2 Chalosse-type Flint: Exploitation and Distribution of a Lithologic Tracer during the Upper Paleolithic, Southern France

Diffusion et exploitation d’un traceur lithologique au cours du Paléolithique supérieur dans le sud de la France : l’exemple du type Chalosse

Pierre Chalard, Sylvain Ducasse, François Bon, Laurent Bruxelles, Nicolas Teyssandier, Caroline Renard, Philippe Gardere, Patricia Guillermin, Sébastien Lacombe, Mathieu Langlais, Romain Mensan, Christian Normand, Robert Simonnet and Andoni Tarriño

Summary

The authors propose a petroarchaeological approach to understanding the exploitation of the environment and its resources by prehistoric groups. Petroarchaeology broadly defined includes the geological field study of formations containing lithic raw materials; the characterisation of these lithic materials and the study of their circulation. Most of the silica-rich rocks found within the Aquitainian basin were exploited during the Upper Palaeolithic. Some of these are well known, especially the Bergeracois flint from western Perigord which contains the fossil Orbitoides media. This flint is often used as a ‘tracer’ to study the circulation of lithic raw materials in the Upper Palaeolithic of southwest France. Recent work in the Pyrenean Piedmont has identified several other flint sources that offer similar potential as ‘tracers’. This article focuses on the flint-bearing formations of the Chalosse region that contain the fossil Lepidorbitoides sp. The authors provide a brief overview of the archaeological and geoarchaeological work done in the region of La Chalosse. Four main geological areas contain flints and were targeted: the Tercis, Saint-Lon-les-Mines and Audignon anticlines, and the Bastennes-Gaujacq dome-diapir. Geological maps for the region, outcrop photos and thin section images of fossil species are provided. Archaeological research demonstrates that the Maastrichtian age silicified members of the Chalosse region were clearly used throughout the Upper Palaeolithic. A preliminary survey of archaeological sites from the Aquitainian-Pyrenean region that have produced the Chalosse Lepidorbitoides sp. type flint is presented and mapped. The Chalosse flints are shown to travel over considerable distances along the Pyrenean Piedmont and northeast to the Aquitainian basin. In order to study the technological use of the Chalosse flint, the Solutrean-Badegoulian lithic assemblage from the Abri du Cozoul de Vers in the Quercy region was analysed. The chaîne opératoire of the Chalosse flint is diversified, and differs from that of other non-local flints which together make up a small proportion of the lithic assemblage (10%–15%). According to the authors, more geological fieldwork is needed and the fossil markers for Chalosse flint needs to be more precisely defined; however, the Chalosse Lepidorbitoides sp. type flint already shows great promise as a ‘tracer’ for understanding prehistoric group mobility, territory and interaction.

Résumé

En France, l’exemple des silex Maastrichtiens à Lepidorbitoïdes sp. provenant de Chalosse permet d’aborder la question de la circulation des matières premières siliceuses au cours du Paléolithique supérieur. En effet, en tant que « traceurs » lithologiques, ces derniers permettent, associées à la caractérisation géologique et géographique ainsi qu’à l’analyse technologique de l’ensemble des matériaux composant les industries, d’acquérir l’image, certes partielle, du territoire d’un groupe. Par leur large diffusion, ces matériaux semblent avoir joué un rôle constant pendant toute la durée du Paléolithique supérieur. Leur exploitation au Badegoulien récent (c. 18.500 BP) n’en est qu’un exemple, le statut de cette zone d’approvisionnement ayant du varier avec le temps.

Presentation

La compréhension des modalités d’exploitation de l’environnement mises en oeuvre par les hommes préhistoriques constitue l’une des problématiques privilégiées par l’archéologie d’aujourd’hui. Parmi les différentes disciplines qui participent à cette appréhension globale de l’espace investi au cours de la préhistoire, la pétroarchéologie, dans son acception large (gîtologie, caractérisation des matières premières, notion de circulation des matériaux), s’avère une approche fondamentale dans la définition des territoires d’approvisionnement. Le degré de précision auquel l’archéologue peut prétendre dans sa quête d’une appréciation pertinente des espaces parcourus par les groupes de chasseurs-cueilleurs, est conditionné par deux facteurs déterminants : une excellente connaissance du potentiel gîtologique de la région (au sens large) concernée par son étude mais aussi l’identification de matériaux aux qualités intrinsèques spécifiques, permettant de les isoler dans les séries archéologiques mises au jour au sein de gisements, parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres des points de prélèvements. Pour les pétroarchéologues, ces matières premières particulières sont considérées comme de véritables traceurs. Elles témoignent, en effet, de la circulation de biens entre deux lieux – les gîtes et les sites archéologiques – dont l’emprise géographique est bien circonscrite.

Au sein du Bassin aquitain, la plupart des ressources siliceuses exploitables a été utilisée au cours du Paléolithique supérieur. Parmi ces différents matériaux, des silex aux qualités remarquables ont retenu l’attention des archéologues. En effet, leur aspect, leur texture, mais surtout leur contenu micropaléontologique, confèrent à ce type de matière première le statut de traceur lithologique. L’exemple des silicifications du Maastrichtien est de ce point de vue emblématique (Fig. 2.1). Pour nombre d’archéologues, le silex du Bergeracois (ouest du Périgord), souvent identifié par la présence d’Orbitoides media (Séronie-Vivien 1987, 76; Turq 2000, 134), a été considéré comme le « traceur » par excellence ayant été transporté sur des distances parfois importantes (Pyrénées centrales, Quercy, Languedoc). Les études menées dans les Petites Pyrénées (travaux de R. Simonnet sur les types « Paillon » et « Montsaunès » : Simonnet 2002; 1998; 1981), en Chalosse (Bon et al. 1996; Normand 1986) et la découverte, en Quercy, de silex provenant du piémont pyrénéen au sens large, publié pour la première fois par M.-R. Séronie-Vivien (Séronie-Vivien et al. 1995; 53, 61, 199), sont venus démontrer l’existence d’une dynamique de circulation comparable. En effet, les silex à Lepidorbitoides sp. et Orbitoides sp. des Pyrénées centrales, et plus encore, ceux à Lepidorbitoides sp., caractéristiques de gîtes localisés dans certains anticlinaux de la Chalosse, devraient attirer l’attention des spécialistes. Les caractères distinctifs associés (coloration, texture et fonds micropaléontologiques) de ces matériaux, permettent également de les ranger parmi les traceurs lithologiques du Bassin aquitain. Il en est ainsi du type Chalosse à Lepidorbitoides sp., dont la reconnaissance dans les industries lithiques apporte des informations capitales sur la circulation des silex au Paléolithique supérieur.

Figure 2.1. (upper) The silicified members of the Maastrichtian in the Aquitain Basin and Pyrenean piedmont with their micropaleontological characteristics. Les silicifications maastrichtiennes du Bassin Aquitain et du piémont pyrénéen et leur cortège micropaléontologique.

La présente contribution s’inscrit dans une recherche à long terme sur cette matière première particulière. Elle prend en compte l’ensemble de l’étude d’un traceur lithologique, de la prospection des affleurements siliceux jusqu’à l’identification des silex prélevés par les artisans tailleurs qui les ont débités, transportés sur de longs parcours, et/ou échangés avec d’autres groupes ayant circulé dans des régions parfois très éloignées de la Chalosse. Il s’agit de présenter un premier bilan synthétique des résultats de nos recherches dans la perspective d’un développement plus systématique d’approches méthodologiques complémentaires (analyses micropaléontologiques et géochimiques) mais aussi thématiques relatives à l’étude des territoires d’exploitation. Par exemple, la mise en évidence des traceurs lithologiques nord-aquitains a permis de démontrer des circulations du Nord vers le Sud au cours du Paléolithique supérieur. Il est tout aussi important d’aboutir à une meilleure caractérisation de silex spécifiques pyrénéens afin d’étayer des hypothèses de diffusion de matières premières du Sud vers le Nord mais également en direction de la Corniche cantabrique.

La Chalosse : potentiel gitologique et indices archeologiques

Dans l’espace géographique qui intéresse notre étude (Fig. 2.1), quatre zones gîtologiques principales ont été identifiées : les anticlinaux de Tercis, de Saint-Lon-les-Mines, d’Audignon et le dôme-diapir de Bastennes-Gaujacq (Bon et al. 1996; Normand 1986). Les deux derniers contextes cités recèlent des silex présentant un cortège fossilifère caractéristique du Maastrichtien (Capdeville et al. 1997). En l’état actuel des recherches, seuls l’anticlinal d’Audignon et le Diapir de Bastennes-Gaujacq semblent contenir des silicifications dont les caractères micropaléontologiques permettent de les distinguer des autres silex du Maatrichtien du Bassin aquitain : absence d’Orbitoides media ; association de Lepidorbitoides sp., de Siderolite sp. et de Clypeorbis mamillata.

Des travaux anciens ont très tôt, dès la fin du XIXème et le début du XXème siècle, mis en évidence l’importance de la Chalosse en termes de potentiel pour l’archéologie paléolithique (voir notamment les travaux de Daguin, Dubalen et Mascaraux.). Mais il faut attendre le début des années 1970 et le magistral travail de synthèse de Claude Thibault (1970) pour que la richesse archéologique de cette région prenne toute sa dimension dans son cadre régional. Par la suite, au cours des vingt dernières années, on peut en particulier signaler les fouilles entreprises par Christian Normand dans le secteur de Tercis (Normand 1986; 1987; 1992–1993), celles de Jean-Claude Merlet à Benesse-les-Dax (Merlet 1992–1993) ou encore, en association avec Bernard Gellibert, sur le gisement Badegoulien de Cabannes à Brocas-les-Forges (Gellibert et al. 2001). Dans le même temps, on doit à de nombreux amateurs d’avoir complété la carte archéologique de la région et l’on peut notamment faire référence aux prospections menées par Michel Marsan et son équipe qui ont conduit à la découverte du site de Garet (Serreslouset-Arribans), recelant en particulier une industrie attribuable à l’Aurignacien ancien (Klaric 1999). Il ne faut par ailleurs pas oublier que parallèlement, se poursuivaient les fouilles du site de référence pour le Paléolithique supérieur régional dans les grottes de Brassempouy, d’abord sous la direction d’Henri Delporte puis Dominique Buisson et enfin Dominique Henry-Gambier et François Bon (Buisson 1996; Bon et al. 1998; Henry-Gambier et al. 2004).

Figure 2.2. (lower) Location of the open air site of Marseillon (Proto-Solutrean) within the Audignon anticline (Chalosse). Localisation du site de plein air de Marseillon (Proto-Solutréen) au sein de l‘anticlinal d‘Audignon (Chalosse).

Parallèlement à ces travaux de fouilles archéologiques et à l’instar des recherches entreprises dans cette direction dans d’autres régions du sud-ouest de la France, des études se sont développées sur la localisation et la caractérisation des ressources minérales de Chalosse et plus particulièrement dans l’anticlinal d’Audignon. Des prospections initiées par C. Normand au cours des années 1980 puis par Dominique Buisson à partir de 1993, ont été poursuivies par F. Bon et de son équipe et enfin N. Teyssandier et ses collaborateurs. Ces investigations de terrain ont eu deux objectifs principaux : définir précisément la répartition des silicifications et leurs caractéristiques pétrographiques, et cartographier, par ailleurs, les gisements archéologiques tout en essayant d’en déterminer la chronologie. La possibilité d’observer dans les gîtes de Chalosse, constitués essentiellement d’argiles à silex, des rognons en place dans les calcaires, est demeurée très ponctuelle. Les travaux effectués depuis de nombreuses années au sein des affleurements de ce type de formations superficielles, ont révélé de très nombreux ateliers de taille associés à des gîtes à silex particulièrement abondants. Des découvertes récentes effectuées dans la vallée du Laudon viennent apporter des données inédites sur l’occupation de la Chalosse (Teyssandier et al. 2006). En effet, sur le site de plein air de Marseillon (Fig. 2.2), dans les Landes, une industrie lithique aux caractéristiques particulières a retenu l’attention des découvreurs. Parmi les 95 outils décomptés, se trouvent 18 éléments, éclats allongés le plus souvent, de morphologie triangulaire. Les aménagement affectant leurs parties proximales et les retouches ou endommagement latéraux identifiés sur une partie d’entre eux, permettent de considérer ces pièces comme des pointes de Vale Comprido (op. cit. 108; Zilhao and Aubry 1995). Si l’on prend en compte, par ailleurs, la présence d’un débitage à la percussion directe dure, de lames et de pointes, à partir de nucléus à lame sur face large et la découverte de deux fragments de pointes à face plane, l’attribution chronologique de cette série de surface se précise un peu plus. Il s’agit vraisemblablement d’un gisement du Proto-Solutréen (op. cit. 112), ce dernier venant combler une lacune chronologique au sein d’un vaste ensemble de stations de plein air dans l’anticlinal d’Audignon, comprenant des indices principalement aurignaciens et gravettiens. Ce nouveau jalon témoigne de la fréquentation régulière des gîtes à silex de Chalosse tout au long du Paléolithique supérieur. L’importance des silicifications maestrichtiennes chalossaises dans les stratégies d’exploitations des territoires par les chasseurs-cueilleurs, devait trouver un écho bien au-delà des Pyrénées occidentales. L’intensification des travaux sur les matières premières allochtones mises au jour dans des sites du Paléolithique supérieur du Bassin aquitain, voire de régions plus éloignées, vient confirmer cette hypothèse.

Diffusion et exploitation des silex a lepidorbitoides sp.

Diffusion

Les silex de Chalosse, et notamment les échantillons contenant les microfossiles du type Lepidorbitoides sp., ont, probablement grâce à leur grande aptitude à la taille, été largement exploités et diffusés au sein de l’aire Aquitano-pyrénéenne et de secteurs limitrophes. Il est dès lors possible de présenter un premier bilan des régions qui recèlent des gisements ayant livré ce type de traceur. Cependant, cette mise en perspective géographique et chronologique de la circulation de ce silex spécifique, établie à partir de nos observations directes ou de données publiées, doit être utilisée avec précaution et ne reflète qu’un état de la recherche (carte de la Fig. 2.3).

Comme cela a été déjà signalé, la Chalosse et ses marges sont riches en gisements paléolithiques (Normand 1991). Les silex à Lepidorbitoides sp. sont ainsi bien représentés dans les industries aurignaciennes et gravettiennes du site de Brassempouy (Bon 2002: Dartiguepeyrou 1995). À quelques dizaines de kilomètres au nord-ouest, dans les Landes, le gisement badegoulien de Cabannes a également livré des séries en silex de Chalosse (Gellibert et al. 2001). Le transport de ce traceur dans tout le piémont pyrénéen et particulièrement dans les Pyrénées centrales est aussi confirmé à l’Aurignacien ou au Gravettien dans la grotte de la Tuto de Camalhot (Bordes et al. 2005; Foucher and San Juan 2005), au Solutréen à l’abri des Harpons (Foucher and San Juan 2000) ou durant tout le Tardiglaciaire au sein des Petites Pyrénées (Simonnet 1998; 1996) dans la grotte d’Enlène ou en Barousse, à Troubat (Lacombe 2005; 1998). L’identification de silex de Chalosse exploités au Magdalénien moyen dans le gisement audois de Gazel (Langlais and Sacchi 2006), permet d’envisager la découverte prochaine de ce matériau allochtone dans d’autres sites du Languedoc.

Figure 2.3. Distribution of Upper Palaeolithic sites with lithic industries that contain Chalossetype flint with Lepidorbitoïdes sp. Répartition des gisements du Paléolithique Supérieur dont les industries lithiques contiennent des silex à Lepidorbitoïdes sp. provenant de Chalosse.

Dans le nord du Bassin aquitain, en Gironde, la station badegoulienne de plein air de Beauregard (Lenoir et al. 1997) pourrait constituer un jalon très intéressant de la diffusion du silex de Chalosse, entre ses points de prélèvements et le Périgord. Dans cette dernière région, ce sont les industries aurignaciennes du gisement de Caminade qui contiennent des silex à Lepidorbitoides sp. (Bordes et al. 2005). Plus à l’est, en Quercy, l’importation de matériaux depuis la Chalosse s’est faite au cours de différentes périodes du Paléolithique supérieur : à l’Aurignacien sur le site du Piage (Lebrun-Ricalens and Séronie-Vivien 2004; Séronie-Vivien 2003), au Gravettien dans la grotte des Fieux (travaux P. Chalard), au Badegoulien à Pégourié (Séronie-Vivien et al. 1995; Séronie-Vivien 2003) et à l’abri du Cuzoul de Vers (Chalard et al. à paraître; Ducasse and Lelouvier à paraître), enfin, au Magdalénien inférieur dans les gorges de l’Aveyron à Gandil (Chalard à paraître).

Ce tour d’horizon synthétique, de la diffusion du silex de type Chalosse au Paléolithique supérieur, démontre une circulation sur des centaines de kilomètres au sein du Bassin Aquitain et vraisemblablement du Languedoc. Les perspectives de découvertes dans des régions plus éloignées, les Charentes notamment ou le Massif Central, ne sont pas à écarter. Par ailleurs, la corniche vasco-cantabrique, située en dehors de notre zone d’étude, s’avère également un vaste champ d’investigations pour cette problématique relative à l’importation des silex de Chalosse (travaux de A. Tarriño et notamment Tarriño et al. 1998).

Figure 2.4. Example of Chalosse type flint exploitation during the Badegoulian as seen in the lithic industries of Cuzoul de Vers, Lot, France. Exemple d‘exploitation du silex de type Chalosse à Lepidorbitoïdes sp. au Badegoulien au sein des industries du Cuzoul de Vers (Lot, France).

Exploitation

En ce qui concerne les stratégies d’exploitation de ce traceur lithologique, nous savons qu’elles ont pu varier avec le temps, illustrant certaines spécificités dans son traitement selon qu’il s’agisse d’Aurignacien, de Gravettien, de Solutréen, de Badegoulien ou de Magdalénien. Le manque actuel de données interdit donc d’effectuer ici une véritable synthèse diachronique. De ce fait, nous ne proposerons qu’un exemple d’exploitation au cours du Badegoulien.

C’est par l’étude des industries de l’abri du Cuzoul de Vers (Quercy) que nous avons pu documenter les modalités de gestion à longue distance du silex de Chalosse en contexte Badegoulien (Fig. 2.4). Ce gisement, à la stratigraphie développée, est caractérisé par une succession Solutréen/Badegoulien. L’existence d’un nombre de couches très important se situant au sein de l’intervalle chronologique 19.000–18.000 BP (nouvelles datations SMA), offre la possibilité d’effectuer des analyses couvrant les phases anciennes et récentes du Badegoulien. Contrairement à la plupart des technocomplexes du Paléolithique supérieur, le Badegoulien montre un approvisionnement en matières premières siliceuses essentiellement tourné vers les ressources locales, celles-ci étant exploitées en très grande partie lors de débitages visant à l’obtention d’éclats (Ducasse and Lelouvier à paraître). Ces derniers servaient ainsi à la confection d’outils (raclettes, perçoirs…) voire, dans une moindre mesure, de support de nucléus (à éclats, à lamelles…). Alors qu’un débitage laminaire a pu avoir lieu sur le gisement, il faut surtout remarquer la forte fragmentation spatio-temporelle de cette chaîne opératoire. Les silex à Lepidorbitoides sp. font donc partie des 10 à 15% de matières premières allochtones et sont introduits sous des formes diversifiées. Ainsi, la tendance générale montre l’introduction d’outils finis sur le site. Par ailleurs, si certains éléments pourraient signer le « passage » de nucléus sur bloc en cours de débitage, le silex de Chalosse marque aussi les industries par la présence de nucléus sur éclats pré-débités du type « burin transversal », exploités (nombreux déchets), abandonnés (nucléus), voire exportés par les hommes préhistoriques au cours de déplacements probablement saisonniers.

Conclusions

L’étude du silex de type Chalosse à Lepidorbitoides sp., engagée depuis de nombreuses années, demande encore un investissement important tant sur le terrain en terme de prospections, qu’en laboratoire. La Chalosse possède de nombreux affleurements siliceux dont la cartographie précise reste à établir. Bien que les caractéristiques principales de ce traceur soient connues, de nouvelles investigations en micropaléontologie, en pétrographie et vraisemblablement en géochimie, devront être effectuées pour obtenir une carte d’identité la plus pertinente possible, pour ce silex du Maestrichtien qui fait partie d’un ensemble plus vaste de matériaux attribuables au même étage géologique (silex du « Bergeracois » dans le nord du Bassin aquitain, silex de « Montsaunès » dans les Petites Pyrénées).

Par ailleurs, les résultats présentés dans cet article et publiés sur la diffusion du type Chalosse au cours du Paléolithique supérieur, témoignent du potentiel informatif de cette matière première particulière, quant à la définition des territoires d’approvisionnement et de circulation des peuples de chasseurs-cueilleurs. Les travaux sur l’exploitation de ce traceur par grandes périodes chronologiques du Paléolithique supérieur et sur l’ensemble de son espace de diffusion ne sont qu’embryonnaires et devraient être développés à l’avenir. La confrontation des données recueillies au terme de ces investigations avec les résultats obtenus pour d’autres traceurs bien connus des archéologues, mais dont les gîtes appartiennent à la sphère nord-aquitaine (silex du « Bergeracois », silex du « Fumélois »), offriront des perspectives de réflexions particulièrement prometteuses. Les premières synthèses publiées sur l’Aurignacien, s’appuyant entre autres sur cette problématique (Bon 2002; Bordes et al. 2005), nous confortent dans cette intention.

Enfin, les notions de mobilité et de territoire au coeur des recherches actuelles (Bressy et al. 2006; Jaubert and Barbaza 2005; Vialou et al. 2005), ne peuvent être appréhendées que dans l’interdisciplinarité. Les regards croisés des spécialistes de l’archéozoologie (Costamagno 2006) ou de l’art pariétal (Fritz and Tosello 2005) démontrent tout l’intérêt de mettre en oeuvre une véritable intégration de ces approches complémentaires. La notion des traceurs lithologiques prend ici toute sa mesure pour contribuer aux comparaisons entre entités géomorphologiques riches en gîtes à silex, territoires de subsistance et espaces culturels. Le silex de type Chalosse à Lepidorbitoides sp., dont on retrouve des traces tout au long de la chaîne pyrénéenne et vraisemblablement jusqu’en Espagne, mais aussi du Languedoc au Périgord en passant par le Quercy, est un des vecteurs de la compréhension des modalités d’exploitation du milieu et par voie de conséquence, des mode de vie au Paléolithique supérieur.

Remerciements/acknowledgments

Nous remercions chaleureusement Adrian Burke, professeur adjoint à l’Université de Montréal, qui nous a offert l’opportunité de présenter nos travaux dans le cadre de la session poster « Quarries : Where It All Began » organisée au cours du 71ème colloque de la SAA à Porto Rico en avril 2006 et de pouvoir en publier les résultats dans cet ouvrage