par Christine Pellistrandi
Ce sont d’abord les juifs qui ont suivi Jésus ou ont entendu parler de lui les premiers témoins des fêtes chrétiennes. Parmi eux, il y a des juifs pieux qui allaient prier au Temple de Jérusalem. Là, ils ont rencontré les apôtres, qui, après la mort et la résurrection de Jésus, ont commencé leur mission de prédicateurs comme en témoignent les grands discours de saint Pierre dans les Actes des Apôtres (Ac 3, 12-26). Entendant ces paroles, de nombreux juifs se convertirent et demandèrent le baptême. Les premières prières de cette communauté étaient forcément des prières juives – en particulier les psaumes –, car c’étaient les seules qu’ils connaissaient. Peu à peu se mettront en place une liturgie propre et des prières adaptées à la révélation du Christ. Aussi il n’est pas étonnant que les premières fêtes chrétiennes soient héritières de la liturgie juive, comme Pâques et la Pentecôte.
Les textes fondateurs du christianisme sont les Évangiles, au nombre de quatre. Écrits par saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean, ils témoignent de la vie, de la Passion, de la mort et de la résurrection de Jésus, chacun dans son style propre. Les Évangiles de Matthieu, Marc et Luc sont dits synoptiques. Cet adjectif signifie « avoir une vision commune ». Le texte de saint Jean rapporte aussi l’histoire de Jésus mais elle est accompagnée de discours et de controverses avec les juifs d’une grande portée théologique. Les Actes des Apôtres racontent les premiers moments de l’Église et les lettres de Paul sont de magnifiques témoignages de la rencontre de la foi en Jésus mort et ressuscité avec la civilisation gréco-romaine.
Le christianisme est à l’origine une religion unique mais les aléas de l’histoire ont amené les chrétiens à se diviser. À partir de 1054 naît la religion orthodoxe : c’est un schisme, une coupure qui amène les chrétiens d’Orient à se séparer de l’autorité du pape à Rome. Au XVIe siècle, sous l’influence de Luther et de Calvin, le grand mouvement de la Réforme entraîne une partie des chrétiens à remettre en cause certains dogmes de l’Église catholique : c’est le protestantisme.
Abréviations
AT = Ancien Testament
Lv = Lévitique
Ex = Exode
Nb = Nombres
Lc = Évangile selon saint Luc
Mt = Évangile selon saint Matthieu
Mc = Évangile selon saint Marc
Jn = Évangile selon saint Jean
Ap = Apocalypse
Ac = Actes des Apôtres
Co = lettre de saint Paul aux Corinthiens
Rm = lettre de saint Paul aux Romains
Les traductions de l’Ancien et du Nouveau Testament sont extraites de la TOB.
La fête de l’Épiphanie fut la première célébration de la naissance du Christ avant même la fête de Noël. On choisit arbitrairement la période du solstice d’hiver qui s’étend du 22 décembre (nuit la plus longue de l’année) au 6 janvier quand les jours commencent à rallonger. En France, elle est célébrée le premier dimanche qui suit le 6 janvier, alors qu’en Espagne c’est un jour férié à propos duquel on dit que ce sont les rois qui apportent aux enfants leurs cadeaux de Noël.
Le mot « épiphanie » signifie la manifestation, c’est-à-dire le moyen par lequel Dieu se fait connaître. Il est l’héritier d’une double tradition païenne et juive :
« L’astre qu’ils avaient vu à l’Orient avançait devant eux jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant. À la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie. Entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et se prosternant ils lui rendirent hommage. »
Mt 2, 9-11
Selon l’évangile de Matthieu, des « savants venus d’Orient » scrutaient dans le ciel la course des étoiles et suivirent une étoile qui brillait avec plus d’intensité jusqu’à Bethléem. Ils déposèrent aux pieds de Jésus leurs cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Le texte évangélique ne mentionne ni le nom ni le nombre de ces savants que l’on appelle aujourd’hui des mages ou rois mages. Se fondant sur les trois cadeaux, les Pères de l’Église retiennent la présence de trois mages. La traduction latine d’une chronique grecque du VIIe siècle (Ms Bn Lat 4884) rédigée par un auteur anonyme, Excerpta latini barbari, livre les noms de Gaspar, Melchior et Balthasar. C’est à partir du IXe siècle que l’iconographie les représente portant une couronne.
Le journal de voyage d’Egérie1, qui vécut au IVe siècle, est une source précieuse pour connaître les premières liturgies célébrant l’épiphanie. Cette femme originaire de Galice avait entrepris un grand pèlerinage vers les lieux saints. Elle raconte que les cérémonies débutaient dans l’après-midi du 5 janvier par une courte prière au champ des pasteurs près de Bethléem, là où une grotte avait été transformée en lieu de culte. De là, après une marche de nuit, les fidèles arrivaient à l’aurore à Jérusalem et se dirigeaient en procession vers les églises : « On n’y voit rien d’autre que de l’or et des pierreries, de la soie ; vous voyez des tentures de soie brochée d’or. Les objets du culte que l’on sort ce jour-là sont tous en or, incrustés de pierreries. Quant au nombre et au poids des cierges, des candélabres et des lampes, comment les estimer ? Que dire de la splendeur des édifices ? » (SC 296, 25, 8).
Pendant longtemps, la liturgie de l’Épiphanie célébrait à la fois la venue des mages auprès de Jésus à Bethléem, le baptême du Christ par Jean Baptiste dans les eaux du Jourdain et les noces de Cana. Paulin de Nôle, au IVe siècle, nous en a laissé le témoignage (Poemata 27). Saint Ambroise, le grand évêque de Milan, indique que ce jour-là les aspirants au baptême se font connaître dans leur paroisse afin de s’y préparer. Les siècles passant, on en vint à célébrer uniquement l’arrivée des mages. Mais il faut souligner que le 6 janvier l’Église orthodoxe célèbre solennellement le baptême du Christ.
Un missel du VIIIe siècle livre pour la fête de l’Épiphanie cette prière : « Ô Dieu, lumière des nations, répands dans nos cœurs la lumière éclatante comme celle que tu as allumée dans l’âme des rois mages. »
La tradition populaire veut que l’on « tire les rois » à l’Épiphanie : une fève est dissimulée dans une pâtisserie, la galette des rois, un gâteau de pâte feuilletée à la frangipane (dans le sud-ouest de la France, on parle plutôt d’un gâteau des rois : une brioche décorée de fruits confits et arrosée d’eau de fleurs d’oranger). Le plus jeune de la famille se glisse sous la table et désigne celui qui recevra la part du gâteau. Celui qui trouvera la fève dans sa part sera le roi. Cette coutume très populaire trouve son origine dans les fêtes de Saturne célébrées à Rome à cette saison. Tacite rapporte dans les Annales que l’on tirait au sort la royauté et que l’esclave choisi par les dés prendrait le temps d’une journée la place de ses maîtres.
Tout de suite, on donna une valeur symbolique à la date de l’Épiphanie. Après les longues nuits d’hiver, l’espérance apparaissait avec la naissance du Messie et la lumière des jours qui renaissaient.
Saint Irénée dévoile le symbolisme des présents que les mages offrirent à Jésus : « Ils ont montré par la nature même de leurs présents quel était Celui que l’on adorait ainsi. De la myrrhe car c’était lui qui pour la race mortelle des hommes devait un jour mourir et être enseveli ; de l’or, car il est le roi dont le règne n’a pas de fin ; et de l’encens enfin, car il est à la fois le Dieu qui s’est fait connaître en Judée et celui qui s’est manifesté à ceux qui ne le cherchaient pas [c’est-à-dire aux nations païennes] » (Adversus hæreses III, 9, 2).
À travers la personne des mages, le mystère de l’alliance et de l’élection réservée à Israël est désormais étendu à tous les peuples de l’univers.
La Chandeleur est la fête de la présentation de Jésus au Temple et de la purification de la Sainte Vierge. Le nom vient du latin Festa Candelarum, fête des chandelles ou fête de la lumière.
La date du 2 février a été choisie pour christianiser une fête païenne célébrée à Rome en ce mois de février, les Lupercales. Les luperques étaient une confrérie de prêtres qui se promenaient en flagellant les femmes qu’ils rencontraient, pensant ainsi les rendre fécondes ! Au Ve siècle, le pape Gélase, dans son effort pour évangéliser Rome, proposa de remplacer cette fête païenne par celle de la purification de Marie.
« Quand vint le jour où suivant la loi de Moïse, ils devaient être purifiés, ils amenèrent l’enfant à Jérusalem pour le présenter au Seigneur ainsi qu’il est écrit dans la Loi du Seigneur : tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur et pour offrir en sacrifice suivant ce qui est dit dans la Loi du Seigneur un couple de tourterelles ou deux petits pigeons. »
Lc 2, 22-24
L’évangéliste Luc rapporte qu’au moment où Marie et Joseph se présentent avec l’enfant au Temple, un vieux prêtre nommé Syméon, un homme juste et pieux à qui le Seigneur avait promis qu’il ne verrait pas la mort avant de voir le Messie, prend Jésus dans ses bras et reconnaît en lui le fils de Dieu (Lc 2, 22-38).
Selon la tradition juive, toute femme ayant mis au monde un fils devait être purifiée trente-trois jours après son accouchement, au moment de son retour de couches. Elle venait alors au Temple et apportait pour les offrir en sacrifice un agneau âgé d’un an, un pigeon ou une tourterelle, selon ses moyens : « Le prêtre faisait sur elle le rite d’absolution afin qu’elle soit purifiée de sa perte de sang » (Lv 12, 6-7). La cérémonie des relevailles hérita de la liturgie juive : c’était une bénédiction de la maman et une action de grâces pour l’heureuse naissance.
Ce passage de l’évangile qui célèbre la purification de Marie est l’une des plus anciennes fêtes chrétiennes, Egérie en fait un récit au IVe siècle : « Tous les prêtres prêchent ainsi que l’évêque qui commente ce passage de l’Évangile selon lequel Joseph et Marie portèrent le Seigneur au Temple où le virent Syméon et la prophétesse Anne » (SC 296, 26).
Avant la messe, le prêtre bénit les cierges en chantant l’antienne suivante : « Voici le Seigneur Dieu qui vient avec puissance, il vient illuminer notre regard, Alleluia. » Avant de distribuer les cierges à l’assemblée, il prie pour demander au Seigneur de faire resplendir au cœur de ses fidèles la lumière qui ne s’éteint jamais.
À l’occasion de la Chandeleur, toutes les bougies de la maison devaient être allumées. La tradition demande aussi de ne ranger la crèche de Noël qu’à partir de la Chandeleur, qui constitue la dernière fête du cycle de Noël.
Dans la mentalité populaire, qui dit Chandeleur dit crêpes, mais la tradition diverge sur cette origine. On dit que le pape Gélase faisait distribuer aux pèlerins des crêpes ou encore que l’on utilisait le surplus de farine qui n’avait pas servi aux semailles.
Les cierges évoquaient symboliquement la procession célébrant le Christ lumière du monde.
Les crêpes que l’on mange à l’occasion de la Chandeleur sont devenues un symbole de fécondité et de richesse à condition de les faire sauter sur la poêle en tenant un louis d’or ou toute pièce de monnaie dans la main gauche. Leur forme ronde et dorée rappelle le disque solaire, évoquant le retour du printemps après l’hiver sombre et froid.
Sous ce nom, on célèbre le jour où l’ange vient annoncer à Marie qu’elle serait la mère de Jésus. Puisque Jésus naît le 25 décembre, la date du 25 mars apparaît logiquement comme celle de sa conception. Mais cette date posait problème : comment célébrer une fête heureuse en plein carême qui est un temps de pénitence ? La fête fut alors reportée au 18 décembre si bien que l’on appela cette célébration Expectatio partus ce qui signifie l’attente de la naissance. Pendant quelque temps, ces deux dates furent en concurrence, mais le 25 mars finit par l’emporter dès le Ve siècle en Orient et au VIIe siècle en Occident.
« L’ange dit à Marie : Réjouis-toi toi qui a la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi… Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus […] Marie répondit : Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit. »
Lc 1, 28 et 1, 38
L’évangile de Luc décrit la visite de l’archange Gabriel à Marie, alors qu’elle est fiancée et qu’elle n’habite pas encore avec Joseph. L’ange la proclame bénie entre toutes les femmes et lui fait part du dessein de Dieu : donner par elle au monde le Rédempteur promis. Marie accepte et le mystère de l’union entre Dieu et l’homme s’accomplit en elle à travers l’enfant qu’elle va concevoir par la puissance de l’Esprit saint.
L’annonciation est aussi racontée dans l’évangile de Matthieu. Joseph apprend que sa fiancée est enceinte avant qu’ils aient vécu ensemble. Joseph est un homme juste et pieux, il décide donc de répudier secrètement Marie pour lui éviter toute diffamation (Mt 1, 19-24). Alors qu’il a formé ce projet, un ange lui apparait en songe pour lui dire que Marie est enceinte sous l’action du Saint-Esprit et qu’elle mettra au monde un fils qui sera appelé Jésus, ce qui signifie « le Seigneur sauve ». Joseph comprend alors que son épouse porte en son sein le Fils de Dieu, le Messie que les siècles attendaient.
L’Annonciation célèbre ce mystère de l’incarnation, comme le résume bien cette oraison qui date du concile d’Éphèse en 430 : « Ô Dieu qui avez voulu que votre Verbe s’incarnât dans le sein de la Bienheureuse Vierge Marie à la parole de l’ange, accordez à la prière de vos serviteurs que nous qui la croyons véritablement mère de Dieu nous soyons secourus auprès de vous par son intercession. »
Cette fête est célébrée par une messe au cours de laquelle on reprend le récit de l’évangile de Luc.
Associée au mystère de l’Annonciation, la prière du Je vous salue Marie dont la première partie reprend mot pour mot les paroles de l’ange est apprise au catéchisme par tous les enfants. Elle fait partie des principales prières chrétiennes avec le Notre Père : « Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de votre sein est béni. Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. »
Dans le même esprit, l’Angelus, récité chaque jour le matin, à midi et à sept heures du soir célèbre la visite de l’ange et l’acceptation de Marie. À l’occasion d’un chapitre général de l’ordre franciscain, saint Bonaventure, qui en était le grand maître, ordonna de saluer la Vierge lorsque retentissaient les cloches de complies (l’office du soir) et on prit l’habitude de réciter trois Je vous salue Marie en pensant à l’Annonciation. Aussi, à partir du XIIIe siècle, l’Angelus devint une prière d’autant plus populaire qu’elle était annoncée par la sonnerie des cloches qui rythmaient les heures du jour.
L’Annonciation est le moment où la Vierge Marie apprend qu’elle est enceinte pour donner naissance au Sauveur. Comment a lieu cette conception entre Dieu et une femme ? L’ange explique à Marie que l’Esprit saint la couvrira de son ombre. C’est le mystère de la conception de Jésus dans le corps de Marie. Dans l’AT couvrir de son manteau est une manière de dire qu’il y a des relations sexuelles entre un homme et une femme. Cette expression est reprise dans l’évangile qui raconte l’Annonciation sur le mode symbolique : l’image du manteau, qui est matérielle, devient l’ombre, une réalité immatérielle.
Ainsi l’Esprit de Dieu descend sur Marie comme la nuée obscure et lumineuse descendait sur la Tente de la Rencontre pour signaler la présence de Dieu au milieu de son peuple pendant qu’il errait dans le désert avant d’entrer dans la Terre promise. La Tente de la Rencontre était l’endroit où « Dieu parlait à Moïse face à face comme on se parle d’homme à homme » (Ex 33, 11). Marie devient le symbole de la Tente de la Rencontre puisque son corps va abriter le fils de Dieu.
Au Moyen Âge les poètes s’en sont donné à cœur joie pour exalter le corps de Marie :
« Heureux ventre où le fils de Dieu prit chair,
Heureux sein dans lequel vint reposer l’esprit divin,
Heureuse poitrine dans laquelle le roi des rois trouva un abri caché. »
Bernard de Morlas, moine clunisien du XIIe siècle
Pâques est la fête la plus importante de la religion chrétienne car on commémore la mort et la résurrection de Jésus au cœur de la foi.
Pâques est à l’origine une fête juive (voir p.135) qui avait lieu le 15e jour du mois de nissan. Calquée sur le calendrier lunaire juif, la date de cette fête change donc chaque année. La fête chrétienne a lieu le dimanche qui suit la pleine lune après l’équinoxe de printemps, soit entre le 22 mars et le 25 avril. Le choix de cette date entraîne la mobilité de l’année liturgique pour l’ensemble du carême (période de quarante jours de préparation à Pâques au cours de laquelle on célèbre le mercredi des cendres, le dimanche des rameaux, la semaine sainte – qui comprend le jeudi saint, le vendredi saint, le samedi saint et se termine le dimanche par la fête de Pâques) ainsi que l’Ascension et la Pentecôte (voir p. 198 et 201).
Le nom de Pâques vient du latin chrétien pascha signifiant la Pâque, c’est-à-dire la fête juive de la libération d’Égypte. Mais il désigne aussi l’agneau pascal que les juifs mangèrent en toute hâte avant de traverser la mer Rouge. Traduit du grec, le texte latin de la 1re épître de Paul aux Corinthiens parle du « Christ notre Pâque qui a été immolé » (1 Co 5, 7). Le mot latin transcrit exactement le mot grec que l’on trouve dans les quatre évangiles.
« L’ange dit aux femmes venues au tombeau où l’on avait déposé le corps de Jésus : “Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth le crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici ; voyez l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez comme il vous l’a dit.” »
Mc 16, 6-7
Pâques est la première fête célébrée dans les calendriers liturgiques chrétiens ; elle est attestée dès le IIe siècle. Elle commémore la dernière Cène, la Passion et la Résurrection du Christ racontées dans les quatre évangiles.
Après trois ans d’enseignement, Jésus va célébrer la Pâque à Jérusalem avec ses disciples comme il le faisait chaque année et comme tout juif pratiquant. Sous le prétexte qu’il est un agitateur public, les grands prêtres du Temple de Jérusalem, jaloux de son ascendant sur le peuple, le font condamner par le gouverneur romain, Pilate. Les différents épisodes de la Passion sont racontés en détail dans les évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Jésus meurt sur la croix, mais un notable juif Joseph d’Arimathie demande à Pilate l’autorisation de détacher son corps afin de le déposer dans un tombeau. Ce n’est qu’une fois le chabbat (voir p. 167) terminé que les saintes femmes peuvent aller embaumer son corps. Elles découvrent alors le tombeau vide et la présence d’anges qui leur annoncent que Jésus est ressuscité.
On ne célèbre pas la fête de Pâques comme si c’était une journée unique. C’est au contraire l’aboutissement d’un itinéraire qui commence avec le carême, une période de quarante jours destinée à entrer spirituellement dans la mystique du sacrifice du Christ. Si l’on veut comprendre le sens de cette fête, il faut donc suivre ce chemin.
Le carême désigne une durée de quarante jours avant Pâques. Le nombre quarante porte en lui une forte évocation mémorielle : les Hébreux ont erré quarante ans dans le désert avant d’atteindre la Terre promise (Nb 14, 34) et Jésus, aussitôt après son baptême dans le Jourdain, partit dans le désert de Jérusalem où il jeûna avant d’être tenté par le diable. Le carême est un temps de pénitence pendant lequel il est recommandé de jeûner, en particulier les vendredis, jour où Jésus est mort sur la croix. Il commence par le mercredi des Cendres, un jour de jeûne. Au cours de la messe, tous les fidèles s’avancent en procession vers le prêtre qui dessine sur leur front une croix avec la poussière de cendres en appelant chacun à la conversion.
Il y a cinq dimanches de carême avant d’arriver au dimanche des Rameaux qui précède Pâques. Ce dimanche s’appelait d’abord le jour des palmes en référence au récit de l’évangile qui montre Jésus acclamé par les foules brandissant des palmes et étendant sur sa route leurs vêtements (Mc 11, 8). La bénédiction solennelle des rameaux avant la messe a beaucoup d’importance car les fidèles les rapportent dans leur maison et les déposent dans les cimetières sur les tombes de leur famille. Il existe en particulier dans l’ouest de la France des croix hosannières : ces croix de pierre d’une certaine hauteur dominent l’ensemble des tombes afin de rappeler la résurrection du Christ. Leur nom rappelle le mot hébreu Hosannah qui est une acclamation de louange.
Au cours de la messe des Rameaux, on relit le récit de la Passion. Commence alors la Semaine sainte. Le Jeudi saint on célèbre le dernier repas de Jésus avec ses apôtres au cours duquel il fait le don de son corps et de son sang dans le mystère de l’eucharistie. On se souvient du geste de Jésus qui se fait serviteur pour laver les pieds de ses disciples (Jn 13, 1-20). Le Vendredi saint, on relit le récit de la Passion et de la mort de Jésus dans l’évangile de Jean et il est d’usage d’embrasser la croix.
C’était dans la nuit de Pâques qu’étaient baptisés les catéchumènes. On les convoquait dans l’après-midi du samedi saint. À la nuit tombante commençait la grande veillée qui se terminait à l’aube par les baptêmes. Plongés et ensevelis avec le Christ dans les eaux baptismales, les catéchumènes naissaient à la vie de la grâce à l’aurore quand le Christ sortait triomphant de son tombeau. La messe suivait alors, célébrant le sacrifice de la rédemption dans la joie de la Résurrection.
Au XIIIe siècle, la célébration de la veillée pascale fut avancée au samedi matin et une messe solennelle était célébrée le jour de Pâques. Selon les indications du 4e concile du Latran, les fidèles étaient invités à se confesser avant d’aller communier à cette occasion : c’était ce que l’on appelle « faire ses pâques ». Rappelons que communier était un geste exceptionnel et qu’il fallut attendre la pastorale du concile de Trente au XVIe siècle pour inviter les fidèles à communier plus souvent.
Le pape Pie XII (1939-1958) initie une réforme liturgique en 1951 et restitue la veillée et la messe pascale pendant la nuit qui précède le dimanche de Pâques. Au cœur de la nuit, la joie des fidèles exulte, célébrant la victoire du Messie sur la mort. Après la bénédiction du feu nouveau, on allume le cierge pascal. Le célébrant fixe dans la cire des grains d’encens qui rappellent les bras de la croix. Pendant que l’on entonne l’Exultet, une hymne de louange et de joie, la flamme du cierge pascal se démultiplie dans l’assemblée : chaque fidèle communique la lumière à son voisin en allumant son cierge. En ce sens, Pâques est aussi fête de la lumière.
Ensuite, les grands moments de l’histoire sainte au cours de laquelle Dieu s’est fait connaître à Israël sont lus : le récit de la création du monde, le passage de la mer Rouge, la reconstruction de Jérusalem après l’exil, la promesse du pain et du vin que le Seigneur donnera gratuitement, l’espérance pour chacun d’un cœur transformé. Vient ensuite un texte majeur de saint Paul expliquant qu’ensevelis avec le Christ dans la mort, nous ressusciterons avec lui (Rm 6, 1-14).
Les fidèles sont appelés à renouveler les promesses de leur baptême et c’est à ce moment-là que les catéchumènes sont baptisés. La troisième partie est la célébration eucharistique et, pour les nouveau baptisés, la participation à la communion.
Le cierge pascal est chargé de symboles. Figure du Christ qui triomphe de la mort et rend la lumière de sa grâce à ceux qui étaient captifs des liens du péché, il rappelle la colonne de feu, la nuée obscure et lumineuse qui guidait les Hébreux dans le désert avant d’entrer dans la Terre promise. Il se compose de cire, d’une mèche et d’une flamme comme les chrétiens qui, par leur âme et leur corps, sont unis à la divinité lumineuse. La cire est le fruit de la chaste abeille, elle rappelle aussi l’enfantement miraculeux de la Vierge Marie. Le cierge pascal est présent dans chaque église et allumé tous les dimanches de l’année.
L’eau porte de multiples symboles. Elle est un don de Dieu : au désert, les Hébreux risquaient de mourir de soif. À la requête de Moïse, Dieu fit surgir du rocher l’eau miraculeuse (Ex 17, 6). Pour vérifier que Jésus était bien mort, un centurion romain perça son corps d’un coup de lance. Il en coula du sang et de l’eau (Jn 19, 34). Saint Paul rapproche ces deux événements quand il compare le Christ à un rocher spirituel qui donne à boire (1 Co 10, 4). Celui qui entre dans une église prend un peu d’eau dans un bénitier et fait sur lui le signe de croix, une manière d’évoquer son baptême.
La croix était le supplice que les Romains réservaient aux esclaves (en tant que citoyen romain, Paul aura quant à lui la tête tranchée). Les condamnés mouraient alors d’asphyxie. Dès les premiers siècles, la croix est devenue le symbole de la victoire de la vie sur la mort et le signe de reconnaissance des chrétiens.
Le nom de cette fête vient du verbe latin qui signifie « monter ». Célébrée quarante jours après Pâques et dix jours avant la Pentecôte, l’Ascension, qui tombe toujours un jeudi, commémore la montée du Christ vers son Père.
« Sous leurs yeux, il s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs regards. »
Ac 1, 9
Deux évangiles mentionnent l’« enlèvement au ciel » de Jésus. Celui de Marc le place juste après l’épisode de la Résurrection : « Le Seigneur, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel, et il s’assit à la droite de Dieu » (Mc 16, 19). Saint Luc, quant à lui, nous en livre le récit à la fois à la fin de son évangile et dans les Actes des Apôtres : « Puis il emmena ses apôtres à Béthanie et levant les mains il les bénit. Or, comme il les bénissait il se sépara d’eux et fut emporté au ciel » (Lc 24, 50-51). Les apôtres sont tout décontenancés mais deux anges leur disent : « Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel » (Ac 1, 11). Jésus fait ses dernières recommandations aux apôtres sur qui repose désormais la responsabilité d’annoncer la Bonne Nouvelle. Il les bénit avant de retourner au ciel auprès de son Père. Depuis la Résurrection, les apôtres sont partagés entre la peur, l’incrédulité et la foi. Devant Jésus ils sont intimidés : « Aucun des disciples n’osait lui poser la question : Qui es-tu ? Mais ils savaient bien que c’était le Seigneur » (Jn 21, 12). Jésus leur reproche la dureté de leur cœur parce qu’ils n’arrivaient pas à croire le témoignage de ceux qui avaient déjà vu Jésus ressuscité (Mc 16, 14). Malgré leurs faiblesses, il les bénit et les envoie en mission dans le monde en leur indiquant les signes qu’ils partageront avec ceux qui croiront et seront baptisés.
Dans son récit, Egérie mentionne une procession vers Bethléem « où on célèbre la vigile dans l’église qui est dans la grotte où est né le Seigneur ; le lendemain l’office se célèbre de manière habituelle et chacun rentre le soir à Jérusalem » (42). Ce témoignage est important car il nous permet de savoir que cette fête existait à l’époque de son voyage au IVe siècle. Une autre source mentionne aussi cette célébration : c’est le lectionnaire arménien, un manuscrit de la même date, source précieuse qui récapitule la liturgie des plus grandes fêtes pour les premiers siècles.
Aujourd’hui, lors de la messe célébrée à cette occasion, le prêtre lit l’évangile de Luc.
La nuée dans laquelle Jésus disparaît symbolise la présence de Dieu dans l’AT. C’est la dernière fois que Jésus apparaît auprès de ses disciples. C’est une manière symbolique de raconter et d’essayer d’exprimer le retour de Jésus dans la gloire de son Père.
La fête de la Pentecôte, dont le nom signifie en grec « cinquante », est célébrée cinquante jours après Pâques. Dès que la célébration chrétienne de Pâques entre dans l’histoire, elle est inséparable du temps de la Pentecôte et apparaît comme une fête qui dure cinquante jours. Tertullien, un auteur chrétien du IIe siècle, nomme joliment cette période la cinquantaine d’allégresse.
La fête de la Pentecôte commémore le don de l’Esprit saint ainsi que le départ en mission des apôtres.
« Quand le jour de la Pentecôte arriva, les apôtres se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie. Alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa une sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit saint et se mirent à parler d’autres langues comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer. »
Ac 2, 1-4
Les Actes des Apôtres situent lors de la fête juive de Chavouot (voir p. 139) le récit où les premiers disciples de Jésus reçoivent l’Esprit saint : des langues de feu se posent sur chacun d’eux et leur permettent de s’exprimer dans d’autres langues que le galiléen. La foule est stupéfaite car tous les juifs du bassin méditerranéen et de l’Asie Mineure qui venaient en pèlerinage à Jérusalem et qui avaient adopté depuis longtemps la langue du pays où ils résidaient comprenaient le discours des apôtres (Ac 2, 8-13). La foule était perplexe, se demandant ce que cela signifiait, pendant que d’autres accusaient carrément les apôtres d’ivresse.
Comme Pâques, la Pentecôte était à l’origine une fête juive. On remerciait alors Dieu pour les bienfaits de la moisson et on commémorait le don de l’alliance dans la joie et l’allégresse. À la fin du IIIe siècle, on clôtura la cinquantaine pascale par la fête de la Pentecôte, comme en témoigne Egérie qui participa à la cérémonie lors de son pèlerinage en Terre sainte : « À Jérusalem, on se réunissait au matin du cinquantième jour à la troisième heure dans la basilique de la sainte Sion à l’endroit où l’Esprit descendit de sorte que l’on entendait parler toutes langues. On y lisait le passage des Actes qui s’y rapporte. L’après-midi tout le monde montait au mont des oliviers à l’endroit où le Seigneur est monté aux cieux » (43, 3-6).
À la fin du IVe siècle, la fête de la Pentecôte commémore le don de l’Esprit saint ainsi que le départ en mission des apôtres. Mais c’est aussi un renouvellement de la solennité pascale car ceux qui n’avaient pu recevoir le baptême à Pâques le recevaient à ce moment-là. Il y avait donc une grande veillée copiée sur la veillée pascale et un jeûne préparatoire.
Aujourd’hui, une messe solennelle est célébrée. Deux hymnes particulières sont adressées au Saint-Esprit, le Veni Creator et le Veni Sancte Spiritus.
La foi chrétienne enseigne que Dieu est présent en trois personnes : le Père, le Fils et l’Esprit saint. L’Esprit saint est donc la troisième personne de la Trinité, donnée lors du baptême et de la confirmation. C’est le don mystérieux de Dieu qui agit dans la vie de chacun. Il rend fort dans l’épreuve, joyeux, confiant et libère du doute.
L’image du feu matérialise la Voix divine. La tradition chrétienne perçoit et présente la Pentecôte comme la réception du don des langues qui permet de porter la promesse du salut universel aux confins de la terre. C’est une manière concrète de signifier que l’Esprit saint permet de communiquer, comme le montrent les Actes des Apôtres. Pierre, celui qui avait renié Jésus par peur, devient capable de faire des discours magnifiques au Temple de Jérusalem, amenant ainsi de nombreux juifs à embrasser la religion chrétienne.
Le 15 août, l’Assomption célèbre la mort de la Sainte Vierge, sa résurrection et son entrée dans le ciel corps et âme. Les premiers noms de cette fête sont Transitus Virginis, Dormitio ou Depositio, soit le passage, la dormition, la déposition. Le mot « assomption » est formé sur le mot latin adsumptio qui signifie l’action d’être emmené au ciel.
Fêtée liturgiquement dès le VIIIe siècle, cette conviction a été définie comme dogme religieux (c’est-à-dire vérité de foi) par le pape Pie XII en 1950. Cette fête n’est pas célébrée par les protestants. Les orthodoxes célèbrent la fête de la Dormition. Très proche de la fête catholique de l’Assomption, elle n’en diffère pas moins sur certains points. La différence s’opère précisément par le fait que l’Église catholique associe, dans sa définition de l’Assomption de la Vierge, le dogme de l’Immaculée Conception rejeté par l’Église orthodoxe.
« Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur, il s’est penché sur son humble servante et tous les siècles me diront bienheureuse. »
Lc 1, 47-48
À aucun endroit les évangiles ne nous parlent de la montée au ciel de Marie. La légende est née en s’inspirant de la montée au ciel du prophète Élie (2R 2, 11). On dit que Marie serait morte à Éphèse où elle habitait avec l’apôtre Jean à qui elle avait été confiée par Jésus au pied de la croix (Jn 19, 27). Aussi, de nombreux pèlerinages vinrent honorer sa tombe et l’on construisit une église en son honneur. En 451, Juvénal, évêque de Jérusalem, répondit à l’empereur byzantin Marcien que le corps de Marie est au ciel. L’empereur fit prendre le tombeau et les linceuls ainsi que des reliques pour les conserver à Notre-Dame des Blachernes, l’église qu’il fit construire à Constantinople pour honorer Marie : ainsi serait née la fête l’honorant. Puis l’empereur Maurice étendit cette fête à tout son empire au VIe siècle. À Rome, le pape Sixte III, à la suite du concile d’Éphèse (431) qui honore Marie Theotokos (Mère de Dieu) fait construire à Rome sur l’Esquilin une église qui deviendra Sainte-Marie-Majeure.
En Occident, le pape Léon V établit en 847 un office solennel des vigiles de Marie. C’est la dévotion populaire et les différents pèlerinages qui ont créé cette fête célébrée partout avec une grande piété.
Ce qui caractérise la liturgie de cette fête, ce sont les processions qui permettent de promener dans la ville la statue de la Vierge Marie. Au Pays basque et en Espagne, la tradition veut que l’on habille la statue de la Vierge d’un manteau brodé et précieux. Dans le diocèse de Paris, depuis plusieurs années a lieu un pèlerinage fluvial : une statue de la Vierge est placée sur un bateau sur la Seine. Débute alors une procession de bateaux-mouches portant les pèlerins chantant des cantiques en l’honneur de Marie. Dans de nombreux villages de France, on fleurit à cette date des petites chapelles isolées dans la campagne et dédiées à la Vierge.
Marie est la femme qui accomplit parfaitement la volonté de Dieu parce qu’elle a accepté ce que le Seigneur lui demandait : devenir la mère de son fils. On ne se rend jamais assez compte du sacrifice qui lui a été demandé lorsqu’elle a vu Jésus, son enfant, attaqué injustement, condamné cruellement et agonisant douloureusement.
Les litanies de la Vierge célèbrent à travers elle, entre autres symboles, la rose mystique, la Tour de David, l’arche de la Nouvelle Alliance, la Porte du ciel, l’étoile du matin, le refuge des pécheurs, la consolatrice des malheureux, la santé des malades. De nombreuses prières l’invoquent comme reine des anges, des patriarches et des prophètes, des apôtres et des martyrs. Reine de tous les saints, elle porte la couronne de gloire.
Non, la Toussaint, fêtée le 1er novembre, n’est pas la fête des morts, contrairement à ce que l’on dit généralement. Le jour des morts a lieu le 2 novembre et a été créé à la fin du Xe siècle par Odilon, abbé de Cluny. La Toussaint est la fête de tous les saints, connus ou inconnus : pas seulement les saints des calendriers des postes, mais la multitude des fidèles qui, à travers les siècles, ont vécu saintement en étant fidèles à la volonté de Dieu.
La fête de la Toussaint n’est pas célébrée par les protestants. En France, comme c’est un jour férié, les familles se rendent en grand nombre dans les cimetières fleurir les tombes.
« C’était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’agneau vêtus de robes blanches et de palmes à la main. »
Ap 7, 9
Cette fête ne tire pas son origine des textes sacrés mais de la tradition. À Rome, on avait pris l’habitude de commémorer la dédicace de l’église Sainte-Marie à tous les martyrs. Cette église est le fameux panthéon dédié à tous les dieux du paganisme où le pape Boniface IV (608-615) avait fait transférer les ossements des martyrs retrouvés dans les catacombes. Au VIIIe siècle, on célébrait en Irlande tous les martyrs du monde et l’on avait choisi une date proche de Pâques, le 17 avril, puis le 20 avril on célébrait tous les saints et vierges d’Irlande, de Bretagne et d’Europe.
Lors du concile de Riesbach en 798, Arno, l’archevêque de Salzbourg (785-821), dresse (déjà !) la liste des fêtes chômées. Parmi elles, on note la Toussaint le 1er novembre. Un autre document de la même époque concernant plus particulièrement la France, un sacramentaire de l’abbaye Saint-Martin près de Tours, évoque la même fête à la même date.
La célébration eucharistique de la Toussaint s’ouvre sur l’exhortation : « Réjouissons-nous tous dans le Seigneur. » La liturgie invite à partager le bonheur des saints : c’est une fête joyeuse qui met sous nos yeux l’Église du ciel. Tous ceux qui la composent forment la Jérusalem céleste, un royaume ouvert à ceux qui auront vécu selon l’esprit des Béatitudes qui est le contenu de l’évangile de ce jour.
La fête de la Toussaint apparaît en écho à la fête de Pâques (voir p. 192). Durant la nuit pascale, on célèbre le sacrifice du Christ qui, par sa mort et sa résurrection, permet au fidèle de participer à la vie éternelle, une vie de sainteté et de grâce. À partir de ce moment, chacun est appelé par son baptême à devenir un saint. La Toussaint invite les fidèles à vivre en communion avec tous les rachetés : c’est l’accomplissement du mystère de la Rédemption par lequel chacun est appelé à la sainteté. C’est aussi la fête de l’espérance : les chrétiens croient que les saints vivent auprès de Dieu et espèrent que les défunts des familles peuvent les rejoindre.
Célébrer les saints qui vivent dans l’intimité de Dieu c’est rappeler la communion des saints qui est une solidarité, à travers les siècles, entre tous les chrétiens vivants et morts. Les litanies des saints chantées à cette occasion sont des prières au cours desquelles on demande aux grands saints dont les noms traversent l’histoire de l’Église d’intercéder pour nous.
La fête de Noël célèbre la naissance de Jésus à Bethléem. Bien sûr, il n’y eut nul témoin pour donner une date précise ; on choisit donc arbitrairement la date symbolique du solstice d’hiver, le 25 décembre, date à laquelle on célébrait dans l’Antiquité le soleil victorieux des ténèbres, sol invictus.
Il y a deux raisons à ce choix, l’une spirituelle et l’autre pédagogique.
« Je viens vous annoncer une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple : il vous est né aujourd’hui dans la ville de David un Sauveur qui est le Christ Seigneur. »
Lc 2, 10-11
Descendant de la famille de David, Joseph doit se faire recenser avec Marie à Bethléem. C’était le temps où elle devait enfanter mais il n’y avait pas de place à l’auberge pour eux. La naissance de Jésus à Bethléem est racontée dans deux évangiles : celui de Luc et celui de Matthieu. Luc évoque les anges qui chantent dans le ciel : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre pour les hommes ses bien-aimés » (Lc 2, 14). Ainsi prévenus, des bergers qui gardaient leurs brebis dans les prés allèrent à Bethléem. Matthieu, quant à lui, rapporte la visite de mages qui suivaient une étoile vue en Orient (Mt 2, 1-18).
Dans la littérature apocryphe, plusieurs textes – parmi lesquels l’évangile du Pseudo-Matthieu, par exemple – comportent à la fois de grandes intuitions spirituelles et quantité de légendes très charmantes pour montrer la proximité de l’Enfant Jésus, sa familiarité et sa gentillesse.
Les évangiles apocryphes
Apocryphe signifie « caché » en grec. Ces textes, nombreux et aux origines très diverses (grecs, syriaques, géorgiens ou arméniens), datent des premiers siècles de l’Église. Leurs auteurs anonymes laissent parler leur imagination pour répondre à la curiosité des lecteurs sans se soucier de vérifier leurs sources, c’est pourquoi ils ne font pas partie des textes officiels. Ces récits ont néanmoins beaucoup influencé la piété populaire et l’iconographie tout au long du Moyen Âge.
Jusqu’à une époque très récente, la tradition voulait que l’on célèbre trois messes pour Noël. Comme l’écrivait saint Thomas d’Aquin, le grand théologien du XIIIe siècle, ces trois messes rappelaient la triple naissance du Christ :
On ne peut rappeler ces trois messes sans avoir à l’esprit « Les trois messes basses », ce conte de Noël extrait des Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet qui met en scène un curé gourmand. À l’idée du festin qui l’attend au château, le célébrant avale de plus en plus vite les paroles de la deuxième et de la troisième messe au point que les fidèles ne peuvent plus suivre : « Pareils à des vendangeurs pressés foulant le raisin de la cuve, le célébrant et son enfant de chœur barbotent dans le latin de la messe en envoyant des éclaboussures de tous côtés ! » Son office enfin terminé, notre chapelain se met à table et mange sa volaille avec ardeur… Mais il boit avec tant d’entrain qu’il meurt dans la nuit même sans avoir le temps de se repentir !
La fête de Noël a laissé à travers les siècles dans toutes les provinces de France des chants populaires témoignant de l’attachement de tous à cette fête. Il en est de même dans les pays où le christianisme tient une grande place.
Aujourd’hui on constate une grande affluence à la messe destinée aux enfants et aux familles qui est célébrée le 24 décembre aux environs de 18 heures ou de 19 heures, à une heure qui convient à tous. Ce que l’on appelle la messe de minuit est célébré effectivement à minuit, mais elle est toujours précédée d’une veillée au cours de laquelle les fidèles écoutent les plus beaux cantiques célébrant la naissance de Jésus. Certaines paroisses organisent même des crèches vivantes avec les enfants du village. Cette pratique remonterait à François d’Assise : Thomas de Celano, l’un de ses compagnons, raconte que celui-ci eut l’idée de réaliser en 1223 une crèche vivante avec des personnages en chair et en os qui représentaient Marie et Joseph, un bébé, accompagnés d’un bœuf et d’un âne, ce qui, à l’époque, était une grande innovation.
Le jour de Noël, des messes solennelles sont célébrées dans toutes les églises et la bénédiction donnée par le pape est toujours retransmise en eurovision depuis Saint-Pierre de Rome.
C’est l’accomplissement de la promesse qui avait été faite à Israël : la naissance d’un messie destiné à faire entrer toutes les nations dans la connaissance de Dieu.
Beaucoup de personnes associent Noël à la crèche. Le mot krebe signifie « panier » en haut allemand mais désigne également une mangeoire pour les bestiaux. En cela, ce mot est tout à fait fidèle à l’évangile. Saint Luc emploie trois fois de suite le terme de « mangeoire » pour décrire l’endroit où l’Enfant Jésus avait été déposé (Lc 2, 7, 12, 16). Luc donne à ce mot une signification théologique : l’Enfant déposé dans la mangeoire est aussi celui qui donnera son corps pour ses amis dans l’eucharistie.
1. Egérie ou Ethérie selon les manuscrits.