première partie incantatoire, assez incompréhensible et lacunaire276, et une seconde constituée du rituel à accomplir :
« On doit réciter cette formule pendant que l’on fait manger une souris cuite à cet enfant ou à sa mère. Ses ossements doivent être attachés à son cou (au moyen d’) une bande de lin fin et sept nœuds doivent être noués. »277
La souris cuite peut sembler être un aliment un peu particulier ; toutefois, il y a lieu de comprendre que son ingestion relève d’un rituel magique et non d’un traitement médical. Le passage précise bien que la souris doit être mangée pendant la récitation de la formule magique, ce qui n’est jamais le cas pour les prescriptions médicales lorsqu’elles sont associées à la formulation de charmes. En outre, l’animal entier cuisiné n’est jamais mentionné dans les autres posologies thérapeutiques. Seule la graisse de souris peut être éventuellement utilisée comme ingrédient dans le cadre de certaines prescriptions278. Enfin, les ossements du rongeur doivent être précautionneusement prélevés et glissés dans un morceau de lin, lui-même noué au moyen de sept nœuds. Cette dernière procédure n’est jamais appliquée dans le cas d’un traitement médical où l’on préconise l’absorption d’aliments divers. On ne peut donc pas parler de médicament, comme l’ont parfois sous-entendu certains égyptologues279. Cette erreur d’interprétation est cependant aisée à comprendre : en effet, au Ier siècle de notre ère, Dioscoride, médecin et pharmacologue grec, rédige une œuvre en cinq livres, De materia medica, dans laquelle il fait allusion à des problèmes de dentition soignés par l’ingestion d’une souris :
« On affirme en général que les souris coupées sont bénéfiques (lorsqu’elles sont) appliquées sur ceux (qui ont été) piqués par des scorpions et que les souris rôties sèchent la salive dans la bouche des enfants qui les mangent. »280
Dioscoride recommande également, en cas de salivation abondante, de mettre dans la bouche de l’enfant une souris vivante281… De fait, l’infortuné patient devait suffisamment être traumatisé pour que lui soit définitivement ôtée l’envie de continuer à baver !
Dans les propos de Dioscoride, il est clair que la souris cuite a acquis un nouveau statut à la période romaine : elle est désormais l’unique médicament utilisé dans un traitement en relation avec des problèmes de dentition clairement exprimés. Il semble évident que ce qui était à l’origine constitutif d’un rituel soit devenu, au fil du temps, une simple recommandation supposément médicale dont l’aspect magique et ritualiste s’est progressivement perdu au cours du temps. En effet, un usage médical de la souris pour des problèmes de salivation est attesté à la fin du XVIIe siècle en Algérie282 et, plus surprenant encore, au début du XXe siècle dans les campagnes du Royaume-Uni ! Il y a à peine un siècle, pour soigner des enfants anglais souffrant de salivation excessive mais aussi d’incontinence de la vessie ou de coqueluche, il était recommandé de leur donner à manger une souris écorchée, frite, bouillie ou servie en tarte283. On reconnaît bien là une appropriation très britannique de l’antique recette !
Étant donné l’ampleur chronologique et géographique de cette prescription supposée médicale, il convient de s’interroger sur l’efficacité éventuelle d’un tel traitement et sur les raisons pouvant expliquer sa longévité si elle est inefficace. Qu’elle soit parvenue depuis le Nouvel Empire jusqu’à l’époque romaine peut déjà sembler moins insolite, étant donné que la consommation de la souris fait initialement partie d’un rituel magique. Son impact sur les problèmes de santé de l’enfant n’est pas remis directement en question dans les cas (probables) où le jeune sujet présente toujours les mêmes douleurs puisque, déjà en Égypte ancienne, les voies des divinités sont impénétrables… Les raisons de cette pratique ont dû se perdre au fil des siècles, ce qui expliquerait que l’ingestion du rongeur ait ensuite été considérée – et plus particulièrement par un étranger comme Dioscoride, peu familier des coutumes et rituels égyptiens – comme l’ingrédient essentiel pour venir à bout de soucis de salivation excessive chez les enfants. Que cette pratique ait été ensuite évoquée dans la médecine arabe du XVIIe siècle ne présente, en réalité, rien d’étonnant : en effet, le De materia medica de Dioscoride connut une postérité incroyable qui traversa les siècles et son œuvre fut traduite en latin, en grec et en arabe. La seule différence avec la version de Dioscoride (adaptation arabe ? question de goût ?) est le fait que l’on préconise de faire manger aux enfants une souris non plus bouillie mais grillée. On pourrait déjà être plus étonné de la persistance de cette pratique en Angleterre et au pays de Galles mais, une fois encore, l’explication est simple : lorsque l’on considère les maux à traiter et le remède proposé, on se rend compte que le premier des maux, la salivation excessive, est évoqué dans la prescription de Dioscoride, et le deuxième, l’incontinence urinaire, est mentionné dans une recommandation latine de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien, également au Ier siècle de notre ère, lequel préconise de faire manger des rats bouillis aux enfants souffrant d’incontinence urinaire284. Quant au troisième mal, la coqueluche, il s’agit probablement d’une variante anglaise qui s’est greffée postérieurement aux deux autres.
Cette formule livre donc, à l’origine, une incantation et un rituel destinés à lutter contre une maladie infantile, possiblement en rapport avec la bouche. En effet, le terme sesemy (ssmjj) est déterminé par le hiéroglyphe de l’homme portant la main à la bouche, ce qui pourrait désigner une affection dans cette zone. Chez les enfants, l’hypersalivation accompagne très souvent l’arrivée des premières dents, une période particulièrement douloureuse pour les nourrissons. Peut-être le terme sesemy est-il à mettre en relation avec la douleur provoquée par l’apparition des premières dents plutôt qu’avec l’hypersalivation ?
La maladie infantile dénommée bââ (baa) est mentionnée à deux reprises dans le papyrus Ramesseum III et pas moins de quatre chapitres y font allusion dans le papyrus Berlin 3027. C’est là un fait exceptionnel pour une affection touchant les jeunes enfants, qui témoigne peut-être de sa gravité.
Un premier passage du papyrus Ramesseum III propose l’incantation et le rituel suivants :
« Écarter la pathologie-bââ. Prononcer la formule magique : "Viens contre… Nout…"
["Je ne la connais pas (cette pathologie). Ne prononce donc pas mon nom (pour elle). Veille à ce que cette action soit agréable en tout pour Horus son fils en ce qui est prononcé contre cette sournoise pathologie-bââ. Cela est nécessaire. Celle qui vient écarter ce mal vient aussi écarter la faim…"]
(À prononcer sur une amulette en forme de nœud). Acacia. Ils seront tournés sur la gauche et placés au cou de l’enfant. C’est un moyen d’éliminer la pathologie-bââ. »285
Une nouvelle fois, l’enfant est assimilé à Horus pour optimiser ses chances de guérison. Le sortilège évoque un seul symptôme de la maladie, celui de la faim. Son objectif est de lutter, au niveau spirituel, contre le bââ, affection assez puissante et redoutable pour être personnifiée en un esprit maléfique, comme en atteste la formule suivante :
« "… Voici que je sortis des marécages […], confesse Isis la déesse. J’ai battu mes mèches, défait mes cheveux, ayant retrouvé mon fils Horus le cœur affaibli, les lèvres livides, les genoux sans force (après qu’il eut) tété le bââ qui était dans ma poitrine, l’agent pathogène […] qui était dans mon sein.
– Assieds-toi pour […] Ô Isis ! dit Horus.
– Va-t’en, Bââ malin, en ce tien nom de Bââ, (toi qui) dérobes le cœur, rends atoniques les genoux de celui dans lequel il s’éternise.
– Viens (lutter) contre le mal avec moi, ô ma mère ! dit Horus. (Et toi aussi) sœur de ma mère, Nephthys. (Rendons-nous) au poste des nourrices et des puéricultrices de Nout afin qu’elles nous indiquent comment elles ont agi contre (le mal) pour leurs enfants. Ainsi, nous pourrons procéder de la même façon pour les enfants de […]
– […], [dit] Isis, la déesse, avec Nephthys. Je suis venu pour mon fils Horus, dont le cœur est affaibli, les genoux [atoniques] […], [après qu’il eut tété le bââ qui était dans] ma poitrine, l’agent pathogène qui était dans mon sein.
Sa prévention : sceller avec sept fils de lin tressés et enroulés en pelote [par] (une femme) qui vient d’accoucher. Aller chercher une hirondelle qui est dans son nid. Que l’on farde (ses yeux) avec […] et de la galène […] cet enfant et sa mère. (Alors) sa maladie-bââ (passe) à l’hirondelle".
Dire cette formule sur sept fils de lin tressés et enroulés en pelote (par une femme) qui vient d’accoucher. En faire sept nœuds que l’on placera contre la gorge de l’enfant. Aller chercher une hirondelle […] instiller du lait dans son bec […]. »286
Ce passage, moyennement bien conservé, fait allusion au mythe d’Isis lorsqu’elle doit s’enfuir et se cacher avec son fils Horus dans les marécages de Khemmis pour se soustraire à la cruauté et à la malveillance de Seth. La référence à une légende mythologique permet d’établir un parallèle fort entre une mère égyptienne dont l’enfant souffre de cette maladie et la propre histoire d’Isis. Pourtant, bien que cette déesse soit considérée comme LA magicienne par excellence, elle est ici impuissante à se débarrasser de la maladie-bââ qu’elle a involontairement transmise à son fils. Elle est donc contrainte de solliciter l’aide de sa sœur Nephthys et des nourrices de sa mère Nout. Bien que le passage du rituel soit fort lacunaire, il est manifeste que c’est l’intervention de l’hirondelle, prenant le mal-bââ de l’enfant par magie sympathique, conjuguée au pouvoir de l’amulette à sept nœuds et à la récitation de l’incantation qui interviennent dans la guérison d’Horus.
Plusieurs symptômes du bââ sont cette fois clairement détaillés : l’enfant a le cœur affaibli, les lèvres livides et il est extrêmement faible, au point de ne plus pouvoir se tenir debout. Le passage induit par ailleurs que l’allaitement est considéré comme la cause première de la transmission de la maladie. D’un point de vue médical, le lait étant stérile à son émission, l’infection est toujours d’origine exogène. En revanche, les crevasses et l’engorgement mammaires peuvent être sources d’infection. La mère est donc indirectement responsable de l’affection de son enfant mais n’en ressent pas elle-même les effets néfastes (pl. 34). Elle n’est que le conducteur entre le bââ et le nourrisson.
Dans le papyrus Berlin 3027, c’est la médecine qui tente de faire face à la maladie-bââ à travers la délivrance de trois recommandations évoquées successivement :
« Repousser le bââ : vésicules-tepaout du sycomore, dattes fraîches, partie-hemou du ricin, chanvre, tampon végétal (fabriqué à partir des filaments) de la plante-debyt et liquide-mesta. (Ce) sera bu par la femme. »287
« Autre (remède) : feuilles de la plante-neb. (Ce) sera écrasé dans de l’eau, dans un vase-henou, et il sera fait en sorte qu’il (l’enfant) boive cela. »288
« Autre (remède) : extrémités de tiges de papyrus et rhizome de souchet comestible. (Ce) sera broyé finement et exprimé <dans un linge> avec du lait d’une femme ayant mis au monde un enfant mâle. Un vase-henou en sera donné à l’enfant. Il passera une journée et une nuit couché, puis (cela) guérira. » 289
Les trois traitements sont à base d’ingrédients relativement simples, essentiellement issus de plantes. Toutefois, il n’est pas possible de déterminer si ces produits sont facilement accessibles et bon marché.
L’un des passages du papyrus Ramesseum III explique que la mère est porteuse de la maladie-bââ en son sein. Il est donc logique que les médecins égyptiens cherchent à traiter à la fois l’enfant et sa mère, de façon à lutter efficacement contre le mal.
En l’état actuel de la documentation, aucun élément probant ne permet d’identifier cette pathologie.
Dans le papyrus Ebers, se pose le problème de ce qui semblerait être, de prime abord, une incontinence urinaire290. Il se décline en prises différentes selon l’âge de l’enfant :
« Ce qui doit être préparé pour un enfant qui souffre d’incontinence d’urine : glaçure-tjehenet bouillie (et mise) sous la forme d’une boulette. Si c’est un enfant grand, il l’ingurgitera (tel quel) en l’avalant. S’il est dans les langes, cela lui sera broyé dans du lait par sa nourrice, et il en sucera quatre jours de suite. »291
Un fragment de terre cuite glaçurée doit donc être mis à bouillir mais la façon dont il est ensuite mis sous forme de boulette n’est pas précisée. À noter que dans le cas du nourrisson, la prescription recommande expressément de réduire le tesson en poudre et de le mélanger à du lait. Les doses n’étant pas précisées, elles semblent donc laissées à l’appréciation du praticien. Le pilage de tesson étant source de contamination, une telle médication doit très certainement augmenter les risques d’infection pour le nourrisson.
On ne manquera pas de s’étonner que les Égyptiens se préoccupent de soigner, dès la petite enfance, des problèmes d’incontinence urinaire. Il faudrait donc se demander si l’on n’a pas affaire, en réalité, à une pathologie plus sérieuse que la simple incontinence, comme des problèmes d’infection, de blocage ou encore de bilharziose urinaire*.
Les Égyptiens ont observé que certaines maladies affectent uniquement les enfants en bas âge et que d’autres nécessitent des prescriptions particulières eu égard au jeune âge des patients. Les rituels magiques et le recours aux divinités, intrinsèquement liés à la pratique médicale, sont laissés à l’appréciation des praticiens qui décident ou non d’y recourir.
On constate que la magie sympathique assimilant l’enfant malade au dieu Horus l’Enfant est fréquemment employée. Les multiples mentions de ces recours aux dieux et déesses du panthéon égyptien nous permettent également de constater que Bès et Thouéris, pourtant considérés comme les dieux protecteurs des enfants par excellence, n’apparaissent dans aucune des invocations répertoriées.
Les maladies qui menacent la santé, voire la vie, des enfants sont rarement d’origine naturelle ou accidentelle aux yeux des Égyptiens qui voient plutôt dans les maux dont souffre leur jeune progéniture l’action malveillante des revenants et autres génies maléfiques associés plus ou moins directement au dieu Seth.