Roberto Barazzutti et Philippe Hroděj
Administrateur Société française d'Hisore maritime
Maître de conférences, Université de Bretagne-Sud (Lorient)
La période qui court du début du XVIIe siècle jusqu'à la décennie 1660 constitue une période d'intense conflictualité de par les mers et les océans. Paradoxalement, c'est une des périodes les plus méconnues. Si les traités de Westphalie, qui mettent fin aux guerres de Trente Ans et de Quatre-vingts ans, annoncent les prémices de conflits futurs dans lesquels les objectifs économiques et coloniaux se révèlent au grand jour, la gestation a bien lieu durant ces premières décennies du Grand Siècle, des points de vue militaire, technique et maritime. En effet, ce que G. Parker{157} a qualifié de « Révolution militaire », disons mutation, concerne aussi la mer avec la mise en place de marines permanentes qu'accompagne un renforcement du contrôle social et économique des sociétés, ainsi qu'une augmentation de la puissance de feu des navires, conduisant à un changement dans la conduite stratégique de la guerre maritime. Un cap est franchi au milieu du XVIIe siècle. Les recherches de J. R. Bruijn et J. Glete sont éclairantes{158}. L'utilisation des corsaires par l'État est liée à sa puissance. Lorsque celle-ci est suffisante et que la politique maritime est volontariste, l'État préfère privilégier une flotte de guerre. En 1585 comme en 1600, l'Espagne tient le haut du pavé avec 51 vaisseaux ce qui équivaut à peu près aux flottes anglo-hollandaises (64 puis 75 vaisseaux). Chacune de ces trois puissances accroît par la suite ses effectifs, particulièrement les Provinces-Unies talonnées par l'Angleterre. Les arrangements sont encore possibles. La Couronne espagnole délègue auprès de constructeurs privés subventionnés, tout en gardant la main sur un cahier des charges très réglementé en vue d'une normalisation, que ce soit à Bilbao, Saint-Sébastien ou Pasajes. Les galions nouveau modèle (ou galions rapides) sont davantage spécialisés pour la guerre qu'ils l'étaient auparavant tout en conservant un apanage commercial. Chaque amirauté des Provinces-Unies est équipée d'un arsenal relativement restreint, car il faut éviter de conserver trop de navires. Le processus va à contre-courant de l'entreprise espagnole, les chantiers construisent des vaisseaux qui sont revendus quelques années plus tard aux particuliers. Le complément des escadres se fait par louage. Au vu de l'importance de la flotte marchande, cela ne pose pas de problème. En Grande-Bretagne des navires privés continuent à être utilisés comme auxiliaires navals, bien que sous le règne de Charles Ier, le programme de construction initié permet à certaines escadres d'être exclusivement composées de navires royaux. Oliver Cromwell contribue à l'accélération de ce programme, la marine parlementaire étant clairement un outil d'enrichissement possible. Entre-temps, une nette différence se fait sentir quant à la nature d'un vaisseau. Pour ne parler que de coût, en 1642, un vaisseau hollandais de 57 canons nécessite de débourser 42 000 florins, soit »3 620. En 1692, les Anglais paient 83 000 florins, soit »9 150, pour le même type de vaisseau soit près du double. Les dépenses s'accroissent donc considérablement tandis que d'autres facteurs entrent désormais en ligne de compte, la course aux armements navals ne revêtant pas qu'un aspect numérique. Jusqu'à présent, la puissance navale de l'État se satisfaisait d'objectifs limités comme envoyer des troupes et des marchandises à un point désigné et empêcher l'ennemi d'avoir cette capacité, d'où une politique au coup par coup sans grande planification. Les batailles navales laissaient d'ailleurs, de par la position des canons sur les châteaux et gaillards, une large place à l'abordage, au combat au corps à corps. En 1588, pour constituer son armada, l'Espagne avait réquisitionné de grands navires marchands faiblement armés{159}. L'arquebuse, le mousquet, l'arc, le pot incendiaire étaient, avec le brûlot, les principales armes utilisées des deux côtés. Tout change dès les premières décennies du siècle suivant. Le vaisseau de ligne se profile, compromis entre la puissance de feu renforcée – et donc le poids conséquent de l'artillerie de gros calibre – et la stabilité d'une plate-forme que le vent fait se mouvoir. Le tâtonnement a été ponctué de catastrophes, de la Mary Rose à la Couronne en passant par le Wasa. En Grande-Bretagne, les experts, tirant sans doute les leçons de la formation adoptée par Tromp en 1638, poussent à l'attaque en ligne de file en tirant des bordées sur le travers pour maintenir une ligne de feu, ce qui oblige à combler les brèches et garder son rang en étant attentif aux mouvements décidés par le commandant en chef : il n'y a plus de place pour un navire marchand dans un tel dispositif. La course s'adapte et conservera la pratique de l'abordage de l'ennemi jusqu'à en faire une spécificité. Elle avait fait le tour du monde avec Drake et Cavendish. Elle s'étoffe et se diversifie désormais conservant nonobstant ce rôle de pompe à finances. Au cours de cette période d'une soixantaine d'années, la course ou guerre de course se structure, achève sa mutation juridique, joue un rôle dans les stratégies de conquête et de défense des gouvernements européens en englobant le monde colonial.
Le traité de Londres (1604) présente d'emblée une double conséquence. Tout d'abord, il fait opérer un retour à la piraterie. Elle se développe dans d'autres directions, étend son rayon d'action et atteint son point culminant vers 1615 pour finalement disparaître presque intégralement au cours des années 1620. Le second versant des effets du traité, corolaire du premier, est de favoriser une course illégale, qui profite du prolongement de la guerre jusqu'en 1609 entre Espagne et Provinces-Unies. L'organisation de ce que C. M. Senior nomme the confederation of Deep-Sea Pirates est digne d'intérêt en ce qu'elle servira de modèle dans des structures ultérieures et ce jusqu'à nos jours{160}. S'y trouvent des bases discrètes sur les côtes sud de l'Irlande, avec un hivernage au Maroc (la Mamora), alimentées par des marchés permettant d'armer les navires, de réunir des équipages, de les distraire et de les plonger dans l'endettement, l'objectif principal de ces bases étant d'écouler le butin. Cette économie d'avant blanchiment fonctionne grâce à la complicité intéressée des colons anglais en Irlande, des marchands et négociants maures, juifs, hollandais, italiens et même espagnols qui utilisent le port de Livourne comme entrepôt pour la Méditerranée. Les bancs au large de Terre-Neuve, les graves de la Grande Île sont des zones de prédation où de façon saisonnière, avec l'arrivée des pêcheurs, les écumeurs des mers trouvent à compléter les équipages, du matériel de rechange et des vivres. Au moment de la dislocation, l'expérience acquise se révèle précieuse. Des pirates se font renégats au service de la Porte ou à Salé la marocaine, ou servent le grand-duc de Toscane dans l'autre camp. D'autres enfin prennent la route des West Indies. La démonstration est faite : pour préserver son unité et déployer sa force, une telle société doit bénéficier d'infrastructures, de relais parmi les populations, et nécessite aussi de ne pas se couper du commerce et de disposer de bases sûres. L'intention de Grenville puis de George Clifford était de faire de Puerto Rico une base anglaise. Walter Raleigh marque l'île de Trinidad comme un point d'attache intéressant, permettant d'accéder autant aux côtes guyanaises et brésiliennes qu'à celles de Terre-Ferme. La flibuste antillaise saura s'en rappeler à partir de Saint-Christophe dès 1623, Providence et la Tortue dès 1630.
Sous Jacques Ier Stuart comme sous le règne de son fils, Charles Ier, l'engagement naval n'offre que peu d'intérêt si ce n'est la grande confusion entretenue à l'égard de la France et de l'Espagne jusqu'en 1630. J. Appleby dans sa thèse montre que l'entourage de George Villiers, fait duc de Buckingham, se livre à des activités frauduleuses dont des actes de piraterie exercés à l'encontre de marchands français : Kenelm Digby parmi les capitaines corsaires et John Hippisley parmi les armateurs{161}. La suite est plus difficile à appréhender. La guerre civile couve pour éclater dès 1638. Mutineries et rebellions favorisent assurément les actes de corso-piraterie. Sous la direction de Cromwell le Parlement croupion (Rumb) remet en place une marine. La Navy se dote d'une centaine d'unités entre 1649 et 1652, début de la première guerre anglo-hollandaise. Un quart provient d'achats mais aussi de prises. Elle s'étoffe en personnel, devenant une force majeure au service de la politique étrangère et coloniale, nettement plus agressive qu'auparavant. Le Lord Protector s'oppose à l'Espagne comme championne du catholicisme, à la France qui soutient Charles II et aux Provinces-Unies, pourtant coreligionnaires, pour des raisons commerciales. Les royalistes, depuis les côtes françaises, irlandaises, flamandes ou antillaises, utilisent la course, la seule arme dont ils disposent désormais sur mer, avec tous les dangers qu'elle peut provoquer en matière diplomatique. Il paraît peu probable que les pertes, même considérables, aient été en mesure de déstabiliser le commerce britannique qui connaît une expansion remarquable durant le Commonwealth. Face aux grands amiraux de Cromwell (generals at sea Robert Blake, Richard Deane, George Monck et William Penn), le prince Rupert, avec quelques vaisseaux appuyés de corsaires irlandais, constitue une flotte d'une trentaine de voiles qui infeste les côtes infligeant des pertes importantes. L'Irlandais Thomas Plunket attaque en meute des convois, d'autres corsaires pénètrent dans la Tamise, désorganisent les pêcheries, rançonnent de petites prises, saisissant des navires transportant du grain pour le marché de Londres. Des capitaines français courent sous commission de Charles II comme Thimoleon Hotman de Fontenay ou le chevalier Anglure de Bourlemont. La situation ne s'améliore que lorsque les îles Anglo-normandes et celle de Man sont à nouveau contrôlées par Cromwell ainsi que les ports irlandais. Le prince Rupert est pourchassé par Robert Blake en Méditerranée, aux Açores, à la Barbade jusqu'aux îles Vierges. Les corsaires français profitent également de la situation, notamment en Méditerranée ou sur la route du retour. En 1649, la Levant Company annonce la capture de huit navires pour 300 000, en 1650 dix-huit captures pour ;500 000. En représailles, les Anglais reçoivent l'ordre de prendre sur les Français. En septembre 1652 Blake, s'empare de la quasi-totalité de la flotte de Vendôme, venue défendre Dunkerque{162}. Devant les protestations, le Parlement croupion indique que le pays n'est pas en guerre contre la France et que ces vaisseaux peuvent être échangés contre les prises faites les dernières années. La Navy pirate comme outil de persuasion ? Mazarin doit ravaler sa fierté (to swallow his pride) et envoyer un négociateur.
La guerre contre la Hollande court de 1652 à 1654. Elle est la conséquence directe du premier Navigation Act voté par le Rump en 1651, ainsi que de plusieurs incidents navals et d'un fort ressentiment anglais après le massacre d'Amboine. Il s'agit d'une guerre d'escadres où s'affrontent de grands amiraux. Maarten Tromp et Robert Blake sont tour à tour victorieux, mais Tromp est tué à la bataille du Texel (juillet 1653) et les États acceptent le Navigation Act au traité de Westminster. Ils acceptent également la présence de navires anglais en mer du Nord et en Baltique, ce qui permet à Cromwell de négocier avec la Suède et le Danemark des accords de commerce tout en renforçant le bloc protestant. Cependant l'argent manque. Le Lord Protector demande »400 000 à la France pour intervenir contre l'Espagne, mais aussi »300 000 à l'Espagne pour attaquer les côtes françaises. Une fois mis en évidence l'incapacité des deux pays à payer, une opération aux Antilles est planifiée dans le cadre du Western Design. Elle est dirigée par Robert Venable et William Penn en 1655, sans déclaration de guerre hors un ultimatum au dernier moment sur l'obligation de libérer le commerce colonial pour les sujets anglais. Les massacres de Providence et de la Tortue alimentent le ressentiment populaire, la course reposant toujours sur la propagande. Après cet épisode de chantage diplomatique digne d'un pirate de la part de Cromwell, la course incarne le vecteur offensif du Western Design. Il s'agit de faire main basse sur les Plate ships espagnols voire de renouveler l'exploit de Piet Hein en capturant la silver fleet aux abords de La Havane. Ne demeure de ce projet que la Jamaïque, immédiatement transformée en repaire principal de la flibuste. La guerre est déclarée par l'Espagne comme une pure formalité. La suite appartient à la course flamande.
La course néerlandaise a d'abord contribué au respect de la prohibition du commerce avec l'ennemi. Les interlopes sont menés à Flessingue dès 1584. Une petite course de compensation face aux pertes commerciales et piscicoles des Zélandais tandis que les marchands de Hollande font lever les interdictions de commerce dès 1587. Les investissements ne sont pas seulement locaux, mais proviennent aussi du reste du pays ou de l'étranger. Il est vrai que la course zélandaise est source de profits illicites. Cette pratique traîne jusqu'à ce que Philippe III, désireux d'en finir avec les rebelles et de briser une rapide expansion économique, rompe tout commerce avec les Sept Provinces. La réaction est immédiate. Le décret d'avril 1599 autorise la prise des biens et marchandises espagnoles et portugaises, tandis que tout commerce est interdit avec la péninsule Ibérique, ce qui vaut autant pour les Néerlandais que pour les étrangers. Le champ offert à la course s'élargit considérablement en marge des blocus mis en place par la flotte de guerre de Pieter van der Does, lui-même fils de gueux. En 1604, les corsaires sont encouragés à se rendre aux Indes occidentales, en Guinée et au Brésil et pour ce faire, le prince Maurice accepte, en 1606, de réduire à 3,3 % sa part des prises enregistrées au sud du tropique du Cancer. C'est la première raison à l'élargissement géographique des activités corsaires. L'essor du commerce maritime entraîne encore la course dans son sillage. Les marchands néerlandais emportent avec eux une commission et recourent à la force lorsque l'occasion se présente : le Lion Nageur (Zwemmende Leeuw) de Balthasar de Moucheron capture deux caravelles espagnoles (33 000 florins), revendues discrètement à La Rochelle. Deux navires de Hoorn destinés au transport de sel interceptent une barque espagnole de retour de Santo Domingo : deux exemples, des proportions différentes, mais une habitude que les amirautés essaient d'instaurer, celle de prendre une double commission au commerce et à la guerre. Il s'agit de renflouer les amirautés en préconisant une course offensive, notamment sur la route de l'Asie. Jusqu'en 1609, une trentaine de caraques portugaises sont capturées dont la Santa Catarina qui rapporte 4 millions de florins. Très embarrassée, la Chambre amstellodamoise de la Compagnie est obligée de recourir aux services de l'avocat Hugo de Groot (Grotius) pour justifier cette capture. Mais la pénurie liée à la guerre entraîne également cette (re)conversion. Ainsi, en 1605, une importante flotte espagnole reçoit la mission d'anéantir les interlopes de Hoorn et Enkhuizen à Punta Araya : plusieurs navires chargés de sel sont surpris, les équipages noyés, torturés ou pendus obligeant les marchands à mieux armer leurs bâtiments.
À la même époque, la paix de Londres (1604) oblige Jacques Ier d'Angleterre à prendre des mesures contre la piraterie. Mais cela revient à délayer le problème tant la haute aristocratie, les grands marchands et les autorités et populations locales s'étaient accommodés de ce type de guerre. La course perdure mais sous commission néerlandaise. Les Anglais ont alors une part importante dans l'essor de la course, notamment à partir des villes-garnisons de Flessingue, Brielle ou Middelbourg où le conseil des Merchant Adventurers a recours à la société des marchands de lin qui s'y est établie au moment du déclin d'Anvers. Ces Anglais prennent des navires sur les Luso-espagnols de chaque côté de l'Atlantique : en 1605, 60 % des prises ramenées en Zélande sont anglaises. Les Espagnols le savent, mais les 37 plaintes portées devant le Private Council du roi d'Angleterre n'aboutissent pas ou pire, lorsque Jacques Ier défend toute entreprise de collaboration avec les étrangers, ses corsaires s'établissent en Irlande ou aux Provinces-Unies, y intégrant des équipements et des capitaux. Rien de durable, rien de solide, la volonté de faire fortune à bon compte et le risque de radicalisation qu'il faut enrayer par l'amnistie. En effet, les corsaires hollandais ou anglais qui se voient soumis à un examen de la part des amirautés quant à leurs desseins, tournent pirates. La navigation française souffre particulièrement, les navires capturés étant liquidés en Barbarie, dans les îles Anglo-normandes. Finalement, les États Généraux, sous la pression d'Henri IV, suppriment la plupart des commissions. En 1606, une proclamation impose aux corsaires de regagner leur port afin de renouveler leur commission, les nouvelles ne sont remises qu'après le dépôt d'une caution de 20 000 florins, destinées à dédommager d'éventuels actes de piraterie. Maurice de Nassau a constitué sa Grande Barrière, politique statique et défensive basée sur les rivières et les digues. En 1605-1606, une ligne de défense est établie, à base de maisons fortifiées (blockhaus), reliées par des remparts au nord de Zwolle, le long de l'Ijssel et de la Waal. Les villes renforcent leurs fortifications, abritées au-devant par des zones peu peuplées, de marais et grandes forêts. Les attaques par terre deviennent très difficiles. Celles par mer impossibles. La nécessaire accalmie que fut la trêve de Douze ans, est signée en 1609 à la suite d'un armistice négocié deux ans plus tôt.
P. Emmer rappelle que l'expansion néerlandaise hors d'Europe n'a ni porté de préjudices sérieux aux pouvoirs ibériques, ni produit de bénéfices importants avant la trêve de Douze ans entre l'Espagne et les Provinces-Unies, c'est-à-dire avant 1609{163}. Mais les États partout poussent leurs pions, vers l'Asie avec les vaisseaux corsaires de la VOC (Vereenigde Oost-Indische Compagnie ou Compagnie néerlandaise des Indes orientales), en entamant des échanges réguliers de marchandises sur les côtes africaines et en ramenant du sucre depuis le Brésil vers Amsterdam. Ils s'établissent sur la Côte sauvage en Guyane pour le tabac et, au-delà, vont quérir du sel sur les côtes vénézuéliennes (Punta Araya) chaque fois qu'il leur est interdit d'en prendre à Setubal. Henry Hudson reconnaît le fleuve portant son nom dès 1609, au service des Néerlandais et les navires marchands des Provinces-Unies ont depuis longtemps pénétré en mer de Barents et dans la mer Blanche. Jusqu'en 1621, dans ce mouvement visant à maîtriser l'océan Atlantique et à en franchir les limites (Lemaire et le cap Horn en 1615), la course n'affecte qu'indirectement le grand commerce luso-espagnol. Les indiamen portugais, par exemple, doivent changer leurs routes pour éviter les corsaires néerlandais ce qui augmente le risque de naufrage, de l'ordre de 25 % à cette époque. La course lointaine reste marginale, la navigation hors eaux européennes jusque dans les années 1630 ne concerne que 5 à 6 % des navires et sans doute 12 % des gens de mer. Mais la trêve a été mise à profit chez les Orangistes pour préparer une reprise ambitieuse des hostilités. Dans le théâtre atlantique, la course revêt d'emblée une forme inusitée, celle d'une Compagnie, la WIC, quand bien même les objectifs seraient plus larges. Passés les déboires qui mettent un terme aux grands rêves de conquêtes initiaux, les directeurs de la Compagnie privilégient les entreprises de pillage. C'est par le butin que les actionnaires sont d'abord fidélisés, les intérêts versés entre 1623 et 1637, allant de 25 à 75 %. Piet Hein pille les navires au mouillage dans le port de Bahia en mars 1627, le butin est de plus de 2 500 caisses de sucre. La patache du Honduras est interceptée, avec de l'argent, de l'indigo, du cacao pour plus d'un million de guilders. Cette année-là, la Compagnie s'empare de 55 navires luso-espagnols. Le meilleur est à venir avec, l'année suivante, la capture de la majeure partie de la flota de Nouvelle-Espagne dans la baie de Matanzas (à l'est de La Havane) : Hein ramène pour 11 millions de guilders (15 millions de florins) en métal précieux et en marchandises tropicales (les deux tiers des dépenses militaires annuelles des États). Si les tentatives ultérieures sont moins heureuses, ces opérations de course ont permis de financer la reprise des projets coloniaux de la Compagnie, particulièrement la prise de Recife en 1630 avec les débouchés africains inhérents. 547 navires luso-espagnols sont capturés (8 millions de florins) entre 1623 et 1636, soit une quarantaine en moyenne annuelle, de quoi expliquer par la suite, selon P. Villiers, la baisse du commerce transatlantique espagnol qui passe de 40 000 à 30 000 tonneaux entre 1635 et 1645{164}. Entre 1646 et 1648, la WIC réalise encore 220 prises portugaises, anglaises, françaises et même hollandaises sans compter celles faites sous licence de la Compagnie.
La course n'est pas que l'apanage de compagnies de commerce. La flibuste néerlandaise est active dès les premiers établissements guyanais ou antillais (Curaçao). De l'autre côté de l'Atlantique, la Zélande s'affirme comme le fer de lance corsaire des États, de par sa proximité avec les zones de chasse et la force du parti orangiste. Entre 1598 et 1609, la vente de 43 navires et de leurs marchandises avait produit un revenu brut de 2 millions de florins. Entre 1619 et 1648, celle de 622 prises à Flessingue ou Middelbourg en produit 25 millions. Quelques grands noms de la marine néerlandaises y font un passage dont l'illustre Michiel Adriaen de Ruyter.
Les assauts des corsaires français puis des Sea Dogs auxquels finissent par se joindre les Watergeuzen obligent les autorités espagnoles à se protéger. L'architecte italien Juan Bautista Antonelli (1616), demeuré jusqu'en 1599 en Amérique, travaillait à fortifier Carthagène dès 1586 puis Santo Domingo (1589), San Juan de Ulua, la Vera Cruz, La Havane, Panama (1594), Portobelo (1597) ainsi que San Augustin et Santa Helena en Floride. Avec la reprise de la guerre, Madrid entend accentuer le programme de construction et de renforcement des forteresses. Philippe IV et Olivares décident en outre la construction d'une flotte de 6 à 7 gros navires portant de 20 à 50 canons, dont la mission est de stationner aux Antilles pour intervenir contre de faibles escadres ennemies ou se joindre à une flota. L'Armada de Barlovento doit aussi visiter tous les ports espagnols chaque année et les purger des marchands interlopes et des flibustiers. Cette armada n'est toujours pas opérante en 1640 et n'interviendra réellement qu'à partir de 1676. Dans tous les cas, ce programme se traduit par un renforcement de la pression fiscale. J. I. Israël parle de 350 000 ducats par an pour la vice-royauté du Pérou et 250 000 pour celle de Nouvelle-Espagne, sans oublier les 400 000 ducats pour l'armada à partir de 1628, soit en théorie plus de 1 million de ducats par an (un pamphlet hollandais annonce 5 millions de guilders par an dès 1630){165}. Ces dépenses sont autant d'argent qui n'est pas investi sur le théâtre militaire européen. Cette guerre de course a donc des répercussions sur les opérations terrestres en matière de financement. Malgré les apparences, il serait inexact de voir en l'Espagne une victime de la course. En réalité, la couronne espagnole a parfaitement su l'exploiter et en tirer profit là où elle produisait des résultats, comme à Dunkerque et dans les provinces atlantiques. Dès la rupture de la trêve en 1621, Nieuport, Ostende et Dunkerque se lancent à nouveau dans la course.
Rappel utile. L'Espagne et donc les Flamands sont en guerre contre les Provinces-Unies de 1621 à 1648. Dès 1640, l'indépendance lusitanienne fait des caraques portugaises une proie potentielle. Entre 1625 et 1630 puis entre 1655 et 1660, la guerre est menée contre l'Angleterre. Quant à la France, la guerre ouverte commence en 1635 et dure jusqu'en 1659. Cette tranche d'histoire où la course flamande est au service de l'Espagne dure jusqu'en 1646, date où les Français s'emparent momentanément de Dunkerque. Elle se limite ensuite à Ostende et Nieuport. L'archiduc Albert étant décédé en juillet 1621, son épouse Isabelle est considérée comme une simple gouvernante et l'Espagne reprend possession des Pays-Bas. Cette année-là, Philippe III meurt, Philippe IV qui n'a que 16 ans accorde sa confiance au duc de Lerma puis à Gaspard de Guzman, comte-duc d'Olivares. La crise financière se déclare en 1627. De fait, le siège de Breda a beau être une victoire fameuse (1625), l'opération a été coûteuse en hommes et en argent. Maintenir et consolider les frontières du royaume d'Espagne revient cher à la Couronne qui se trouve désormais à court de moyen. Olivares et ses conseillers cherchent alors à affaiblir les ressources maritimes ennemies. Pour ce faire, ils favorisent un vaste programme de construction navale (80 unités) et décident de redonner à Dunkerque son rôle éminent de base et de quartier général de l'armada destinée à la guerre économique (attaque des convois et des flottes de pêche). Comme le souligne R. Baetens, il faut une fois de plus renoncer à établir une ligne nette de partage entre les corsaires particuliers{166} et les galions de l'armada des Flandres. Dès 1626, Dunkerque redevient siège d'une amirauté tandis que le Conseil de l'Amirauté se rétablit à Bruxelles. Les trois juges qui composent cette instance décident des prises, ne faisant plus de distinction entre navires de l'armada et corsaires particuliers. La procédure d'administration des prises dépend donc du jugement de Bruxelles. Les biens et richesses des courses sont placés sous la surveillance d'un dépositaire tout au long du procès en attendant d'être vendues ou restituées{167}.. Ce même conseil délivre les lettres de marque, notamment selon des critères de taille du capre. Le navire doit faire au moins 50 lasts (100 tonneaux), et doit alors embarquer 10 canons de 3 à 6 (livres de poids), 18 à 20 mousquets, 24 piques longues, 24 courtes, 40 matelots et 20 soldats. La progression des armes et des équipages se fait selon l'accroissement du tonnage.
Il est certain que durant ce conflit, la course et l'armada flamandes ont bénéficié du manque de coordination entre les cinq amirautés néerlandaises : intérêts opposés et luttes intestines entre amirautés, villes ou marchands, l'administration navale s'est révélée incompétente selon Bruijn{168}. Elle est livrée au bon plaisir de quelques centaines de régents dans les villes et de nobles à la campagne. Le résultat, du moins au début, est souvent un départ tardif des vaisseaux, une obéissance aléatoire aux ordres. Les villes hollandaises vont devoir recourir à l'initiative privée pour protéger les navires marchands. Ces marines privées, officielles en 1631, s'éternisent jusqu'en 1656 pour former une marine parallèle très indépendante. Il n'est pas possible de détailler la trame événementielle ponctuée d'actions héroïques de part et d'autre. Un Piet Hein est tué en 1629 en tentant d'empêcher deux bâtiments de l'armada de rompre le blocus de Dunkerque ; Marteen Tromp, son lieutenant, cache sa mort pour continuer le combat. La même année, l'amiral Michel Jacobsen meurt à la tête de trois galions dunkerquois. Lors d'un terrible combat opposant une flotte hollandaise et deux frégates dunkerquoises, l'amiral néerlandais Cornil Jansen trouve la mort (1632), toujours contre le redoutable Mathieu Rombout. Si Jacques Colaert, amiral, meurt dans son lit en 1638, le vice-amiral Michel Dorne ou de Horn est tué devant l'île de Ré en 1641, face à une escadre française. Mathieu Rombout, second de Jacques Colaert, meurt à son tour face aux Hollandais quelques mois plus tard. À noter que Colaert, Rombout ou Horn ont tous fait leurs premières armes comme capitaines de capres et sont issus de familles liées à la course.
Ces capitaines corsaires, devenus amiraux au sein de l'armada, se sont-ils enrichis ? Si Baetens répond par l'affirmative, force est de reconnaître qu'ils meurent rarement dans leur lit et qu' « il y a plus de riches veuves que de riches capitaines ». La répartition de ces fortunes montre que le capitaine est fréquemment intéressé dans l'armement de son navire. Selon R. Baetens et P. Villiers, le nombre de captures faites par les capres varie de 106 à 252 par an, tandis que l'armada ramène peu de prises jusqu'en 1634 avant que ce chiffre ne remonte à 57 en 1637. La priorité est au convoiement des transports de troupes et de fonds, vient ensuite la destruction des flottes de pêche : ainsi, en 1625, Francisco de Ribera et ses 12 navires détruisent 140 à 185 harenguiers hollandais au large de l'Écosse, dont 100 pour le seul port d'Enkhuizen. De même l'amiral Jacques Colaert détruit un convoi de 150 busses{169}. En réaction à cela, les États Généraux promettent une prime pour tout corsaire ou bâtiment de l'armada capturé. Pourtant, les corsaires, par appât du gain, n'ont pas intérêt à couler leurs prises. Dans tous les cas, si l'on tient compte, selon les calculs de R. A. Stradling{170}, des 287 prises faites entre 1629 et 1638 par l'armada, les capres se sont eux emparés de 1 593 navires (5 fois plus), auxquels il faudrait ajouter plus de 250 navires coulés. Si l'armada prend moins, elle prend plus gros (155 tonneaux en moyenne pour 100 tonneaux pour les capres) et plus riche. De 1627 à 1634, les capres font pour plus de 8,3 millions de florins (le montant des prises luso-espagnoles faites par les Hollandais entre 1623 et 1636), l'armada pour plus de 3 millions. Il faut enfin tenir compte de l'affaiblissement de l'armada après la défaite des Dunes en 1639 où les Espagnols perdent 32 navires et 7 000 hommes. De quoi expliquer l'impossibilité d'intervenir au Brésil.
En tout, Stradling compte 2 114 navires pris entre 1627 et 1638, soient 250 000 tonneaux. En comparaison, la flotte de commerce britannique était estimée à 120 000 tx en 1615 tout comme celle de France (Méditerranée incluse) et de l'Espagne. La nationalité des prises montre qu'avant la guerre ouverte, donc au moment de la neutralité de la France, environ 70 % des prises sont hollandaises{171} et 25 % anglaises. Après les Dunes, la course continue bon train. Roland Baetens montre un total de 906 prises entre 1642 et 1646, pour une valeur de 6,6 millions de florins (le capital de la WIC). En nombre, les prises hollandaises représentent 54 % (70 % en valeur), les prises françaises 33 % (18 % en valeur) et les prises anglaises 7 % (14 % en valeur). Mais au vrai, la perte va au double pour l'ennemi dans la mesure où le butin, vendu aux enchères publiques, ne rapporte que la moitié de sa valeur réelle et qu'il est presque impossible de chiffrer la perte liée aux navires coulés ou vendus à l'étranger.
Au-delà des chiffres, le changement intervenu en matière de violence est notable. Des cartels d'échange fonctionnent. Les équipages sont généralement rapidement échangés et il n'est plus besoin de se battre à la désespérade sachant que l'on sera systématiquement jeté à la mer ou que les promesses de quartier ne seront probablement pas respectées. En août 1652, Dunkerque est reprise par les Espagnols. Seule ennemie de l'Espagne désormais, la France devient une cible avec 1 300 prises sur 2 110 entre 1649 et 1659. Les Bretons sont les victimes désignées, particulièrement leur flotte de pêche sur les bancs de Terre-Neuve et leurs caboteurs. Seule la guerre déclenchée par Cromwell et son Western Design en 1656 permettent de relativiser ces données. Bernard Capp mentionne la perte de 150 navires en 1656, un tiers de la flotte de pêche selon des pétitionnaires, et la capture (en incluant les petits navires) de 1 200 à 2 000 bateaux, sachant que la prise de Dunkerque en 1658 ne fait que déplacer le problème à Ostende et sur les côtes espagnoles{172}. L'autre bataille des Dunes, celle remportée par Turenne en mai 1658, met les Anglais en possession de Dunkerque. Faute de revenus suffisants, Charles II doit s'en séparer en octobre 1662, à la suite de tractations laborieuses, le prix de 12 millions de livres tournois passant à 5.
Des ports de Brest, Saint-Malo, Nantes, La Rochelle, Toulon ou Marseille partent régulièrement des navires armés en course sous commission royale, voire sous celles d'autres princes, en contradiction avec la législation. On sait peu de chose sur les investisseurs, mais on reconnaît toutefois de hauts personnages de l'époque, peut-être le cardinal de Richelieu, Charles La Porte de la Meilleraye, le cardinal de Mazarin, Fouquet, ainsi que des membres de l'administration de la marine comme Jacques Regnault ou César Chappelain. Parmi les capitaines corsaires se détachent Abraham II Duquesne qui est aussi armateur, Job Forant, Mathurin Gabaret, Nicolas Gargot ou Jérôme Augustin de Beaulieu : tous officiers de la marine royale. De nombreux chevaliers de Malte font par la suite la course sous bannière française comme Amador de La Porte, oncle de Richelieu, Razilly, Des Gouttes, Forbin ou le Chevalier Paul. Les navires employés sont aussi bien des navires privés que ceux de la flotte royale. Le résultat de cette course reste difficile à saisir tant du point de vue financier que du nombre de navires pris ou détruits. Elle n'est pas si insignifiante que cela au vu des tensions diplomatiques décelées notamment avec les alliés néerlandais dont les plaintes portent sur des pertes qui vont de 5,6 à 7,8 millions de livres tournois entre 1648 et 1652.
Elle intervient des deux côtés de l'Atlantique. Forant et Fontenay incarnent ce passage à l'action flibustière aux Antilles. Le début du siècle est marqué par un ralentissement des armements flibustiers depuis le Ponant au profit du commerce interlope. Ce négoce dérange tout autant les autorités espagnoles qui prennent des mesures draconiennes : interdiction de la culture du tabac au Venezuela, dépeuplement des parties nord et ouest de Saint-Domingue. Comme le souligne Jean Pierre Moreau, les troupeaux sauvages se multiplient offrant aux dégradés de tous poils une activité nouvelle de boucaniers tandis que la pénurie de tabac fait envisager des établissements susceptibles de compenser cette perte et de dépasser les anciens profits{173}. C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre les expéditions guyanaises de Jean Moquet, de La Ravardière ou de Razilly. Saint-Christophe est la mère des Antilles, pour les Anglais comme pour les Français. Sur l'acte de constitution de la compagnie fondée par Belain d'Esnambuc il est précisé que les colons « rapporteront ce qu'ils auront pris et recouvert sur les pirates et gens sans aveu, et sur ceux qui empêchent aux marchands français et alliés la navigation du côté du Sud, au-delà du tropique du Cancer et premier méridien des Essores du côté de l'Ouest ». La course figure donc en bonne place dans le programme officiel. Les Saintes offrent rapidement un repaire aux flibustiers, à l'écart de la colonie, et les armements des Frères de la côte peuvent dorénavant se constituer depuis cette base où il est loisible de faire de l'eau, du bois et raccommoder les navires. Comme par ailleurs Esnambuc revient de France avec l'autorisation de délivrer des commissions, Moreau détermine logiquement l'année 1627 comme point de départ de la flibuste antillaise, même modeste, encore parfois étayée depuis la métropole comme c'est le cas avec l'escadre de Cahuzac. Les planteurs de tabac embarquent également sur les navires flibustiers entre deux récoltes. Le provenu des prises est écoulé sur place troqué contre du tabac. L'île de la Tortue se substitue progressivement à Saint-Christophe et aux Saintes. Après l'opération espagnole meurtrière de 1634, les rescapés réoccupent la petite île avec une alternance entre domination française et anglaise jusqu'à ce que François Le Vasseur s'approprie la Tortue qui devient une base flibustière de première importance à partir de 1641. En 1653, sept navires flibustiers basés à la Tortue reçoivent commission du gouverneur à quoi s'ajoutent tous les corsaires de passage. Au moment où, par défaut, l'amiral Penn s'empare de la Jamaïque, les Français occupent définitivement la Tortue et la Grande Terre lui faisant face. Bertrand Ogeron sieur de la Bouère devient le premier gouverneur nommé par le Roi au nom de la Compagnie. La flibuste a encore peu de moyens : les navires sont de petit tonnage, les opérations souvent nocturnes pour ménager l'effet de surprise et les campagnes assez courtes, Exquemelin parlant de huit jours de vivres. Les capitaux sont fournis par les habitants, souvent le gouverneur (qui possède des bâtiments) ou ses officiers, des contrats de société sont passés par des flibustiers qui accueillent à bord des boucaniers. À la Tortue, les lieux de débauche ne manquent pas, de quoi perdre en quelques heures tout son bien et s'endetter pour repartir. Progressivement, la flibuste devient numériquement plus importante. En quelques années, Ogeron parle de 1 600 à 1 700 hommes qui rejoindront bientôt leurs homologues anglais, plus puissants encore, pour des opérations de grande envergure.
Aussi, il semble qu'il faille corriger l'affirmation d'Auguste Toussaint selon lequel « la longue résistance des corsaires huguenots provoqua chez le Cardinal une telle aversion pour la course qu'il resta toujours un ennemi de ce genre de guerre, préférant s'attacher à doter la France d'une véritable marine militaire qu'elle ne possédait pas encore{174} ». Sans doute également ces courses ne sont que l'aveu d'une certaine impuissance sur mer : de la « bricole » qui sera érigée en système sous l'influence des pratiques dunkerquoises.