NOTES

PREMIERS TEXTES

[Récit] p. 11

1- Nous avons décidé de ne pas publier les vers latins écrits par Rimbaud (la plupart du temps, sur un canevas) et imprimés dans les bulletins de l’académie de Douai. En revanche, nous avons retenu ce « récit », copié par Rimbaud sur ce que l’on a coutume d’appeler le « Cahier des dix ans ». Il a été donné par Suzanne Briet dans son livre Rimbaud notre prochain, Nouvelles Éditions latines, 1956, p. 41-45 (Paterne Berrichon l’avait publié pour la première fois sous le titre injustifié de « Narration » dans son livre La Vie de Jean-Arthur Rimbaud, Mercure de France, 1897). Le cahier lui-même, de format 14,5 × 20 cm, comporte huit feuillets. Il contient des textes en latin, des textes en français, de faux devoirs d’écolier, des problèmes de calcul et quelques dessins. Certains textes sont signés. La partie « Prologue » n’est pas de Rimbaud et correspond au sujet du devoir (voir « Le Cahier des dix ans », éd. B. Claisse, dans Rimbaud, Œuvres complètes, t. II, Honoré Champion, 2007, p. 11-174). Le récit occupe les pages 10 et 11 du cahier.

2- L’an 1503  : l’action se situe donc sous le règne de Louis XII.

3- peau de même couleur  : cette description ne correspond en rien à l’aspect du capitaine Frédéric Rimbaud, blond aux yeux bleus (voir Paterne Berrichon, Jean-Arthur Rimbaud, le poète, Mercure de France, 1912). Mais en 1864, époque où fut probablement rédigée cette prose, il était âgé lui aussi de cinquante ans. Il vivait d’ailleurs séparé de sa femme depuis 1860. Il mourut à Dijon en 1878.

[Les Étrennes des orphelins] p. 13

4- Texte publié dans La Revue pour tous (2 janvier 1870, p. 489-491). Pas de manuscrit connu.

« Les Étrennes des orphelins » est le premier poème de Rimbaud que nous connaissions. Courant décembre 1869, Rimbaud avait dû en envoyer une première version, puisque le numéro de La Revue pour tous du 26 décembre indique dans la rubrique « Correspondance » : « M. Rim… à Charleville. – La pièce de vers que vous nous adressez n’est pas sans mérite et nous nous déciderions sans doute à l’imprimer si, par d’habiles coupures, elle était réduite d’un tiers. » Rimbaud se résolut probablement à suivre ce conseil, ce qu’indiquent la ligne de points de suspension terminant la quatrième partie et peut-être la ligne de points de suspension finale. De multiples influences sont repérables : « Enfants trouvées » de François Coppée (dans son recueil Les Poèmes modernes, 1869), mais surtout « Les Pauvres Gens » de Victor Hugo et « L’Ange et l’Enfant » de Jean Reboul. Rimbaud, en effet, avait composé un thème en vers latin à partir du poème de Reboul et son devoir avait été publié dans le Bulletin de l’académie de Douai (1er juin).

v. 63 – L’armoire était sans clefs !…  : cette précision surprend, mais on comprend vite que le meuble est ainsi fermé pour que les enfants ne puissent pas toucher aux « surprises ».

v. 81 – l’ange des berceaux  : souvenir du poème de Reboul : « Un ange au radieux visage/ Penché sur le bord d’un berceau […]. »

v. 102 – De la nacre et du jais  : Rimbaud décrit ici presque dans les termes d’un poète de l’art pour l’art la verroterie funéraire.

Charles d’Orléans à Louis XI p. 17

5- B.N., n.a.fr. 26499

Georges Izambard raconte qu’à l’occasion du devoir que nous présentons ici et dont il avait proposé le sujet, « Lettre de Charles d’Orléans à Louis XI pour solliciter la grâce de Villon menacé par la potence », il prêta à Rimbaud non seulement les œuvres de Villon (constamment démarquées dans ce texte et dont Rimbaud s’inspirera bientôt pour composer son « Bal des pendus »), mais encore Notre-Dame de Paris de Victor Hugo – ce qui fâcha fort Mme Rimbaud – et la belle pièce poétique de Théodore de Banville, Gringoire.

Lettre à Théodore de Banville p. 20

6- Bibliothèque Jacques Doucet. Cette lettre a été publiée pour la première fois par Marcel Coulon dans Les Nouvelles littéraires, 10 et 17 octobre 1925.

Les textes copiés ici par Rimbaud pour la première fois offrent des différences notables avec la version qu’il en donnera dans le « Recueil Demeny », « Par les beaux soirs d’été… » (plus tard intitulé « Sensation »), « Ophélie » et « Credo in unam ».

Théodore de Banville (1823-1891) était un des plus illustres représentants de l’école poétique des Parnassiens, caractérisée par la rigueur de la forme, l’impersonnalité des sujets choisis, le recours fréquent, voire abusif, à la mythologie. Il avait publié plusieurs recueils remarquables par la versification fort travaillée et parfois la fantaisie : Les Cariatides (1842), Les Stalactites (1846), les Odes funambulesques (1857), etc. Son avis comptait beaucoup dans le choix des textes retenus pour publication dans Le Parnasse contemporain, ouvrage anthologique publié par séries et où Rimbaud souhaitait figurer.

7- j’ai presque dix-sept ans  : Rimbaud ne comptait pas encore seize ans à l’époque.

8- un descendant de Ronsard  : Banville, en effet, avait publié en 1856 un recueil se réclamant de l’inspiration des poètes de la Pléiade et intitulé Les Odelettes.

9- un frère de nos maîtres de 1830  : Rimbaud désigne bien évidemment la deuxième vague du romantisme et les poètes groupés dans le cénacle hugolien. Ces poètes avaient parfois été inspirés par Ronsard, Du Bellay..., et ils en avaient publié des anthologies. Ce fut le cas de Sainte-Beuve, puis de Nerval.

10- Anch’io  : « moi aussi », en italien. Citation incomplète de l’exclamation du Corrège devant un tableau de Raphaël : Anch’io son’pittore (« Moi aussi je suis peintre »), passée à l’état de proverbe.

11- la dernière série du Parnasse  : le premier Parnasse contemporain avait été publié en 1866. Depuis 1869, il paraissait sous forme de séries mensuelles et l’éditeur Alphonse Lemerre avait l’intention de les regrouper pour en former un deuxième volume qui, retardé, ne vit le jour qu’en 1871. Le texte de Rimbaud ne fut pas retenu.

Ophélie p. 22

12- D’après Georges Izambard, « Ophélie » fut le premier poème que Rimbaud soumit à son attention. Il est inspiré par le drame Hamlet (IV, 7) de Shakespeare et reprend certaines expressions de poèmes de Banville (« La Voix lactée » et « À Henry Murger ») parus dans Les Cariatides.

v. 27 – Ce « beau cavalier pâle » est évidemment Hamlet, évoqué déjà sous cet aspect par Banville dans « À Henry Murger » (« Caprices en dixains à la manière de Marot »).

v. 34 – C’est en effet couronnée de fleurs qu’Ophélie décide de mourir en se noyant.

Credo in unam p. 23

13- Ce titre (que Rimbaud ne conservera pas dans le Recueil Demeny) est évidemment un credo à l’égard de la nouvelle poésie, et notamment de la beauté représentée traditionnellement par Vénus. Izambard assure que « Credo in unam » fut écrit après la lecture du « Satyre » de Hugo (dans La Légende des siècles) et de « L’Exil des dieux », pièce placée en tête du recueil Les Exilés (1866) de Banville. Rimbaud avait également, à l’occasion d’une version latine, traduit en vers le début de l’invocation à Vénus qui ouvre le De natura rerum de Lucrèce. Il s’était d’ailleurs contenté de recopier, en y apportant quelques corrections de style, la traduction versifiée qu’en avait donnée Sully Prudhomme en 1869.

v. 18 – syrinx  : ce mot, habituellement féminin, désigne une flûte de roseau.

v. 25 – Cybèle  : déesse de la terre et des travaux champêtres, dans la mythologie latine. On la représentait traditionnellement sur son char, parcourant les cités. Voir Virgile, Énéide, VI, 785, et Lucrèce, De natura rerum, II, 624. Du Bellay a repris cette image : « Telle que dans son char la Bérécynthienne […] ».

v. 39 – Astarté  : Astarté était la déesse du ciel chez les peuples sémitiques, et Jacques Gengoux eut raison, à propos de ce vers, de noter une confusion faite par Rimbaud avec la Vénus anadyomène, plus bas nommée « Aphroditè marine ». Cette confusion avait déjà été faite par Musset (« Où Vénus Astarté, fille de l’onde amère ») dans son poème Rolla.

v. 86 – La cavale  : référence au mythe d’Athéna (la déesse de l’intelligence chez les Grecs) sortant tout armée du front de Zeus.

v. 120 – Kallipyge (et non « Kallypige »)  : « qui a de belles fesses », épithète à caractère homérique pour qualifier Aphrodite, et plus particulièrement une statue qui fut trouvée à Rome dans la Maison dorée de Néron.

v. 123 – Ariadnè  : Ariane, fille de Minos, permit à Thésée de sortir du labyrinthe où il était entré pour tuer le Minotaure. L’ayant suivi dans sa fuite, elle fut abandonnée par le héros dans l’île de Naxos où elle se donna la mort (voir « Le Triomphe de Bacchos » dans Les Stalactites de Banville).

v. 128 – Lysios  : le Libérateur. Autre nom de Bacchus.

v. 132 – Europè  : Europe avait été enlevée par Zeus métamorphosé en taureau. André Chénier, notamment, avait décrit cette scène dans l’une de ses Bucoliques.

v. 141 – Léda avait été séduite par Zeus métamorphosé en cygne.

v. 146 – comme d’une gloire  : dans l’iconographie chrétienne, la gloire est un nuage lumineux qui entoure les représentations des figures saintes.

v. 153 – La Dryade  : nymphe des forêts.

v. 154-155 – Séléné (Rimbaud écrit « Selené ») : la Lune (Séléné en grec) avait séduit le chasseur Endymion et s’était unie à lui dans un rayon. Le vers 154 renvoie aux vers 2 et 3 d’« Ophélie ».

v. 162 – les sombres marbres  : les statues des dieux abandonnées, mais qui, cette fois, semblent douées de vie.

RECUEIL DEMENY

[PREMIÈRE SÉRIE]

Les reparties de Nina p. 30

14- Sur le manuscrit Izambard, la pièce est intitulée « Ce qui retient Nina » et datée du 15 août 1870. Elle fut donc vraisemblablement jointe à la lettre que Rimbaud envoya le 25 août à son professeur. Nous indiquons en notes de bas de page les quatrains supplémentaires de cette version.

v. 44 – Au Noisetier  : l’expression étant soulignée sur le manuscrit, elle indique sans doute le titre réel d’un andante. Le manuscrit Izambard donne à la place « Joli portier », qui se rapporte au mot « oiseau » et semble de moins bonne venue.

v. 87 – Le feu qui claire  : le feu qui éclaire. « Clairer » semble un néologisme, peut-être un ardennisme.

v. 108 – Et mon bureau ? (Le ms. Izambard donne « Mais le bureau ? »). C’est la seule réplique de Nina dans le poème.

Vénus Anadyomène p. 34

15- La description n’est pas simplement réaliste. Elle détruit l’image convenue de la femme et, partant, de la Muse, inspiratrice de « la belle poésie ». Rimbaud, cependant, s’était donné un modèle ; il avait emprunté certains éléments de son « tableau » au poème d’Albert Glatigny : « Les Antres malsains » (appartenant au recueil Les Vignes folles, 1857). Décrivant les pensionnaires de ces « antres », Glatigny parlait d’une fille « aux énormes appas » et portant un tatouage au bras avec ces « mots au poinçon gravés : PIERRE ET LOLOTTE ».

Anadyomène  : du grec anaduoméné, qui sort du bain. Surnom donné à Vénus née de l’écume.

v. 2 – Réminiscence d’un vers de Glatigny : « Qui baise ses cheveux fortement pommadés. »

v. 4 – des déficits  : au sens de défauts.

v. 12 – Clara Venus  : l’illustre Vénus. Ces mots latins rendent cette femme d’autant plus dérisoire et forment légende au tableau.

« Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize » p. 35

16- Malgré l’indication finale, ce sonnet daterait, selon G. Izambard, du dimanche 17 juillet 1870. Il était alors intitulé « Aux morts de Valmy ». Le prétexte en était un article publié dans Le Pays (journal bonapartiste) du 16 juillet et signé Paul de Cassagnac. Cassagnac défendait la guerre contre la Prusse en invoquant le courage des sans-culottes.

v. 14 – Messieurs de Cassagnac  : Paul, l’auteur de l’article du Pays, et son père, Adolphe Granier de Cassagnac, défenseur de l’Empire autoritaire, également journaliste dans Le Pays.

Première soirée p. 36

17- Il existe un manuscrit de ce poème, alors intitulé « Comédie en trois baisers » et donné à Izambard. « Première soirée », sous le titre « Trois Baisers », avait été publié dans La Charge, hebdomadaire satirique de quatre pages paraissant à Paris, dans le numéro du 13 août 1870.

v. 4 – Malinement  : Rimbaud écrit « malinement » et « maline » (voir le poème portant ce titre, p. 59), selon une prononciation répandue dans le nord de la France et en Belgique.

Bal des pendus p. 37

18- Izambard assure dans Rimbaud tel que je l’ai connu (Mercure de France, 1946) que ce poème aurait une origine scolaire (voir p. 298).

v. 4 – Saladin  : sultan d’Égypte (1137-1193) célèbre par sa vaillance, adversaire de Frédéric Barberousse, Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste, lors de la troisième croisade. Les « paladins du diable » sont ici les infidèles pendus par les croisés.

v. 27 – répondant des forêts violettes  : les loups, par leurs hurlements, répondent au bruit du vent dans les arbres de la forêt.

v. 32 – moustier  : forme ancienne pour « monastère ».

Les Effarés p. 39

19- On connaît deux autres manuscrits de ce texte. L’un est dédié « à Monsieur Jean Aicard » et porte l’indication « Juin 1871 – Arthur Rimbaud, 5 bis quai de la Madeleine – Charleville, Ardennes. Un ex. des Rébellions, s’il plaît à l’auteur. A.R. » Le cachet de la poste porte la date du 20 juin 1871. L’envoi est adressé à A. Lemerre, 47, passage Choiseul. L’autre est une copie faite par Verlaine (noté ici ms. V.) qui servit à établir le texte du poème publié dans Lutèce, 19 octobre 1883. Cette dernière version est améliorée quand on la compare avec le texte original. C’est pourquoi, exceptionnellement, nous indiquerons les variantes qu’elle présente.

« Les Effarés » fut publié une première fois en Angleterre, sous le titre « Petits Pauvres », dans The Gentleman’s Magazine de janvier 1878. Cette publication semble due à Verlaine, ou à C. Barrère, qui participait à la revue (voir E.W.H. Meyerstein, Times Literary Supplement, 11 avril 1935). La publication des « Effarés » dans Lutèce, puis dans le volume Les Poètes maudits (1884) de Verlaine groupe les vers en sizains.

v. 12 – Grogne un vieil air (ms. V.).

v. 16-17 – Quand pour quelque médianoche

v. 16-17 – Façonné comme une brioche (ms. V.).

Le médianoche est un repas qui se fait, minuit sonné, après un jour maigre.

v. 26 – Les pauvres Jésus pleins de givre (ms. V.).

v. 29 – Au treillage, grognant des choses (ms. V.).

v. 31-32 – Tout bêtes, faisant leurs prières

v. 31-32 – Et repliés vers ces lumières (ms. V.).

v. 35 – Et que leur chemise tremblote (ms. V.).

Roman p. 41

20- v. 13 – Dix-sept ans  : à l’époque, Rimbaud avait moins de seize ans. Dans sa lettre à Banville écrite en mai, la même année, il prétendait avoir « presque dix-sept ans » déjà.

v. 17 – Robinsonne  : Rimbaud a gardé la majuscule pour ce verbe formé à partir du nom propre du Robinson de Daniel Defoe et signifiant « vagabonder ».

v. 20 – La description du père pourrait être inspirée du poème de Verlaine « Monsieur Prudhomme », dans les Poèmes saturniens  : « Son faux col engloutit son oreille […] ».

v. 24 – cavatines  : airs courts d’opéra chantés à une seule voix.

Rages de Césars p. 42

21- Après la capitulation de Sedan (2 septembre 1870), Napoléon III avait été retenu prisonnier au château de Wilhelmshöhe. Rimbaud se venge à sa manière de « l’Homme pâle » (Napoléon III, miné par la maladie, se fardait et La Débâcle de Zola le montre ainsi) qui avait tenu plus de vingt ans la France sous son pouvoir.

v. 12 – Compère en lunettes : désigne Émile Ollivier, président du Conseil, qui, le 19 juillet 1870, avait annoncé la déclaration de guerre « d’un cœur léger ».

v. 14 – Saint-Cloud était la résidence impériale près de Paris.

Le Mal p. 43

22- v. 3 – écarlates ou verts  : les uniformes des Français étaient rouges, et verts ceux des Prussiens. Le mot « Roi » ne vaut ici que pour le roi de Prusse.

v. 5-6 – On notera le zeugme de construction. Un même régime « de cent milliers d’hommes » est attribué à deux verbes de construction différente ici : « broie » et « fait ».

Ophélie p. 43

23- Pour le commentaire, voir p. 299.

Le Châtiment de Tartufe p. 45

24- v. 13 – rabats  : morceaux d’étoffe, de batiste ou de dentelle que portaient au cou les gens de robe et d’église.

v. 14 – Ce dernier vers fait écho à la réplique que la servante Dorine adresse au Tartuffe de Molière : « Et je vous verrais nu du haut jusques en bas/ Que toute votre peau ne me tenterait pas. »

À la Musique p. 46

25- Il existe aussi un manuscrit donné à Izambard. Voir catalogue de la vente de la bibliothèque Jacques Guérin, Étude Tajan, 17 novembre 1998.

Cette poésie correspond assurément à une « chose vue ». Rimbaud, cependant, s’est inspiré également d’un poème d’Albert Glatigny, « Promenades d’hiver » (dans Les Flèches d’or, 1864), où celui-ci décrivait des bourgeois autour d’un kiosque à musique. L’épigraphe du manuscrit Izambard précise : « Place de la gare, tous les jeudis soirs, à Charleville ». Le programme du concert du 2 juin 1870 comportait une Polka-Mazurka des fifres qui est sans doute devenue sous la plume de Rimbaud la « Valse des fifres » du sixième vers.

v. 6 – schakos  : coiffure militaire remplacée depuis par le képi.

v. 8 – breloques à chiffres  : cachets et bijoux de petite valeur que l’on attachait aux chaînes de montre. Elles portaient souvent le chiffre, c’est-à-dire les initiales gravées, de celui qui les possédait.

v. 10 – bureaux  : employés de bureau.

v. 11-12 – Vers peu clairs. L’apposition « officieux cornacs » (c’est-à-dire conducteurs d’éléphants !), puis la périphrase suivante désignent peut-être les dames de compagnie de ces « grosses dames ». Albert Glatigny avait écrit : « Dont les vastes chapeaux ont des couleurs infâmes. »

v. 15 – les traités  : les traités de 1866 qui préparaient, dans une certaine mesure, la réunification de l’Allemagne.

v. 16 – prisent en argent  : prisent dans des tabatières d’argent. Mais le verbe « priser » signifie aussi « estimer le prix d’un objet ».

v. 19 – onnaing  : sorte de pipe fabriquée à Onnaing, près de Valenciennes.

v. 23 – fumant des roses  : d’après Delahaye, les roses désigneraient des cigarettes dont le paquet était de couleur rose et qui étaient moins fortes que les cigarettes des paquets bleus.

v. 25 – Glatigny avait écrit : « Moi, je suis doucement les filles aux yeux doux » (qualifiées plus loin, par lui, d’« alertes et discrètes »).

Le Forgeron p. 47

26- Il existe un autre manuscrit de ce texte, donné par Rimbaud à Izambard. Sur celui-ci, la date placée en épigraphe est « vers le 20 juin 1792 ». L’argument du « Forgeron » fut sans doute inspiré à Rimbaud par une gravure de l’Histoire de la Révolution française d’Adolphe Thiers, gravure montrant Louis XVI pris à partie par le boucher Legendre et coiffant le bonnet rouge des révolutionnaires. De ce boucher, Rimbaud a fait un forgeron, tâche plus riche de signification mythique (les Titans en lutte contre les dieux de l’Olympe). Verlaine, présentant « Le Forgeron » dans sa préface aux Poésies complètes de 1895, estimera ce poème « par trop démocsoc ».

v. 50 – palsembleu  : ce mot s’écrit normalement avec un a. On l’utilise comme adverbe à valeur de juron. Substantif, il n’est pas attesté. Rimbaud songe à l’étymologie de ce terme, « par le sang bleu », et désigne ainsi les nobles. L’épithète qui suit, « bâtards », justifie cette interprétation.

v. 52 – petits billets  : désigne par euphémisme les lettres de cachet par lesquelles, sous l’Ancien Régime, on envoyait en prison.

v. 75 – Suzanne Bernard note dans son édition (Rimbaud, Œuvres, Garnier, 1960, p. 371) que Camille Desmoulins, le 11 juillet 1789, avait invité le peuple à prendre des cocardes vertes « couleur de l’espérance ». Ceux qui n’avaient pas de cocardes mirent des feuilles vertes à leurs chapeaux.

v. 91 – droguailles  : boniments pour capter l’attention des passants, comme en faisaient sur les foires les marchands de drogues et d’onguents.

v. 111 – Crapule : ce mot va être obstinément répété par Rimbaud. Un an plus tard, pendant la Commune, lui-même prendra la décision de « s’encrapuler » (voir p. 92).

v. 130 – leur : manque dans le Recueil Demeny. Il est restitué par le ms. Izambard.

Soleil et Chair p. 53

27- Rimbaud a donné à « Credo in unam » ce nouveau titre moins compromettant. La version qu’il propose ici est très écourtée. On ne peut savoir si c’est oubli ou volonté de sa part.

Pour le commentaire, voir p. 299.

[SECONDE SÉRIE]

Le Dormeur du Val p. 57

28- Ce sonnet, l’un des plus célèbres de Rimbaud, a paru pour la première fois dans l’Anthologie des poètes français du XIXsiècle, Lemerre, 1888, t. IV, p. 107.

Au Cabaret-Vert p. 58

29- Ce poème de Rimbaud le vagabond évoque un cabaret de Charleroi, La Maison verte, ainsi qualifié parce que tout y était peint en vert, même les meubles (voir Robert Goffin, Rimbaud vivant, Corrêa, 1937, p. 15-17).

v. 9 – épeure : du verbe « épeurer », vieux mot signifiant « effrayer ». Verlaine l’utilisera dans la deuxième des Ariettes oubliées écrite en 1872 : « cher amour qui t’épeures ». Rimbaud l’emploie également dans « Tête de faune » (p. 134).

La Maline p. 59

30- v. 3 – met sans s est une licence poétique admise dans la prosodie classique.

v. 12 – pour m’aiser  : pour me mettre à l’aise (provincialisme).

L’éclatante victoire de Sarrebrück p. 59

31- Le combat de Sarrebrück avait eu lieu le 2 août 1870. Cette première rencontre avec l’ennemi s’était soldée par un succès de peu de poids. Très fier, cependant, l’empereur, qui en faisait grand cas, avait hautement vanté la bravoure du prince impérial son fils (alors âgé de quatorze ans !), lequel l’avait accompagné sur le champ de bataille.

v. 7 – Pitou : nom attribué au soldat naïf de l’époque, l’équivalent du « Bidasse » de nos jours.

v. 9 – Dumanet : ce nom de soldat apparaît dans un vaudeville des frères Cogniard, La Cocarde tricolore (1831). Type du troupier fanfaron.

v. 10 – chassepot : fusil de guerre à aiguille, en usage en France de 1866 à 1874.

v. 13 – Boquillon : personnage créé par Albert Humbert dans un journal satirique, La Lanterne de Boquillon, et véritable ancêtre des comiques troupiers.

Rêvé Pour l’hiver p. 60

32- D’après la date, c’est le premier des sept sonnets composés par Rimbaud durant sa fugue en Belgique.

Ma Bohème p. 62

33- v. 2 – devenait idéal  : tombait en pièces, devenait une « idée » de paletot.

v. 3 – ton féal  : ton serviteur (mot ancien, venant du latin fidelis). Ce terme appartient au langage médiéval. Il était utilisé dans la poésie courtoise, puis dans la poésie « troubadour » des premières heures du romantisme.

v. 7 – Rimbaud renouvelle ici de façon originale l’expression « dormir à la belle étoile ».

v. 8 – Le frou-frou des étoiles reprend, sur un mode familier, la croyance qu’avaient les Anciens dans l’harmonie des sphères. Le mot « étoiles » vaut ici également comme étoiles de ballet, danseuses étoiles.

v. 14 – un pied près de mon cœur  : Rimbaud avait d’abord écrit « un pied tout près de ».

UN CŒUR SOUS UNE SOUTANE

34- le champignon nasal du sup*** : dans « Accroupissements » (p. 101), le nez du frère Milotus est comparé à un « charnel polypier ».

35- le Psalmiste  : c’est-à-dire David, l’auteur des Psaumes.

36- O altitudo altitudinum ! : « Ô hauteur des hauteurs ! » Il y a peut-être ici une parodie de la parole de l’Ecclésiaste  : « Vanitas vanitatum et omnia vanitas » (« Vanité des vanités ; tout est vanité »).

37- Et pourtant elle se meut ! : traduction de la célèbre parole de Galilée (« Eppur si muove ! », « Et pourtant elle tourne ! »), condamné à renier ses découvertes concernant la rotation de la Terre autour du Soleil.

38- fort de mon intérieur  : jeu de mots sur l’expression « for intérieur ».

39- le Brid’oison  : juge comique affligé d’un bégaiement et abusivement formaliste, dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais.

le Joseph  : cette dénomination est peu claire. Elle désigne peut-être les frères de Saint-Joseph, également appelés créténites. Le mot suivant, « bêtiot », tendrait à le prouver.

40- ânonymes  : faute d’orthographe, sans doute volontaire.

41- Santa Teresa  : sainte Thérèse d’Ávila, célèbre pour ses extases. À dessein, Rimbaud a gardé le mot espagnol.

42- Stella maris  : Rimbaud reprend ici les litanies de la Vierge.

43- la lance de l’amour  : l’expression, apparemment mystique, est consciemment équivoque.

44- Inkermann  : ce détail a l’allure de ces « choses vues » que Rimbaud sait particulièrement mettre en valeur. Lors de cette bataille de la guerre de Crimée (5 novembre 1854), les Russes avaient été vaincus par les Anglais et les Français. Le capitaine Rimbaud n’y avait pas participé.

45- Riflandouille  : ce nom est aussi comique et impertinent que Labinette. Très vraisemblablement, il vient du Quart Livre de Rabelais (chap. XXXVII), où apparaît le capitaine Riflandouille.

46- Lamartine  : Alphonse de Lamartine était mort en 1869. Il avait publié en 1836 un long poème narratif, Jocelyn, confession d’un pauvre curé de campagne se rappelant une passion de jeunesse qu’il avait sacrifiée au devoir religieux. Il est clair qu’Un cœur sous une soutane raconte dérisoirement la même histoire.

LE RÊVE DE BISMARCK

47- À Sarrebrück les Français remportèrent le 2 août une modeste victoire (voir p. 59), mais ils furent battus le 4 août à Wissembourg et le 6 août à Woerth. Le désastre de Sedan (2 septembre) marqua la fin du second Empire.

48- Phalsbourg, ville fortifiée de la Moselle, soutiendra un siège de quatre mois. Bitche, également en Moselle, important lieu de résistance, sera remise aux Prussiens en mars 1971.

49- povero  : « pauvre », en italien. Il semblerait que ce mot, véritable interjection, ait comporté un aspect référentiel (pièce de théâtre ? chanson ?) dans la mentalité de l’époque. Mallarmé, dans ses lettres à son ami Cazalis en 1862, l’employait déjà couramment.

50- L’expression doit s’entendre par rapport à « jeune premier », acteur spécialisé dans les rôles de jeune amoureux.

51- On sous-entend ici le vers célèbre du Tartuffe de Molière (III, 2) : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir ».