Pendant que Christa cherchait des yeux le commissaire, elle se demandait si elle ne s’était pas enfuie trop vite avec Charles. Si elle avait attendu, peut-être l’agent roumain aurait-il été encore en vie et Charles aurait-il découvert, de toute façon, qu’il fallait se rendre à Prague. Il aurait pu récupérer son passeport et prendre à Cluj un avion pour la République tchèque. Sa réflexion fut interrompue par le visage souriant du commissaire qui apparut sur le quai avec une valise à roulettes à ses pieds et l’ordinateur de Charles serré contre lui. Christa jeta un coup d’œil circulaire et ne vit rien de suspect. Le commissaire semblait avoir tenu sa parole et il était venu seul. Pour parer à toute éventualité, elle porta la main à la poche où elle gardait son pistolet. Alors elle se souvint qu’elle l’avait laissé à Charles.
Sur sa couchette, Bella, toujours allongée, jouait avec le passeport du professeur. Et elle se demandait comment le lui faire parvenir avant la frontière avec la Hongrie.
Werner était le seul passager dans l’avion de l’Institut. Le vol jusqu’à Prague durerait presque douze heures. Il alluma l’équipement électronique de bord et entreprit de planifier sa journée du lendemain. Parti de nuit, il arriverait de nuit. Plus précisément, à la même heure qu’à son embarquement aux États-Unis, heure de l’Europe centrale. Dans la succession des fuseaux horaires qu’il laissait derrière lui disparaissait une journée. Douze heures qui n’existaient pas. Une journée disparue sans laisser d’indice. Cela lui plaisait, c’était comme si un monstre avait avalé le temps. Et qu’il le retenait prisonnier, avant de le recracher à son retour.
Ayant allumé l’ordinateur, il tira de sa poche un petit boîtier qui ressemblait, en miniature, à celui que Bella avait utilisé pour scanner la rue devant l’hôtel Central Park. Sur l’écran apparurent quelques symboles en désordre. Il tapa un code de neuf caractères et les symboles formèrent une sorte de blason médiéval au centre de l’écran. Un petit tiroir sortit du cœur du boîtier qui ressemblait à un disque externe plus sophistiqué. Lorsque Werner apposa ses deux pouces sur le tiroir, le blason se brisa pour laisser apparaître une épée en 3D qui flottait à la manière d’une navette spatiale jetée quelque part dans l’univers. Dans cet espace sans gravité, l’épée évoluait lentement, permettant la lecture, sur un côté du fourreau doublé de velours rouge, de lettres d’or : « IO SOI CALIBURN FUE FECHA EN EL ERA DE MIL E QUATTROCENTO1. »