« Il n’est pas si compliqué de découvrir sa place dans le monde. Votre place dans le monde est là où l’on a besoin de vous. »
MURIEL STERLING,
Savoir qui l’on est : Un parcours de femme
Bill Will mit un point d’orgue à son numéro en jetant en l’air son chapeau, tout en criant :
— Yahou !
Hildy rivait sur lui des yeux hébétés, tandis que Lila le fusillait du regard, telle une sévère institutrice en colère. Mais tous les autres spectateurs lui réservèrent une ovation.
On entendait également de très nombreux rires, et Samantha avait l’impression que son visage tout entier était en feu. Elle parvint cependant à garder son sang-froid.
— Sacré spectacle, Bill…, dit-elle.
Il lui sourit jusqu’aux oreilles :
— J’avais juste envie de vous montrer votre futur Monsieur Idéal en action.
Sur ces mots, il adressa à Nia son sourire puissance maximale :
— Je vais passer dans le journal ?
— Assurément, lui répondit Nia d’un ton résolu.
Sur le coup, Samantha eut bien du mal à se retenir de lancer un juron.
L’une des quatre mamans invita Bill à les rejoindre à leur table, et celui-ci s’éloigna en se pavanant. Samantha ne put s’empêcher de jeter un regard furtif en direction de Blake. Attendant son tour pour passer commande, il se tenait à l’écart.
C’était ce qu’il avait de mieux à faire. Venir la voir pour parler de sa participation au concours ne ferait qu’ajouter encore à son hypocrisie.
Samantha se tourna vers Nia :
— Vous n’allez pas réellement publier cette photo, n’est-ce pas ?
— Bien sûr que si. Les gens vont adorer.
— Mais le festival est loin de se résumer au concours de Monsieur Idéal, protesta Samantha.
— Ne vous inquiétez pas. Je le sais. A présent, indiquez-moi comment vous est venue cette idée et ce à quoi nous pouvons nous attendre.
Samantha se lança donc dans son boniment. Quant à Nia, elle consignait tout sur son ordinateur portable. A la fin de l’entretien, Samantha s’était inoculé une dose d’enthousiasme encore plus importante que celle qu’elle avait insufflée à Nia.
C’est alors qu’elle aperçut Bill Will qui se dirigeait vers elles, probablement pour renouveler sa prestation.
— J’ai tellement à faire…, déclara-t-elle. Je ferais mieux de retourner au bureau.
— Oui, je comprends, lui dit Nia. Et verrouillez bien votre porte.
Samantha s’éclipsa sans plus attendre. Mais dans sa fuite pour échapper à Bill Will, elle ne remarqua pas qu’elle fonçait droit sur Blake. Ils faillirent se heurter, et ce dernier écarta sa tasse juste à temps pour éviter que son costume ne se retrouve maculé de café.
— Je suis désolée…, lança-t-elle en se hâtant vers la sortie.
Mais il poussa la porte et la suivit à l’extérieur.
— J’ignorais que vous produisiez aussi des comédies musicales. Je suppose que les auditions sont closes pour aujourd’hui ?
Ses joues la brûlaient.
— Vous êtes vraiment très drôle. Peut-être devriez-vous laisser tomber la banque pour devenir humoriste.
— Vous viendriez me voir sur scène ?
— Est-ce que je pourrais jeter des tomates pourries ?
— J’aimerais autant de l’argent, répliqua-t-il, un sourire aux lèvres.
Cela, elle le savait parfaitement.
Conscient qu’il venait de gaffer, Blake s’éclaircit la voix :
— Ainsi donc, c’est l’un de vos candidats à Monsieur Idéal ?
— Pourquoi cette question ? rétorqua-t-elle en maugréant. C’est le concours qui vous fait peur ?
Mais il se contenta de secouer la tête.
— Bon, poursuivit-elle, je resterais volontiers ici toute la journée à vous écouter me passer de la pommade, mais j’ai une entreprise à sauver.
Et, sans lui laisser le temps de répliquer, elle traversa la rue en courant. Cecily avait raison. Les hommes !
* * *
Blake regardait Samantha filer à toute allure vers son entreprise. Lorsque Dieu avait attribué des corps de rêve, elle avait dû être la première servie dans la file d’attente. Sans compter ces lèvres charnues. Est-ce que les femmes avaient la moindre idée de l’effet qu’avait sur un homme ce genre de détail, lorsqu’elles les revêtaient de gloss ?
Renfrogné, il se débarrassa de son café dans la première poubelle. Il admirait la détermination de Samantha à sauver son entreprise, ainsi que les solutions judicieuses qu’elle élaborait. Il aurait aimé le lui dire, mais s’il s’y risquait, il y avait de grandes chances qu’elle lui réponde que son admiration, il pouvait la garder… Il tenait le rôle du méchant, dans cette histoire, et rien de ce qu’il pourrait dire ou faire ne changerait les choses. Quelle cruelle ironie du sort ! Il ne comprenait pas ce qu’il avait bien pu faire pour mériter ça mais, manifestement, quelqu’un, tout là-haut, l’y avait prédestiné.
* * *
Cecily venait tout juste d’apporter la touche finale à l’installation de sa galerie de photos des « Monsieur Idéal » potentiels lorsque sa sœur poussa la porte.
— Est-ce que Bill Will t’a trouvée ?
Question stupide, compte tenu de l’expression qui se lisait sur le visage de Samantha.
Celle-ci lui demanda avec un air contrarié :
— Ce fiasco, c’était ton idée ?
— Qu’est-ce qu’il a fait ? lui demanda Heidi, tout en procédant au réassortiment des étagères.
— Il m’a pratiquement gratifiée d’une danse-contact érotique en plein milieu du Bavarian Brews. Et, bien évidemment, Nia a pris des photos.
Cecily ricana. C’était dur, mais elle n’y pouvait rien. Le tableau de sa sœur aînée recevant, en public, le cadeau de Bill Will était tout simplement désopilant.
— Ravie de constater que tu trouves ça amusant. Tu m’assures que ce n’est pas toi et Bailey qui avez mis ça au point ?
— Absolument, se défendit Cecily. Je suis sincère.
Heidi vola à son secours :
— C’est exact. Il est venu ici vous chercher et nous l’avons informé que vous étiez là-bas. Nous n’avions aucune idée de ce qu’il allait faire.
Mis à part que, connaissant Billy Williams, Cecily avait dû soupçonner qu’il méditait un gros coup. Et il n’avait pas déçu. Son petit tour de force valait largement un millier d’annonces publicitaires.
Avant de gravir à grands pas l’escalier menant à son bureau, Samantha lança :
— Si quelqu’un d’autre me cherche, je ne suis pas là, je suis partie vivre à Tahiti.
Incapable d’effacer le sourire qui s’était dessiné sur ses lèvres, Heidi fit remarquer :
— Votre pauvre sœur…
— Ce n’est pas simple d’être la reine du chocolat, répondit Cecily. La royauté a un prix !
Etre une reine sans roi en avait un aussi, songea Cecily. Pauvre Samantha, qui portait sur ses épaules un si lourd fardeau de responsabilités… Sa vie serait tellement plus facile si elle avait eu un roi !
Et Cecily avait une drôle d’intuition sur l’identité de ce roi-là. Elle était dans l’incapacité d’imaginer son propre compagnon idéal mais, dès qu’il s’agissait d’autrui, elle avait le don d’assortir les personnes. Et ce qui était dément, c’est qu’elle continuait à associer sa sœur avec Blake Preston.
C’était absurde, bien sûr. Manifestement, son acuité s’émoussait. C’était là une raison supplémentaire d’avoir abandonné son agence de rencontres.
En revanche, elle n’avait pas la moindre piste sur ce que serait son avenir à elle. Dans l’immédiat, elle comptait aider sa sœur pour le festival et travailler chez Charley. Elle était passée au Zelda’s pour proposer ses services, et Charley avait été absolument ravie de l’embaucher comme serveuse pour les week-ends. A l’exclusion expresse du week-end du festival, évidemment. L’argent qu’elle gagnerait, ajouté à ses quelques économies, lui permettrait de tenir jusqu’au printemps. Ensuite… Qui savait ce que l’avenir réserverait ? Remises sur pied, les affaires de Sweet Dreams repartiraient, de sorte que Samantha n’aurait plus besoin d’elle. Leur mère, qui sortait progressivement de sa dépression, se sentirait de nouveau en forme, et personne ne se soucierait réellement qu’elle reste là ou pas.
Enfant, elle avait souvent eu l’impression d’être invisible. Par exemple, non seulement leur mère avait soigneusement complété le carnet de bébé de Samantha, mais, en outre, elle l’avait agrémenté de commentaires et de photos. Celui de Cecily, lui, n’était qu’à moitié rempli. Bien sûr, leur mère l’aimait aussi : elle ne s’était jamais montrée avare de mots tendres ni de baisers envers elle. Mais le temps était un élément qu’elle avait eu du mal à répartir d’une manière égale, en particulier après l’arrivée de Bailey dans la famille.
C’était difficile de se sentir appréciée dans sa singularité en étant l’enfant du milieu, la cadette prise en sandwich entre miss Parfaite et miss Adorable. Samantha était la merveilleuse aînée, et Bailey la petite dernière qui divertissait tout le monde avec ses singeries. Cecily, elle, était… la discrète, la tranquille, le second rôle à côté des deux stars.
Aussi qu’avait-elle fait, une fois adulte ? Elle était devenue conseillère en rencontres, endossant ainsi un nouveau rôle de soutien aux autres, s’efforçant d’offrir aux gens l’histoire d’amour dont ils rêvaient, tout en gérant, sans beaucoup de succès, sa propre vie amoureuse. Pathétique…
Eh bien, après le festival, elle prendrait un nouveau départ, elle irait peut-être s’installer de l’autre côté des montagnes, du côté de Seattle. Et là… elle ferait quoi ? Son avenir se fondait dans une épaisse brume.
Avec un peu de chance, elle saurait allumer ses feux anti-brouillard pour trouver sa route. Mais pour l’heure, elle allait rentrer déjeuner à la maison. Elle annonça alors à Heidi :
— Je crois que ce sera tout pour aujourd’hui. Je vais te laisser tranquille pour accueillir les clients de l’heure du déjeuner.
La pause déjeuner ne serait certainement pas un grand moment d’affluence. Leurs ventes du milieu de semaine n’avaient pas été très reluisantes, à ce jour… Encore un sujet de préoccupation pour Samantha.
La porte s’ouvrit brusquement.
— Trop tard, répliqua Heidi.
Une fillette aux yeux d’un beau bleu centaurée et à la chevelure blonde tout en boucles se rua à l’intérieur de la boutique, suivie par une femme mince, d’âge mûr, en laquelle Cecily reconnut aussitôt Bernadette Goodman, la mère de Luke, leur directeur de la production.
Luke était plus âgé que Samantha d’une dizaine d’années et travaillait pour Sweet Dreams depuis son adolescence, époque à laquelle il avait commencé à faire ses premières armes sur la chaîne de fabrication. Lorsque, quelques années plus tard, leur directeur de la production de l’époque avait rejoint une entreprise plus importante, la probité sans faille et les bonnes aptitudes relationnelles de Luke l’avaient imposé comme l’homme de la situation pour reprendre le flambeau. Son épouse était décédée deux ans plus tôt. Et Bernadette l’aidait, depuis, à élever sa fille.
Cecily n’avait pas revu la fillette depuis que celle-ci était toute petite : Serena avait perdu sa physionomie de bébé. C’était désormais une superbe enfant. Qu’il était triste que sa mère ne soit plus en vie pour la voir grandir…
Serena annonça joyeusement :
— On est venues chercher mon papa. Mon papa, il va nous emmener manger des hangaburgers.
Heidi répéta en essayant de garder son sérieux :
— Des hangaburgers ? Ça a l’air délicieux.
— Mamie a dit qu’après, on pourra revenir manger un chocolat, poursuivit la fillette.
— Voilà une excellente idée, approuva Cecily, tout en saluant Bernadette Goodman.
— Cecily, lui demanda alors cette dernière, j’ai entendu dire que vous étiez de retour en ville. Est-ce que vous collaborez au festival ?
— Oui, Bernadette.
Cecily n’avait jamais été aussi présente que Samantha dans l’entreprise, et elle n’était assurément pas aussi brillante que Bailey. Aussi se réjouit-elle que Bernadette se souvienne d’elle.
— Je suis sûre que Samantha apprécie l’aide que vous lui apportez, poursuivit Bernadette.
Cecily se remémora la toute récente sortie exaspérée de sa sœur et sourit :
— Oui, j’en suis sûre, moi aussi.
Puis elle se pencha pour s’adresser à la petite fille :
— Tu es une grande fille maintenant, hein ?
Serena acquiesça dans un mouvement de la tête qui fit rebondir ses boucles. Puis, tendant en avant quatre doigts pour appuyer ses paroles, elle déclara :
— J’ai quatre ans.
— C’est l’âge qu’il faut pour avoir droit à un chocolat, répondit Cecily avec un sourire. Lequel préfères-tu ?
— Le chocolat au lait ! répondit vivement Serena.
Comme c’était mignon… La fillette avait déjà arrêté ses choix en matière de chocolat.
— Tu sais, enchaîna Cecily, il se trouve que nous en avons un ici qui porte ton prénom.
Se tournant vers Bernadette, elle demanda :
— Ça ne risque pas de lui couper l’appétit ?
— Pas du tout, répondit Bernadette, ouvrant son porte-monnaie.
— C’est gratuit pour tous les membres de la famille Sweet Dreams.
Tandis que Serena sautillait d’impatience, Cecily, après avoir enfilé un gant en plastique, retira une grosse friandise d’un bocal de chocolats en vrac vendus à la livre. Puis elle la présenta à la fillette, qui s’en saisit avidement.
Bernadette souffla à l’enfant :
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Merci ! répondit la fillette en chantonnant.
Mais elle examina la gourmandise et plissa le front.
— Quelque chose ne va pas ? lui demanda aussitôt Cecily.
Serena répondit, lui tendant le chocolat pour vérification :
— Je vois pas mon prénom dessus.
Les trois femmes sourirent et Bernadette expliqua :
— C’est une expression, ma chérie. Cela signifie que Cecily te réservait ce chocolat, rien que pour toi.
Serena afficha un sourire resplendissant et fourra le chocolat tout entier dans sa bouche. Alors qu’une petite traînée de chocolat dégoulinait le long de son menton, elle finit par donner son avis :
— C’est bon.
Sa grand-mère la réprimanda un peu, tout en essuyant son menton avec un mouchoir en papier.
— Serena Hope, que dira ton papa s’il te voit toute tachée de chocolat ?
Mais une voix masculine répondit :
— Il dira : « Un client satisfait de plus. »
Se retournant, Cecily vit Luke entrer dans la boutique par la porte qui séparait celle-ci de la fabrique. C’était un homme grand et costaud, à la peau et aux cheveux clairs, au visage rond. Il n’était pas suffisamment bel homme pour remporter la victoire au concours de Monsieur Idéal, mais il était charmant. Et de fait, l’adjectif « charmant » semblait parfaitement définir Luke Goodman. C’était le gentil voisin, le grand frère parfait, l’ami assis à côté de vous en classe.
Mais l’alchimie que Cecily ressentait en l’observant s’arrêtait là. Un bosseur, un homme fidèle et dévoué à sa famille : l’idéal masculin de n’importe quelle femme. Pourquoi, mais pourquoi donc ses stupides hormones ne se réveillaient-elles pas à sa vue comme elles le faisaient systématiquement quand elle croisait Todd Black ?
Serena se précipita vers Luke en s’écriant :
— Papa !
Il la souleva dans ses bras et déposa un baiser sur sa joue.
— Tu sens le chocolat, lui dit-il. Je vais t’engloutir tout entière.
Il fit mine de la dévorer en l’embrassant dans le cou, ce qui provoqua de la part de l’enfant tortillements et cris nerveux.
— Arrête, papa, protesta-t-elle timidement.
Son père l’embrassa alors une dernière fois avant de la poser au sol et de reporter son attention sur Cecily. La lueur de ses yeux indiqua à celle-ci que ses hormones à lui ne somnolaient pas.
— Bonjour, Cecily. Ça fait un bail que nous ne t’avions pas vue ici.
Quelle femme n’aimerait pas avoir un homme comme ça ? Allez, réveillez-vous !
Mais ses hormones dormaient profondément…
Il est bien bâti. Tu aimes les types bien bâtis, non ?
En fait, ses hormones ronflaient…
Laisse tomber, se dit Cecily. Tu étais clairement destinée à être célibataire.
Le visage basané de Todd Black lui vint à l’esprit.
Célibataire… ou idiote.
Non, terminé les idioties. Elle en avait soupé des types comme Todd Black. Elle en avait soupé des hommes, un point c’est tout. Au bout de deux années à gérer une agence de rencontres, elle avait eu plus d’occasions qu’il n’en fallait de les étudier de près. Elle les entendait encore… Je cherche une femme qui fasse au moins du 95C… Quoi ? Mais non, ce n’est pas pour me marier. Je cherche juste une relation. (Traduction : une aventure sexuelle.) Oh, oui ! elle en avait assez vu, des mâles, et pour le restant de ses jours !
Puis elle se souvint que tous les hommes qui faisaient appel à son agence n’étaient pas semblables à ces spécimens caricaturaux. Celui-ci, c’était certain, n’appartenait pas à la même catégorie. Elle lui rendit son sourire.
— Comment vas-tu, Luke ?
— Je n’ai pas à me plaindre. J’ai appris que tu étais de retour.
La nouvelle avait, apparemment, fait le tour de la ville. Cecily montra les photos des candidats en ajoutant :
— Et occupée !
Il approuva d’un signe de la tête.
— Du moment que c’est bon pour les affaires, n’est-ce pas ?
Il trouvait donc ça un peu kitch, lui aussi. D’ailleurs, ce concours était peut-être légèrement hypocrite, vu les jugements critiques qu’elle portait elle-même sur certains de ses clients. Mais Cecily s’empressa de balayer cette pensée.
— J’ai faim, papa, réclama Serena à ce moment.
— Très bien, ma puce, lui dit son père.
Puis il ajouta à l’intention de Cecily :
— Nous allons chez Herman’s. Est-ce que ça te dit de te joindre à nous ?
Herman’s Hamburgers était l’un des endroits les plus prisés de la ville, un restaurant très réputé pour ses hamburgers Herman The German 1, si gros qu’il n’existait sans doute aucun être humain capable d’en venir à bout.
Cecily aurait bien aimé voir comment la petite Serena allait s’y prendre pour manger tout ça, mais elle ne voulait pas donner à Luke de faux espoirs. Aussi préféra-t-elle décliner l’invitation.
— Désolée, mais je dois absolument rentrer à la maison.
Le sourire de Luke avait perdu de son entrain. Aussi, pour atténuer la blessure d’amour-propre qu’elle lui avait infligée, elle ajouta :
— Mais merci pour ton invitation.
— Je t’en prie. Avec plaisir.
Serena pressait maintenant son père :
— On y va, papa ?
Il venait de se débarrasser de sa déception comme un gros chien s’ébroue en sortant de l’eau.
— D’accord. Allez, venez, toutes les deux. Allons nous battre contre Herman the German et son armée de frites à l’ail.
En quittant la boutique, Bernadette s’adressa à Cecily avec amabilité :
— C’était très agréable de vous revoir. Passez donc à l’occasion prendre un café.
— D’accord, je n’y manquerai pas, répondit Cecily, sachant qu’elle proférait un pieux mensonge.
Comme la porte se refermait derrière Luke et sa famille, Heidi fit remarquer :
— Quel homme charmant…
Cecily ne put qu’approuver.
— C’est vrai, reconnut-elle.
Il y avait forcément, quelque part, une femme qui lui était destinée.
Cecily se reprit promptement : Tu ne t’occupes plus de rencontres, que je sache ! Par conséquent, Luke devrait se débrouiller sans elle.
1. . Herman l’Allemand (NdT).