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Le médium est le message
« Ne laisse jamais passer une occasion de t’envoyer en l’air ou d’être vu à la télévision. »
Aux Etats-Unis, dans les années 1960, les médias étaient en plein bouleversement et avaient une influence de plus en plus forte sur ce que les gens pensaient d’un livre ou d’une pièce. Les hebdomadaires Time et Newsweek, notamment, faisaient figure d’autorité. Ainsi est-ce assez drôle de lire aujourd’hui les lettres de John Cheever qui s’inquiète de ce que va dire de lui Time. Le New Yorker, lui, était en train de perdre sa réputation de neutralité et prenait de plus en plus de risques, surtout dans ses reportages. Il existait en outre des hebdomadaires plus récents, dont l’avis comptait, tel le Village Voice, dont le premier numéro était apparu en 1955. Et quelques magazines gay, tel ONE.
Celui-ci avait démarré à Los Angeles en 1953, et était davantage consacré aux questions de justice et d’engagement qu’au domaine culturel. (Le nom en majuscules était une référence à une citation de l’historien écossais Thomas Carlyle : « Un lien de fraternité mystique unit tous hommes qui ne font qu’UN. ») Les articles avaient par exemple pour titre « New Deal pour les déviants » ou « Les homosexuels qui réussissent », et c’est ONE qui publia l’essai visionnaire de Norman Mailer intitulé « Le personnage de scélérat homosexuel ». Dans les années 1960, le magazine commença à publier des critiques de livres. La Mattachine Review, publication de la première association de défense des droits des homosexuels, la Mattachine Society, fut fondée en 1955, publiant à l’occasion de la poésie, par exemple « L’Automobile verte » d’Allan Ginsberg, mais la revue consacrait encore moins de place à la culture que ONE. Il y avait çà et là un papier sur Platon ou sur Whitman, mais jamais rien sur Edward Albee, Tennessee Williams ou le style camp. Le rythme de publication était assez hasardeux et les abonnés peu nombreux. Dans les années 1960, ONE se vendait en moyenne à 2 500 exemplaires. La majorité des lecteurs gay n’entendaient donc parler de livres et de théâtre que grâce à la presse classique. Le fait d’armes le plus important de ONE est d’avoir réussi à se frayer un chemin jusqu’à la Cour suprême des Etats-Unis après avoir été accusé d’être une « publication obscène » ; la Cour suprême révisa finalement la décision des tribunaux locaux et autorisa la diffusion du magazine par la poste.
Ce soir-là, donc, Mailer et sa femme arrivent aux studios avec Truman Capote et retrouvent David Susskind, l’animateur, et la troisième invitée de la soirée, Dorothy Parker. Les écrivains s’assoient, l’émission commence – diffusée en direct – et Mailer prend la parole en se lançant sur le terrain politique. Après avoir monopolisé la parole pendant une heure, il sent que Susskind se retourne contre lui et la boucle, pour se venger, persuadé que sans lui, l’émission est morte. Truman Capote prend le relais.
On se met à parler des écrivains de la Beat génération. Mailer était assez mitigé vis-à-vis de Jack Kerouac, Capote, lui, le méprisait ouvertement. « C’est pas de l’écriture, c’est de la dactylographie », dit-il. Et Dorothy Parker de l’approuver. Fin de l’émission.
En sortant, les écrivains s’arrêtent devant l’écran diffusant l’émission en playback. Dorothy Parker, qui avait horreur de se voir, disparaît, mais Mailer et Capote restent. Capote trouve que Mailer a été formidable, mais celui-ci fait une sale tête.
Tout le monde rentre à Manhattan pour aller boire un verre et dîner à El Morocco, où Capote connaît tous les serveurs. Mailer et sa femme le rassurent en lui disant qu’il a été très bon.
Le lendemain matin, des amis de Mailer l’appellent pour lui dire qu’ils ont adoré l’émission, surtout Capote. Les gens citent tous sa réplique, « C’est pas de l’écriture, c’est de la dactylographie », et certains vont jusqu’à suggérer qu’il a été meilleur que Mailer. Ils veulent en savoir plus sur cet écrivain. Capote téléphone à Mailer dans l’après-midi pour lui avouer qu’il est étonné par les réactions enthousiastes à son égard.
Là où certains ne voyaient qu’un « mutant » ou un « pédé », Mailer, lui, avait saisi l’androgynie essentielle de ce nouveau Tirésias. Son imagination et sa générosité lui avaient permis de saisir l’attrait de la particularité de Capote. Quand il le revit, il le trouva d’ailleurs changé, doué d’« une nouvelle assurance superposée à l’ancienne ».
Nombre d’Américains moyens rouleraient des yeux en soupirant chaque fois que ce petit bonhomme à la voix androgyne apparaîtrait à la télévision. Mais beaucoup – femmes et hommes, hétérosexuels et homosexuels – seraient subjugués. Capote venait de découvrir que la célébrité liée aux livres n’est rien par rapport à la célébrité liée à la télévision.
C’est à cette époque qu’il commença à travailler sur un nouveau projet, un reportage sur la vie à Moscou pour le New Yorker, une suite de Les muses parlent. Mais il n’y arrivait pas. Il préférait passer du temps avec celles qu’il appelait ses « cygnes », ses riches amies, telles Babe Paley ou Slim Keith. Puis un jour il remit au New York Times un texte court consacré à un massacre qui avait eu lieu au Kansas : une famille de quatre personnes avait été bâillonnée et ligotée avant d’être tuée dans une ferme isolée. Les coupables étaient introuvables. Capote demanda à William Shawn, son éditeur au New Yorker, s’il pouvait abandonner son projet moscovite pour aller enquêter au Kansas. Shawn dit oui. A l’origine son idée était de faire le portrait d’une petite ville américaine frappée par un nouveau type de violence, un long papier d’humeur dont le cœur serait ce meurtre mystérieux. Pendant qu’il était sur place, à Garden City, interviewant les voisins avec son amie d’enfance, Harper Lee, deux anciens condamnés furent arrêtés et accusés du meurtre. Capote comprit qu’il avait de quoi faire un livre entier.
Capote mit un peu plus de trois ans à écrire De sang-froid – tout sauf la fin. Il vécut avec Dunphy en Europe pendant presque toute la période. Il devra attendre de rentrer aux Etats-Unis en juin 1963 pour avoir l’autorisation de correspondre avec les tueurs. Tout à coup ces deux hommes, qui étaient de purs êtres de fiction, lui répondirent. Capote décida d’aller les voir en prison et se mit à leur envoyer des livres : pour Smith, Thoreau, des dictionnaires et ses propres livres ; pour Hickock, des best-sellers de Harold Robbins et des magazines féminins. Pendant ce temps-là il attendait, impatient, que les tribunaux prennent leur décision afin d’écrire les dernières pages. Les lettres qu’il a envoyées aux meurtriers témoignent d’un réel souci pour leur avenir. Celles qu’il a envoyées aux autres disent plutôt sa frustration de voir le procès traîner en longueur.
La dernière demande en appel finit par être rejetée ; l’exécution fut fixée au 14 avril 1965. Capote prit l’avion pour le Kansas avec Joe Fox, son éditeur chez Random House. Arrivé sur place, il changea d’avis et renonça à aller voir les deux hommes. Il téléphona à Smith pour lui dire que les autorités refusaient qu’il vienne. Puis au dernier moment, il revint sur sa décision et y alla avec Fox, arrivant juste à temps pour échanger quelques mots avec Smith et Hickock. Fox resta dehors pendant qu’il allait rejoindre une vingtaine de personnes, dont Alvin Dewey, dans l’entrepôt où se trouvait la potence.
Dick Hickock fut pendu, puis, une demi-heure plus tard, Perry Smith. Dans le livre, l’écrivain ne dit pas un mot sur sa présence et décrit la mort de Smith du point de vue de Dewey.
« Manches, corde, bandeau ; mais, avant que le bandeau ne soit ajusté, le prisonnier cracha son chewing-gum dans la paume de la main tendue de l’aumônier. Dewey ferma les yeux ; il les tint fermés jusqu’à ce qu’il entende le bruit sourd qui annonce un cou brisé par une corde. […] Dewey se souvint de la première fois qu’il avait rencontré Perry dans la salle d’interrogatoire du quartier général de la police de Las Vegas : l’homme-enfant, le nabot assis sur la chaise métallique, ses petits pieds chaussés de bottes n’arrivant pas jusqu’au plancher. Et lorsque Dewey rouvrit les yeux à présent, c’est ce qu’il vit : les mêmes pieds d’enfant qui pendaient et se balançaient. »
Quelques heures plus tard, Capote reprit l’avion pour New York avec Joe Fox en lui agrippant la main, pleurant toutes les larmes de son corps.
Il finit son roman à la mi-juin. De sang-froid fut publié en quatre parties successives dans le New Yorker à la fin de l’année 1965. Puis en livre en janvier 1966, dédié à Jack Dunphy et Harper Lee, et aussitôt porté aux nues. Capote prétendait avoir inventé un nouveau genre littéraire, le « roman documentaire », déclaration sur laquelle les critiques les plus avisés fermaient les yeux. Le livre resta dans la liste des meilleures ventes du New York Times pendant trente-sept semaines, dont douze à la première place. L’auteur fit la une de nombreux magazines et fut invité dans d’innombrables émissions de télévision et de radio. NBC News réalisa une émission spéciale d’une demi-heure, « Capote retourne au Kansas », en avril 1966. Autant l’auteur s’était retiré de son récit, autant l’écrivain, ce petit bonhomme efféminé qui avait écrit un best-seller sur deux gros durs meurtriers, semblait présent partout.
Baldwin avait commencé à écrire Un autre pays avant la publication de La Chambre de Giovanni, en 1956. Autant La Chambre de Giovanni est un roman sur la peur et sur la défaite de l’amour, autant celui-ci est un roman sur le triomphe de l’amour, thème sur lequel il est beaucoup plus difficile d’écrire, d’autant que Baldwin traitait en même temps de la question raciale : les personnages d’Un autre pays cherchent à dépasser la frontière Blanc-Noir en nouant des amitiés malaisées et en se lançant dans des liaisons passionnées. Enfin, Baldwin introduit dans Un autre pays des personnages d’homosexuels couchant avec des femmes et vice versa.
A l’époque où il l’écrivait, Baldwin vivait entre Paris et New York. Il était resté proche de Lucian Happersberger (dont on retrouve nombre de traits chez Yves), mais il avait un nouvel homme dans sa vie, Engin Cezzar, un comédien turc formé par la Yale Drama School. Baldwin avait rencontré Cezzar au moment où celui-ci jouait le rôle de Giovanni dans une mise en scène de La Chambre de Giovanni à l’Actor’s Studio. Personne ne connaît la vraie nature de leurs relations, mais Cezzar dira plus tard dans ses mémoires qu’il avait sauvé Baldwin d’une « incessante homosexualité » en lui permettant de découvrir la simple amitié masculine7. Cezzar se maria peu après et Baldwin devint proche de sa femme. Dans un étrange essai qu’il écrivit sur André Gide à cette époque, « La prison de l’homme », Baldwin regrette « l’homosexualité, de nos jours […] où il est impossible de trouver un amant ou un ami, où l’occasion d’entretenir des relations authentiquement humaines a complètement disparu ». Il admire Gide qui est resté marié, comme si le fait de mener une double vie était un facteur de stabilité, stabilité qu’il ne trouvait pas dans la vie gay. Baldwin était plus compliqué vis-à-vis de la question que ne le laisseraient penser ses romans. En tout cas, quelles que soient ses relations avec Cezzar, il alla lui rendre visite en Turquie et adopta peu à peu la ville d’Istanbul comme une seconde terre d’accueil, comme Paris autrefois.
Sueur mise à part (le roman se passe essentiellement l’été), Vining a vu juste : les scènes les plus crues rappellent le style des romans pulp. On se bat, on frissonne beaucoup, surtout chez les couples hétérosexuels. Un autre pays aurait mérité de la part de l’auteur une dernière relecture destinée à atténuer les passages un peu faciles et supprimer les répétitions. (Toutes les dix pages ou presque un personnage balance la tête en arrière et éclate de rire.) Mais finalement peu importe. L’écrivain a réussi à insuffler suffisamment d’énergie et d’électricité à son livre pour transporter le lecteur jusqu’à la fin. Même Vining avoue avoir lu jusqu’à point d’heure pour connaître la fin.
Le public avait à peine eu le temps d’assimiler ce roman quand l’auteur frappa de nouveau avec un long essai consacré à la question raciale, publié dans le numéro du New Yorker de Thanksgiving 1962. L’analyse était intitulée « Lettre d’une région de mon esprit » ; un an plus tard, elle fut reprise sous forme de livre avec le titre suivant : La prochaine fois, le feu.
Néanmoins, cet essai me semble avoir moins de portée aujourd’hui que lorsqu’il fut publié. Ses belles phrases et sa douce cadence formaient un abri rassurant pour le lecteur blanc qui pouvait réfléchir tranquillement aux torts causés par trois siècles de discrimination raciale.
La prochaine fois, le feu parut en livre en janvier 1963. Peu après, Martin Luther King, qui avait rencontré Baldwin en 1957 après le boycott des bus de Montgomery, lança une campagne destinée à lutter contre la politique de ségrégation de la ville de Birmingham, dans l’Alabama. Suivirent des semaines de manifestations et d’arrestations, jusqu’au 2 mai, le jour où des policiers blancs refoulèrent une marche d’écoliers noirs avec des tuyaux de pompiers et des chiens. Des journalistes de la télévision étaient présents, si bien que la brutalité de leur réaction fut rendue publique le soir même. Le pays fut horrifié. Deux semaines plus tard, Time affichait à sa une le portrait de Baldwin en le présentant comme le porte-parole littéraire du mouvement des droits civiques. L’article qui lui était consacré mettait l’accent sur ses essais plus que sur ses romans, et ne disait rien sur sa sexualité – Time, le magazine qui accusait les homosexuels d’empoisonner la culture américaine trois ans plus tôt. Baldwin avait mis de côté la question sexuelle dans ses discours et dans ses articles – on le comprend. Il est difficile de mener deux combats en même temps.
En novembre, John Kennedy fut assassiné. Lyndon Johnson devint président. Baldwin continua à écrire et s’exprimer en public tout en mettant la dernière main à une pièce de théâtre : Blues pour M. Charlie.
En février 1965, Baldwin fut invité par l’université de Cambridge, en Angleterre, pour débattre de la question suivante : « Le rêve américain a-t-il été réalisé aux dépens du Nègre américain ? » Il avait face à lui un autre Américain, William F. Buckley, rédacteur en chef d’une nouvelle revue conservatrice, National Review. Les archives télévisuelles permettent de découvrir un Baldwin particulièrement éloquent et convaincant lorsqu’il raconte, calme mais sans concessions, l’expérience quotidienne de ce que c’est que d’être noir en Amérique.
Sa façon d’appuyer sur la et le propriétaire est tellement unique qu’on a l’impression de voir la personne en question. De même sa façon de souligner les humiliations quotidiennes plutôt que des événements spectaculaires devait permettre aux Blancs de s’identifier plus facilement. En face, Buckley ne peut pas lui opposer grand-chose, si ce n’est murmurer pour expliquer qu’on ne peut pas juger de façon aussi expéditive l’Amérique sous prétexte que la population noire y est mal traitée.
Baldwin était en Angleterre le jour où Malcolm X fut assassiné dans une mosquée de Harlem. Il rentra aux Etats-Unis et participa à la marche organisée par Martin Luther King, de Selma à Montgomery, deux villes de l’Alabama, en faveur du droit de vote des Noirs. Il existe d’ailleurs une photo où on le voit marchant à côté de Joan Baez.
Pendant ce temps-là, Lucien Happersberger était revenu vivre avec lui, après avoir quitté sa femme et déménagé aux Etats-Unis. Avec son frère, David, et Baldwin, Happersberger monta une société de production de cinéma pour adapter Blues pour M. Charlie. David Leeming, un jeune Anglais que Baldwin avait rencontré à Istanbul, se joignit à eux et devint l’assistant de Baldwin.
En août 1965, le quartier de Watts, à Los Angeles, connut une flambée de violence inouïe, six jours d’émeutes raciales, les pires depuis la Seconde Guerre mondiale. La prochaine fois, le feu se vendait toujours autant. Baldwin était de plus en plus sollicité pour des entretiens, des conférences, des pétitions. Mais il était épuisé. A bout.
Jusqu’au jour où Happersberger épousa Diana Sands – le personnage d’Yves, dans Un autre pays, était tombé amoureux de celui de Juanita dans Blues pour M. Charlie. Baldwin était au désespoir. Il rompit avec Happersberger, mit fin à leur société de production et alla s’installer à Istanbul. Plus tard, il justifiera son choix dans une lettre à David Leeming : il avait vécu de façon trop altruiste et voulait « éviter le genre de renoncement qui est le destin des héros de Henry James13 ». Sur le moment il demanda à Leeming de partir avec lui ; celui-ci accepta de retourner à Istanbul pour jouer le rôle de secrétaire, expliquant : « Il avait besoin de moi à la fois dans ses bras et dans son bureau. » (Leeming a été obligé de paraphraser la plus grande partie de cette lettre dans son autobiographie alors qu’elle lui est adressée. Les ayants droit de Baldwin, autrement dit sa sœur, Gloria, refusent la reproduction et la citation d’extraits des lettres qui n’étaient pas destinées au public. Il n’existe donc pas d’édition de la correspondance de Baldwin, et ses biographes sont condamnés à oublier la facette la plus spontanée et la plus insolente de l’écrivain chaque fois qu’ils utilisent ses lettres.)
Baldwin retrouva son petit appartement de la place Taksim à Istanbul, avant d’emménager dans une maison sur une colline dominant le Bosphore. Il suivait désormais le mouvement des droits civiques à distance. En 1966, il commença un nouveau roman, Tell Me How Long The Train’s Been Gone, récit à la première personne d’un comédien-réalisateur noir en convalescence après une crise cardiaque.
C’est ainsi qu’en novembre 1966, pendant que Truman Capote organisait un sublime bal masqué à New York, James Baldwin vivait une vie étonnamment rangée à Istanbul, écrivant le jour, ne buvant que le soir, et recevant sa famille et ses amis, dont Beauford Delaney. Il travaillait avec Engin Cezzar sur des scénarios et des créations théâtrales. Il se promenait, profitait des marchés et des cafés d’Istanbul ; les gens avaient beau le remarquer, il n’y avait pas de télévision.
Baldwin disait qu’il aimait Istanbul car il ne s’y sentait pas « noir » ; son homosexualité avait moins d’importance qu’aux Etats-Unis. Il adorait les Turcs. Il vécut plus ou moins dix ans en Turquie, mais jamais il ne chercha à apprendre la langue. Son autre pays était un pays où le silence était une question de survie.