Mary Douglas a bien étudié la façon dont, pour les mangeurs, un « repas convenable » (a proper meal) est constitué d’éléments de base figurant dans une certaine séquence1. Pour illustrer ce propos, on peut évoquer le cas des Occidentaux séjournant en Inde : ils découvrent vite que, s’ils invitent des Indiens non-végétariens à manger chez eux, il vaut mieux ne pas leur servir un poisson entier ou un poulet à partager. Les portions carnées seraient jugées trop volumineuses, impropres à un vrai repas. Comment expliquer alors cette structure du repas indien ? Si, au Tamil Nadu, on demande aux mangeurs quel aliment permet le mieux d’atteindre la satiété, beaucoup répondent sans hésiter « le riz ». Généralement, même les mangeurs de viande considèrent que la nourriture végétarienne se suffit à elle-même alors que la viande n’est qu’un « extra », une garniture, un supplément gustatif aux céréales. Ainsi, Selva Raj, hindou de caste intermédiaire et tenancier d’échoppe à Chennai, affirme : « Je ne mange que des petites quantités de viande, principalement pour le goût (tm. cuvai). Autrement, la nourriture végétarienne me donne totale satisfaction ». L’insubstituabilité entre le riz et la viande n’est pas évoquée tant elle est évidente. Pour certains, les légumes sont même parfois considérés comme plus nourrissants que la viande. C’est le cas de Sivaji, commerçant hindou : « Les légumes sont bien meilleurs, mais il faut bien changer une fois par semaine. Nous mangeons végétarien pendant six jours, donc on varie un jour. Mais quand c’est la viande qui accompagne le repas, il faut manger plus de riz ». La viande est donc est marginalisée au sein même des accompagnements.
Les considérations renvoient certes à l’impureté prêtée à la viande, mais elles sont également empreintes de conceptions relatives à la santé. Très nombreux sont les mangeurs non-végétariens, hindous comme chrétiens ou musulmans, qui affirment que les légumes sont meilleurs pour la santé (tm. arōkkiyam) que la viande : on leur prête de nombreuses vertus pour les organes (les yeux, le cerveau), on vante leur teneur en protéines (tm. puratam) et en vitamines. On tisse parfois des analogies avec le règne animal : les végétariens sont comparés à des antilopes, plus rapides que les lions carnivores ! C’est pourquoi de nombreux non-végétariens limitent volontairement leur consommation de produits carnés. Certains même revendiquent leur goût pour la viande avant de préciser qu’ils éprouveraient toutefois de l’ennui ou du dégoût (tm. veṟuppu) s’ils en consommaient plus de deux fois par semaine. Derrière ces conceptions culinaires et diététiques, c’est une certaine conception des propriétés physiques propres aux produits carnés qui est en jeu et que je cherche à éclairer ici.
Dans de nombreux contextes, les aliments carnés sont supposés être incompatibles avec les propriétés des corps des mangeurs. On se souvient que certaines femmes indiennes se privant de viande au moment des menstruations justifient parfois cette abstinence par les règles de la pureté. Dans d’autres cas, c’est le registre de la physiologie qui est convoqué, quand sont mises en cause les propriétés supposées « échauffantes » (tm. cūṭu) de la viande. Cette conception fait référence à la notion très commune en Inde d’énergies ou de « qualités thermiques2 » attribuées aux aliments. En effet, selon la théorie des humeurs, les nourritures sont porteuses d’une multitude de propriétés servant d’indicateurs à la fois étiologiques et nosologiques. Dans les traités formulant les principes des médecines savantes indiennes – que l’on nomme aujourd’hui l’ayurveda ou la siddha (surtout propre au Tamil Nadu) – se distinguent pour chaque aliment vingt qualités, six saveurs, quatre présentations, deux énergies, cinq éléments et trois humeurs, chacune de ces caractéristiques étant la combinaison des autres3. Dans une appréhension idiosyncrasique de l’alimentation (également au fondement des médecines hippocratique et galénique), la nourriture ingérée doit présenter des propriétés biomorales qui conviennent à la caste du mangeur, mais aussi à sa complexion propre, à son lieu de vie, à ses humeurs dominantes, etc. Parmi ces caractéristiques, celle qui est la plus mobilisée dans le choix des aliments est l’opposition entre les énergies chaudes et les énergies froides : certains aliments (par exemple les mangues ou certaines épices) sont considérés comme plus ou moins « échauffants » pour le corps, tandis que d’autres (par exemple les produits laitiers) sont plus ou moins « refroidissants » (tm. kuḷircci).
Cette dichotomie chaud/froid est certes relative et fortement dépendante des castes, des régions d’Inde ou du Tamil Nadu, des individus, etc. Cependant, des grandes constantes peuvent être dégagées. L’une d’elles est fondamentale : les viandes sont habituellement classées comme des aliments échauffants. La grande majorité des personnes interrogées, quelle que soit leur confession religieuse, arrivait à classer les différents produits carnés selon leurs propriétés thermiques, à l’exception du poisson, quelquefois considéré comme indifférencié. D’une façon presque unanime, la viande de poulet, et encore plus de poulet « de campagne » (tm. nāṭukkōḻi), ainsi que les œufs, les fruits de mer (crabe et crevette principalement) et le poisson de mer sont considérés comme échauffants. Les viandes de bœuf et de mouton entrent également habituellement dans la même catégorie. Les avis sont plus partagés sur la viande de chèvre, même si celle-ci est souvent considérée comme plutôt neutre ou refroidissante. Seule exception dans cette classification homogène, celle de la viande de porc : les rares personnes rencontrées qui en consommaient la classaient comme assez, voire très, refroidissante.
En quoi ces conceptions influencent-elles le rapport quotidien des mangeurs aux aliments carnés ? Pour la médecine humorale (dite aussi « traditionnelle »), l’objectif de l’alimentation est de maintenir un équilibre entre les propriétés froides et chaudes du corps. Or, selon l’anthropologue Brenda Beck, bien souvent, les aliments refroidissants sont préférables en Inde du Sud et au Tamil Nadu4. De ce fait, le caractère trop échauffant des viandes est très souvent directement évoqué par les mangeurs pour justifier une faible consommation : « La viande chauffe le corps, donc il vaut mieux ne pas trop en manger » m’ont très souvent dit les non-végétariens. Pour ces mêmes raisons, certains disent éviter le poulet ou privilégier la viande de chèvre à celle de mouton.
Cette caractéristique principalement échauffante des viandes induit un ensemble de perceptions et de discours relatifs aux propriétés plus générales des aliments carnés, fonctionnant eux aussi comme un frein à leur consommation. Tout le monde le dit : la viande est difficile à digérer, son ingestion peut entraîner des nausées. C’est d’ailleurs souvent pour cela que de nombreux Tamouls n’en mangent qu’à midi et non le soir. De même, on associe la consommation de viande à l’apparition de boutons sur le visage ou à un assombrissement de la peau, phénomène peu enviable dans un pays ne jurant que par la pâleur cutanée ! Un autre effet de la trop forte consommation de viande, très régulièrement mentionné, est l’exhalaison d’une mauvaise odeur corporelle, très souvent associée à l’idée de souillure, en Inde comme ailleurs. La viande de bœuf est la principale incriminée dans cette pestilence : un hindou de caste intermédiaire m’a affirmé que les Malayalis sentent mauvais parce qu’ils sont d’incorrigibles mangeurs de bœuf… Parfois, une association est établie entre cette mauvaise odeur et des dysfonctionnements sexuels chez les hommes : la surconsommation de viande créerait un sur-échauffement du corps, lequel se traduirait par des miasmes et un excès de virilité. Derrière se joue la crainte d’une forme d’ensauvagement non contrôlé du mangeur5. Cette perception renvoie à une autre représentation très répandue en Inde : la surconsommation de viande donnerait un esprit animal, voire malveillant ou violent. L’image que de nombreux hindous se font des musulmans associe depuis longtemps la grande consommation de viande de ces derniers à un tempérament supposé sanguin ou destructeur. Dans la même forme de rhétorique, suite au cas fort médiatisé de l’agression sexuelle d’une jeune étudiante à New Delhi au printemps 2013, un militant nationaliste hindou a déclaré dans la presse que « les viols seraient bien moins courants si les gens arrêtaient de manger de la nourriture non-végétarienne6 ».
Les représentations véhiculées par les médecines traditionnelles sont donc, elles aussi, un puissant régulateur de l’ingestion des produits carnés et un facteur de leur marginalisation dans l’alimentation. Mais, on le voit, considérations rituelles et diététiques ne sont pas mutuellement exclusives. La notion d’impureté, associée aux qualités rājastika et tāmasika, affleure ici dans les représentations, jusqu’à être parfois réitérée par le discours diététique, notamment par une reformulation dans le registre de la physiologie. Le classement en qualités s’en retrouve alors réduit à une opposition chaud/froid. Si les viandes apparaissent aussi fréquemment comme des aliments chauds, c’est en partie du fait de leur caractère impur. De fait, les aliments les plus purs (comme le riz et les produits laitiers) sont souvent les plus refroidissants, alors que les plus impurs sont les plus échauffants. Dans d’autres cas en revanche, le lien apparent entre pureté, qualités refroidissantes et propriétés bénéfiques pour le corps est inexistant. Certaines viandes considérées comme impures sont également refroidissantes : c’est le cas du porc et des abats (surtout les tripes), plus rarement aussi, selon certains mangeurs, du bœuf – c’est alors parce qu’ils sont trop froids que ces aliments ne sont consommés qu’avec modération. Dans la conception de ces mangeurs, la classification rituelle liée au degré de pureté des nourritures disparaît, donnant aux propriétés uniquement diététiques un rôle fondamental dans le choix alimentaire. Dans ce dernier cas, l’effacement d’une logique rituelle derrière une logique diétético-médicale donne à voir la richesse et la complexité des statuts que la viande peut revêtir aux yeux des mangeurs indiens. Sans conteste, les systèmes et les classifications mobilisés dans l’attribution de significations spécifiques à la viande sont multiples. Bien sûr, les considérations d’ordre médical ne sont pas le principal régulateur de la consommation de produits carnés. Mais il est notable qu’elles ne soient pas mobilisées de la même façon par l’ensemble des individus : d’une façon certes un peu réductrice, on peut suggérer que moins les mangeurs subissent l’influence de l’hindouisme des castes supérieures, plus leur rapport à la viande est façonné par des logiques principalement diététiques. Cette variabilité des logiques entre les castes et les religions peut ainsi éclairer les variations de consommation relevées à l’échelle de l’Inde.
La représentation que les Indiens se font du lien entre les aliments ingérés et les propriétés de leur propre corps est également influencée par les discours de la médecine moderne expérimentale, que l’on peut nommer « biomédecine ». En effet, les conceptions du corps ne font pas uniquement référence au fonds médical traditionnel, mais également aux discours entendus dans la bouche des médecins généralistes dits « allopathes ». Ainsi, des savoirs relatifs aux graisses, au fer ou aux protéines imprègnent de plus en plus les représentations, au point de parfois tenir lieu de nouveau système normatif.
L’ingestion de produits carnés est surtout mise en cause en cas de trouble métabolique : dans un pays où beaucoup de gens souffrent d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie ou de diabète de type 2, les restrictions pesant sur la consommation de viande sont pléthoriques. De très nombreuses personnes âgées souffrant d’un de ces maux m’ont dit avoir grandement réduit ou totalement supprimé leur consommation de viande sur la recommandation appuyée de leur médecin. Il suffit de passer un peu de temps dans les marchés du Tamil Nadu pour constater que la peau est souvent retirée du poulet, principalement parce qu’elle est considérée comme vecteur de cholestérol. Aux stands de viande de mouton ou de bœuf, on entend des clients demander des morceaux avec peu de « gras » (tm. koḻuppu) – dans son usage vernaculaire, le terme désigne à la fois la substance physique et le trouble de l’hypercholestérolémie. La viande d’émeu, apparue de façon éphémère sur les marchés, était promue par un écriteau : « A wholesome red meat, 98 % fat-free (low cholesterol) ». Cette « lipophobie7 » naissante incite aussi de nombreux mangeurs à privilégier la viande de chèvre, peu grasse, à celle de mouton. Dans cette classification des aliments maigres et des aliments gras, le poulet et le poisson sont, aux dires des médecins, les seuls produits carnés dont la consommation est acceptable en cas de trouble métabolique. D’une façon générale, les propos des mangeurs et les discours produits par des institutions telles que la profession médicale, les centres de nutrition ou les médias condamnent souvent la viande pour des raisons sanitaires. L’arrêt de la consommation de produits carnés apparaît comme étant à la fois prophylactique, diététique et thérapeutique. Pêle-mêle, la carnivorie est accusée de favoriser l’apparition de la jaunisse, de la fièvre, de la diarrhée, etc. Les journaux anglophones se font régulièrement l’écho des risques supposés de la consommation de viande pour la santé : cette dernière favoriserait la prise de poids, le diabète, le cancer ou le décès précoce8.
Un tel discours anti-viande peut surprendre dans un pays où beaucoup souffrent d’anémies ferriprives. Si les prescriptions des médecins et les articles de presse s’adressent avant tout à une classe moyenne urbaine repue, elles se diffusent pourtant de plus en plus à une majorité de la population. Ces discours, ayant émergé en Amérique du Nord où la consommation individuelle moyenne de viande dépasse les 2 kg par semaine, semblent relever de la précaution inutile voire dangereuse appliqués à l’Inde et à sa moyenne hebdomadaire de 60 g. Si le propos se veut toujours appuyé sur des conceptions « scientifiques » du corps, il semble difficile de ne pas voir derrière une telle aisance à vouer aux gémonies le régime carné une influence plus ou moins directe de l’orthopraxie brahmanique. D’ailleurs, de nombreux praticiens indiens, qu’ils exercent la biomédecine ou la médecine traditionnelle, sont issus d’une élite souvent végétarienne9. D’une manière générale, la condamnation de la consommation de la viande, qu’elle soit le fait des médias ou des professions médicales, est relativement aisée dans un pays où la logique de la pureté procède à la même stigmatisation.
Le discours biomédical à prétention scientifique relaie parfois la logique de la pureté rituelle ; souvent aussi, il emprunte à celle de la médecine humorale. Parfois, c’est la catégorie « non-végétarien » dans son ensemble qui est assimilée à une nourriture à la fois grasse et échauffante : certains médecins conseillent à leurs patients souffrant d’hypertension artérielle d’éliminer les aliments gras et échauffants, autrement dit les produits carnés. Chez les mangeurs, une telle association fait sens : les catégories modernes sont appropriées et recomposées sur le fond des catégories de la médecine humorale. Chez les médecins en revanche, cette association peut paraître plus surprenante. Certes, il est envisageable que certains praticiens se servent de ces catégories vernaculaires pour assurer une meilleure transmission de leurs prescriptions. Cependant, on ne peut qu’être frappé par l’interpénétration des registres. En Inde, dans le champ médical comme dans d’autres champs de la connaissance, les savoirs sont appréhendés en fonction de leur complémentarité. Dans ce régime, que Caterina Guenzi désigne sous l’expression de « pluralisme étiologique et thérapeutique10 », la viande est envisagée par les praticiens, selon le contexte, tantôt selon les humeurs qu’elle véhicule, tantôt selon ses propriétés biochimiques. Souvent aussi, pour assurer leur légitimité, les formulations de la médecine humorale s’intègrent, comme l’a bien montré Lucie Dejouhanet au sujet de l’ayurveda, dans les « critères de validité du modèle extérieur de la biomédecine11 ».
Les idées et images véhiculées par la biomédecine viennent s’intégrer dans une conception du corps façonnée par la médecine humorale, laquelle se retrouve parfois renforcée par ces apports. Qu’ils soient opposés ou imbriqués, ces deux registres renvoient au même principe, que Noëlie Vialles nomme de « transitivité de l’assimilation des qualités12 » : la chair animale, chaude et grasse par nature, échauffe et engraisse le corps humain. Cependant, ce principe de transitivité peut aussi fonctionner en faveur de la viande. Le retournement par rapport au registre rituel est alors totalement effectué : dans ce cas, non seulement les principes relatifs à la pureté ne sont pas pris en considération, mais surtout les principes médicaux eux-mêmes valorisent certaines consommations de produits carnés. L’appareillage normatif théorique du monde indien ne condamne pas uniformément la consommation de viande : dans bien des contextes, celle-ci peut tout à fait être valorisée.
En Inde, la logique d’ordre diétético-médicale peut aussi prendre la forme d’une incitation à la consommation de viande. Pour beaucoup de mangeurs, la viande est en effet vue comme un potentiel pourvoyeur d’énergie, de force, de vigueur. Ce discours est notamment très prégnant chez les Dalits, les membres des castes martiales, les chrétiens, les musulmans, et parmi eux, davantage encore au sein des populations jeunes et masculines. Parmi les travailleurs agricoles, souvent issus de castes inférieures, l’association entre labeur éreintant au grand air et nécessité de manger beaucoup de viande est exprimée sans ambivalence. En contexte urbain également, les aliments carnés sont valorisés pour la force qu’ils apportent. Les jeunes hommes qui fréquentent les bancs des universités de Chennai affirment clairement que la consommation de viande favorise la puissance physique : certains, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou hindous, disent même sentir leurs muscles durcir après un repas carné… Ceux pratiquant la musculation dans les clubs de la ville tiennent le même discours. Leurs entraîneurs recommandent des régimes ultra-protéinés – même si tous prévoient un substitut (œufs, pois chiches) pour les végétariens. Sur leurs écriteaux, certaines boucheries mettent en scène un culturiste tous muscles bandés, d’autres encore empruntent les patronymes de Mike Tyson ou Bruce Lee, stars médiatiques associées à leur musculature ou à leur force. Par ailleurs, certaines se nomment à présent protein shop et non meat shop : en convoquant un terme du champ des sciences de la nutrition, on insiste sur les vertus musculaires de la consommation de viande. Les restaurants non-végétariens ne sont pas en reste : longtemps, ils se sont nommés military hostels, dans une référence limpide à la force physique que l’armée indienne est supposée tirer de sa consommation historiquement élevée et régulière de viande. Quoique non servie dans le cadre militaire, la viande de bœuf est, plus que d’autres, associée à la vigueur musculaire : de jeunes hindous vont discrètement en avaler une portion dans des restaurants obscurs quand ils se sentent faibles… Parfois même, certains jettent leur dévolu sur du petit gibier (comme de la chauve-souris ou du varan), particulièrement prisé pour les effets vitalisants de sa viande.
Si c’est bien le riz qui nourrit, la viande est valorisée car elle rendrait fort (tm. palamāṉa). Mais cette affirmation doit être relativisée et contextualisée dans un environnement qui reste marqué par l’idéologie de la pureté. Très clairement, les Indiens végétariens n’associent pas unanimement la consommation de viande à la force physique – ou alors à une force obscure, maléfique. Parfois, un doute peut s’insinuer : Gandhi raconte dans son autobiographie avoir fait une tentative de consommation de viande, pensant que c’étaient les vertus revigorantes de cet aliment qui permettaient aux Anglais de dominer son peuple13. Le moine Swami Vivekananda (1863-1902) n’a pas ainsi atermoyé : la consommation de bœuf lui a semblé être le meilleur moyen de développer sa force physique14.
Alors que, dans les représentations communes, les Brahmanes sont associés à la consommation de produits laitiers, refroidissants et vecteurs de rondeurs corporelles, les kṣatriya, membres de la prestigieuse « caste » (au sens d’ordre, de varṇa) des guerriers et des détenteurs du pouvoir politique, sont associés à la pratique de la chasse, à la consommation de viande et à la force physique. L’appétit des gouvernants indiens pour la viande a été parodié dans le film Indiana Jones et le Temple maudit, montrant le héros partageant un banquet royal exagérément carné, ainsi que dans la série télévisée britannique des années 1990 Goodness Gracious Me, mettant en scène de façon récurrente un Maharaja vorace offrant toutes sortes de morceaux de gibiers saugrenus à ses invités (vulve de chimpanzé, orteils de suricate frits, etc.). Dans cette logique, les propriétés échauffantes et vitalisantes des viandes ne sont plus vues comme un frein à la consommation : elles sont au contraire recherchées car compatibles avec le corps des guerriers. En sus de la logique brahmanique de la pureté s’impose donc une autre logique que l’on pourrait qualifier de « kṣatriya » ou de « rajput », laquelle n’entre pas toujours en concurrence avec la première : elle constitue plutôt un type normatif particulier, pas forcément subsumé par les règles du brahmanisme. Dans certains cas, cette logique diététique vient se surimposer, voire se substituer, même provisoirement, à la logique rituelle. L’exemple de Pandia Raj, jeune Dalit hindou officiant comme pâtissier sur un navire de croisière, illustre bien cette segmentation : lors d’une escale d’un mois chez lui, il a interrompu sa consommation de viande pour formuler un vœu à la divinité de sa lignée ; dès son retour sur le bateau, il a immédiatement repris son régime carnivore, sans quoi, m’a-t-il dit, il ne pouvait guère suivre la cadence physique imposée à bord.
L’adoption de cette logique kṣatriya par de nombreuses castes et dans de nombreux contextes souligne encore une fois la multiplicité des systèmes de valeurs afférents à la viande en Inde. Sans surprise, cette logique vitalisante est surtout mise en avant par les hommes. Beaucoup d’entre eux disent manger plus de viande que leur femme. Parfois, ils attribuent cet écart à une simple différence de goût : les hommes auraient pour la viande une sorte de passion vorace qu’on retrouverait moins chez les femmes. Souvent, les différences de quantités consommées sont également justifiées, par l’ensemble des sexes, par des arguments énergétiques, liés au mode de vie et au métabolisme propres aux hommes. Certains hommes associent également la consommation de viande à une puissance sexuelle accrue. Cette association entre le carné et le charnel, qui n’est pas propre à l’Inde, se retrouve aussi dans certaines expressions : une blague à caractère sexuel est nommée une non-veg joke15. Mais il faut aller plus loin que ces arguments qui nient toute construction sociale du goût. Derrière les symboles de force et de vigueur déployés, on entrevoit l’affirmation d’une masculinité et d’une virilité dominantes qui se trouvent légitimées et entretenues par la consommation de viande.
Les aliments carnés ne sont pas uniquement considérés comme un vecteur de force et d’énergie. Dans une logique plus thérapeutique, certaines viandes et certains modes de cuisson sont aussi envisagés comme de véritables remèdes. Le poulet de campagne est parfois considéré comme un médicament. De même, la viande d’émeu, du temps où elle était en vente, a été promue pour ses excellentes propriétés médicales. Chose plus étonnante pour les Européens, la viande de porc, du fait de ses qualités refroidissantes, se voit attribuer par certains mangeurs de nombreuses vertus : traitement de l’asthme, des hémorroïdes, etc. Les propriétés curatives de la viande de bœuf, notamment contre la jaunisse, les problèmes de sinus ou de respiration, sont également souvent énoncées. Les bouillons et décoctions de viande, notamment de poulet, constituent pour certains Indiens une forme de panacée. Parfois, les avis sont moins tranchés : on peut attribuer à une viande des qualités variables en fonction du type de pathologie. Ainsi, certains disent qu’une consommation excessive de bœuf peut provoquer un dérèglement de la thyroïde, mais que cette viande peut constituer un traitement efficace contre la tuberculose.
Un type particulier de viande se voit conférer de nombreuses propriétés médicales : les abats16. D’une façon générale, on considère que la consommation des organes intérieurs des animaux est bonne pour la santé et qu’elle fournit de l’énergie au corps. Les tripes notamment, considérées comme refroidissantes, sont prisées par de nombreux mangeurs, certes pour leur goût, mais aussi pour leurs vertus thérapeutiques. Une correspondance est également très couramment établie entre l’organe ingéré et l’organe du mangeur : « le cerveau est bon pour le cerveau », « le cœur est bon pour le cœur », etc. Parfois, l’identification peut être étendue à la fonction de l’organe : la consommation de rate et de foie est censée favoriser la régulation du sang et du sucre. Les os infusés dans des soupes seraient, quant à eux, favorables à la croissance du squelette. Au Tamil Nadu, cette association entre les organes des animaux et ceux des humains est particulièrement flagrante dans le contexte de la prise d’alcool chez les hommes. Très souvent, les bars servent à leurs clients (quasiment exclusivement masculins) des plats à base d’abats. Certes, le facteur économique importe : les organes, deux fois moins onéreux que la chair, constituent un mets prisé. Néanmoins, de nombreux buveurs affirment que l’alcool doit obligatoirement être accompagné d’abats. Cette association semble fonctionner selon une logique de compensation réciproque des contraires : les abats reconstituent les organes que l’alcool abîme et l’alcool, qui échauffe le corps, compense le froid généré par les abats et facilite leur digestion. Ainsi, même dans le contexte d’une beuverie, prescriptions culinaires et prescriptions médicales s’accordent.
La valorisation des propriétés thérapeutiques des aliments non-végétariens ne s’inscrit pas seulement dans le champ du discours populaire : elle est aussi formulée dans des champs institutionnels. Ainsi, en dépit d’une certaine injonction au végétarisme déjà évoquée, certains médecins indiens recommandent, en fonction de la caste du patient, de manger des œufs ou de la viande (parfois même de bœuf) en cas de faiblesse physique, tandis que des articles de presse peuvent suggérer que « manger du bœuf améliore la mémoire à long terme17 ». De telles formulations tiennent évidemment plus de la biomédecine que de l’ayurveda, mais elles paraissent d’autant plus acceptables que leur formulation renvoie à des raisonnements propres à la médecine traditionnelle.
Même revêtues des habits du discours biomédical, les représentations associées aux propriétés à la fois thérapeutiques et nocives des viandes viennent puiser plus ou moins lointainement leurs fondements dans cette médecine traditionnelle. Dans son ouvrage La jungle et le fumet des viandes, Francis Zimmermann étudie les textes principaux de l’ayurveda. Dans le Caraka Saṃhitā et le Suśruta Saṃhitā, vraisemblablement rédigés il y a deux millénaires, les viandes sont considérées comme « douées de vertus pharmaceutiques18 ». Ces traités anciens exposent aussi une véritable hiérarchie des viandes : les plus curatives sont issues d’animaux dont l’habitat est constitué de terres sèches (sk. jāṅgala), alors que les espèces aquatiques fournissent les viandes les moins saines. Les viandes des animaux carnassiers, quant à elles, sont perçues comme étant doublement nourrissantes. Ces textes ont-ils une influence directe sur les usages contemporains ? Zimmermann précise que, dans les écrits fondateurs, les viandes sont caractérisées par leur énergie froide. On peut ici émettre l’hypothèse que cette classification ancienne n’aurait été dans un premier temps que peu influencée par les conceptions afférentes à la pureté, et que c’est le déploiement ultérieur du brahmanisme et de l’idéologie de la pureté qui aurait fait glisser les viandes de la catégorie d’aliments refroidissants à celle d’aliments échauffants. De fait, les textes ne sont aujourd’hui connus que de très peu d’Indiens et les remèdes à base de viande sont tombés en désuétude. Cependant, si de nombreux discours actuels diffèrent effectivement des prescriptions des traités anciens, d’autres présentent des similitudes frappantes avec les principes exposés dans ces écrits. Ainsi, le principe que « le même nourrit le même », évoqué par de nombreux mangeurs, figure textuellement dans les textes de l’ayurveda : « c’est en mangeant de la viande qu’on fait grossir sa propre viande » nous dit Zimmermann19. Plus précisément, la viande de bœuf y est dite calmer les maladies respiratoires telles que la dyspnée, la toux ou le catarrhe, ce qui fait écho à ses propriétés bénéfiques contre la tuberculose évoquées par les mangeurs contemporains. La décoction est valorisée à la fois dans la pratique actuelle et dans les traités. De même, la valeur revigorante accordée aujourd’hui à la viande de petit gibier est peut-être un atavisme, même lointain, de l’attribution par les textes de qualités nutritionnelles supérieures aux animaux sauvages de terres sèches. L’acceptabilité toujours actuelle des bienfaits diététiques des produits carnés semble donc en partie s’expliquer par leur apparente compatibilité avec le statut d’aliment fortifiant que ces derniers revêtent dans une médecine humorale antique qui faisait fi de l’idéal végétarien.
Il faut également noter que cette valorisation thérapeutique et diététique de la viande n’est en rien propre au monde indien. De nombreux travaux ont évoqué la réputation qu’ont les viandes d’être particulièrement reconstituantes et roboratives20. Ce phénomène a été attribué par certains au sentiment immédiat et durable de satiété que procurerait cet aliment : il y aurait une « appétence innée pour les protéines animales21 ». Mais la valeur nutritive ne peut être disjointe de la valeur symbolique. Il faut rappeler ici la multiple analogie physique, déjà évoquée, entre le mangeur et le mangé : sur le plan éthologique (comportement), morphologique (forme externe) et anatomique (structure interne), les bêtes – notamment les mammifères – et les humains présentent de nombreuses similitudes. Ainsi, biologiquement comme symboliquement, la vie et la chair animales nourrissent la vie et la chair humaines. Mais l’homologie physique entre les organismes et les tissus n’induit pas uniquement une valorisation de la viande : elle peut aussi bien jouer contre. Refuser de manger de la viande, c’est aussi refuser de manger du même22. Ce spectre du cannibalisme éclaire les soupçons évoqués plus haut : la mauvaise odeur corporelle ou certaines maladies prêtées à la consommation de viande peuvent être lues symboliquement comme les conséquences d’une forme euphémisée d’anthropophagie. D’autres représentations, telles que les propriétés échauffantes de la viande ou la supposée brutalité de caractère des carnivores, ont des fondements similaires : c’est parce qu’elle ressemble à la chair humaine (excès de vie), mais aussi parce qu’elle provient d’un animal tué (excès de mort), que la viande porte en elle un tel potentiel de passion sauvage et de violence. Ordre de la pureté et ordre diétético-médical ne peuvent donc être totalement dissociés, tant ils s’appuient sur de conceptions communes. En Inde, la viande est un aliment fondamentalement ambivalent : elle peut susciter le plaisir et la force, mais également l’impureté et la violence. Cette ambivalence, loin d’être une contradiction, est le produit d’un schème anthropologique commun structuré par ce rapport complexe aux animaux et à leur mise à mort.
L’étude des différentes propriétés conférées aux produits carnés montre que les discours et les significations sont toujours fortement segmentés en fonction des types de viandes, mais aussi des individus et des contextes. Aucune valeur commune ne semble s’imposer à l’ensemble du corps social : une même viande ne se verra vraisemblablement pas accorder le même statut par une veuve hindoue de haute caste et par un père de famille musulman. Derrière ces différences émerge l’idée d’une corporéité singulière à chacun des mangeurs. De nombreuses représentations relatives à l’acceptabilité ou non de certains aliments témoignent d’une naturalisation ou d’une « substantialisation » biologique des propriétés des corps. Ce discours, très habituel dans le monde indien, vise à justifier (ex post) ou à prescrire (ex ante) des régimes alimentaires différenciés en fonction de caractéristiques particulières considérées comme étant inscrites dans la physiologie, dans la constitution matérielle, des corps des mangeurs.
C’est dans la segmentation par castes que cette logique est la plus apparente. En mangeant, l’individu procède à un échange de substances entre lui et le monde, mettant ainsi en danger l’équilibre de l’ordre socio-cosmique (sk. dharma) : les règles qui président à la prise alimentaire sont destinées à renforcer la diversité des rangs entre les humains et à lutter pour la stabilité et la hiérarchisation nécessaires de cet ordre23. Autrement dit, c’est parce que chaque caste occupe une place particulière dans l’ordre socio-cosmique que la complexion des corps de ses membres doit être stabilisée par une alimentation appropriée. De cette conception dérive l’idée, très présente en Inde du Sud, que la pureté de la caste se situe dans le sang de la personne24. Les règles alimentaires (mais aussi maritales) permettent alors une conservation des caractéristiques du sang de l’individu au cours de sa vie et une transmission de ces caractéristiques à sa descendance. Ainsi, au Tamil Nadu, le végétarisme et l’ingestion d’aliments sāttvika sont une des actions appropriées au maintien de la pureté rituelle (tm. acārām) supposément inscrite dans le sang des Brahmanes. Mais, selon la même logique, les membres des castes martiales voient la viande comme un aliment fondamental pour leur physiologie : alors même qu’ils ne mènent plus de guerres, ils considèrent la carnivorie comme une nécessité inscrite dans la nature vigoureuse de leurs corps. De nombreux membres des castes intermédiaires affirment aussi que, même si la viande de bœuf n’était pas impure, ils n’auraient de toute façon pas la capacité physique de la digérer. Ce discours est aussi tenu par les autres groupes religieux : un musulman Syed peut ainsi expliquer que les membres de son groupe rejettent le bœuf car cette viande échaufferait outre mesure leurs corps déjà spontanément chauds. Cette substantialisation exprimée par les mangeurs indiens peut être comprise comme un processus discursif de « biologisation » des différences sociales. Mais c’est également un instrument de justification des pratiques s’inscrivant dans une axiologie : en ramenant la hiérarchie à une biologie présentée comme implacable, ce discours normatif sert avant tout à créer de la distance sociale et à légitimer des dominations.
Dans cette représentation, ce sont les valeurs à la fois rituelles et diététiques conférées à la viande qui doivent correspondre aux propriétés intrinsèques des corps des mangeurs. L’inscription biologique des prescriptions tend donc à relativiser la distinction entre la logique rituelle et la logique diététique. Mais ce qui les différencie malgré tout semble bien être la place que le processus de substantialisation prend dans chacune d’elle. Selon les traités de l’ayurveda, les produits ingérés doivent prendre en compte une multitude de variables telles que le tempérament individuel, l’état de santé, le mode de vie, le lieu de vie, la saison, le moment de la journée, etc. Les formulations de la médecine traditionnelle envisagent l’idiosyncrasie de chaque mangeur, alors que le discours de la pureté prescrit des aliments uniquement en fonction du rang hiérarchique de la caste. Dans ce glissement du médical au rituel, ce ne sont donc plus propriétés propres à chacun des individus qui déterminent les différents régimes alimentaires (c’est là le fondement de la médecine humorale), mais bien l’idée d’une identité naturalisée du groupe, définie par les règles de la hiérarchisation sociale et considérée comme inscrite dans le sang des individus. Autrement dit, la logique diététique se fonde sur une conception biologique d’un corps en perpétuelle transformation, alors que la logique de pureté convoque, pour se légitimer, une vision biologisée d’un corps normé et figé à l’échelle de la caste.
Il serait tentant d’analyser comme un processus historique ce passage des prescriptions diététiques à l’échelle de l’individu à des prescriptions de pureté à l’échelle du groupe social. Un tel basculement a eu lieu en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles : l’ancienne acception médicale fondée sur « l’idée de qualité de la personne » y est alors remplacée par une « acception à dominante sociale » du privilège alimentaire25. On ne mange plus en fonction de ses qualités propres, mais en fonction de son rang statutaire. Il serait cependant erroné de considérer qu’il y aurait eu en Inde, subséquemment à la stratification de la société en castes hiérarchisées, substitution d’une logique à l’autre. En effet, la logique sociale et rituelle de l’ordre des castes n’a pas chronologiquement détrôné la logique diététique de la médecine humorale : les principes diététiques ont subi de longue date l’influence de la logique de la pureté. Depuis bien longtemps, les deux logiques forment des systèmes normatifs qui coexistent et peuvent temporairement commuter. Les représentations associées à la médecine traditionnelle restent elles-mêmes très prégnantes, au point justement d’être parfois intégrées dans certains discours à vocation rituelle : dans ce cas-là, le discours de substantialisation participe d’une dynamique d’ethnicisation (voire de « physiologisation ») de la caste.
Si parfois la distinction entre le registre de la pureté et le registre diététique semble brouillée, ces registres sont souvent clairement distinguables. En aucun cas, les différentes représentations des propriétés de la viande et de ses effets sur le corps humain, si elles puisent dans les mêmes fondements anthropologiques, ne semblent « faire système » entre elles. Aucune logique ne relie par exemple le degré de pureté, les propriétés thermiques, les vertus thérapeutiques et le taux de masse grasse de chacune des viandes. L’absence de correspondances systématiques entre ces différents registres indique bien la multiplicité des systèmes de valeurs convoqués par les mangeurs indiens dans leur rapport à la viande. Les différentes logiques peuvent s’ignorer, s’interpénétrer, se subordonner ou se substituer l’une à l’autre en fonction des contextes. Certains mangeurs peuvent se référer principalement à un registre plus ou moins privilégié : la relation à la viande apparaît comme étant individuelle plus que collective.
Les différents systèmes de valeurs mobilisés sont eux-mêmes en constante évolution. L’évocation des nouvelles prescriptions diététiques et de la recomposition des savoirs médicaux face aux maladies de la modernité illustre bien la souplesse et l’historicité des dispositifs normatifs présidant à l’attribution de significations aux différentes viandes. D’une façon générale, la consommation de viande en Inde, aussi marginale soit-elle aujourd’hui, a été de longue date soumise à des variations historiques notoires. C’est une vision diachronique du régime carné en Inde qu’il faut à présent adopter, afin d’en envisager les évolutions contemporaines.
1. Douglas, 1972, p. 68.
2. Eichinger Ferro-Luzzi, 1975b, p. 471.
3. Zimmermann, 1982, p. 147.
4. Beck, 1969, p. 562.
5. Une telle crainte d’ensauvagement par des viandes jugées trop chaudes se retrouve en Europe (Hell, 2012).
6. Source : « Rapes will come down if people shun meat, alcohol: Swami Agnivesh », Press Trust of India, 28 avril 2013 ; en ligne : http://www.ndtv.com/article/india/rapes-will-come-down-if-people-shun-meat-alcohol-swami-agnivesh-359889 ; consulté le 21 septembre 2017.
7. Fischler, 2001, p. 316.
8. Sources : « Veganism catches fancy of health-conscious Indians », News Track India, 16 juin 2013, http://www.newstrackindia.com/newsdetails/2013/06/16/85-Veganism-catches-fancy-of-health-conscious-Indians-Feature-.html, consulté le 21 septembre 2017 ; « Want to live longer? Turn vegan », The Times of India, 8 juin 2013 ; « Embrace vegetarianism for a healthy body and mind », The Times of India, 27 juin 2013 ; « Sausages and bacon horrible for health », The Times of India, 13 mars 2013.
9. Sébastia, Balagopal et Misra, 2013.
10. Guenzi, 2012, p. 290.
11. Dejouhanet, 2009, 39.
12. Vialles, 1998, p. 141.
13. Gandhi, 2007 [1927], p. 19-21.
14. Staples, 2008, p. 44.
15. Ahmad, 2014, p. 23.
16. Au Tamil Nadu, on inclut habituellement sous le terme « abats » (habituellement désignés en Inde par le terme anglais parts) la tête (cervelle et langue comprises), les poumons, le cœur, le foie, la rate, l’estomac, l’intestin, les rognons, les testicules et les pieds.
17. Source : « Eating beef improves long term-memory », The Times of India, 12 juillet 2013.
18. Zimmermann, 1982, p. 115.
19. Ibid., p. 183.
20. Voir par exemple Fiddes (1992 [1991], p. 14).
21. Fischler, 2001, p. 119.
22. Sur la crainte de l’allélophagie, voir Vialles (1998, p. 142).
23. Sur la stabilisation de l’ordre socio-cosmique par l’alimentation, voir Appadurai (1981).
24. Sur les représentations des liens entre caste et sang, voir Fruzzetti, Ostör et Barnett (1976, p. 162).
25. Montanari, 1995, p. 118.