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«Une part de mon entêtement est à mettre au compte de la
nature humaine. Il est difficile à quiconque souffre d’une
maladie chronique ou aiguë de suivre son traitement à la
lettre. Symptômes atténués ou disparus, c’est encore plus dur.
Dans mon cas, une fois que je me suis sentie de nouveau
bien, je n’ai plus eu le désir ni la motivation de continuer à
prendre mes médicaments. Déjà, pour commencer, je ne
voulais pas les prendre. J’avais du mal à tolérer les effets
secondaires. Mes envolées me manquaient. Et, quand
je me sentais redevenir normale, il m’était facile de nier
que j’avais une maladie récurrente.»
Kay Redfield Jamison
Psychiatre et bipolaire
De l’exaltation à la dépression
Comme c’est souvent le cas dans de nombreuses sphères de la santé, pour le trouble bipolaire, il n’existe pas de médicaments qui guérissent la maladie une fois pour toutes. Par contre, la médecine dispose d’un bon arsenal pharmaceutique pour contribuer à contrôler le trouble bipolaire et permettre aux personnes qui en sont atteintes de mener une vie normale. La découverte du lithium, en 1949, apporta beaucoup de bénéfices dans le traitement des épisodes de manie, si bien que dès les années 60, l’usage du fameux sel fut élargi et ne servit plus seulement en phase manie, mais de manière préventive chez tous ceux qui souffraient du trouble bipolaire.
L’usage plus répandu du lithium permit de constater que certains bipolaires répondaient mieux au traitement que d’autres. Ces bons répondeurs au lithium (de 60 à 70 % des patients bipolaires10) sont ceux qui ont des manies correspondant à la description classique d’Emile Kraepelin, un éminent psychiatre du début du siècle, avec une humeur euphorique, une élocution rapide avec jeux de mots, une surexcitation joyeuse avec achats excessifs, des projets fantastiques et une sexualité débridée11.
Une réponse familiale positive au lithium peut indiquer qu’une personne pourrait bien répondre à ce médicament. Cependant, pour d’autres bipolaires, surtout ceux qui présentent des phases mixtes avec humeur triste, irritable et paranoïde, à cycles rapides, ou ceux qui ont de nombreuses récidives, d’autres avenues thérapeutiques utilisant des mécanismes d’action pharmacologiquement différents ont été découvertes. Nombreux sont les bipolaires qui utiliseront une combinaison de deux et parfois plusieurs stabilisateurs de l’humeur pour traiter certaines rechutes maniaques ou dépressives ou pour atteindre une rémission complète et prolongée de leur maladie.
À ce jour, trois types de médicaments sont utilisés pour stabiliser l’humeur des personnes atteintes du trouble bipolaire: des sels de lithium, des antiépileptiques et des antipsychotiques. À ceux-ci, le médecin pourra ajouter, avec prudence, des antidépresseurs selon les besoins. Entreprenons donc un tour d’horizon de ces divers médicaments.
Comme nous l’avons souligné, le lithium fut l’un des premiers médicaments à démontrer son efficacité dans le traitement du trouble bipolaire. Il continue d’être recommandé comme l’un des médicaments de premier choix dans le traitement aigu et à long terme du trouble bipolaire, et ce, pour diverses raisons. Plusieurs études et de nombreuses années d’expérience ont démontré son efficacité et sa bonne tolérance relative. Le lithium est l’un des seuls médicaments ayant démontré un effet protecteur contre le suicide, s’il est, bien évidemment, pris régulièrement. Toutefois, les risques de rechute sont élevés lorsque les patients cessent le lithium, même si plusieurs années se sont écoulées depuis le dernier épisode dépressif ou de manie.
Comme effets secondaires, le lithium peut causer des nausées et de la diarrhée, surtout si sa prise est débutée ou augmentée rapidement. Une augmentation graduelle et la prise de lithium avec les repas réduisent ces problèmes. Le lithium étant un sel, il peut causer la soif et comme il est éliminé par les reins, il peut entraîner, quoique rarement, des problèmes rénaux à long terme. Un suivi du fonctionnement des reins à l’aide de prises de sang et d’examens d’urine est recommandé chaque année. D’autres effets secondaires assez fréquents sont les tremblements, la somnolence et le gain de poids. Le lithium se mesure dans le sang et cela aide à savoir précisément quelle dose administrer à chaque personne pour obtenir la concentration efficace dans le traitement des épisodes aigus et la prévention des rechutes, et limiter les effets secondaires. Ainsi, une concentration de 0,6 à 0,8 mEq/l est habituellement visée pour la prévention des rechutes, alors qu’en phase de manie, on cherchera à augmenter la concentration autour de 1 à 1,2 mEq/l. Cependant, à concentration plus élevée, le lithium peut causer une intoxication, sérieuse et potentiellement mortelle, qui se manifeste par de la diarrhée, des vertiges, des troubles d’équilibre et de la confusion.
De façon moins fréquente, mais importante à dépister, on peut voir apparaître un débalancement de la glande thyroïde (surtout de l’hypothyroïdie) et ce, plus fréquemment chez les femmes. Chez les personnes plus âgées, un électrocardiogramme peut révéler des changements, ce qui nécessite l’arrêt du lithium chez ceux souffrant de maladie cardiaque. Une prise quotidienne régulière du lithium combinée à un style de vie sain, incluant l’exercice, peut éviter le gain de poids et permettre aux bipolaires de type 1 et 2 qui sont de bons répondeurs au lithium de vivre plusieurs années sans rechute. Une rechute peut survenir sous lithium, mais le plus souvent, c’est dans la situation où la personne, se sentant guérie, cesse de prendre sa médication. Il arrive qu’une rechute survienne parfois même après 10 ans de stabilité. Il n’en demeure pas moins que les bons répondeurs au lithium peuvent rester stables et mener une vie active, créative et pleine de richesses pour la société dont ils font partie.
Après s’être aperçu qu’un antiépileptique, le Tegretol (carbamazépine), avait des effets stabilisateurs sur l’humeur, des essais cliniques ont été faits pour confirmer cette observation. Plusieurs autres antiépileptiques ont été étudiés par la suite pour le trouble bipolaire, soit l’Epival (acide valproïque), le Lamictal (lamotrigine), le Topamax (topiramate), le Neurontin (gabapentin). Ces médicaments agissent sur les neurones en modulant les influx nerveux électriques par lesquels les cellules communiquent entre elles. En fait, ces médicaments affectent les entrées et sorties de sodium et de calcium à travers les membranes des neurones, et ces ions (sodium et calcium) vont à leur tour entraîner le déclenchement de signaux électriques qui passent d’un neurone à l’autre. De cette façon, ils contrôlent les crises d’épilepsie, mais aussi les changements de phase (dépressive ou maniaque) des bipolaires, sans que les bipolaires soient épileptiques ou puissent le devenir en prenant ces médicaments.
L’Epival est un anticonvulsivant utilisé dans le traitement de l’épilepsie depuis des décennies. Il agit en bloquant des canaux sodiques et en augmentant les concentrations cérébrales de GABA. Il est utilisé dans le traitement de la maladie bipolaire depuis les années 1990. L’Epival est aussi efficace que le lithium pour traiter les épisodes de manie, mais considéré comme un peu moins efficace pour traiter la dépression bipolaire. Il demeure malgré tout un stabilisateur de l’humeur très utilisé dans le traitement du trouble bipolaire 1, avec notamment une plus grande efficacité que le lithium dans le contrôle des épisodes mixtes (symptômes de manie présents en même temps que des symptômes dépressifs, de l’agitation et souvent des idées suicidaires).
La dose d’Epival est ajustée à l’aide de dosages sanguins et selon la réponse clinique. C’est un médicament relativement bien toléré, mis à part le gain de poids et la sédation souvent présents. On doit surveiller le fonctionnement du foie comme tous les médicaments qui sont éliminés par celui-ci.
Il agit sur les échanges de sodium qui envoient des signaux électriques et bloquent la libération de glutamate12. On peut l’utiliser comme médicament unique dans le trouble bipolaire 2, mais pas chez les bipolaires 1, car, s’il a de bons effets antidépresseurs, il n’est pas très efficace comme «antimanie». Il n’entraîne, en général, ni gain de poids ni problèmes sexuels. Cependant, on doit débuter sa prise lentement en raison d’un risque (rare) de réaction allergique sévère, le syndrome de Stevens-Johnson, un rash (urticaire) sévère, potentiellement mortelle avec malaises et fièvre. Parfois, des patients vont voir apparaître, surtout si la dose est augmentée rapidement, des petits boutons rouges sur la peau qui disparaissent après quelques jours. Pour éviter ce rash bénin qui peut être confondu avec le syndrome de Stevens-Johnson, le médecin va débuter le lamotrigine à petites doses et augmenter la médication chaque semaine ou toutes les deux semaines jusqu’à la dose habituelle utilisée dans le traitement du trouble bipolaire, soit de 100 à 200 mg par jour.
Cet antiépileptique est aussi utilisé en prévention des migraines et pour faciliter le sevrage à l’alcool; les bipolaires sont plus souvent touchés par des problèmes de migraines et d’abus d’alcool que la population en général. Une étude a démontré son efficacité lorsqu’il est ajouté à un stabilisateur de l’humeur dans la dépression bipolaire.
Ce médicament a un effet secondaire intéressant, il fait perdre du poids en diminuant notamment l’appétit. Ses autres effets secondaires le rendent moins intéressant toutefois:
• Engourdissement des mains et des pieds;
• Changement du goût;
• Troubles attentionnels;
• Troubles de l’élocution;
• Vertiges;
• Calculs rénaux;
• Glaucome.
Des données préliminaires, qui demandent confirmation, suggèrent que le Trileptal peut être ajouté à un stabilisateur de l’humeur en prévention des rechutes. Ce médicament ressemble à la carbamazepine (Tegretol), mais semble un peu mieux toléré sur le plan des effets secondaires.
Ce médicament est souvent utilisé pour soulager les douleurs neurologiques persistantes et également pour traiter certains troubles anxieux comme la phobie sociale (ou trouble d’anxiété sociale) sévère. Il est parfois ajouté aux stabilisateurs de l’humeur chez un bipolaire souffrant d’anxiété et/ou de douleurs chroniques. Ses effets secondaires que sont la sédation, le gain de poids, les vertiges, l’œdème et les troubles attentionnels en limitent cependant son utilisation.
L’utilisation d’antipsychotiques dans le traitement du trouble bipolaire peut paraître étonnant, mais elle s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, dans le trouble bipolaire 1, des symptômes psychotiques sont très fréquents lors d’un épisode maniaque survenant dans 50 % des cas.
De plus, les bipolaires en phase de manie démontrent de l’agitation et souvent de l’agressivité. Cependant, les antipsychotiques de première génération (Haldol, Largactil) sont généralement moins bien tolérés par les bipolaires et certains d’entre eux ont même été associés à l’apparition de dépression.
Les antipsychotiques de deuxième génération (dits atypiques) sont, de leur côté, moins susceptibles de provoquer des raideurs musculaires ou des mouvements involontaires, et plusieurs études soulignent leurs effets antidépresseurs et même anxiolytiques. Cette action sur l’anxiété est particulièrement intéressante chez les bipolaires, car plus de la moitié d’entre eux affichent des symptômes d’anxiété et même un trouble anxieux (trouble obsessionnel compulsif, phobie sociale ou trouble panique). De ce fait, plusieurs d’entre eux sont utilisés dans le traitement du trouble bipolaire non seulement lors d’un épisode de manie, mais aussi en phase dépressive et comme traitement à long terme pour prévenir les rechutes. De nouveaux antipsychotiques atypiques sont ou seront bien tôt disponibles au Canada, et des études sur leur efficacité dans le trouble bipolaire et ses comorbidités devraient nous parvenir dans les prochaines années.
La clozapine a été le premier antipsychotique de la classe des neuroleptiques dits atypiques en raison du faible risque d’effets secondaires neurologiques, comme des raideurs ou des mouvements involontaires à court et à long terme (dyskinésie tardive). C’est un médicament particulièrement efficace lorsque les autres neuroleptiques ont échoué. Cependant, ses effets secondaires limitent son utilisation, surtout le risque qu’il pose d’entraîner une grave baisse des globules blancs qui défendent l’organisme contre les infections (agranulocytose). Ce risque est faible (0,5 à 2 % des cas) mais nécessite une surveillance de la formule sanguine (FSC) très fréquente, toutes les semaines pendant les 26 premières semaines, et toutes les 2 à 4 semaines par la suite. D’autres effets secondaires peuvent être incommodants: gain de poids marqué, risques de diabète et de perturbations du cholestérol, somnolence, incontinence urinaire et hypersalivation.
Approuvée au Canada depuis septembre 2007, la ziprasidone est indiquée dans le traitement de la schizophrénie et, aux États-Unis, dans le traitement du trouble bipolaire 1 en phase de manie ou en phase mixte. Elle a comme avantage de ne pas causer de gain de poids et peu de sédation. Elle peut causer des troubles du rythme cardiaque chez des personnes à risque (histoire personnelle ou familiale d’arythmie ou personne ayant fait un infarctus récent ou prenant un médicament qui élève l’intervalle QT à l’électrocardiogramme).
Santé Canada a approuvé en octobre 2007 la paliperidone pour le traitement de la schizophrénie. Ce médicament utilise une technologie conçue pour libérer ce produit de façon contrôlée sur une période de 24 heures. Des études sont en cours dans le traitement du trouble bipolaire.
Une nouvelle formulation de quétiapine à libération prolongée a récemment été approuvée au Canada pour le traitement de la schizophrénie. Cette molécule est prescrite une fois par jour au coucher et permet une augmentation plus rapide des doses. Les résultats d’études dans le cas de trouble bipolaire seront bientôt disponibles.
Non disponible actuellement au Canada. Indiqué dans le traitement de la schizophrénie, il est aussi indiqué dans le traitement de la manie. Les effets secondaires sont de l’insomnie, des étourdissements, de l’hypotension, des céphalées. Il cause peu de gain de poids et rarement de la sédation.
L’utilisation d’antidépresseurs dans le trouble bipolaire demeure l’objet de controverse et doit se faire avec doigté. Elle est cependant souvent nécessaire. En effet, malgré son côté plus flamboyant et orageux, la manie est généralement assez facile à traiter de nos jours puisque nous disposons de plusieurs médicaments antimanies efficaces.
La dépression bipolaire est habituellement plus prolongée, plus fréquente et plus complexe à traiter. La plupart du temps, c’est en phase dépressive, en proie à une souffrance indicible accompagnée d’idées suicidaires, que les patients décident de consulter et acceptent de se faire traiter. Les antidépresseurs apparaissent alors comme un choix logique. Cependant, chez les bipolaires, un antidépresseur peut induire un «virage », un passage de la phase dépressive à la phase maniaque ou mixte. On redoute ces virages, car ils s’accompagnent d’une accélération des cycles dépression-manie-dépression et d’une aggravation de la maladie bipolaire. Toutefois, des études ont rapporté que le taux de rechutes dépressives était beaucoup plus élevé chez les patients bipolaires qui avaient bien répondu aux antidépresseurs et les arrêtaient, soit 70 % comparé à 35 % de rechutes chez ceux qui continuaient l’antidépresseur, et ce, sans que le groupe qui continuait la médication (et prenait un stabilisateur de l’humeur) ne soit plus sujet aux virages en manie13. Enfin, plusieurs études ont montré des différences entre les antidépresseurs par rapport au risque d’induire un virage en manie. Ainsi, un risque beaucoup plus élevé de virage est associé aux antidépresseurs de première génération, soit les tricycliques et les inhibiteurs de la mo no amine oxydase (IMAO). Ces derniers sont de toute manière moins employés de nos jours en raison de leurs nombreux effets secondaires. Parmi les antidépresseurs plus récents, le risque d’induction de manie semble moins élevé avec le bupropion et la sertraline, et un peu plus élevé avec la venlafaxine.
Par ailleurs, les antidépresseurs, malgré leur nom, traitent aussi l’anxiété et les troubles anxieux qui accompagnent souvent le trouble bipolaire et ils sont fréquemment considérés dans l’arsenal thérapeutique des bipolaires pour cette raison. Si un antidépresseur est employé dans le trouble bipolaire, un stabilisateur de l’humeur devrait avoir été proposé en premier, afin de diminuer les risques de virage en hypomanie ou manie.
La décision du médecin de recommander l’ajout d’un antidépresseur pour un patient bipolaire déjà sous stabilisateur de l’humeur se prend, en définitive, au cas par cas, selon l’histoire du patient, la sévérité et la fréquence de ses dépressions et de ses manies, ainsi que sa réponse antérieure à différents traitements.
Le clonazepam (Rivotril) a démontré son efficacité et son innocuité (sécurité) dans le traitement de la manie, mais cette efficacité n’a pas été constatée pour le lorazepam (Ativan) ou pour les autres benzodiazépines. On les utilise parfois en traitement d’association pour l’anxiété et l’insomnie. Ils peuvent causer de la dépendance, rendant leur cessation difficile, et ils peuvent entraîner des troubles attentionnels et des problèmes de coordination qui seront aggravés par la consommation d’alcool14.
Plusieurs médicaments sont actuellement étudiés pour évaluer leur efficacité et leur innocuité dans le trouble bipolaire:
• Agomélatine (Valdoxan), un agoniste des récepteurs à la mélatonine et un antagoniste d’un des récepteurs de la sérotonine, le 5 HT2C, une combinaison permettant de normaliser le sommeil et de traiter la dépression et possiblement le trouble bipolaire.
• Pramipexole (Mirapex), un agoniste de la dopamine, utilisé pour la maladie de Parkinson.
• Riluzole, un antagoniste du glutamate.
• Scopolamine, un antagoniste des récepteurs muscariniques, utilisé pour le mal des transports.
• Nimodipine, un bloqueur des canaux calciques.
Les oméga-3 sont de plus en plus utilisés en psychiatrie pour le traitement de la dépression, seuls ou en association avec les antidépresseurs chez les unipolaires, ou avec les stabilisateurs de l’humeur chez les bipolaires. Une étude récente portant sur 85 bipolaires en dépression a montré que les oméga-3 étaient plus efficaces qu’un placebo pour atténuer les symptômes dépressifs15. La dose utilisée dans les études est habituellement de 1 g par jour de la partie acide eicosapentaenoïque (AEP) des oméga-3. On recommande de les prendre après le déjeuner, car ils peuvent causer de l’insomnie. On peut augmenter son apport d’oméga 3 en consommant deux à trois fois par semaine du poisson (anchois, sardine, saumon, maquereau, thon). Il est déconseillé d’augmenter sa consommation d’oméga-6 et 9 qui se trouvent déjà en quantité excessive dans la diète nord-américaine.
Certaines études (surtout en Allemagne) ont démontré son efficacité dans la dépression unipolaire, alors que d’autres études n’ont pas établi cette efficacité. On ne dispose pas de données indiquant une efficacité dans le trouble bipolaire, mais comme les antidépresseurs, le millepertuis peut induire des virages hypomaniaques ou maniaques. De plus, le mil lepertuis est associé à plusieurs interactions médicamenteuses et ne devrait jamais être utilisé sans en avoir discuté au préalable avec son médecin et son pharmacien.
Le S-adenosyl methionine a été démontré son efficacité dans certaines études sur la dépression unipolaire, mais pas dans le traitement du trouble bipolaire. Il peut induire des manies.
Une carence en certaines vitamines (B6, B12 ou acide folique) peut être responsable d’épisodes dépressifs. Une alimentation variée est suffisante pour obtenir la quantité de vitamines recommandée, et votre médecin peut mesurer ces concentrations en vitamines à l’aide d’une prise de sang si vous être déprimé et que vous vous alimentez plus ou moins bien. Une multivitamine ajoutée à votre traitement pourra alors être utile, mais une révision de votre alimentation est également nécessaire.
Plusieurs autres produits comme le ginkgo biloba et la mélatonine ont été étudiés en lien avec la dépression ou le trouble bipolaire, mais une efficacité antidépressive n’a pas été démontrée. Certains produits sont carrément dangereux, comme le kava kava, qui est efficace pour combattre l’anxiété, mais dont on a démontré qu’il pouvait causer des dommages au foie.
Il est déconseillé aux patients de faire des essais de traitement à l’aide de vitamines ou de produits naturels sans en discuter avec leur médecin. Une discussion sur les bénéfices et les risques potentiels de chaque produit est préférable. Méfiez-vous des produits «miracles» dont l’efficacité et l’innocuité n’ont pas été évaluées de façon rigoureuse.
Les patients bipolaires en dépression ont souvent des symptômes similaires à ceux qui souffrent de dépression saisonnière, c’est-à-dire la somnolence, une fatigue très marquée, une tendance à manger plus et plus d’aliments sucrés (rages de sucre), un ralentissement des mouvements et des troubles attentionnels. Lorsque la baisse de luminosité se fait sentir à l’automne, en Amérique du Nord, le cerveau sécrète moins de certains neurotransmetteurs importants dans la régulation de l’humeur, comme la sérotonine. On peut contrecarrer cette baisse en exposant les personnes qui souffrent de dépression saisonnière à de la lumière blanche (pas les ultraviolets utilisés dans les salons de bronzage) durant 30 minutes par jour, le matin au réveil. La lumière utilisée dans les salons de bronzage n’a aucun effet sur les symptômes de la dépression saisonnière, car elle ne contient pas de lumière blanche et les ultraviolets sont réputés cancérigènes pour la peau.
Dans la maladie bipolaire, la luminothérapie peut être utilisée dans certains épisodes dépressifs survenant à l’automne ou durant l’hiver, à condition que la personne prenne aussi un stabilisateur de l’humeur. On exposera le patient moins longtemps (15 minutes par jour), car il y a un risque d’induire un virage hypomaniaque.
Approche mal aimée, s’il en est une. Elle est de nos jours appliquée de façon sécuritaire et demeure l’un des traitements les plus efficaces lorsque les autres approches ont échoué ou ne peuvent être utilisées, par exemple, chez des patients mélancoliques qui refusent de s’alimenter ou demeurent immobiles, comme pétrifiés des journées entières, ou encore, chez la femme enceinte sévèrement déprimée ou psychotique. Les patients qui reçoivent ce traitement sont sous anesthésie générale durant quelques minutes tout au plus. L’anesthésiste leur injecte d’abord un relaxant musculaire qui empêche des spasmes musculaires de se produire lors de l’application du courant électrique. Ce dernier est appliqué de une à deux secondes par des électrodes stratégiquement disposées sur la tête. Le courant provoque une brève crise d’épilepsie. 80 % des patients voient leur dépression ou leur manie diminuer en quelques semaines après 6 à 12 électrochocs. Les effets secondaires, associés notamment aux anesthésies, sont des troubles de la mémoire récente, habituellement transitoires, mais sont moins importants avec l’application unilatérale des électrodes (sur un seul côté de la tête).
L’utilisation d’ondes magnétiques comme celles utilisées dans les examens radiologiques de résonance magnétique commence à être étudiée dans le traitement de la dépression. Cette procédure ne nécessite pas d’anesthésie ni de relaxants musculaires et induirait moins de troubles de mémoire que la sismothérapie. Elle serait toutefois moins efficace dans le traitement de la manie et pourrait même induire un virage maniaque chez des bipolaires déprimés. Certains centres de recherche et de traitement des troubles de l’humeur l’utilisent déjà et plusieurs études sont en cours.
Un groupe d’experts canadiens (réseau CANMAT) a révisé toute la littérature scientifique portant sur le trouble bipolaire en évaluant la qualité des études disponibles et a établi des lignes directrices pour le traitement des patients souffrant de troubles bipolaires. Ces lignes directrices ont récemment été mises à jour en tenant compte des nouvelles études publiées à l’échelle internationale. Des lignes directrices sont ainsi disponibles pour le traitement de la manie aiguë, de la dépression bipolaire et pour le traitement à long terme visant la prévention des rechutes. On peut consulter ces lignes directrices sur le site web de CANMAT: www.canmat.org
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10 GOLDBERG, J.F., «Treatment of bipolar disorders», Psychiatric clinics of North America: annual of drug therapy, vol. 7, 2000, p. 115-149.
11 BOWDEN, C., «Clinical correlates of therapeutic response in bipolar disorder», J Affect Disord, vol. 67, 2001, p. 257-265.
12 STAHL, SM., Essential psychopharmacology. The prescribers’s guide, Cambridge University Press, 2005.
13 ALTSHULER, L.L. et collab., «Impact of antidepressant descontinuation after acute bipolar depression remission on rates of depressive relapse at 1-year follow-up», Am J Psychiatry, vol. 160, n° 7, juillet 2003, p. 1252-1262.
14 CURTIN, F., et P. SCHULZP, «Clonazepam and lorazepam in acute mania: a bayesian meta analysis», J affective disorder, vol. 78, 2004, p. 201-208.1
15 FRANGOUS, S. et collab., «Efficacy of ethyleicosapentaenoïc acid in Bipolar depression», Br J Psychiatry, vol. 188, no 46, 2006, p. 50.