Plates-bandes d’amarantes jusqu’à
L’agréable palais de Jupiter.
— Je sais que c’est Toi, qui, dans ces lieux,
Mêles ton Bleu presque de Sahara !
Puis, comme rose et sapin du soleil
Et liane ont ici leurs jeux enclos,
Cage de la petite veuve !…
Quelles
Troupes d’oiseaux ! o iaio, iaio !…
— Calmes maisons, anciennes passions !
Kiosque de la Folle par affection.
Après les fesses des rosiers, balcon
Ombreux et très-bas de la Juliette.
— La Juliette, ça rappelle l’Henriette,
Charmante station du chemin de fer
Au cœur d’un mont comme au fond d’un verger
Où mille diables bleus dansent dans l’air !
Banc vert où chante au paradis d’orage,
Sur la guitare, la blanche Irlandaise.
Puis de la salle à manger guyanaise
Bavardage des enfants et des cages.
Fenêtre du duc qui fais que je pense
Au poison des escargots et du buis
Qui dort ici-bas au soleil. Et puis
C’est trop beau ! trop ! Gardons notre silence.
— Boulevart sans mouvement ni commerce,
Muet, tout drame et toute comédie,
Réunion des scènes infinie,
Je te connais et t’admire en silence.
*
Est-elle almée ?… aux premières heures bleues149
Se détruira-t-elle comme les fleurs feues…
Devant la splendide étendue où l’on sente
Souffler la ville énormément florissante !
C’est trop beau ! c’est trop beau ! mais c’est nécessaire
— Pour la Pêcheuse et la chanson du Corsaire,
Et aussi puisque les derniers masques crurent
Encore aux fêtes de nuit sur la mer pure !
Juillet 1872.
A. R.
Fêtes de la faim150
Ma faim, Anne, Anne,
Fuis sur ton âne.
Si j’ai du goût, ce n’est guères
Que pour la terre et les pierres
Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! Mangeons l’air,
Le roc, les charbons, le fer.
Mes faims, tournez. Paissez, faims,
Le pré des sons !
Attirez le gai venin
Des liserons ;
Les cailloux qu’un pauvre brise ;
Les vieilles pierres d’églises,
Les galets, fils des déluges,
Pains couchés aux vallées grises !
Mes faims, c’est les bouts d’air noir ;
L’azur sonneur ;
— C’est l’estomac qui me tire.
C’est le malheur.
Sur terre ont paru les feuilles :
Je vais aux chairs de fruit blettes.
Au sein du sillon je cueille
La doucette et la violette.
Ma faim, Anne, Anne !
Fuis sur ton âne.
Août 1872.
A. R.
Ô saisons, ô châteaux151
Quelle âme est sans défauts ?
Ô saisons, ô châteaux,
J’ai fait la magique étude
Du Bonheur, que nul n’élude.
Ô vive lui, chaque fois
Que chante son coq Gaulois.
Mais ! je n’aurai plus d’envie
Il s’est chargé de ma vie.
Ce Charme ! il prit âme et corps
Et dispersa tous efforts.
Que comprendre à ma parole ?
Il fait qu’elle fuie et vole !
ô saisons, ô châteaux !
[Et, si le malheur m’entraîne,
Sa disgrâce m’est certaine.
Il faut que son dédain, las !
Me livre au plus prompt trépas !
— Ô Saisons, ô Châteaux !
Quelle âme est sans défauts ?]
Entends comme brame152
près des acacias
en avril la rame
viride du pois !
Dans sa vapeur nette,
vers Phœbé ! tu vois
s’agiter la tête
de saints d’autrefois…
Loin des claires meules
des caps, des beaux toits,
ces chers Anciens veulent
ce philtre sournois…
Or ni fériale
ni astrale ! n’est
la brume qu’exhale
ce nocturne effet.
Néanmoins ils restent,
— Sicile, Allemagne,
dans ce brouillard triste
et blêmi, justement !
Honte153
Tant que la lame n’aura pas
Coupé cette cervelle,
Ce paquet blanc vert et gras
À vapeur jamais nouvelle,
(Ah ! Lui, devrait couper son
Nez, sa lèvre, ses oreilles,
Son ventre ! et faire abandon
De ses jambes ! ô merveille !)
Mais, non, vrai, je crois que tant
Que pour sa tête la lame
Que les cailloux pour son flanc
Que pour ses boyaux la flamme
N’auront pas agi, l’enfant
Gêneur, la si sotte bête,
Ne doit cesser un instant
De ruser et d’être traître
Comme un chat des Monts-Rocheux ;
D’empuantir toutes sphères !
Qu’à sa mort pourtant, ô mon Dieu !
S’élève quelque prière !