1. En principe, la Gestapo n’existe plus depuis septembre 1939, étant devenue l’une des branches de l’Office central de sécurité du Reich (RSHA) sous le nom de département IV (le service des Affaires juives de la Gestapo dirigé par Adolf Eichmann à Berlin se nomme ainsi service IV B 4). En pratique, le terme demeure dans l’usage courant, aux yeux de ses agents et du public. Par souci de simplification, nous faisons donc le choix de le retenir ici.
2. Ainsi, Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine (désormais, AN), F9 5701, fiches « Drancy » de Simon et Cypa Holeman, enregistrés les 8 mai et 5 juin 1943.
3. D’autant qu’ils ont au-dessus d’eux un chef à poigne, le commissaire Brune, qui, depuis la grande rafle de juillet 1942, pousse ses hommes à arrêter le maximum de juifs. Archives de la préfecture de Police de Paris, Le Pré-Saint-Gervais (désormais, APP), KB 17, rapport de l’inspecteur Barenne au rapporteur général de la commission d’épuration, 13 mars 1945 ; Serge KLARSFELD, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France 1940-1944, t. 1, 1er juillet 1940-31 août 1942, Paris, Fayard, 2001, p. 542-543.
4. APP, CC2 4, registre d’écrou des consignés provisoires au Dépôt (15 mars-2 juillet 1943), 7 mai 1943. L’autorité ayant délivré « l’ordre d’entrée » est ainsi signalée : « 20e arrt [arrondissement] ». L’hypothèse d’une arrestation par des gardiens en civil ou des inspecteurs du 20e n’est pas complètement à exclure, d’autant que plusieurs autres consignations faites ce même jour sont explicitement attribuées à « M. Permilleux 36 Orfèvres » ou « Affaires juives PJ ». Mais, dans les faits, bien des arrestations que l’on sait avoir été effectuées par la « brigade Permilleux » sont indiquées dans les registres du Dépôt comme relevant du commissariat dans le ressort duquel ces arrestations ont été effectuées (les hommes de Permilleux remettent le plus souvent les individus arrêtés au commissariat central le plus proche) : « 10e », « PM 11e PM », « 16e »… C’est, le plus probablement, ce qui s’est passé pour Simon Holeman. Dans le beau livre qu’il a consacré à ses grands-parents, également arrêtés dans le 20e (25 février 1943), Ivan Jablonka commet sans doute une erreur en déduisant que la mention « PM 20e Arrdt » prouve une opération menée par des gardiens de la paix de cet arrondissement. Ivan JABLONKA, Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus. Une enquête, Paris, Seuil, 2012, p. 270-279. Il peut tout aussi bien s’agir d’une arrestation exécutée par la « brigade Permilleux ».
5. Assistance publique, hôpitaux de Paris, AP-HP, 709W 50, hôpital Rothschild, entrée le 7 mai 1943.
6. Tous les extraits que nous citons sont issus de AN, AJ38 6349, dossier Charles Vavasseur, lettres de Mme Holeman à Vavasseur, 9 et 11 mai 1943. Les passages en italique sont soulignés dans les lettres. Un tel témoignage est exceptionnel. Des lettres, écrites sur le vif, rendant compte de la réaction des victimes de la délation, foudroyées par le malheur (« Pardonnez la façon dont ma lettre est rédigée, et l’écriture, je suis tellement surexcitée que je n’en peux plus », « pitié, pitié », « Une malheureuse femme et son petit », écrit Cypa), sont extrêmement rares. Voir le chapitre 3 citant plusieurs extraits de la correspondance privée d’Annette Zelman avec son fiancé.
7. Cypa et Simon se sont mariés le 3 février 1942 à la mairie du 11e arrondissement.
8. Une déportée du convoi 55 décrit ainsi l’arrivée à Auschwitz : « Là, les scènes de déchirement dépassent ce que l’on peut imaginer. Des jeunes mères à qui l’on arrache les enfants au milieu de hurlements… » Citée par Serge KLARSFELD, Le Calendrier de la persécution des Juifs de France 1940-1944, t. 2, 1er septembre 1942-31 août 1944, Paris, Fayard, 2001, p. 1543. Témoignant en 1996, Simon Holeman raconte que sa femme et leur bébé avaient été dirigés vers la file des désignés pour l’extermination immédiate. USC, Shoah Foundation Institute, témoignage enregistré le 14 août 1996. Il semble avoir ignoré ou a oublié que Cypa a survécu à la « sélection ».
9. Service historique de la Défense, Caen (désormais, SHD-Caen), 21 P 463819, dossier « déporté politique » Cypa Holeman, attestations de Charlotte Szabman (née Bouchpan), 17 octobre 1946, et de Suzanne Mazalto, 28 octobre 1946 ; 21 P 258406, dossier décès de Cypa Holeman.
10. SHD-Caen, 21 P 572517, dossier « déporté politique » de Fraïm Simon Holeman.
11. Jusqu’aux travaux de Serge Klarsfeld, la plupart des parents de déportés pensaient que les arrestations avaient résulté de dénonciations, alors qu’en vérité les victimes, recensées et fichées par les autorités, furent le plus souvent raflées à leur domicile. « Devenue le symbole de la lâcheté et de la traîtrise durant l’Occupation, légende noire, [la délation] n’en constitue pas moins une explication fort pratique, et souvent dénuée de tout fondement, lorsqu’il s’agit d’expliciter les faits », note justement Tal BRUTTMANN, La Logique des bourreaux (1943-1944), Paris, Hachette, 2003, p. 127.
12. Voir l’exemple édifiant que nous donnons dans Laurent JOLY (dir.), La Délation dans la France des années noires, Paris, Perrin, 2012, p. 20-21.
13. Une thèse a toutefois été soutenue : Patrick FOURNIER, La Délation des Juifs à Paris pendant l’Occupation, 1940-1944, thèse de doctorat en histoire, sous la direction de Jan Grabowski et Jean-Charles Szurek, Université d’Ottawa et Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, 2016. Empruntant la stratégie de recherche de nos premières publications sur le sujet – pour l’essentiel : dépouillement des dossiers nominatifs du cabinet du commissariat général aux Questions juives (AN, AJ38 152 à 194) et des sources judiciaires liées à l’épuration de délateurs –, ce travail offre des éléments d’analyse pertinents sur les dénonciations adressées au CGQJ. Il pâtit cependant de digressions trop longues et déconnectées du sujet, et de développements statistiques pas toujours probants.
14. Ainsi Renée POZNANSKI dans son chapitre pionnier « La traque des Juifs à Paris », Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Hachette, 1997 (1re éd. 1994), p. 370, p. 412.
15. Alors qu’elle est au cœur des réflexions sur le régime nazi ou sur le stalinisme.
16. André HALIMI, La Délation sous l’Occupation, Paris, Alain Moreau, 1983.
17. Halimi se fonde, sans le citer explicitement, sur un article paru dans Historia en 1975 dans lequel il est écrit que l’ensemble des services allemands furent « abreuvés de lettres anonymes », et l’auteur de l’article d’ajouter : « On a parlé de trois millions » (Richard GROSSMANN, « Les gestapistes français », Historia, La collaboration, hors-série no 39, 1975). André Halimi élargit cette évaluation hasardeuse aux services de police français, d’où le chiffre de 3 à 5 millions…
18. Ainsi, Sheila FITZPATRICK, Robert GELLATELY, « Introduction to the Practices of Denunciation in Modern European History », The Journal of Modern History, The University of Chicago Press, vol. 68, no 4, 1996, p. 762.
19. Ce département a été supprimé en 1964.
20. Curieusement, on ne trouve que très peu de traces de délations dans les archives des institutions allemandes conservées en France (Gestapo, ambassade ou administration militaire). Il est vrai que ces fonds ont été largement expurgés et que les archives courantes des « kommandanturs », où parvenaient l’essentiel des dénonciations à l’occupant (ainsi la Feldkommandantur de la place de l’Opéra, à Paris), ont généralement été détruites. Un rare exemple avec cette lettre de Carltheo Zeitschel (de l’ambassade) à Theodor Dannecker (du « service juif » de la Gestapo) le 21 juin 1941 : « Ainsi que j’apprends de source confidentielle un magasin juif (fabrication et vente de bas) ferait des affaires […] 42 rue du Fbg. St. Honoré. Il paraît également que la fille de ce juif travaille continuellement dans le magasin. » Centre de documentation juive contemporaine, Mémorial de la Shoah, Paris (désormais, CDJC), V-111. De même, notre collègue Éric Le Bourhis, qui a passé au peigne fin les fonds conservés des « kommandanturs » de la région parisienne et du MBF à Fribourg, n’a rien trouvé relativement à la délation. Nous le remercions chaleureusement pour cette recherche.
21. Cette disparition du fonds le plus considérable lié au contrôle des juifs sous l’Occupation (plus de 150 000 individus recensés dans le département de la Seine) empêche de prendre la mesure précise du rôle de la délation dans l’activité quotidienne des organes de la PP en charge de la réglementation antisémite, d’autant plus que cette destruction, qui a heureusement épargné une partie des fichiers, s’est étendue à l’ensemble des dossiers de travail du service administratif des Affaires juives et de la « brigade Permilleux » – service spécial des Affaires juives à la Police judiciaire (SSAJ). Ainsi, nous n’avons retrouvé qu’une seule lettre originale de dénonciation parvenue à la préfecture et traitée par le SSAJ, celle de Berthe Bonnefoy, une délatrice jugée à la Libération, citée p. 81. Exceptionnellement, en effet, des pièces originales émanant des « dossiers juifs » de la PP ont été versées à la justice avant les destructions des années 1948-1949. Par ailleurs, les dossiers nominatifs issus des archives centrales des Renseignements généraux (série 77W aux APP) comportent ici ou là des lettres de délation, souvent des copies, traitées par la 3e section des RG (contrôle politique des juifs de la capitale).
22. Sous-série AJ38 aux Archives nationales (plus de 6 000 cartons classés).
23. Nous nous sommes appuyé sur l’inventaire de l’ensemble des dossiers de procédure d’affaires renvoyées devant la cour de justice de la Seine réalisé dans les années 1960-1970 sous l’égide du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale : 7 905 fiches, une par inculpé, renvoyant à environ 6 000 dossiers (voir AN, Z6 1981 à 1991). Les 1 595 inculpés pour « faits de dénonciation » sont répartis dans 1 290 dossiers de procédure : 1 057 dossiers ouverts contre un seul inculpé, 233 contre deux individus et plus. Les 240 inculpés pour dénonciation antijuive sont, eux, répartis dans 197 dossiers (soit 15 % des 1 290 dossiers ouverts pour délation).
24. À l’exception de Lyon : plus de 200 des quelque 500 individus jugés par la cour de justice du Rhône pour « faits de dénonciation » l’ont été pour avoir dénoncé des juifs. Marcel RUBY, La Résistance à Lyon, t. 2, Lyon, L’Hermès, 1979, p. 981. Sur cette spécificité lyonnaise, voir Benn WILLIAMS, « Letters of Denunciation in the Lyon Region, 1940-1944 », Historische Sozialforschung, vol. 26, no 2/3, 2001, et p. 210, note 10. Ailleurs, la délation antijuive n’occupe qu’une place relativement marginale. Dans la plupart des cours de justice, les procès de délateurs sont dominés par les affaires de détention d’armes et de propos ou comportements antiallemands. Voir Marc BERGÈRE, « Délations ordinaires dans la France occupée », in L. JOLY (dir.), La Délation dans la France des années noires, op. cit., p. 181-194, et Julie CHASSIN, « La délation sous l’Occupation dans le Calvados », Annales de Normandie, vol. 54, no 1, 2004, p. 77-103.
25. APP-réserve, Enregistrement des arrêtés du personnel – année 1941, arrêté no 4343 du 3 décembre.
26. APP, KB 103, dossier d’épuration Charles Vavasseur.
27. AN, AJ38 6349, lettre de Charles Vavasseur au directeur des SAF, le 26 octobre 1943.
28. AN, AJ38 6349, lettre de Laffon à Antignac, 18 octobre 1943.
29. Sur ce tournant, voir les analyses classiques de Serge KLARSFELD, Vichy-Auschwitz. La « solution finale » de la question juive en France, Paris, Fayard, 2001 (1res éd. 1983 et 1985), p. 175-207, reconsidérées à la lumière de la science politique par Wolfgang SEIBEL, Persecution and Rescue. The Politics of the « Final Solution » in France, 1940-1944, translated by Ciaran Cronin, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2016 (1re éd. allemande 2010), p. 149-179.
30. Marie JALOWICZ SIMON, Clandestine, traduit de l’allemand par Bernard Lortholary, Paris, Flammarion, 2015 (1re éd. 2014), p. 305.
31. Il y a là tout un volet de la vie des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, relié au phénomène de la délation, encore peu traité pour la France – alors qu’il l’est par exemple pour la Pologne grâce à Jan GRABOWSKI, « Je le connais, c’est un Juif ! » Varsovie 1939-1943. Le chantage contre les Juifs, traduit du polonais par Xavier Chantry, Paris, Calmann-Lévy, 2008 (1re éd. 2004). Des premiers éclairages cependant : Isaac LEWENDEL, avec Bernard WEISZ, Hunting Down the Jews. Vichy, the Nazis and Mafia Collaborators in Provence, 1942-1944, New York, Enigma Books, 2012 (traduction française : Vichy, les nazis et les voyous. La traque des Juifs en Provence, Paris, Nouveau monde éditions, 2013, 443 p.), ou notre article « Escrocs, maîtres chanteurs et profiteurs de Juifs autour du commissariat général aux Questions juives (1941-1944) », in Jean-Charles SZUREK et Annette WIEVIORKA (dir.), Juifs et Polonais 1939-2008, Paris, Albin Michel, 2009, p. 33-44. Manque notamment une étude exhaustive sur le plus célèbre des racketteurs de juifs sous l’Occupation, Paul Touvier, chef milicien à Chambéry puis à Lyon. Quelques pages sur le sujet dans la remarquable enquête de Bénédicte VERGEZ-CHAIGNON, L’Affaire Touvier. Quand les archives s’ouvrent…, Paris, Flammarion, 2016, p. 39-45.
32. Jean GALTIER-BOISSIÈRE, Mon journal depuis la Libération, Paris, La Jeune Parque, 1945, entrée du 26 avril 1945, p. 237.
33. Sur cette notion de « bonne conduite », voir Philippe BURRIN, La France à l’heure allemande 1940-1944, Paris, Seuil, 1995, p. 199-207.
34. Concept emprunté à George Orwell (« Common Decency »), voir la définition et l’approche humaniste de Jean-Claude MICHÉA, Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Castelneau-le-Lez, Climats, 2002.
1. Le présent chapitre est le lointain avatar d’un premier essai paru dans la revue Vingtième Siècle en 2007 (« La délation antisémite sous l’Occupation »). Ayant recentré mon propos sur Paris, j’ai repris le dépouillement systématique des quatre registres du courrier « arrivée » du CGQJ ayant été conservés (janvier 1942-août 1944, Paris), établi un nouvel échantillon de lettres et reconsidéré la plupart de mes analyses. Ainsi, 20 000 courriers reçus me paraissent aujourd’hui une estimation au mieux excessive, au pire erronée, et j’ai sans doute sous-évalué la part des délations anonymes, mon échantillon de 2007 étant alors surtout composé de lettres adressées directement à Vallat et Darquier de Pellepoix à Vichy par des militants antisémites.
2. Le substantif de delator, accusateur sous la République romaine, prend une acception dépréciative sous l’Empire, afin de qualifier certains accusateurs, vils et intéressés. Yann RIVIÈRE, Les Délateurs sous l’Empire romain, Rome, École française de Rome, 2002, p. 27.
3. Christiane KOHSER-SPOHN, « Théories et pratiques de la dénonciation (1789-1793) : analyse d’un exemple », in Friso ROSS, Achim LANDWEHR (eds.), Denunziation und Justiz. Historische Dimensionen eines sozialen Phänomens, Tübingen, Edition Diskord, 2000, p. 78.
4. Encart publié dans plusieurs numéros d’Au Pilori entre 1940 et 1944.
5. Sur ce problème, voir S. FITZPATRICK, R. GELLATELY, art. cit., p. 763-766. Notons qu’en droit, la notion de délation n’existe pas. La dénonciation est une information qui désigne l’auteur supposé d’un crime ou d’un délit. La non-dénonciation peut, dans certaines conditions, être punie, de même que la dénonciation calomnieuse. Voir Jean-François GAYRAUD, La Dénonciation, Paris, PUF, 1995, qui avance une distinction historique et juridique dénonciation/délation peu convaincante.
6. La dénonciation de juifs, comme celle visant les personnes écoutant la radio étrangère, ne comprend que rarement l’expression de mobiles affectifs (croyance dans le nazisme, dévotion pour Hitler, etc.), d’après les lettres consultées par Robert GELLATELY, Avec Hitler. Les Allemands et leur Führer, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Flammarion, 2003 (1re éd. 2001), p. 186-191, p. 255-259.
7. Qui est donc un particulier. On ne parle pas de dénonciation entre organismes mais de transmission, d’échange d’informations.
8. Autrement dit, d’inscrire son « affaire dans un dispositif civique ». Luc BOLTANSKI, L’Amour et la Justice comme compétences. Trois essais de sociologie de l’action, Paris, Métailié, 1990, p. 95.
9. APP, GA G2, dossier no 226 610, lettre anonyme, 1943.
10. « Ne croyez-vous pas, Monsieur, qu’une petite leçon de terreur lui serait profitable ? », écrit par exemple une dame Demolière à Xavier Vallat au sujet d’une patiente juive d’un sanatorium dont elle dénonce l’oisiveté et les supposés abus. CDJC, CCXXXIX-143, lettre du 16 février 1943. Lettre transmise par Vallat à la police des Questions juives.
11. AN, AJ38 6, lettre anonyme adressée à Darquier de Pellepoix, 20 juin 1942.
12. AN, AJ38 160, Zina Brauda, lettre anonyme, 20 octobre 1943. L’enquête provoque l’arrestation de Mme Brauda, qui n’a pas été déportée.
13. Sur les notions de « dénonciateur », d’« informateur » et d’« indicateur », voir L. JOLY (dir.), La Délation dans la France des années noires, op. cit., p. 18.
14. CDJC, XXXVIII-108, lettre anonyme envoyée au CGQJ, s. d.
15. Ainsi, Charles Trenet, attaqué par la presse collaborationniste sur la foi d’une rumeur (le pseudonyme Trenet serait l’anagramme de Netter) : une enquête est demandée par les autorités allemandes au CGQJ, prié de vérifier, en juillet 1944, les quatorze pièces que le chanteur a dû fournir pour prouver son ascendance authentiquement « aryenne » (AN, AJ38 191).
16. Âgé d’une soixantaine d’années, administrateur d’une fabrique de cuir, Alexandre Douaud se persuade ainsi que ses collègues du conseil d’administration œuvrent en faveur des anciens propriétaires juifs. Au printemps 1942, des articles paraissent dans Au Pilori pour dénoncer cette « influence juive » persistante. Douaud écrit par ailleurs au CGQJ et aux services d’occupation pour dénoncer ses rivaux, « agents appointés du Gaullisme, et du Judaïsme […], les pires ennemis de l’esprit de collaboration ». AN, Z6 583, dossier no 4981, lettre à Kurt Blanke, du MBF, 6 juillet 1942. Bien que Douaud ait échoué dans son entreprise, les plaignants, non juifs, considèrent avoir encouru des risques du fait de son acharnement. Il est condamné à un an de prison en mai 1948.
17. « Tribune de La Libre parole », La Libre Parole, 11 mai 1892.
18. Archives israélites, 3 janvier 1895.
19. Sur La Libre Parole et ses méthodes, voir Grégoire KAUFFMANN, Édouard Drumont, Paris, Perrin, 2008, p. 237-279.
20. Voir p. 158.
21. CDJC, XId-163, lettre de Sézille à Vallat, 1er août 1941.
22. AN, AJ38 19, lettre de Henriot à Darquier, 24 septembre 1942. L’année précédente, il déplorait pourtant dans Gringoire les appels à la délation contre les « accapareurs » et le marché noir : « Croit-on que l’esprit d’envie entretenu par les privations ne soit pas suffisamment développé ? Trouve-t-on que la dénonciation […] s’accorde avec le caractère français ? » (Philippe HENRIOT, « Les tickets de la délation », Gringoire, 13 juin 1941, cité par A. HALIMI, La Délation sous l’Occupation, op. cit., p. 134).
23. Dix-huit proviennent de « La Rose des Vents », émission de Radio-Paris donnant la parole aux auditeurs ; neuf de la Milice ; sept de l’IEQJ et du Groupement des amis antijuifs ; six du PPF ; trois d’Au Pilori ; deux de Je suis partout ; une du Rassemblement national populaire, de l’Association des journalistes antijuifs, de la Légion des volontaires français et de l’Association des femmes françaises. Le principal pourvoyeur de délations est donc « La Rose des Vents ». En mai 1943, le directeur de cabinet de Darquier de Pellepoix, Joseph Antignac, remercie ainsi l’office : « Je suis heureux de constater votre dévouement à la cause qui nous est commune, et je vous remercie tout particulièrement de votre collaboration bénévole et constante. » AN, AJ38 159, lettre d’Antignac à « La Rose des Vents », 24 mai 1943.
24. AN, Z6 1376 à 1379, scellés nos 10 à 13, registres du courrier « arrivée » dits « L », du 12 janvier 1942 au 30 août 1944.
25. Dirigé de mai 1942 jusqu’à la Libération par un contrôleur des PTT à la retraite (AN, AJ38 6305, dossier Pierre Forcade), ce service emploie vingt agents en 1942, trente en 1944, avant tout des femmes, affectées à l’ouverture des enveloppes, à la lecture et l’analyse des lettres sur les registres, à la rédaction de fiches, au classement, aux recherches, etc.
26. À Paris, le CGQJ s’est greffé en juin 1941 sur une entité préexistante, le service de contrôle des Administrateurs provisoires (SCAP), créé en décembre 1940 par le secrétariat d’État à la Production industrielle. Principale direction du commissariat, rebaptisée direction générale de l’Aryanisation économique (DGAE) en 1942, le SCAP conserve une réelle autonomie (courrier, fichier central dactylo, etc.). C’est ce qui explique le double enregistrement du courrier que l’on peut constater. « Semblable superposition de deux organismes à fonctions parallèles » n’est « ni pratique ni logique », déplore encore un cadre du CGQJ en avril 1944. Papiers privés du Paty de Clam, rapport de Robert Duquesnel sur l’organisation des divers services d’ordre du CGQJ, 21 avril 1944.
27. Enregistré sur catalogue spécial avec l’indicatif « S.C. » puis acheminé, par porteur, à la direction de la SEC située au 8, rue Greffuhle puis au 17, rue Notre-Dame-des-Victoires.
28. AN, AJ38 2, note pour le service du courrier, s. d., 1942-1943.
29. Dans le même temps, nous avons relevé 53 courriers portant un indicatif autre que « L » (« A », « D » ou « F », correspondant aux registres de l’Aryanisation économique) et 33 sans indicatif (il s’agit de lettres personnellement adressées à Vallat, Darquier, etc., et non enregistrées). L’essentiel de ces lettres ont été retrouvées dans les archives du cabinet, principalement la correspondance générale et les dossiers thématiques (AN, AJ38 3 à 70) ainsi que, surtout, les dossiers individuels (AJ38 152 à 194, environ 10 000 noms). Ce dernier ensemble a, à tort, été inventorié comme relevant de la direction du Statut des personnes. Il s’agit en réalité d’une série de fiches et dossiers nominatifs constitués par la direction du cabinet et des archives, pour l’essentiel à partir des correspondances reçues. Dans le cadre de notre thèse sur le CGQJ, nous avions identifié ce fonds comme représentant la principale source de lettres de dénonciation conservées dans la sous-série AJ38 (environ 300 pièces). Nous avons retrouvé d’autres lettres dans les archives du commissariat mises sous scellés par la justice de la Libération (sous-série Z6) et dans les fonds du CDJC.
30. Il faudrait consulter les milliers de dossiers relatifs à la spoliation (ce que nous n’avons que très partiellement fait) pour retrouver d’autres lettres et affiner nos estimations, notre échantillon de 206 délations se composant en grande partie de lettres archivées par la direction du cabinet.
31. Et ce d’autant plus qu’il n’est pas toujours aisé de caractériser une lettre de délation. Ainsi, les lettres reçues par Darquier de Pellepoix à l’occasion de sa nomination à la tête du CGQJ se décomposent souvent en trois temps : félicitations ; propos généraux contre les juifs ; petite dénonciation… D’autre part, il va de soi que nous ne tenons compte, pour notre estimation, que des lettres adressées directement au commissariat – et non de celles transmises par d’autres administrations, par exemple cette missive initialement destinée au secrétaire d’État au Travail par un ouvrier dénonçant la présence d’un juif dans l’entreprise de tissus imperméables qui l’emploie : « Il existe encore des Juifs qui réussissent à se faufiler dans les sociétés pour tuer le pauvre ouvrier, père de famille » (CDJC, CCXXXIX-3, lettre de Fernand Affre à René Belin, 21 mars 1942, transmise au CGQJ).
32. Voir p. 40, 70. Bien d’autres dénonciations consécutives au communiqué du CGQJ ont été enregistrées dans les registres spécifiques à l’Aryanisation économique. Par exemple : « J’ai vu sur le Matin du 14 courant qu’il fallait vous faire savoir les locaux ou les juifs sont parti. Je viens vous signaler au 42 de la rue d’Enghien » (CDJC, XXXVIII-98, lettre anonyme enregistrée le 17 janvier 1943 sous l’indicatif « D » [renvoyant au registre correspondant]).
33. Avec cependant quelques pics – en décembre 1943 (30) et surtout en janvier 1944 (39) – dus sans doute aux rancœurs suscitées par un hiver rigoureux et la pénurie persistante.
34. Moyenne mensuelle de 52. Si l’on retire de notre comptage le mois de janvier 1943, exceptionnel, on obtient un total de 480 dénonciations pour les onze mois suivants, soit une moyenne mensuelle de 44.
35. AN, Z6 1379, scellé no 13, registre « L » commencé le 1er août 1944, enregistrement no 9 469.
36. AN, AJ38 160, Zina Brauda, lettre anonyme, 20 octobre 1943.
37. AN, AJ38 180, Esther Magnan, lettre anonyme enregistrée le 28 octobre 1943.
38. Avec une étonnante constance dans le temps : 276 sur 400 (69 %) en 1942 ; 356 sur 508 (70 %) en 1943 ; 146 sur 210 (encore 70 %) en 1944.
39. CDJC, XXIX-145, lettre d’un administrateur provisoire au CGQJ, 7 octobre 1942.
40. Même constat dressé par Patrice BETBEDER, « Dénoncer à Paris durant la Seconde Guerre mondiale », in Jean-Paul BRODEUR et Fabien JOBARD (dir.), Citoyens et délateurs. La délation peut-elle être civique ?, Paris, Autrement, 2005, p. 72, qui détermine 30 % de femmes parmi les auteurs de lettres de délation figurant dans les archives de la préfecture de Police de Paris. R. GELLATELY, Avec Hitler, op. cit., signale également la forte représentation des hommes.
41. « Le mouchardage n’étant pas dans mon tempérament, j’ai hésité un peu à vous signaler le cas suivant mais je me souviens de ce que vous nous disiez rue Laugier [le 12, rue Laugier à Paris abritait le Rassemblement antijuif de Darquier]. […] Voilà, il s’agit d’un certain HIRCH OLLENDORF 97, Bd de la République à St Cloud. Ce gaillard était un membre de l’Aéro Club de France et en son temps j’ai eu avec lui de grosses prises de bec […]. J’ai rencontré ce gros type, toujours aussi gras et rose et sans la moindre étoile à la terrasse d’un café et en me voyant il avait un peu l’air de se payer ma tête. Ne pourrait-on pas “étoiler” ce gars-là », écrit ainsi un dénommé R. Allaire, greffier de la justice de paix, à Darquier de Pellepoix (AN, Z6 1387, scellé no 41, lettre du 24 octobre 1942). L’intéressé, Gilbert Hirsch-Ollendorff, petit-fils du célèbre éditeur Paul Ollendorff, directeur commercial de la Compagnie des phosphates tunisiens, est finalement arrêté par la SEC en août 1943 (après une première enquête six mois plus tôt puis une expertise « ethno-raciale » concluant à son « appartenance à la race juive »), comme étant en infraction avec « toutes les ordonnances allemandes ». AN, Z6 1387, scellé no 41, rapport de l’inspecteur Jean Bonzans, 6 août 1943. Il a semble-t-il évité l’internement à Drancy (le commissaire Permilleux l’a probablement libéré). Résistant sous le nom de Gilbert Grandval, son nom officiel à partir de 1946, Hirsch-Ollendorff a été un diplomate important et le ministre du Travail du général de Gaulle de 1962 à 1966.
42. AN, AJ38 163, André Cohen, lettre de M. Briffaud à Darquier de Pellepoix, 29 mai 1942.
43. Voir p. 73-75. L’original de cette dénonciation ouvre le cahier photo.
44. AN, AJ38 163, Cuip, carte postale de Roland Bouvant au CGQJ enregistrée le 2 mai 1944. Dénonciation classée sans suite.
45. AN, AJ38 6, lettre anonyme, 25 juin 1943. Classée.
46. C’est sans doute un minimum, car la plupart des lettres anonymes ne recèlent aucun indice quant à leur auteur et certains délateurs juifs peuvent emprunter au registre antisémite pour plus d’efficacité. Ainsi, Michel L., finalement acquitté par la cour de justice de la Seine. Tailleur, juif français d’origine roumaine, il dénonce des voisins, les Sarfu, juifs roumains non déclarés, lesquels, justifiera-t-il à la Libération, s’enrichissaient en commerçant avec les Allemands et, surtout, lui auraient promis de s’entremettre afin d’obtenir la libération de son fils prisonnier de guerre (le mari travaillait comme interprète pour les Allemands et aurait commandé à L. un costume en échange de son intervention…). En avril 1942, il adresse à la préfecture de Police de Paris le billet suivant, signé « PILORI » : « JUIFS, NON DÉCLARÉS, ROUMAINS, JACQUES SARFU, 8 SQUARE ALBIN-CACHOT PARIS XIIIe TROUVABLE À L’AUBE. » AN, Z6 129, dossier no 1818, délation anonyme. Convoqué à plusieurs reprises au « service juif » de la PP et au CGQJ, Sarfu parvient, à coup de faux documents et de pots-de-vin, à faire surseoir son dossier jusqu’à l’été 1944. Voir notamment AN, AJ38 170, Sarfu.
47. AN, AJ38 172, Herscovici, lettre de dénonciation, 27 septembre 1941.
48. « Ce n’est pas en envoyant chez elle un inspecteur comme la dernière fois à qui elle montrera son étoile cousue sur un costume qu’elle ne met jamais ! Qu’on lui donne un sérieux avertissement », ajoute-t-elle. AN, AJ38 6, lettre anonyme enregistrée le 2 septembre 1943. Malgré la précision de l’information, la lettre est classée (une enquête de la SEC, infructueuse, ayant déjà eu lieu). Épouse de prisonnier de guerre dénonçant une autre épouse de prisonnier de guerre, la délatrice obtiendra néanmoins satisfaction : au début d’octobre 1943, Germaine Cohen, née en 1910, en vérité en « instance de divorce » (AN-CDJC, F9 5608, fiche « contrôle », 1941), sera arrêtée, semble-t-il par la « brigade Permilleux », détenue à Bassano puis déportée (comme d’autres femmes de prisonniers de guerre juives) dans le convoi no 80 à destination de Bergen-Belsen, d’où elle est revenue.
49. CDJC, XXXVIII-99, lettre au CGQJ, 14 juillet 1943. Nous avons pu identifier l’auteur de cette lettre : cordonnier, de nationalité turque, s’étant engagé volontaire dans l’armée française en 1939, Michon Levy avait été arrêté en août 1941 dans le cadre de la rafle du 11e arrondissement, interné à Drancy puis libéré un an plus tard. Sa délation (classée sans suite) ne lui a pas porté chance. Lui-même dénoncé quelques semaines plus tard à la Gestapo, il a été appréhendé à son domicile (41, rue Bréguet dans le 11e arrondissement) par des inspecteurs de la « brigade Permilleux » (AN-CDJC, F9 5619 et F9 5711, fiche « contrôle » et fiche « Drancy »). Déporté en décembre 1943, Michon Levy n’est pas revenu d’Auschwitz.
50. Le mari d’une dentiste « empêchée de continuer » écrit ainsi à Xavier Vallat : « J’admire votre justice et suis tout à fait pour vous même étant Juif, ma famille date des croissade, mon frère est mort à cette guerre, mes deux frères prisonniers. » AN, AJ38 165, Dreyfus Ernestine, lettre anonyme, juin 1941.
51. Écartons d’emblée la catégorie fourre-tout des « accusations diverses » (contentieux personnels souvent inextricables, escroqueries supposées, juifs accusés de gaullisme ou de marché noir, etc.), qui représentent près de 20 % de notre échantillon (120).
52. L’analyse des lettres est plus ou moins bien faite selon l’employé en charge du registre (l’écriture change régulièrement).
53. Henri NAHUM, La Médecine française et les juifs 1930-1945, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 331-339.
54. AN, AJ38 158, Blanchet, lettre à Vallat, 1er juillet 1941 ; réponse du 4 juillet 1941. « Je vous signale (aussi bien dans l’intérêt de la communauté française que ce que je considère comme un simple acte de justice envers moi-même) un sujet hongrois juif […] », écrit un autre délateur. Le passage en italique est souligné en gras dans l’original, avec un énorme point d’exclamation dans la marge, suivi de cette remarque : « Dénonciation à classer » (AN, AJ38 179, Lieberman, lettre datée du 20 août 1941). À une commerçante indignée qui sollicite le CGQJ au sujet d’un contentieux avec un juif, un rédacteur du cabinet répond sarcastiquement : « Je vous informe qu’il ne m’est pas possible d’intervenir dans des différends d’ordre purement commercial entre une société, même juive, et votre maison […]. C’est [au tribunal de commerce] que précisément je dois laisser le soin de statuer, puisque, comme vous le dites, une ère de justice est ouverte » (AN, AJ38 156, Belle, lettre du CGQJ, 21 juillet 1941).
55. AN, AJ38 181, Massart, lettre du cabinet du CGQJ, 7 octobre 1941.
56. Voir Tal BRUTTMANN, « La délation, un instrument au service de l’“aryanisation” ? », Archives juives, no 46/1, 2013, p. 35-44.
57. AN, AJ38 55, Balthazard, lettre de Vallat, 27 octobre 1941.
58. P. FOURNIER, La Délation des Juifs à Paris pendant l’Occupation, op. cit., p. 213.
59. Durant la Campagne de France, il s’est distingué par sa « bravoure personnelle légendaire ». AN, AJ38 6278, dossier Joseph Antignac, citation à l’ordre de l’armée (septembre 1942).
60. Papiers privés famille Capèle d’Hautpoul, lettre d’Antignac à Gaston d’Hautpoul, 17 janvier 1942.
61. Dans cette même lettre à son ami, il accumule les clichés en faveur de la collaboration, louant l’Allemagne nazie de faire le « sale boulot » en débarrassant l’Europe du communisme. Idem. Un autre ami le croise par hasard à Paris en mai 1943 paradant au bras de sa maîtresse : « Il est européen à fond et a essayé de me convaincre » (Papiers privés famille Capèle d’Hautpoul, lettre du lieutenant X. à Gaston d’Hautpoul, 22 mai 1943). Merci à M. René de Laportalière qui m’a transmis copie de cette correspondance privée.
62. AN, AJ38 322, note de service du 22 janvier 1943.
63. CDJC, LXI-122, texte du discours d’Antignac, 1er juin 1944.
64. Dominique ALBERTINI, David DOUCET, Histoire du Front national, Paris, Tallandier, 2013, p. 85-86.
65. AN, Z6 1385, scellé no 75, lettre de Gérard au MBF, 15 mars 1943.
66. AN, Z6 1384, scellé no 66, notes du cabinet à la SEC, 26 mai et 18 juin 1943.
67. AN, Z6 1384, scellé no 66, rapport de la SEC, 21 juin 1943.
68. Centre des archives contemporaines (désormais, CAC), 890158/13, audition d’Édouard M., 18 juin 1949.
69. AN, Z6 1384, scellé no 66, version française de la lettre d’Antignac à Röthke, 1er juillet 1943.
70. Nous renvoyons à notre chapitre sur la SEC, in Vichy dans la « Solution finale ». Histoire du commissariat général aux Questions juives (1941-1944), Paris, Grasset, 2006, p. 623-643.
71. Appels téléphoniques, lettres adressées au local de la SEC (8, rue Greffuhle puis 17, rue Notre-Dame-des-Victoires) qui, rappelons-le, possède son propre service du courrier, etc.
72. Liée au « service juif » de la Gestapo, la PQJ utilisait les services de sept « informateurs » juifs, pourvus d’une carte officielle. APP, BA 2436, liste de sept « informateurs possédant une carte », PQJ, accord du service IV-J (« service juif » de la Gestapo), février 1942. Les mêmes individus sont également notés comme informateurs de la 3e section des RG sur les milieux juifs communistes. APP, KB 13, dossier d’épuration Jean Bottreau, rapport de la PP, 14 janvier 1946. De manière évidente, la SEC continue de s’appuyer sur des informateurs juifs, surtout en 1944. Plusieurs opérations notées, dans les rapports, comme de « voie publique » s’avèrent avoir été réalisées avec l’aide d’indicateurs, notamment à Belleville. Ainsi pour les affaires suivantes : AN, AJ38 1154, rapports de la SEC 4, 6 et 7 mars 1944 (arrestations de Sura Cyrklewicz, Fajgla Sztybel, Germaine Ryza, Simon Barancic).
73. Une dénonciation enregistrée en février 1944 (« étant un français avant tout et considérant que la vie est bien difficile a vivre actuellement je me fait un devoir de dénoncer […] armand cahnet […] ») est ainsi classée, bien que trois adresses (celles de la maîtresse et du frère de l’intéressé ainsi que son lieu de travail) soient indiquées. Elle est reprise en juin 1944 par le cabinet, et une enquête est demandée à la SEC, sans suite visiblement (AN, AJ38 161, Cahnet, lettre anonyme, 17 février 1944 ; note du cabinet à la SEC, 6 juin 1944). Autre exemple : AN, AJ38 156, Raoul Baschung, lettre de délation, 20 février 1944 ; rapport de la SEC, 26 mai 1944 ; note du cabinet, 24 juillet 1944, incitant, malgré des résultats peu probants, à pousser l’enquête « autant que possible »…
74. AN, Z6NL 6954, dossier Permilleux, audition de Jean Bonzans, 21 avril 1948.
75. Sur cette logique de « triomphe des vaincus », mise en valeur pour la Shoah par les travaux de Saul Friedländer, Philippe Burrin ou Florent Brayard, voir la récente synthèse d’Abram DE SWAAN, Diviser pour tuer. Les régimes génocidaires et leurs hommes de main, traduit du néerlandais par Bertrand Abraham, Paris, Seuil, 2016 (1re éd. 2014), p. 142-143, p. 209-232.
76. Voir le Mémorial des victimes civiles mis en ligne par le Centre de recherche d’histoire quantitative de Caen (http://www.crhq.cnrs.fr/). Je dois cette information à un généalogiste amateur, Laurent Roy, que je remercie.
77. AN, AJ38 157, Paul Berger, lettre anonyme, décembre 1943.
78. AN, AJ38 157, Paul Berger, rapport de la SEC, 30 décembre 1943.
79. En outre, la plupart des « informations » exploitées par la SEC lui ont directement été adressées et n’émanent donc pas du cabinet.
80. Sur Bouvyer, ses liens avec Mitterrand et sa liaison avec la sœur de ce dernier à partir de 1941, voir Pierre PÉAN, Une jeunesse française. François Mitterrand, 1934-1947, Paris, Fayard, 1994, p. 101-110, 223-230, 533-561.
81. Voir particulièrement AN, Z6 1387, scellé no 55, environ 45 pour les mois de juin et surtout juillet 1942 ; scellé no 53, une trentaine de lettres transmises par le CGQJ à la PQJ/SEC Paris en août et septembre 1942 ; scellé no 52, une dizaine de lettres transmises par le CGQJ à la SEC du 15 au 30 septembre 1942 ; scellé no 51, une douzaine transmises en septembre 1942 ; scellé no 54, une trentaine pour le mois d’octobre 1942.
82. AN, AJ38 170, Paul Goutmann, lettre de dénonciation, 28 septembre 1943 ; note du cabinet à la SEC, 30 septembre 1943 ; rapport de la SEC, 28 octobre 1943.
83. Dans les rapports, près des deux tiers des arrestations sont notées comme ayant été réalisées sur la « voie publique », le reste l’étant sur « information ». En vérité, la part de la délation dans l’origine des enquêtes est plus importante (probablement la moitié des arrestations donc). Bien des rapports truquent la réalité, mentionnant un vaste travail d’initiative, afin de justifier les frais de mission correspondants, alors que l’enquête a été menée sur une simple « information ».
84. AN, AJ38 203, rapport de la SEC destiné au commissaire Permilleux, 16 janvier 1943.
1. Dont le titre est bien sûr un écho au grand livre de Jan T. GROSS, Les Voisins. Un massacre de Juifs en Pologne, 10 juillet 1941, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Fayard, 2002 (1re éd. 2000). Une première version de ce texte a été publiée sous un intitulé différent (« Contextes sociaux de la dénonciation des Juifs sous l’Occupation ») dans la revue Archives juives en 2013 (no 46/1). Il se trouve ici entièrement revu et enrichi de nombreux compléments.
2. Michel FOUCAULT, « La vie des hommes infâmes », Les Cahiers du chemin, no 29, 15 janvier 1977, in Dits et écrits 1954-1988, t. 2, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, p. 239-242.
3. L. BOLTANSKI, L’Amour et la Justice comme compétences, op. cit., p. 267.
4. Correspondant, rappelons-le, à environ 6 000 dossiers, puisque plusieurs personnes sont parfois inculpées dans la même affaire.
5. Sur cette source voir p. 20, 180 (note 23), 208-209 (note 4).
6. Plusieurs exemples dans notre corpus de 206 dénonciations adressées au CGQJ étudié dans le chapitre précédent. Ainsi cette « ennemie des Juifs » qui signale dès juin 1942 des « youpains tenant encore leur commerce » et ne portant pas « leur étoile, pourquoi !! » dans son voisinage de la rue Oberkampf. AN, AJ38 6, lettre anonyme enregistrée le 27 juin 1942 (classée).
7. AN, Z6 189, dossier no 2372, déposition d’Ernest Nivault, 30 juin 1945.
8. AN, Z6 189, dossier no 2372, procès-verbal d’interrogatoire et de confrontation, 30 juin 1945.
9. Voir p. 117-118.
10. Ou, pire, à la « Gestapo » et son « service juif ». Voir le chapitre 3 sur l’affaire Annette Zelman.
11. Voir le bel article de François ROUQUET, « Le Corbeau de Henri Georges Clouzot ou la délation projetée », in L. JOLY (dir.), La Délation dans la France des années noires, op. cit., p. 225-242, p. 349-351.
12. AN, Z6 40, dossier no 681, plainte de Georges Ullmann, 6 septembre 1944.
13. AN, Z6 40, dossier no 681, déposition de Fernand Cayrou, 27 février 1945.
14. Un jour, quelqu’un appose une pancarte « Vendu aux Boches » dans les locaux de l’entreprise.
15. APP, BA 2433, notes sur l’« Arrestation des Juifs de nationalité hellène », 3 novembre 1942.
16. AN, Z6 75, dossier no 1163, déposition du gardien de la paix Gérard Masson, 7 février 1945.
17. AN, Z6 75, dossier no 1163, déposition de Léon Romano, 4 décembre 1944.
18. Témoignera son mari, qui a survécu à la déportation (arrêté en mai 1941, il avait été déporté de Beaune-la-Rolande le 28 juin 1942). AN, Z6 455, dossier no 4427, déposition de Szyja Rotsztejn, 23 janvier 1947.
19. L’enfant sera épargné. Notons que l’arrestation de la mère s’inscrit dans le cadre d’une opération, menée le 23 août 1942 par le brigadier-chef Sadosky et la 3e section des Renseignements généraux, qui conduit au total à l’arrestation d’une vingtaine de parents venus visiter leurs enfants recueillis par l’UGIF.
20. AN, Z6 455, dossier no 4427, rapport de police, 17 novembre 1946, déclaration de Roger Weber.
21. Selon la formule d’un policier, AN, Z6 455, dossier no 4427, exposé de renvoi, 10 mai 1947.
22. Nous avons trouvé dans les archives du CGQJ trace d’une dénonciation à l’Einsatzstab Westen visant l’intéressé. L’enquête est menée par la SEC qui, on le sait, n’arrête que lorsqu’une infraction peut être constatée. Ouvrier chez Renault à Boulogne-Billancourt, Moguileski n’enfreint aucune ordonnance allemande ou loi française. Il n’est donc pas inquiété. AN, AJ38 182, Moguileski, rapport de la SEC, 24 mars 1943. Ayant échoué de ce côté, les Seel, très certainement auteurs de cette première dénonciation, se tournent vers le « service juif » de l’avenue Foch. Moguileski est arrêté en novembre 1943 sur ordre de la Gestapo par les inspecteurs Ernoult et Petit de la « brigade Permilleux ». Peu avant, il avait porté plainte pour dénonciation calomnieuse contre le couple (en mars 1944, Mme Seel sera condamnée à trois mois de prison et 1 200 francs d’amende). Déporté le 3 février 1944 (bien que « conjoint d’aryenne ») à destination d’Auschwitz, Raymond Moguileski a été gazé dix mois plus tard. AN, Z6 455, dossier no 4427, rapport de police, 17 novembre 1946.
23. AN, Z6 246, dossier no 2936, dépositions et interrogatoires, 1945-1946.
24. AN, Z6 76, dossier no 1165, interrogatoire de Madeleine D., 12 avril 1945.
25. Le hasard a permis de trouver trace de cette affaire dans les archives de la préfecture de Police de Paris. Voir Laurent JOLY, L’Antisémitisme de bureau. Enquête au cœur de la préfecture de Police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944), Paris, Grasset, 2011, p. 163-165.
26. AN, Z6 10, dossier no 164, plusieurs dépositions de voisins, décembre 1944. Mme R. sera acquittée en janvier 1945 par la cour de justice de la Seine. Le rapport du CGQJ n’évoque pas cette indication et mentionne mensongèrement une arrestation, d’« initiative », sur la voie publique (AN, AJ38 222, rapport du 10 mai 1944).
27. « Tous les biens appartenant à des Juifs doivent être déclarés avant huit jours », Le Matin, 14 janvier 1943.
28. AN, AJ38 6, lettres au CGQJ de Renée Buti et de Mme Roche, 28 et 17 janvier 1943.
29. AN, Z6 548, dossier no 4835, interrogatoire d’Alphonse T., 3 décembre 1946. Il est acquitté en janvier 1948.
30. AN, Z6 71, dossier no 1102, déposition de Clémence M., 16 juin 1945. En juillet 1945, Gueuziec est condamné aux travaux forcés à perpétuité (il sera libéré en 1950).
31. Lequel mari était d’ailleurs le seul homme de la société à s’être présenté à la visite médicale…
32. AN, Z6 98, dossier no 1463, déclaration de Mme Pinon, 6 septembre 1944.
33. AN, Z6 85, dossier no 1309, lettre de Lecourtois, 14 novembre 1942, retrouvée par la justice dans les archives du commandant militaire allemand en France (MBF).
34. AN, Z6 85, dossier no 1309, rapports de police, 1er septembre 1944, 15 février 1945, 26 mai 1945, comportant plusieurs témoignages de voisins.
35. AN, AJ38 6, lettre de Pal à « Mr le secrétaire général des Questions juives », 23 juillet 1941 ; réponse du CGQJ (rédigée par Robert Castille), 11 septembre 1941.
36. Sur cette procédure, voir L. JOLY, Vichy dans la « Solution finale », op. cit., p. 510-511.
37. AN, Z6 31, dossier no 544, lettre de Pal à Mme Mendelson, 28 novembre 1941.
38. AN, Z6 31, dossier no 544, lettre de Pal au juge d’instruction, 4 mars 1945 ; lettre de Mme Schou, 8 septembre 1944.
39. AN, Z6 97, dossier no 1444. Les deux délateurs supposés sont condamnés à respectivement deux et un an de prison (aucune preuve irréfutable n’étant apportée).
40. AN, Z6 75, dossier no 1154, déposition d’Aline Rouard, 7 avril 1945.
41. Edmond DUMÉRIL, Journal d’un honnête homme pendant l’occupation (juin 1940-août 1944), présenté et annoté par Jean Bourgeon, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1990, 14 juillet 1943, p. 299.
42. C’est le grand mérite du livre de Jacques SEMELIN, Persécutions et entraides dans la France occupée. Comment 75 % des juifs en France ont échappé à la mort, Paris, Seuil – Les Arènes, 2013, que de souligner les multiples facettes de la vie des juifs sous l’Occupation.
43. AN, Z6 156, dossier no 2150, rapport de police, 23 avril 1945.
44. AN, Z6 156, dossier no 2150, déposition de Szmül Medman, 13 septembre 1945. Une autre témoin raconte avoir été interrogée lors de chaque perquisition : « Comme j’étais Française, je n’ai pas été inquiétée, étant en règle et portant l’étoile » (déposition de Marie Bantchik, 8 septembre 1945) ; les quatre individus arrêtés, juifs polonais, n’avaient pas, comme elle, la chance d’être naturalisés.
45. AN, Z6 156, dossier no 2150, rapport médico-légal, 26 juin 1945.
46. Dont l’affaire a été évoquée une première fois par Françoise LECLERC, Michèle WEINDLING, « La répression des femmes coupables d’avoir collaboré pendant l’Occupation », Clio. Histoire, Femmes et Société, no 1, 1995, p. 141-142.
47. AN, Z6 113, dossier no 1634, déposition de Jeanne Toptcha, 4 août 1945.
48. AN, Z6 113, dossier no 1634, copie de la lettre de Mme Bonnefoy à son avocat, septembre 1945.
49. « Ne signant pas ma lettre (pour la 1re fois de ma vie) parce que, me disait-on, je n’en finirais pas d’être convoquée, dérangée », se justifie-t-elle à la Libération. Idem.
50. Recensées en 1940, dans les temps pour la mère (AN, F6 5632, fiche au nom de Sarah Adler mentionnant l’adresse de la rue Mounet-Sully, ajoutée au domicile initialement déclaré du 144, rue d’Avron, dans le 20e arrondissement), tardivement pour la fille (AN, F6 5635, fiche au nom de Raymonde Rachel Blauschild dite Dalia, mentionnant comme adresse le 106, rue Saussure, dans le 17e arrondissement), les deux femmes ne se sont pas soumises au recensement de contrôle d’octobre 1941. Ce qui explique aussi leur changement de domicile.
51. Jean-Paul MOREL, « Réponse de Jean Renoir à Louis-Ferdinand Destouches dit Céline », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, no 63, 2011, p. 101-102. Je dois cette référence à la curiosité de Grégoire Kauffmann.
52. Sur le contexte tendu du logement à Paris sous l’Occupation et la question de l’antisémitisme, voir Isabelle BACKOUCHE, Sarah GENSBURGER, « Très chers voisins. Antisémitisme et politique du logement, Paris 1942-1944 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 62-2/3, 2015, p. 172-199.
53. AN, Z6 113, dossier no 1634, copie de la lettre de Mme Bonnefoy à son avocat, septembre 1945.
54. AN, Z6 113, dossier no 1634, procès-verbal d’interrogatoire, 3 août 1945.