Au programme
L’ad hominem est la philosophie qui interpelle le sujet. L’ad rem est, à l’inverse, une philosophie argumentée sur le monde, une description du monde qui n’a pas vocation à interpeller directement un sujet mais à le faire réfléchir. Nous verrons ici comment on est passé de l’une à l’autre.
On peut voir la pratique philosophique comme une ascèse de l’esprit, y trouvant une analogie avec la gymnastique du corps. La philosophie naît dans la Grèce antique, où la gymnastique faisait partie de la vie quotidienne. Il s’agit de la même manière pour la philosophie de pouvoir façonner son esprit comme l’on façonne son corps par la gymnastique afin de le rendre meilleur, plus souple, plus fort, plus agile.
Les « premiers » chrétiens, à partir de l’influence prépondérante de saint Augustin (début du Ve siècle après J.-C.), n’acceptent pas que l’esprit puisse se transformer lui-même : seul Dieu, par l’intermédiaire de sa parole consignée dans la Bible, a ce pouvoir. Ils « dé-spiritualisent » alors la pratique : elle sert désormais à trouver Dieu, et pas à se transformer. Dès lors, la transformation de l’esprit passera nécessairement par l’exégèse des textes bibliques, tradition que les moines perpétueront pendant tout le Moyen Âge. C’est par la confrontation avec les textes sacrés que notre âme peut se convertir et se transformer pour retrouver en elle la présence de Dieu.
Avec la disputatio*, les scolastiques se serviront de la philosophie pour confronter les arguments qui prouvent le dogme*. La disputatio est utilisée pour confronter les interprétations contradictoires des textes bibliques et trouver par le consensus une position réconciliatrice entre les différentes autorités. Cette méthode « constructiviste », en ceci qu’elle prend en compte plusieurs interprétations contradictoires de plusieurs autorités à partir d’un texte biblique, est issue de la méthode aristotélicienne, car c’est Aristote et non Socrate la figure tutélaire de l’Église pendant tout le Moyen Âge. C’est cette méthode qui inspirera plus tard la dialectique* de Hegel.
La philosophie deviendra finalement, à partir du moment où elle rentre à l’Université, au XIVe siècle, un outil de commentaire des textes des grands auteurs et pour les grands auteurs un moyen de discourir sur le monde.
La tradition moderne de la philosophie est assez proche de celle de la scolastique, puisque les philosophes d’aujourd’hui cherchent à expliquer le monde en confrontant les divers systèmes qui les ont précédés et en en tirant une interprétation originale. Il n’y a pas de tentative de transformation de soi, de conversion de l’âme ou de fortification de l’esprit par le dialogue. De plus, la plupart des philosophes sont des fonctionnaires de la philosophie qui se spécialisent dans le commentaire de quelques auteurs et dans la présentation plus ou moins originale de l’histoire de leurs idées et de leurs systèmes. Cette philosophie est une philosophie intellectuelle et très technique, peu accessible aux non-initiés et qui n’a pas le souci de la cohérence entre la vie et les écrits. Les exercices de transformation de soi ont été largement investis par la psychologie positive et le mouvement du développement personnel, et il aura fallu des auteurs comme Pierre Hadot pour que le grand public redécouvre les exercices spirituels couramment pratiqués dans la Grèce ancienne.
Malgré tout, l’histoire de la philosophie post-socratique et ces 2 500 ans de discours sur le monde nous ont offert un certain nombre de principes que nous appliquons au cours de notre pratique.
Décomposer et analyser
Descartes décomposait un discours pour pouvoir ensuite en analyser les éléments. Pour analyser un mécanisme compliqué, il faut le découper en éléments plus simples que l’on prend ensuite un par un pour les expliquer. Après cela, on peut recomposer le tout et acquérir une compréhension globale. Il arrive par exemple que lorsqu’on pose une question, la personne interrogée ne la trouve pas claire.
Formuler une question
« Le tout est-il plus que la somme de ses parties ? » Si la personne interrogée ne comprend pas cette question, nous lui demanderons si elle comprend chacun des mots de la phrase. Elle répondra que oui, puisque ce sont des mots très courants. Alors, nous lui demanderons : « Finalement, est-ce la question qui n’est pas claire, ou est-ce que vous y avez déjà répondu ? » Dans ce dernier cas, la personne ne comprenait tout simplement pas qu’on puisse poser une telle question, puisque pour elle, le tout n’était jamais rien d’autre que la somme des parties. Elle avait en fait déjà répondu « non » à la question, ce qui prouve bien que celle-ci était intelligible.
Il est très fréquent que nous prenions comme prétexte le supposé manque de clarté d’une question pour masquer le fait que la réponse est pour nous une évidence. Or, l’évidence marque toujours la fin de la pensée.
S’adresser au sens commun
Descartes nous apprend que :
Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, le principal est de l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement, peuvent avancer beaucoup davantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent.
Descartes, Le Discours de la méthode
Mettons ce principe en pratique en appelant chacun au sens commun lorsque nous soupçonnons un sujet de s’en éloigner, généralement par mauvaise foi.
Un jugement
Par exemple, au cours d’un atelier, nous allons demander au groupe présent qu’il forme un jugement sur un phénomène, une situation, une opinion. Nous demanderons ainsi : « Qui pense que M. X a résisté à mon questionnement ? Qui pense au contraire que M. X n’a pas résisté et qu’il s’est laissé faire ? » Nous accepterons ensuite le jugement du groupe comme le prononcé d’une vérité du moment.
Pour nous, il s’agit surtout de remettre dans le « droit chemin du sens commun » les sujets qui s’en écartent momentanément, généralement à l’occasion d’un emportement émotionnel : accès de colère, susceptibilité car on se sent mis en cause, peur de paraître stupide ou au contraire enthousiasme qui ôte tout esprit critique, etc.
Les hommes se croient libres parce qu’ils sont conscients de leurs désirs mais ignorants des causes qui les déterminent.
Spinoza, L’Éthique
Prendre conscience de nos propres conditionnements est impératif pour accéder à la liberté. Nous avons souvent l’occasion, au cours de consultations individuelles ou collectives, de constater à quel point les différents conditionnements qui opèrent en nous entravent notre pensée. Citons-en quelques-uns.
Un préjugé d’époque
Ainsi, « il ne faut pas juger ». Or, le jugement est une fonction primordiale de la pensée critique, probablement la plus importante. Ceux qui se prévalent, avec une mauvaise foi évidente, de « ne pas juger » ont en fait déjà effectué leur jugement en leur for intérieur et se gardent bien de le révéler pour ne pas entrer en confrontation avec autrui, confrontation qui serait pourtant salutaire si elle était menée selon les règles du dialogue philosophique.
Nos désirs
Nous voulons tellement quelque chose que nous croyons entendre dans le discours d’autrui ce qui vient satisfaire nos désirs, plutôt que ce qui a été dit objectivement. Dans ce cas, le groupe, vierge de ce biais cognitif qui nous est propre, nous montrera la déformation dont nous avons été victime. Pour bien penser, il faut savoir faire taire ses désirs et se soumettre à la raison commune, prendre en charge les contraintes que le questionnement d’autrui met sur notre discours. C’est aussi à ce titre que la pratique philosophique est un exercice d’ascèse ayant des points communs avec la tradition bouddhiste, qui considère que les désirs font le malheur de l’homme.
Le langage
Des expressions comme « pas forcément », « pas nécessairement », « ça dépend » sont des petits mots mais aussi de grands maux pour la pensée : ils nous permettent de nous enfuir dans un espace d’indétermination, de nous réfugier dans un relativisme confortable qui nous dispense de tout engagement dans la pensée. En disant « pas nécessairement », nous prétendons en toute mauvaise foi qu’autrui exige de nous une réponse « nécessaire » ou « absolument vraie ». Ce faisant, nous nous échappons à bon compte, puisque « qui pourrait répondre par quelque chose de toujours vrai ? ». Par conséquent, c’est comme si nous disions : « Tu me demandes une chose impossible », alors qu’autrui nous demande juste une réponse probable, raisonnable. C’est là une parole typique de mauvaise foi qui passe inaperçue au détour d’un adverbe.
Nos habitudes mentales
Elles sont liées à notre métier ou à notre éducation. Tel homme d’affaires avait tellement l’habitude de vouloir convaincre autrui et de prouver qu’il avait raison en toute occasion qu’il n’était plus en mesure de répondre aux questions du philosophe (voir l’exemple de Dimitri dans les consultations commentées, page 161). De fait, il modifiait systématiquement les questions pour qu’elles correspondent à ses préférences. Cette pratique est également très courante chez nos hommes politiques (que nous méritons donc, puisque nous sommes les premiers à le faire). On les entend souvent dire : « La question ne doit pas être posée en ces termes » ou « Je répondrais plutôt que… ».
Jamais rien n’arrive sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante, c’est-à-dire qui puisse servir à rendre raison a priori pourquoi cela est existant plutôt que non existant et pourquoi cela est ainsi plutôt que de toute autre façon.
Leibniz, Essais de théodicée, 1
Voilà ce qui nous pousse à questionner autrui même quand ses réponses n’ont apparemment pas de sens ou que nous ne percevons pas où le questionnement peut mener. « En allant tout droit, nous finirons bien, à un moment donné, par sortir de la forêt », nous disait Descartes, et par retrouver le « fil de l’être ». Or, nous retrouvons toujours ce lien qui nous permet de donner une colonne vertébrale à l’esprit et d’instaurer son « plan d’immanence* » cher à Deleuze, généralement fait de quelques concepts qui le déterminent. Même les moindres indices permettent de s’y raccrocher et d’y voir plus clair. Soulignons que l’être humain s’évertue souvent à brouiller le sens de son être, peut-être pour se donner une illusion de profondeur. Ce qu’exprime le sujet, c’est toujours son être, et c’est pourquoi il nous faut déchiffrer son langage au-delà du langage exprimé, au-delà des apparences. C’est notre travail de retrouver la cohérence que le sujet cache – et se cache souvent à lui-même.
Oui ou non ?
Nous posons une question à X. Il répond « oui », mais sa mine nous suggère qu’il pense le contraire. Nous le questionnons plus avant et il admet qu’il voulait en fait répondre par non. Nous lui demandons alors s’il est surpris de répondre par oui alors qu’il pensait non ; il commence encore par dire oui, puis finit par admettre que non. Ensuite, alors que nous lui posons une autre question, il répond en changeant les données de cette question. Nous lui demandons alors s’il aime les mathématiques, à quoi il répond non, ce qui n’est pas étonnant : en mathématiques, on ne peut pas changer les données du problème. Il explique qu’il n’aime pas les mathématiques car il « n’aime pas le côté carré des choses, préfère les ronds aux carrés », ce qui exclut symboliquement la géométrie. « Dans le carré, il y a des arêtes, et cela accroche », continue-t-il. Or, lui ne veut pas accrocher. C’est pourquoi il dit « oui » quand il pense « non », car le « non » accroche. Plus tard au cours du dialogue, on voit que X n’arrive pas à distinguer deux concepts. Or, distinguer, définir, c’est trancher, couper, quand X veut de la continuité, de la nuance, une tendance qui le met en difficulté dans ce type d’exercice.
Hegel reprend Spinoza par le biais de la négation. En effet, Spinoza nous dit que omnes determinatio est negatio (« toute détermination est une négation de ce qu’elle n’est pas »).
Tout discours comporte une part de négatif, tout discours est ce qu’il n’est pas. On peut par conséquent, à partir de n’importe quelle hypothèse pour peu qu’elle soit claire, déterminée, trouver un problème, une faille, et la travailler de l’intérieur pour la transformer. C’est ce que Hegel appelle l’objection interne, par opposition à l’objection externe qui se contente d’opposer une opinion contradictoire sans prendre soin d’étudier l’hypothèse initiale de l’intérieur. Il s’agit de faire le travail de négation depuis l’intérieur du discours afin que cette négation puisse transformer la proposition en l’enrichissant.
L’opinion conçoit la diversité de systèmes philosophiques non pas tant comme le développement progressif de la vérité qu’elle ne voit dans la diversité que la contradiction. Le bouton disparaît dans le surgissement de la fleur, et l’on pourrait dire que celui-là se trouve réfuté par celle-ci, tout aussi bien par le fruit la fleur se trouve qualifiée de faux être-là de la plante, et celui-là vient à la place de celle-ci comme sa vérité.
Hegel, Phénoménologie de l’esprit
C’est un procédé à la fois méthodologique et existentiel : méthodologique, car il oblige à prendre en compte une hypothèse, à se l’approprier comme si c’était la nôtre et à « penser à travers autrui » ; existentiel, car le promoteur de l’hypothèse est valorisé en ce que son opinion n’est pas gommée, mais prise comme un objet d’étude digne d’intérêt a priori. En opérant la critique interne, nous montrons une certaine forme de respect pour notre interlocuteur.
Une fois le problème énoncé, il convient de demander au porteur d’hypothèse de se réconcilier avec son hypothèse initiale, ce qui l’obligera à revenir sur son opinion pour la transformer. Or, ceci constitue aussi un travail sur soi, tant nous sommes réticents à remettre en cause nos opinions, a fortiori en public. Malheureusement, il est courant que le promoteur d’hypothèse n’accepte pas la critique de son opinion et s’enferre dans son quant-à-soi, ce que l’on peut aisément voir quand il ne parvient pas à apporter un argument pour réfuter l’objection.
Un concept sans intuition
Des pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concept, aveugles.
Kant, Critique de la raison pure
Le discours doit s’ancrer dans l’expérience. Méfions-nous des abstractions, souvent prétexte à un désengagement et qui masquent le vide de la pensée. Pour abstraire, il faut partir d’un contenu concret. Si l’on est tout de suite dans l’abstraction, on prend le risque de se couper de la réalité. C’est pourquoi, au cours de notre pratique, dès que nous repérons un discours abstrait, nous demandons immédiatement un exemple concret pour le relier au réel. C’est une question de méthode et de respect des autres participants, qui risquent sinon de « décrocher » très rapidement.
Une intuition sans concept
Le ressenti ne fait pas un argument. Il est fréquent, quand par exemple nous demandons un argument ou une objection à une opinion, que la personne débute sa phrase par « J’ai le sentiment que… » ou « Je sens que », « Mon ressenti, c’est que… ». Cette formulation annonce une subjectivité qui fait fi de la raison et masque une opposition purement de principe. Cela équivaut à dire : « Ce que vous dites ne me plaît pas mais je n’ai aucun argument pour vous montrer que vous avez tort. » Exprimer sa désapprobation n’est pas un mal en soi, sauf lorsque cette désapprobation ne dit pas son nom et se drape de tous les atours de la raison. Par souci d’authenticité, nous demandons toujours à l’interlocuteur d’annoncer la couleur et de dire franchement que quelque chose ne lui plaît pas. Il pourra profiter de ce moment de désagrément pour chercher un argument raisonnable, dans la sérénité, ou voir si plusieurs personnes du groupe partagent son émotion et ont peut-être, eux, des arguments à fournir.
Il est primordial, dans le cas d’une intuition ou d’un ressenti, de pouvoir y mettre un concept, seul moyen de raccrocher le sentiment à la raison et de rester dans le fil de la discussion posée.
La mauvaise foi
Dans la mauvaise foi, il n’y a pas mensonge cynique, ni préparation savante de concepts trompeurs. Mais l’acte premier de mauvaise foi est pour fuir ce qu’on ne peut pas fuir, pour fuir ce qu’on est. Or le projet même de fuite révèle à la mauvaise foi une intime désagrégation au sein de l’être, et c’est cette désagrégation qu’elle veut être.
Sartre, L’Être et le Néant
Le fait que très souvent, les sujets cherchent à fuir les questions, la logique des conséquences que nous tirons de leurs propos, ou les raisons données par le groupe à leur comportement, montre que notre pratique est une pratique existentielle qui révèle l’être à lui-même.
Mais le mode sur lequel nous nous exprimons est presque toujours la mauvaise foi. Il ne s’agit pas de la mauvaise foi consciente, réfléchie et cynique, mais d’un mode d’être qui est quasi inconscient. Sartre dira ailleurs que « l’on entre dans la mauvaise foi comme on s’endort et on est de mauvaise foi comme on rêve ». Or, au réveil, on ne se rappelle pas toujours de ses rêves. De la même manière, on peut rendre conscient autrui de sa mauvaise foi, mais celle-ci, a posteriori, sera toujours teintée par le sujet d’un sentiment d’irréalité, comme si on parlait d’une autre personne.
Les formes de désengagement
Dans notre pratique, le désengagement, forme de fuite, prend des allures diverses : on se désengage de sa propre parole, par exemple en utilisant des adverbes radicaux.
Ne pas assumer
« Avez-vous compris ce qu’il a dit ?
– Pas tout à fait.
– Je vous demande si vous avez compris (rires) oui ou non ?
– (Silence.) Euh… Non, je n’ai pas compris. »
Ce petit dialogue montre, par l’utilisation de l’expression « pas tout à fait », que nous n’osons pas dire à autrui que nous n’avons pas compris et n’assumons pas notre état d’incompréhension, pour des raisons diverses. De la même manière, comme on l’a vu plus haut avec Spinoza, le fait de répondre « pas forcément » à une question est un moyen commode de ne pas y répondre du tout, puisque l’on absolutise alors de manière illégitime la question, qui ne comprenait pas de « forcément ».
Il arrive aussi que l’on mette en avant notre doute pour ne pas répondre ou ne pas lever la main lors d’un vote. Le philosophe devra toujours avoir un œil sur les phobiques de l’engagement et interroger ceux qui espèrent éviter la confrontation en ne prenant pas position.
Une vérité scientifique doit être falsifiable pour être valide. Karl Popper nous apprend que la science procède non parce qu’une théorie est prouvée vraie une fois pour toutes, mais au contraire parce qu’elle est potentiellement falsifiable dans des conditions expérimentales. Le statut d’une théorie vérifiée est qu’elle répond à un problème et qu’elle a pu surmonter jusqu’à maintenant des tentatives de falsification selon des protocoles stricts. Que survienne un nouveau problème plus complexe, et la théorie sera à nouveau mise à l’épreuve, et ainsi de suite. Ce qui démarque la science de la croyance, c’est donc la capacité de la science à se rendre falsifiable, contrairement à la croyance, qui ne peut être prouvée fausse.
Par analogie, dans la pratique philosophique, nous soumettons les opinions à des procédures de questions et d’objections qui permettent d’en éprouver les fondements.
1. Ce chapitre est largement inspiré de l’ouvrage de Gaëlle Jeanmart, L’Art du combat dans la philosophie occidentale : de la dialectique antique à la dispute scolastique in Le Télémaque n° 31, 2007/1, Presses universitaires de Caen.