Invention de la monnaie

I.

Le dieu Ispur Mahaprabhu arriva un jour au palais du maharajah de Jeypore déguisé en vieux brahmane. Le maharajah lui dit de s’asseoir et de se restaurer en liquide et solide.

À cette époque, les céréales n’existaient pas. Les gens se nourrissaient de graines d’une plante grimpante siâri, de racines et de pousses de bambou. Le maharajah s’assit auprès du vieux brahmane, découpa les pousses de bambou en rondelles, lui donna une poignée de belles graines brunes et retourna dans ses appartements. Le vieux brahmane mangea une rondelle, puis une graine, puis une rondelle, puis cassa la graine et ainsi de suite. Puis, il plaça les graines et les rondelles de bambou dans une boîte de feuille (de bananier ?), la couvrit d’une feuille et s’en alla. Bientôt, le maharajah revint et trouva son hôte parti, ayant laissé la boîte. Il ôta la feuille qui couvrait le récipient rustique. À sa grande surprise, il vit que les rondelles de pousses de bambou étaient devenues des roupies d’argent, et que les grains de siâri étaient devenus des piécettes de cuivre. Il crut que ces aliments primitifs avaient pourri, et il voulut jeter les pièces. Mais le brahmane revint et lui dit :

– Ne jette pas ces pièces, c’est de l’argent ; garde-les et tu deviendras riche !

II.

Un groupe de marchands cheminait avec des ballots de graines de sésame pour faire de l’huile, en route pour le pays de Kalinga. Le voyage dura un mois. Ils passèrent par les collines de Silbhata. Ils campèrent au bord d’une mare d’eau claire. Comme la chaleur était forte, ils mirent leurs buffles à l’eau pour qu’ils se désaltèrent. Ils plongèrent mais, comme la mare était très profonde, ils se noyèrent, sauf un qui réussit à regagner la rive. Quand il s’ébroua, les marchands virent que des centaines de cauris étaient collés à son dos et à sa queue. Ils comprirent que les autres buffles avaient été noyés par le poids des cauris. Les marchands récoltèrent les cauris du buffle survivant, vidèrent les deux sacs de sésames, mirent à la place les cauris et allèrent au marché, s’en servant comme monnaie, chaque cauri étant d’une valeur d’un anna*. Avec cela ils purent s’acheter de nouveaux buffles.