Prédateurs
Les végétaux tirent leur énergie de la lumière du soleil qui est transformée en composés organiques, et donc en énergie chimique, grâce à la photosynthèse. L’opération, qui se déroule dans des organites appelés chloroplastes, consiste pour la plante à capter les photons de la lumière solaire par le biais de la chlorophylle, laquelle donne sa couleur verte aux végétaux. Au cours de ce processus bien connu, la plante assimile le dioxyde de carbone (CO2) contenu dans l’air, ainsi que d’autres éléments provenant de l’eau et des sels minéraux, fabrique l’oxygène (O2) qui nous permet de respirer et produit des glucides comme l’amidon. Cela se déroule ainsi : grâce à l’énergie des photons, l’eau est décomposée en hydrogène et en oxygène. L’oxygène est rejeté, tandis que l’hydrogène, riche en énergie, est combiné avec le dioxyde de carbone pour créer des molécules de glucides qui contiennent maintenant l’énergie. Le processus de la photosynthèse est essentiel à la vie sur Terre. Sans lui, la matière minérale ne serait pas transformée en matière organique, ce qui signifie que les plantes et les animaux n’existeraient pas. Par ailleurs, la photosynthèse n’est pas produite seulement par les forêts : les algues et le phytoplancton produisent plus d’oxygène que les arbres. D’où la nécessité absolue de préserver la santé des mers et des océans.
Quoi qu’il en soit les plantes, êtres vivants, se nourrissent de non-vivant. En revanche les animaux prélèvent leur énergie dans leur environnement en assimilant de la matière organique, qu’elle soit animale ou végétale1.
Lorsqu’un être vivant tire son énergie d’un autre être vivant, et qu’il vit donc aux dépens de cet autre, il y a deux manières de procéder : la prédation ou le parasitisme. La prédation est facile à comprendre. Un prédateur, une proie, le premier mange la seconde, c’est assez clair. Les végétaux sont-ils des proies et les herbivores sont-ils en conséquence des prédateurs ? A priori non, puisque les herbivores se contentent de prélever des organismes qu’ils n’ont pas traqués et qui ne sont pas capables de fuir. Les mécanismes de défense que certains mettent en place face aux agressions peuvent néanmoins ouvrir le débat.
Le parasite, en plus de se nourrir d’un autre, élit pour sa part domicile sur cet autre et ne le tue pas immédiatement. Le parasitisme n’est pas l’équivalent du commensalisme, lequel désigne une relation entre deux individus d’espèces différentes qui profite à l’un des individus sans nuire à l’autre. C’est le cas, par exemple, des poissons-clowns qui se protègent des prédateurs en se réfugiant au milieu des tentacules des anémones de mer : ces tentacules diffusent un poison contre lequel les poissons-clowns sont immunisés. De même, certains animaux se laissent transporter par d’autres, comme les poissons rémoras qui se collent aux nageoires dorsales des requins grâce à des ventouses. Lorsque la relation entre deux individus d’espèces différentes profite aux deux, on a coutume de parler de symbiose, même si les zoologistes emploient plutôt le terme de mutualisme par opposition au commensalisme. Mais de manière générale, entre symbiose, commensalisme et parasitisme, la frontière est floue. L’exemple de symbiose le plus connu est sans doute celui du lichen, qui consiste en une association entre un champignon et une algue. D’autres champignons se nourrissent par absorption de matière organique inerte (on appelle cela la nécrotrophie), d’autres par parasitisme, comme les mycoses. Notons encore les saprophytes, qui désignent des végétaux, des champignons et des micro-organismes qui se nourrissent de matière organique morte (arbres ou animaux en décomposition, excréments…).
Difficile de situer l’humain parmi ces différentes catégories. Actuellement, nous mangeons des animaux et des végétaux, ce qui fait théoriquement de nous à la fois des prédateurs et des préleveurs ou, disons plutôt, des cueilleurs. Or les animaux que nous mangeons, si nous mettons de côté le cas d’une grande partie des poissons, ne sont plus chassés mais « cueillis » dans des élevages, comme des salades ou des tomates, sans que nous ayons à faire le moindre effort pour les atteindre. Nous n’avons plus rien de commun avec ceux de nos ancêtres qui furent des chasseurs arpentant, guettant, risquant, luttant, pour avoir le droit de tuer et de manger ensuite. La prédation implique une performance physique (de la marche, de la course, du combat), de l’ingéniosité, et parfois du courage. Elle est incertaine et oblige souvent à endurer la faim avant d’obtenir la récompense de ses efforts. La prédation est un mécanisme mis en place par une espièglerie de l’évolution. Tant que nous étions des prédateurs, de réels prédateurs, risquant de nous faire bouffer ou étriper par plus fort ou plus malin que nous, nous pouvions nous réfugier derrière l’excuse de la nature, du courage et de l’effort pour justifier la mort des animaux dont nous faisions nos repas ou nos couvertures. Mais aujourd’hui, que reste-t-il de ce contrat avec l’incertain ? Si tuer un être vivant est un acte par définition cruel, le degré d’organisation et de technicité que nous mettons désormais en œuvre pour provoquer la mort relève de la barbarie. Plus aucun courage, plus aucun combat, plus aucun effort, mais une œuvre impensable qui dépasse de loin la violence des mécanismes biologiques. Nous nous réfugions derrière un pseudo-statut d’espèce supérieure pour justifier les tueries de masse quotidiennes dont nous sommes les auteurs. Alors que ces tueries sont des actes lâches, des actes de fainéants qui engraissent à force de ne plus bouger leurs gros postérieurs empiffrés, des actes sans suspens où le combat a cédé la place à l’exécution.